Nestor Makhno BD, film documentaire, archives


Re: Nestor Makhno BD, film documentaire, archives

Messagede bipbip » 07 Oct 2017, 13:21

Rouen samedi 7 octobre 2017

Nestor Makhno, un paysan d’Ukraine

Portrait de l’anarchiste Nestor Makhno qui est à l’initiative des premières communes libertaires autogérées en Ukraine, des soviets libres. Nestor Makhno défend les pauvres, la culture et la liberté, en 1917, il exproprie les aristocrates et les terres deviennent propriété sociale, un agriculteur ne pouvant posséder que la superficie qu’il peut cultiver seul sans salarié. Cette insurrection libertaire dans les terres cosaques est une des plus exemplaires réalisations de l’idéal anarchiste communiste, portée par la population, sur sa terre.

Événement proposé par la librairie l’Insoumise à 15h au 125 rue Saint Hilaire à Rouen.

https://a-louest.info/Nestor-Makhno-un- ... kraine-195
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Re: Nestor Makhno BD, film documentaire, archives

Messagede bipbip » 16 Nov 2017, 23:14

Nestor Makhno : passé-présent d’une légende

■ Quiconque s’intéresse à la question du devenir historique sait que la construction du récit dominant appartient toujours aux vainqueurs. L’histoire de Makhno en est l’exemple même. Dans la défaite, celle de la cause libertaire d’une révolution qu’on supposa conseilliste, le cynisme bolchevique le transforma en bandit de grand chemin, en criminel assoiffé de sang, en pogromiste même. Sans autre souci de vérité que celle qu’octroie le pouvoir absolu de la fixer unilatéralement, sans contestation possible et pour la suite prévisible des jours, à savoir l’éternité bureaucratique de la contre-révolution triomphante.

Dans ce dédale des métamorphoses, la contre-histoire joua son rôle, mais il fut minime. Comment ne l’aurait-il pas été, d’ailleurs, en regard du déconcertant mensonge massivement véhiculé par l’appareil d’État dit soviétique ? C’est dans cette catégorie critique que se situe le Makhno de Malcolm Menzies – recensé ici par Freddy Gomez. Sa singularité, cela dit, tient à la défiance naturelle que l’auteur, qui est un écrivain, manifeste vis-à-vis de toute démarche laudatrice. Il s’intéresse à son personnage pour ce qu’il est, « un homme parmi les hommes », qui, né paysan d’Ukraine et porté par une idée parfois confuse de l’anarchie, parvint à lever une armée de partisans et à mettre en déroute les Blancs et les Rouges. Pour un temps certes court, celui que dure l’espérance révolutionnaire, mais sur un territoire assez largement acquis à sa cause.

Makhno fut aussi craint de ses ennemis qu’admiré de ses partisans. Les uns et les autres, les uns contre les autres, contribuèrent à tisser sa double légende, noire et lumineuse. Gouliaïe-Polié, son village de naissance, demeure le bout du monde de cette révolution dans la Révolution. Pour s’y rendre, il faut quelque hardiesse. À l’été 2008, Sarah Gruszka [1], jeune étudiante passionnée de Russie, tenta l’aventure et en ramena un « Retour de Gouliaïe-Polié… », qu’elle publia dans le n° 1530 (23 au 29 octobre 2008) du Monde libertaire. Donné ici dans une version remaniée, ce récit de voyage est, par ailleurs, complété de considérations actuelles sur l’intérêt que suscite toujours, neuf ans plus tard, du côté des historiens, la figure de Makhno, mais aussi sur l’étrange devenir de sa mémoire en République indépendante d’Ukraine. Quand le « bandit Makkno » du récit bolchevique devient le « héros national », statufié et marchandisé, du récit indépendantiste ukrainien, la roue de l’Histoire a certes tourné, mais toujours dans le sens du pouvoir et de ses intérêts du moment. Ce qui prouve, après tout, que le paysan ukrainien avait vu juste quand, s’adressant à ses frères de misère, il leur dit : « Prolétaires du monde entier, plongez en vous-mêmes, et cherchez-y la vérité, créez-la ! Vous ne la trouverez nulle part ailleurs. ».– À contretemps.





Malcolm MENZIES
MAKHNO, UNE ÉPOPÉE
Traduit de l’anglais par Michel Chrestien
Paris, L’Échappée, coll. « Lance-tempête », 2017, 256 p.

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La parution, en 1972, chez Belfond, de ce livre de Malcolm Menzies contribua à défaire quelques-unes des contre-vérités admises et répétées sur le « bandit Makhno » par les maîtres-penseurs du marxisme universitaire dominant. En cela et pour cela, il fut un événement éditorial de première importance pour une génération militante qui fit ses premières armes dans la grande mêlée (libertaire) de mai 68.

Il est probable qu’on ait oublié, aujourd’hui, ce qu’exigeait de tension argumentative – et parfois d’implication physique –, pour un anti-autoritaire de base, tout débat politique sur la révolution russe à une époque où le « lénino-gauchisme », qui avait pignon sur rue, défendait sa réputation bolchevique avec les mêmes outrances et méthodes que ses frères ennemis staliniens. Comme on a oublié les attraits qu’une certaine doxa marxiste exerça, en ces temps illusoires, sur un « néo-anarchisme » directement issu de 68 et convaincu que l’heure était enfin venue d’opérer cette synthèse « marxiste libertaire » qu’il était visiblement seul à souhaiter. L’inventaire est d’autant moins vain qu’il a la double vertu de situer l’époque dans ses travers, mais aussi de permettre un rappel : ce Makhno, une épopée qui, chez Belfond, devait à l’origine paraître dans la collection « Changer la vie », dirigée par Daniel Guérin (et, accessoirement, par Jean-Jacques Lebel), fut finalement refusé par le principal théoricien du « marxisme libertaire » post-soixante-huitard, qui le jugea inapproprié. Son patron, heureusement, passa outre et l’édita hors collection. On ne sait s’il en tira bénéfice, mais il fit indiscutablement œuvre utile.

