Les femmes, l’État et la révolution
Après la révolution de 1917, en Russie, les femmes ont acquis le droit de vote et d’éligibilité, de divorce, l’accès à l’avortement gratuit, et les tâches domestiques étaient socialisées.
Les luttes féministes à la veille de la Révolution russe
On ne peut pas comprendre le rôle majeur joué par les femmes dans la Révolution russe et leurs acquis sans connaître leurs velléités de lutte avant 1917.
Le groupe social constitué par les femmes n’est pas un groupe homogène, elles ne vivent pas les inégalités de la même manière selon la classe sociale dont elles sont issues. Et c’était vrai également en Russie au début du siècle dernier, où bien peu de points communs existaient entre la fille d’un moujik (paysan pauvre, encore soumis à un système de servage pourtant officiellement aboli en 1861), et la femme du Tsar ou d’un riche propriétaire terrien.
Au sein du groupe social des femmes, il existe donc de véritables inégalités. À l’oppression structurelle que subit l’ensemble des femmes, s’ajoutent l’exploitation pour les femmes travailleuses, le racisme pour certaines d’entre elles, etc.
Ce qui explique notamment que ce soient les femmes de l’industrie du textile qui aient allumé la mèche de la Révolution russe, à Saint-Petersbourg.
Avant 1914, dans la pratique, les différents féminismes se sont parfois retrouvés et ont lutté ensemble, mais l’égalité formelle des droits était un but en soi pour les féministes bourgeoises, tandis que les féministes ouvrières ont toujours eu des revendications qui allaient au-delà de la simple égalité formelle, qui ne signifie pas égalité réelle ni émancipation, puisque, comme on l’a vu, le sexisme est structurel, et les lois n’y changent rien.
Il existe plusieurs exemples historiques des luttes qu’ont pu mener ensemble, et jusqu’à un certain point, les femmes bourgeoises et prolétaires. Dans les périodes de lutte des classes plus intenses, c’est-à-dire lorsque l’affrontement entre les classes (bourgeoise et prolétaire) est plus direct, l’antagonisme apparaît de manière plus évidente. On s’aperçoit alors véritablement que les intérêts diffèrent pour les femmes bourgeoises et les femmes prolétaires.
C’est en particulier avec l’industrialisation et la prolétarisation des femmes, notamment intégrées massivement à l’industrie du textile, que se révèle plus ouvertement l’antagonisme de classe et que le front de lutte pour l’émancipation des femmes se divise.
Mais en période de guerre, dès 1914, alors que les hommes sont envoyés par milliers au front, les femmes intègrent en masse les usines, les administrations, etc. Leurs conditions de vie deviennent réellement insupportables. Enfin, elles sont confrontées au quotidien à la mort de leurs proches, le taux de bébés morts-nés croît énormément et le nombre de personnes atteintes de maladies mentales augmente conséquemment. Dès 1915 en Russie et ailleurs, de nombreuses révoltes de femmes, contre la guerre et l’inflation, ainsi que plusieurs grèves dures, secouent les pays belligérants.
La guerre et l’internationalisme
Au sein des différents courants féministes internationaux, le déclenchement de la Première Guerre mondiale révèle ouvertement les désaccords d’ordre stratégique. L’aile la plus progressiste du « féminisme bourgeois » s’allie parfois aux sociaux-démocrates de la IIe Internationale dans l’activité au quotidien, mais s’allie toujours aux partis libéraux en dernière instance. C’est pourquoi au début du XXe siècle, les luttes féminines radicales pour le droit de vote sont mises en échec par la déclaration de guerre : à cause de la répression et de la censure des gouvernements, mais aussi et surtout parce que les organisations féministes bourgeoises se mettent au service de leur patrie. Les bourgeoises d’un pays s’affrontent aux bourgeoises d’un autre pays, dans une logique de repli des bourgeoisies nationales. La Première Guerre mondiale marque la fin de la tradition internationaliste du mouvement féministe bourgeois.
Dans le même temps, les partis socialistes sont les premiers à revendiquer l’incorporation des femmes à la production et des droits démocratiques (comme le droit de vote, ajouté à leurs revendications en 1904). Mais il existe chez les socialistes des débats profonds et des désaccords. Certains pensaient que le droit de vote était la condition ultime de libération des femmes, ou encore que les femmes devaient rester au foyer.
Tous ces débats sur le programme des socialistes pour émancipation des femmes sont le reflet du combat entre révolutionnaires et réformistes.
La pointe avancée de la lutte contre l’aile droite de la IIe Internationale sont notamment Rosa Luxembourg et Clara Zetkin, qui organisent des conférences internationales des femmes socialistes. Clara Zetkin participe également activement à l’élaboration d’un journal destiné aux femmes travailleuses qui gagne beaucoup d’influence. La polarisation est à son comble chez les socialistes lors du vote des crédits de guerre par une partie d’entre eux (l’aile droite).
Par ailleurs, c’est Clara Zetkin qui propose d’instaurer une journée internationale de mobilisations et de grèves pour les droits de femmes au cours de la conférence internationale des femmes socialistes en 1910.
Du 26 au 28 mars 1915 a lieu la 3 ? Conférence internationale des femmes socialistes à Berne (70 femmes de différents pays). Il s’agit de la première conférence socialiste dont le thème central était l’opposition à la guerre en cours et où a été votée la condamnation de la guerre impérialiste avec le mot d’ordre « Guerre à la guerre ». Et cette conférence des femmes socialistes a lieu six mois avant la conférence de Zimmerwald, bien plus connue, qui réunira notamment Lénine et Léon Trotsky et qui condamnera également la guerre impérialiste en cours.
L’internationalisme et la lutte contre la guerre ne sont alors plus défendus que par le socialisme révolutionnaire.
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