Si nous revenons sur cette anecdote, c’est que, dans une brève mise au point qui précède la belle réédition, chez L’Échappée [2], du livre de M. Menzies, l’auteur s’y réfère avec une bienveillance très british en indiquant que la « volte-face » de Guérin s’expliquerait, in fine, par « la peur que le “manque d’orthodoxie” de [son] ouvrage déplaise au mouvement libertaire » (p. 7). Ce qui, convenons-en, eût été étonnant de la part du très peu orthodoxe Daniel Guérin. La vérité est sans doute ailleurs, dans les méandres d’un temps où la pratique du déconcertant mensonge avait cet avantage de dissimuler les réelles, et pas toujours honorables, raisons d’un refus. Dans le cas qui nous occupe, elles semblent pourtant claires : le point de vue de M. Menzies sur Makhno n’est pas celui d’un historien militant, mais celui d’un écrivain, un authentique écrivain, qui s’est passionné, sans s’aveugler, pour un homme dont la vie est un roman. Dans cet attrait, l’anarchie joue évidemment son rôle, la politique aussi, l’histoire de même, mais ce qui intéresse M. Menzies, c’est le tragique de l’homme face à sa destinée. Il l’explique très bien, d’ailleurs : « Makhno appartient à ce domaine où la légende et l’histoire se mêlent : l’immortel n’est pas toujours le vainqueur. Trotsky à Prinkipo et à Royan émeut davantage l’imagination que Staline au Kremlin. Et quel autre protagoniste de cette taille, soldat ou politique, dans le plus grand bouleversement social de notre époque, est mieux fait pour nous intriguer que ce rustre paysan qui créa l’embryon d’une société libertaire dans l’Ukraine méridionale et prit les armes pour la défendre ? » (pp. 23-24). L’épopée, c’est le passage du temps sur un homme qui aura tout vécu, mais qui va tout perdre. Tout, même sa réputation. Trop humaine, c’est-à-dire trop centrée sur l’individu lui-même, l’approche de M. Menzies ne pouvait évidemment satisfaire les tenants d’un anarchisme dit social qui partage avec le marxisme le goût des multitudes et de leur mise en mouvement par l’opération de l’Idée, de la guerre de classe ou de la science stratégique supposée de sa chefferie autoproclamée.

Du coup, il est fort possible que cet ouvrage parle davantage à notre époque, pourtant si pauvre en imaginaire révolutionnaire, qu’à celle, hypertrophiée de convictions « militantes », de notre jeunesse. Et qu’il reste, en dépit de la littérature produite depuis 1972 sur le personnage, « le » livre nécessaire sur Makhno, celui qui touche à la vérité profonde d’un perdant magnifique dont aucun apologue ou détracteur ne sut, à vrai dire, jamais saisir les failles.

Pour lire la suite, cliquer sur le PDF ci-joint : http://acontretemps.org/IMG/pdf/makhno_ ... e_1_-4.pdf



De retour de Gouliaï-Polié

Été 2008, Gourzouf, village de la côte criméenne. Loin de la fureur frénétique de la monstrueuse Yalta, nous nous y sommes réfugiés chez une babouchka, histoire de reprendre des forces. C’est là que l’idée nous vient de poursuivre par Gouliaï-Polié, haut lieu de l’épopée makhnoviste, notre long périple ukrainien. Sans trop savoir ce que nous y trouverons, mais simplement par curiosité. Carte en main, nous tentons de localiser l’endroit, au sud-est du pays, mais rien, et pas davantage Yekaterinoslav ou Alexandrovsk, ces mythiques bastions de la Makhnovchtchina. À croire qu’ils ont aussi bien été rayés de l’histoire que de la géographie ukrainiennes. Ou, plus probablement, la toponymie a dû changer, comme souvent dans l’espace soviétique ; or, mes connaissances de l’espace oriental ukrainien se limitent à mes lectures sur le mouvement anarchiste des années de guerre civile. En désespoir de cause et sans illusion, nous demandons à la grand-mère octogénaire qui nous loge si elle sait dans quel coin se trouve un petit village nommé Gouliaï-Polié. Son visage s’éclaire soudain, elle appelle son mari, un vieil homme bougon qui ne nous a pas adressé la parole en trois jours, et, agité d’un juvénile enthousiasme, le voilà s’exclamant : « Bien sûr que je sais où c’est ! Ah, Makhno, ça c’était un vrai révolutionnaire ! Un homme du peuple ! Vous savez, il prenait aux riches pour distribuer aux pauvres ! ». Soixante-dix ans de propagande soviétique, qui ont cherché à disqualifier le paysan libertaire en le présentant comme un bandit autoritaire, cruel et anti-ouvrier, n’auront pas eu raison de la popularité du batko…

Quelques jours plus tard, après une nuit de train, nous arrivons, à l’aube, à Zaporojie – ex-Alexandrovsk rebaptisé en 1921 –, sixième ville de l’Ukraine et gros centre industriel. Après avoir traversé sur des kilomètres l’avenue Lénine en travaux et croisé des centaines de travailleurs se rendant à la même usine, nous prenons un minibus pour Gouliaï-Polié, situé à une centaine de kilomètres de là. Habitués depuis trois semaines aux villes touristiques de Crimée, nous découvrons la réalité campagnarde de l’arrière-pays ukrainien : des petits villages type XIXe siècle raccrochés à notre temps par un monument soviétique désuet.

À Gouliaï-Polié, gros bourg d’une population égale à celle du Pré Saint-Gervais, c’est jour de marché. Pas la moindre idée de ce que nous allons y trouver. Lénine, lui, est fidèle au poste : immortelle semble-t-il, sa statue demeure sur une place éponyme, comme dans toutes les villes du sud et de l’est ukrainiens. La toponymie soviétique n’a pas changé non plus : il y a toujours les rues Karl Marx, Lénine, Dzerjinskij, Komsomol, Prolétariat, IIIe Internationale, etc. Croisant deux babouchka, nous nous lançons : « Savez-vous s’il existe quelque chose en rapport avec Makhno par ici ? ». Étonnées que des étrangers puissent être animés d’une telle curiosité, elles nous font répéter la question. La première surprise dissipée, elles se lancent, devant nous, dans une discussion animée à propos des vertus et des défauts du paysan anarchiste. L’une des deux lui est très favorable ; l’autre vivement hostile. Nous sommes dans le bain. Ce discours – contradictoire – sur Makhno reviendra souvent par la suite au cours de nos entretiens avec des Ukrainiens sur ce qu’il demeure, aujourd’hui, de l’aventure makhnoviste. Certains, à l’image du grand-père de Gourzouf, gardent de Makhno l’image d’un homme du peuple ne s’étant pas laissé corrompre et ayant œuvré pour une authentique révolution paysanne ; d’autres le blâment pour sa violence militaire, même si, dixit l’une de nos interlocutrices, le concept du pacifisme dans le contexte de guerre civile de l’époque paraît quelque peu anachronique…

Pour lire la suite, cliquer sur le PDF ci-joint : http://acontretemps.org/IMG/pdf/makhno_ ... e_1_-6.pdf


[1] Deux recensions de Sarah Gruszka relevant de la « question russe » sont disponibles sur ce site : « Bolchevisme et utopie révolutionnaire » et « De l’autre côté du Goulag ».

[2] Le texte de cette réédition a été en grande partie retravaillé par l’auteur.

http://acontretemps.org/spip.php?article645
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Re: Nestor Makhno BD, film documentaire, archives

Messagede Pïérô » 19 Nov 2017, 16:47

Radio : la marche de l'histoire

Makno le paysan anarchiste d'Ukraine

à écouter : https://www.franceinter.fr/emissions/la ... embre-2017
Image------------ Demain Le Grand Soir --------- --------- C’est dans la rue qu'çà s'passe --------
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Messagede bipbip » 21 Fév 2018, 22:12

Les anarchistes et la défense de la révolution russe

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Les anarchistes et la défense de la révolution russe.
Par un compagnon russe anonyme (15 mars 1920).

« La presse occidentale a plus d’une fois parlé, au cours de ces derniers mois, des « bandes » ou de l’« armée » de Makhno, sans qu’on arrive pourtant à savoir quelles sont ces bandes et pour quelle cause elles se battent. Peut-être un court exposé des faits contribuera-t-il à projeter quelque lumière sur cet épisode de la Révolution russe, qui a d’autant plus droit à notre intérêt qu’elle est étroitement liée aux mouvements spontanés du peuple.

Makhno apparaît sur la scène de la Révolution dès ses débuts. C’est un ancien, instituteur de la petite ville de Goulaï-Polé, dans le gouvernement d’Edaterinosbor (Russie méridionale), qui, après avoir pris part comme anarchiste au mouvement révolutionnaire de 1904-06, avait été condamné aux travaux forcés pour une série d’attentats dirigés contre des représentants de l’autorité locale. Rendu à la liberté par l’amnistie qui suivit le renversement du tsarisme en 1917, il se rendit aussitôt revenu de Sibérie, dans sa ville natale, Goulaï-Polé, où il se mit à chercher les moyens de servir efficacement la Révolution. Les forces contre-révolutionnaires commencèrent bientôt à relever la tête dans le Midi, s’appuyant surtout sur certains éléments cosaques. Makhno pensa que le plus urgent était de former contre ces forces des détachements armés capables de leur résister en cas de besoin. Il organisa d’abord quelques unités peu nombreuses, qui se mirent à opérer contre les cosaques de Kaledine et de Kornilov. C’est à ce moment à peu près que la révolution d’octobre eut lieu et que les bolcheviks s’emparèrent du pouvoir. Les contre-révolutionnaires, de leur côté, devinrent plus actifs et Makhno se trouva obligé de multiplier ses détachements. Il n’eut pas grande difficulté à le faire ses compatriotes, les paysans qui reconnaissaient en lui un homme sorti de leur milieu et avaient pu, de plus, voir en mille occasions son grand dévouement à la cause du peuple, venaient volontiers vers lui ; son prestige grandissait et son nom devenait connu au delà de sa province natale.

La paix de Brest-Litovsk conclue, Makhno se trouva en face, non plus des contre-révolutionnaires russes, mais des troupes allemandes venues occuper la région. Au premier conflit, les détachements de Makhno furent écrasés par les forces allemandes, de beaucoup supérieures en nombre et en armement, bien entendu. Il ne lui resta plus qu’à mener une guerre de partisans à l’arrière, avec des détachements à nouveau reconstitués. Ces « bandes » attaquaient les trains, désarmaient les soldats allemands, leur enlevaient armes, munitions et provisions de toute sorte, cachées ensuite soigneusement en vue d’opérations ultérieures.

Malgré tous leurs efforts, les Allemands ne parvenaient pas à venir à bout de ces partisans. Ces derniers se recrutaient surtout parmi les paysans, mais il y avait là aussi un certain nombre d’ouvriers des villes. Plus on allait, plus ces « bandes » devenaient fortes et nombreuses, et vers la fin de l’occupation allemande Makhno put déjà livrer aux Allemands de véritables combats. Au moment de l’armistice, il possédait déjà une véritable petite armée qui hâta considérablement le départ des Allemands. L’armée de Makhno n’était pas le produit d’une mobilisation forcée elle était uniquement formée de volontaires. Les paysans avaient conscience de défendre leur propre bien, leur terre, et s’enrôlaient avec enthousiasme, non seulement les jeunes gens, mais aussi les vieux, souvent en dépit des conseils de Makhno qui les priait instamment de rester à cultiver la terre et de laisser aux jeunes la tâche de combattre. L’armée de Makhno n’était d’ailleurs pas une « armée permanente » : lorsqu’aucun danger ne menaçait, ses volontaires s’en allaient dans leurs villages, pour revenir à la moindre alerte.

La popularité de Makhno parmi la population paysanne devint bientôt telle que les paysans ne l’appelaient plus que Batko-Makhno (petit-père Malchno) et se fâchaient si quelqu’un s’avisait de l’appeler Makhno tout court. Plus tard, voyant tout le dévouement qu’il mettait à les défendre contre les troupes des généraux réactionnaires, ils décidèrent même de changer le nom de sa, ville natale : Goulaï-Polé en Makhno-Polé.

Les Allemands partis, l’armée de Makhno put occuper un vaste territoire s’étendant sur les provinces du sud : celles de d’Enaterinoslav, de Tchernigor et de Podolie. Elle eut à combattre à cette époque le gouvernement du Directoire Ukrainien et, en partie, les bolcheviks. Mais ces derniers, reconnaissant bientôt en Makhno un véritable révolutionnaire, arrivèrent avec lui à un accord qui lui laissait toute liberté de défendre comme il l’entendrait, contre les contre-révolutionnaires, les territoires occupés par lui. La tâche, d’ailleurs, devenait de plus en plus difficile, de nouveaux contre-révolutionnaires (Français, Grecs, troupes de Denikine) étant arrivés en nombre (hiver 1918-19). Le gouvernement bolcheviste chargea Makhno de les combattre en Crimée. Il réussit à nettoyer des contre-révolutionnaires toute la péninsule. À ce moment, les bolcheviks le portaient aux nues, publiaient dans leurs journaux des poésies en son honneur, etc…

Ayant ainsi reconquis sur les réactionnaires un vaste territoire, Makhno et ses camarades purent enfin songer à un travail positif, constructif. Des communes anarchistes furent organisées dans toutes les localités occupées par eux. Ces communes étaient complètement autonomes ; chacune était administrée par un Soviet, mais conçu sur un plan autre, que les Soviets bolchevistes, soumis, eux, pour toutes les questions un peu importantes, à l’autorité d’une organisation centrale. Les communes de Makhno entretenaient entre elles des relations suivies, par intermédiaire de délégués qu’on envoyait lorsque le besoin se présentait de discuter une affaire en commun. Le Gouvernement bolcheviste était obligé de tolérer ce mode d’organisation, les détachements de Makhno étant une force avec laquelle il fallait compter. En avril 1918, les communes décidèrent d’organiser un Congrès. Les bolcheviks y virent un danger qu’ils ne pouvaient pas tolérer plus longtemps, et le Congrès fut interdit. Il se réunit cependant et prit une série de résolutions sur des questions importantes, telles que culture de la terre, répartition, du travail, échange des produits, opérations militaires, etc. L’extension prise par les communes et la complexité des questions qu’elles soulevaient exigèrent bientôt la réunion d’un nouveau Congrès (en mai 1918) ; il fut, comme le premier, interdit par le gouvernement bolcheviste et, comme le premier, eut lieu malgré lui, pour discuter nombre de questions d’organisation.

Les bolcheviks n’osant pas s’attaquer directement aux communes de Makhno, prirent le parti de les anéantir indirectement en refusant de fournir à l’armée de Makhno les armes, les munitions, etc. En juin 1918, un nouveau Congrès extraordinaire des Communes devait être convoqué pour discuter de la situation, devenue grave d’une part, les Communes élargies et multipliées, exigeaient de plus en plus un travail constructif systématique ; d’autre part, l’armée des volontaires de Denikine s’approchait et devenait menaçante. Et c’est à ce moment même que les bolcheviks après avoir interdit aussi ce troisième Congrès, qui se trouva obligé, encore une fois, de se réunir clandestinement — refusèrent de continuer à fournir aux détachements de Makhno l’aide militaire nécessaire. En présence de cette situation critique, Makhno s’adressa aux autorités centrales du gouvernement bolcheviste, les suppliant de lui envoyer ce qu’il fallait pour que son armée puisse lutter contre Denikine, dangereux, non seulement pour les Communes, mais pour la Russie soviétique toute entière. Les bolcheviks connaissaient bien la situation critique du front sud, et, cependant, ils refusèrent à Makhno l’aide demandée. Révolutionnaire trop dévoué pour abandonner ainsi le terrain à la réaction, Makhno fit alors au Gouvernement bolcheviste une nouvelle proposition : puisqu’on ne voulait pas l’aider, lui, il s’en irait et laisserait le commandement de son année à tel autre qu’on voudrait lui envoyer, pourvu que les contre-révolutionnaires ne puissent pas continuer leurs conquêtes. Mais cette proposition aussi fut rejetée : le Gouvernement bolcheviste craignait les anarchistes plus que les contre-révolutionnaires et préférait laisser le champ libre à ces derniers. Dans ces conditions, l’armée de Makhno dut abandonner le combat ; de même succombèrent sous les coups des réactionnaires, les Communes créées an prix de tant d’efforts, de tant de sang (Juillet 1918.)

Ici se place un épisode caractéristique. Au moment où les bolcheviks laissaient ainsi de cœur léger anéantir l’armée de Makhno, ils oubliaient leur véritable ennemi, l’ataman Grigoriev. Grigoriev était un ancien officier cosaque qui, d’abord avait soutenu le Directoire ukrainien, puis, l’armée ukrainienne ayant subi des défaites, s’était tournée vers les bolcheviks ; ceux-ci lui firent bon accueil et le chargèrent de nettoyer, des armées alliées, le littoral de la mer Noire. Il s’en tira fort bien, après quoi, il fut expédié sur le front roumain, pour reconquérir la Bessarabie. Mais, ancien officier tzariste, il ne tenait nullement à servir la Révolution ; il ne poursuivait que des intérêts personnels. Il se proclama hetman de l’Ukraine, s’entoura d’un ramassis d’individus de toute sorte, organisa des bandes et leur permit de massacrer les juifs, pour se venger de ce que les bolcheviks ne voulaient pas l’aider à la réalisation de ses projets ambitieux. Grigoriev, avec sa bande, était une menace sérieuse que les bolcheviks n’arrivaient pas à écarter.

Ayant eu connaissance du conflit qui s’était produit entre Makhno et les bolcheviks, Grigoriev voulut l’exploiter il pensa qu’il pourrait attirer Makhno vers lui et se servir de son armée pour établir ce pouvoir en Ukraine qu’il convoitait. Il demanda donc un rendez-vous à Makhno. Mais il ne comprit pas que celui-ci, tout en ayant beaucoup souffert des bolcheviks, était un révolutionnaire intraitable, fidèle à son idéal, et qu’il ne pourrait jamais accepter une telle proposition. Makhno accepta le rendez-vous de cet ennemi de la Révolution, mais lorsqu’il se présenta, il le tua. C’est ainsi que se termina l’aventure de cet aventurier tsariste.

Mais revenons aux luttes de Makhno. Les réactionnaires ayant conquis le Midi, son armée cessa d’exister comme force compacte. Mais cet idéaliste profondément dévoué à la Révolution, ne pouvait ainsi abandonner son œuvre. Il continua, avec des camarades, à lutter d’une façon cachée ; il reconstitua des détachements à l’arrière de l’armée contre-révolutionnaire et reprit la guerre de partisans, naguère menée contre les Allemands. Son armée, qui arriva à se reconstituer, fit beaucoup pour soulever la population contre la dictature de Denikine. Maintenant tout le monde sait quelle part revient à cette armée dans les défaites récemment subies par les armées du dictateur.

* * * *

Quelque forte individualité que soit Makhno, il serait faux de croire, d’ailleurs, qu’il agit isolément : son action se poursuit en plein accord avec les organisations anarchistes du Midi. La Confédération anarchiste qui fonctionne dans cette région de la Russie (son centre se trouve à Elisabethgrad) prend une part active à l’organisation de l’année de Makhno, qui compte dans ses rangs un grand nombre de nos militants. Actuellement, nous apprenons qu’ils tentent de reconstituer les communes ; ils mènent une propagande active dans les masses, organisent des conférences sur des sujets divers, organisent des œuvres d’éducation, publient des ouvrages de vulgarisation, etc., etc., tout cela sans préoccuper de savoir si telle ou telle chose est autorisée ou défendue par le Gouvernement bolcheviste.

Ils travaillent aussi dans les organisations professionnelles et dans la population paysanne, s’appliquant à organiser l’échange direct des produits entre les villes et les campagnes, les paysans ne voulant pas accepter de l’argent pour leurs produits.

* * * *

Les dernières nouvelles que nous recevons d’un camarade ayant récemment quitté Odessa nous apprennent que beaucoup de nos camarades ont péri dans les derniers combats contre Denikine. Parmi eux, quelques-uns avaient autrefois habité Paris et Londres et étaient connus de nos camarades occidentaux : Alexandrovitch, Feldmann Samuel « Le Noir ». »

Un Russe.

Ce récit nous a été envoyé par un camarade russe, militant du mouvement anarchiste en Russie, récemment arrivé en Occident.

[ Publié dans Les Temps nouveaux, n°9, 15 mars 1920 ]


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Re: Nestor Makhno BD, film documentaire, archives

Messagede Pïérô » 01 Avr 2018, 13:33

Retour sur l’Ukraine de Makhno

Deux lectures récentes, celles d’un reportage de Jean-Arnault Dérens et de Laurent Geslin paru sur Mediapart et du roman Anarchie in UKR de Serhy Jadan, récemment de passage à Paris, montrent comment un personnage historique qui a naguère fasciné peut encore hanter l’actualité : Nestor Makhno.

Nicolas Trifon, mardi 6 février 2018

Décidément, le centenaire de la révolution sociale en Russie, dite aussi d’Octobre en référence à la date à laquelle le Parti bolchevique a pris le pouvoir au nom des soviets, a été davantage fêté dans un pays comme la France qu’en Russie. La raison est assez simple : depuis le lendemain de la fin de la Seconde Guerre mondiale, donc de la consolidation du pouvoir soviétique et de l’élargissement de sa sphère d’influence, l’accent mis sur le rôle de l’Armée rouge dans la victoire contre l’Allemagne nazie s’est substitué progressivement à l’héritage de la révolution de 1917 revendiqué auparavant. Cela a commencé sous Staline, la tendance s’est accentuée sous Brejnev pour devenir, sous Poutine, la principale source de légitimité de la Russie qui cherche par ce biais retrouver le statut dont le pays jouissait avant l’implosion du régime communiste.

Parmi les nombreuses manifestations consacrées à ce thème, il y eut une série de reportages-évocations sur Mediapart aujourd’hui disponibles dans un livre intitulé Des vies en révolution [1]. C’est en lisant ce livre, plus précisément la contribution signée par Jean-Arnault Dérens et Laurent Geslin sur Nestor Makhno que je me suis subitement retrouvé confronté à un personnage et à un moment historique qui m’avaient fortement marqué autrefois. N’étant guère porté sur la nostalgie pour l’épopée historique de la makhnovtchina ou pour le rôle qu’elle a pu jouer dans le mouvement libertaire, je dirais d’emblée que c’est dans son rapport à l’actualité que la figure de Makhno a réveillé mon intérêt. Cette actualité est, pour l’essentiel, ukrainienne. En effet, le champs d’action de Makhno se trouvait dans les steppes du sud-est de l’Ukraine, c’est dans cet Etat, aujourd’hui indépendant, que Moscou guerroie depuis trois ans pour retrouver la puissance d’antan tandis que lors de l’annexion de la Crimée l’une des deux prises de guerre par la Russie fut un militant antifasciste anarchiste, le syndicaliste Alexandr Koltchenko qui pourrit depuis, avec le cinéaste Oleg Sentsov, dans les prisons de Sibérie sous l’accusation ridicule de fascisme et de terrorisme.

L’épopée anarchiste comme un mythe alternatif à l’histoire officielle

« Pour le pouvoir des soviets sans les communistes », était le mot d’ordre de l’Union des paysans fondée par Nestor Makhno et les siens dans sa ville natale Gouliaïpole. Les envoyés spéciaux de Mediapart l’ont retrouvé inscrit sur une banderole noire installée du temps de la glasnost au milieu de la salle du musée local pavoisée de drapeaux rouges dédiée à la Seconde Guerre. Témoignages recueillis sur place, extraits des mémoires de Makhno rédigées lors de son exil en France et les écrits de plusieurs historiens, ils reconstituent brièvement et aussi clairement que faire se peut les chassés croisés entre l’armée des insurgés, qui « à son apogée pouvait mobiliser 120 000 hommes, sur un territoire de 300 kilomètres de diamètre et qui comptait deux à trois millions d’habitants », d’une part, les troupes d’occupation, les armées blanche du général Denikine et rouge de Trotski, d’autre part.

« Toutes les familles de la région ont un ancêtre qui s’est battu avec les anarchistes, leur explique Sergeï Bilivnenko, de l’université de Zaporijia. Quand on interroge les vieux, ils savent encore dire où ont eu lieu les combats, où des corps ont été enterrés. » « On retrouve souvent les mêmes récits, ce qui montre bien comment l’épopée anarchiste a fonctionné comme un mythe alternatif à l’histoire officielle, conservé par la mémoire populaire. » Dans cette même ville de Zaporijia vit et milite l’éditeur anarchiste Aleksandr Lazutin, pour lequel l’héritage de Makhno est la seule idéologie susceptible de s’opposer tant au nationalisme ukrainien qu’à la domination de Moscou. « L’anarchisme s’est implanté dans les régions autrefois contrôlées par les cosaques zaporogues, et les idéaux d’égalité qui prévalaient dans les sitch, leurs communautés, se sont transmis aux populations qui se sont sédentarisées dans la région », déclare-t-il à J.-A. Dérens et L. Geslin. Le menuisier Sergei Lavtchenko, est l’un des rares anarchistes revendiqués de Gouliaïpole. Profitant d’un voyage organisé à Paris il s’est rendu au cimetière du Père-Lachaise où il a fini par trouver l’urne contenant les cendres de Makhno. « Je n’y retournerai jamais, c’était le voyage d’une vie », leur raconta-t-il.

Anarchy in the UKR

A la mi-novembre, de passage à Paris, l’écrivain ukrainien Serhiy Jadan s’y est également rendu, pour des raisons similaires. Lors de la rencontre avec ses lecteurs à la Librairie polonaise [2], il ira jusqu’à rendre hommage à des Roumains qui auraient il y a quelque temps payé les arriérés au cimetière pour que la fameuse urne soit conservée. En effet, son livre traduit l’année dernière en français, Anarchy in the UKR [3], qui faisait l’objet de la rencontre, commence par le récit de sa propre incursion sur les terres de Makhno entreprise bien avant les auteurs de Mediapart. Sur un ton haletant, passionné, révolté, violent, l’auteur, né en 1974 à Starobilsk (près de Louhansk, en Ukraine orientale), fait le récit de ses propres états d’âme tout au long d’un périple à travers une nature dévastée, un paysage industriel en ruine, des personnages apeurés qu’il décrit sans complaisance mais dont il met en avant chaque fois que l’occasion se présente la beauté et l’humanité. Il saute de train en train, s’arrête dans les lieux les plus improbables, des buffets de gares désertées ou des hôtels miteux, raconte avec verve une dégradation générale à laquelle il a assisté lui-même au cours de son adolescence et sa jeunesse. Amer, mais guère nostalgique, critique, son constat est tout aussi décapant que compréhensif dès lors qu’il s’agit de ses semblables même lorsqu’il ne se reconnaît pas en eux. Les instantanés qui balisent le road-movie auquel il nous convie dressent un tableau saisissant de l’Ukraine postsoviétique.

Serhiy Jadan est à sa façon un homme pressé : « J’ai peur de la vitesse, j’ai peur d’aller quelque part, la seule chose qui me fasse encore plus peur, c’est de m’arrêter » (p. 23). Aussi, avec son compagnon photographe, il ne s’arrêtera que trois jours dans la ville qui aurait dû faire l’objet du reportage annoncé au départ, Gouliaïpole : « Une bourgade méridionale et paisible aux rues baignées de soleil, la voilà la capitale de l’anarcho-communisme, le voilà le territoire d’expérimentations sociopolitiques uniques » (p. 38).

Le musée local, la tatchanka reconstituée, un chariot avec une mitrailleuse, et même le Café Nestor ne l’impressionnent guère pas plus qu’il ne regrette le fait que toutes ces initiatives n’aient pas réussi à transformer la ville natale de Makhno en « une Mecque touristique pour tous les passionnés de l’anarchisme » (p. 39).

A entendre l’auteur pester autant contre une récupération qui, selon ses propres mots, n’a pas vraiment donné de résultats, le lecteur pourra se sentir frustré vu le sujet annoncé dès le titre. Il aurait cependant tort de s’en tenir là. En poursuivant la lecture, il se régalera en matière d’anarchisme, d’un anarchisme tel qu’il peut être vécu plus d’un siècle après les exploits de batko Makhno, au son des chansons de Sex Pistols et bien d’autres, sur fond de socialisme réel en décomposition accélérée et à l’heure des tensions opposant partisans et adversaires des récentes orientations pro-européennes de l’Ukraine.

En guise d’introduction au monde si particulier de cet auteur qui participe par ailleurs à des récitals de poésies devant des milliers de personnes en Ukraine comme en Biélorussie, voici un extrait d’une tirade qui figure à la fin de la première partie :
« Je voudrais vraiment m’intéresser à la politique, je voudrais que la jeunesse de mon pays s’intéresse à la politique, qu’elle s’y investisse, que la politique ne soit pas l’apanage de ces vieux couillons trouillards qui parlent aux meetings de la renaissance nationale, mais je veux que cette jeunesse ne se batte pas pour le pouvoir, je veux qu’elle se batte contre le pouvoir, qu’elle s’empare des banques, et bloque les administrations régionales, qu’elle contrôle les budgets et jette les clercs par les fenêtres de leurs bureaux, qu’elle défile sous les drapeaux noirs pendant les soubbotniki [samedis « communistes » au cours desquels les travailleurs devaient travailler gratuitement pour le régime]… » (p. 52).

Les « séparatistes » et les « pro-ukrainiens »

Anarchy in UKR est paru pour la première fois en 2005, soit au lendemain de la révolution orange. Sa traduction en français est suivie d’un bref Journal de Louhansk, rédigé en à la fin mai 2014, au lendemain de la victoire du Maïdan à Kiev et du début de la sécession des contrées orientales de l’Ukraine auxquelles Serhiy Jadan est si attaché. Au sujet des rapports entre « séparatistes » et « pro-ukrainiens », des mots qui figurent dans ce texte toujours entre guillemets, il fait remarquer :
« Nous nous étonnons tous les uns les autres, comme si nous n’avions pas vécu dans le même pays tout ce temps. Comme si nous étions privés tous de quelque chose, comme si nous manquions tous de quelque chose. On pourrait penser que nous avons tant de choses en commun qu’on ne devrait pas avoir de problèmes. Le problème c’est que nous avons autant de choses qui nous unissent que de choses qui nous séparent et qu’il faut en tenir compte d’une façon ou d’une autre. Du moins pour ne pas devoir prendre un jour les armes. » (P. 198.)

Pour ce qui est de sa position publique concernant les événements ukrainiens, voici sa réponse à une des questions posées par Hanna Perekhod pour l’édition de juin 2015 de la revue Contrepoint :
« J’ai été profondément déçu par la gauche occidentale, et d’ailleurs pas seulement par elle. De façon générale, les militants de gauche réagissent d’une façon étrange par rapport à ces événements. Quand je parle de la gauche d’ici, je ne parle pas du Parti communiste de l’Ukraine (KPU), parce que c’est un parti au service des oligarques qui se cache derrière une rhétorique pseudo-soviétique. J’ai à l’esprit les nouveaux mouvements communistes, socialistes, anarchistes qui sont profondément divisés. Une partie d’entre eux était sur le terrain, dans le mouvement du Maïdan, et l’a soutenu. Chez nous, à Kharkov, les anarchistes ont occupé la rue avec les nationalistes. Bien sûr, ils ne s’aimaient pas les uns les autres, mais ils faisaient le poing dans la poche, parce qu’ils comprenaient qu’ils avaient une cause commune à défendre. Pour moi, c’est ce qui montre bien qu’il s’est agi d’une authentique révolution. »

PS Cet article est disponible aussi en roumain sur Dilema veche http://dilemaveche.ro/sectiune/societat ... rhii-jadan.


https://www.courrierdesbalkans.fr/Retou ... -de-Makhno
Image------------ Demain Le Grand Soir --------- --------- C’est dans la rue qu'çà s'passe --------
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Messagede bipbip » 17 Juil 2018, 13:56

Nestor Makhno

Les grands noms de l'anarchisme 8

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Re: Nestor Makhno BD, film documentaire, archives

Messagede bipbip » 02 Sep 2018, 18:20

Il y a 100 ans débutait la Makhnovchtchina

Image

En 1975, alors que j’étais au collège en classe de 3e, la photo ci-dessus figurait sur l’une des pages de mon manuel d’Histoire au chapitre consacrée à la révolution russe. À l’époque, la mention accompagnant la photo (« Nestor Makhno, paysan ukrainien qui combattit à la fois les rouges et les blancs ») m’avait laissé perplexe…

l y a 100 ans (septembre 1918), dans une grande partie de l’Ukraine, débutait la Makhnovtchina, un mouvement révolutionnaire qui – parallèlement à la mise en place d’une société égalitaire et autogestionnaire – lutta à la fois contre les troupes d’occupation austro-allemandes, contre les nationalistes ukrainiens, contre les partisans de la Russie impériale (les blancs) et contre les bolchéviques au pouvoir à Moscou (les rouges). La Makhnovtchina doit son nom à Nestor Makhno, paysan ukrainien et militant anarchiste (voir photo ci-contre). En août 1921, la défaite de ce mouvement face aux troupes commandées par Trotski annonce les dérives à venir du régime dit « soviétique », dérives déjà amorcées avec la répression de la révolte menée en mars de la même année par les marins de Kronstadt. Aujourd’hui, pour de nombreux révolutionnaires à travers le monde, la Makhnovchtchina reste l’un des symboles du combat pour un communisme non autoritaire.

En ce qui concerne la chanson présentée ci-dessous en vidéo, ses paroles ont été écrites en 1974 par le français Étienne Roda-Gil sur la musique d’un chant traditionnel russe. Clin d’œil de l’Histoire : cette musique fut également utilisée (avec des paroles différentes) par l’Armée rouge (de 1917 jusqu’à la seconde guerre mondiale) et par les armées blanches (de 1919 à 1922). La version d’Étienne Roda-Gil a tout d’abord figuré sur l’album « Pour en finir avec le travail » réalisé par un groupe de militants situationnistes. Elle a ensuite été reprise par différents artistes : Les Bérus, Serge Utgé-Royo, René Binamé, Nigra Safo, etc.



Eric Dussart


https://ericdussart.blog/2018/09/01/il- ... vchtchina/
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Re: Nestor Makhno BD, film documentaire, archives

Messagede bipbip » 27 Sep 2018, 14:19

Makhno était-il antisémite ?

Nestor Makhno était-il antisémite ?

Rappeler, aujourd’hui, le combat du mouvement insurrectionnel paysan en Ukraine, d’inspiration libertaire, la Makhnovchtchina, n’est pas anodin dans une période où la confusion idéologique et les thèses conspirationnistes infectent de façon récurrente le débat sur l’antisémitisme.

L’Ukraine est, dans les premières années de la Révolution russe dans une situation d’instabilité totale, en proie à une guerre civile aux multiples facettes. Des pogroms font des dizaines de milliers de victimes. Nestor Makhno, anarchiste et figure de proue de l’insurrection paysanne en Ukraine, accusé d’antisémitisme par certains détracteurs, est un enfant de la paysannerie pauvre. Il est imprégné de la culture paysanne et développe une confiance indéfectible envers le moujik  [1] qu’il considère comme l’élément potentiellement révolutionnaire, grâce à ce que nous appellerions aujourd’hui son «  bon sens paysan  ». Le regard qu’il porte sur toutes les autres couches actrices de la révolution est périphérique, critique, voire conflictuel. Il n’y a aucun antisémitisme dans ses écrits, mais il développe parfois une prose très rude face à des démarches communautaires qu’il estime contraires aux idéaux de la révolution. Toutefois, il sait discerner les Juifs des responsables communautaires opportunistes prêts à monnayer au plus offrant la tranquillité de la communauté. Il a d’ailleurs toujours fréquenté des Juifs, dans son enfance, en prison à Moscou en 1911 ou lors de son exil à Paris.

Makhno joue, dans ces temps de crise, un rôle de modérateur, tempérant sans cesse les tentations antisémites qui parcouraient le monde paysan et ouvrier de Gouliaï Polié et ses alentours  : «  Nestor Makhno proscrivait sévèrement toute discrimination et il s’efforça de combattre les fortes tendances antisémites des paysans, ce qui s’avéra à peu près aussi difficile que de les empêcher de boire et de piller. » [2]  Lorsque la nouvelle d’une exaction parvient à ses oreilles, elle est immédiatement sanctionnée.

Les colonies agricoles juives, situées sous le contrôle géographique du mouvement, reçoivent des armes pour leur autodéfense, alors même que celles-ci font cruellement défaut sur le front. Venus de l’exil où d’autres provinces russes, de nombreux juifs et juives rejoignent le mouvement. Certain.es prennent des postes importants au sein de la Makhnovchtchina. A Karkov, il est mis en place un groupe de propagande en langue yiddish.

La calomnie stalinienne

À la suite de la rupture avec le mouvement makhnoviste en novembre 1920, les soviétiques cherchent à le salir plutôt qu’à le combattre politiquement. Des historiens soviétiques échafauderont des récits à coup d’approximations dénonçant des actes d’antisémitisme perpétrés par des groupes makhnovistes. L’historien Ilia Tchérikover, spécialiste reconnu de l’histoire des pogroms dans cette région, disculpera la Makhnovchtchina de ces accusations.

Makhno réfutera jusqu’à sa mort cette persistante rumeur. Ainsi écrit-il en 1927, dans le journal Dielo Trouda no 30-31  : «  C’est ainsi que la Makhnovchtchina, durant toute son existence, observera une attitude intransigeante à l’égard de l’antisémitisme et des pogromistes, cela parce qu’elle était un mouvement authentiquement laborieux et révolutionnaire en Ukraine  ».

Lorsque Léon Shapiro rencontre Makhno, en 1930, et le questionne sur le sujet, ce dernier ne nie pas certaines exactions mais explique ne pas avoir réussi à tout maîtriser. Il nie le fait d’y avoir été personnellement impliqué  [3].

Jean-Marc Izrine


[1] Paysan en russe

[2] Paul Avrich, Les anarchistes russes, AK Press, 2005.

[3] Paul Avrich, Anarchist Voices, AK Press, 2005.


https://www.alternativelibertaire.org/? ... antisemite
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Re: Nestor Makhno BD, film documentaire, archives

Messagede bipbip » 09 Nov 2018, 22:33

Makhno et l’Ukraine libertaire (1917-1921)

Makhno et l’Ukraine libertaire (1917-1921)

Quand on pense Révolution russe de 1917, il est courant d’opposer les forces réactionnaires, les « blancs », aux révolutionnaires, les « rouges ». Il convient, néanmoins, de revenir sur le rôle d’une troisième composante : celle des anarcho-communistes d’Ukraine, menés par Nestor Makhno, qui expérimentent une véritable autogestion à partir de novembre 1918.

Cette expérience autogestionnaire s’incruste dans un îlot perdu au milieu de l’immensité de l’ancien empire tsariste qui a volé en éclat sous les coups de butoir d’une Révolution dominée par la vision étatiste et autoritaire des Bolchéviques. Riche en terres fertiles, l’Ukraine offre des récoltes incomparables. Considérée comme le « grenier à blé de l’Europe », cette région a de tous temps été marquée par un fort sentiment d’insoumission. « Quels que furent les efforts des tsars depuis Catherine II pour effacer l’esprit du peuple ukrainien toute trace de la « Volnitza » (Vie libre), cet héritage de l’époque guerrière des XIVes - XVes siècles et des « camps zaporogues » [1], s’y conserva quand même, et jusqu’à nos jours les paysans d’Ukraine ont gardé un amour particulier de l’indépendance. Cet amour se manifesta par une résistance opiniâtre contre tout pouvoir cherchant à les assujettir ». [2]

L’Ukraine dans la révolution

Cette réalité explique pourquoi les effets de la Révolution d’octobre ne se firent ressentir que plus tard en Ukraine. Alors que dans la Grande Russie, le Tsar Nicolas II abdique en mars 1917, et que Kérensky prenait la tête du gouvernement provisoire, se met en place en Ukraine un pouvoir parallèle dirigé par la petite bourgeoisie nationaliste, désireuse de recréer un État indépendant. Ce mouvement, animé par Vinitcheuko et Petlioura, s’établit surtout dans le Nord du pays. Dans le Sud, les masses paysannes, sous l’influence de groupes anarchistes très implantés, s’en détachent pour former un courant révolutionnaire qui, en décembre 1917 et janvier 1918, expulse les gros propriétaires et commence à organiser lui-même le partage et la mise en valeur des terres et des usines. Tout est remis en question lorsque, le 3 mars 1918, Lénine et le Parti Bolchévik signent le traité de Brest-Litovsk qui livre aux armées austro-allemandes l’Ukraine. La contre-révolution locale relève la tête. L’occupant rétablit aussitôt les nobles et les propriétaires fonciers (les agrariens) dans leurs privilèges. La nomination de Skoropadsky à la tête de la Rada centrale (Parlement) marque le retour au tsarisme et aux privilèges des puissants. Les propriétaires chassés peu de temps auparavant se hâtent, par esprit de vengeance, de resserrer leur étreinte sur le peuple qui subit, par ailleurs, les violences et le brigandage des troupes d’occupation. Devant cette double violence, le peuple tout entier se dresse. Le mouvement insurrectionnel des paysans et des ouvriers se déclare pour la révolution intégrale, avec comme finalité la complète émancipation du travail. On assiste, alors, à une organisation simultanée de corps de partisans francs-tireurs, sans aucun mot d’ordre venu d’un quelconque parti politique mais par les paysans eux-mêmes. La violence et les représailles de la Rada ukrainienne, appuyée par les troupes austro-allemandes, sont sanglantes (juin-juillet-août 1918). La nécessité d’une riposte face à la répression se fait sentir. Ce sera le groupe anarchiste de la ville de Goulaï-Polié qui en prendra l’initiative. En son sein, va se détacher un leader de premier ordre, Nestor Makhno.

Batko Makhno

Nestor Makhno est originaire de la région au Sud de l’Ukraine, terre des cosaques rendus célèbres par le romancier Nikolai Gogol et son "Tarass Boulba". Fils de paysans pauvres, à l’adolescence, après la révolution avortée de 1905, il rejoint les organisations anarcho-communistes qui se constituent alors en Ukraine. Après une tentative d’attentat contre le gouverneur local, il est arrêté par l’Okhrana, la police tsariste, avec 13 de ses camarades et condamné à mort. Sa peine est commuée en travaux forcés à perpétuité par le Tsar en raison de son jeune âge. Son caractère rebelle et son insoumission permanente, lui font passer le plus clair de son temps en isolement. Il en profite pour s’instruire et dévorer les classiques de la littérature russe. Il y assoit, aussi, sa formation politique au travers des écrits des penseurs libertaires. En prison, dans l’humidité des cachots, il y contracte une tuberculose dont il ne guérira jamais et qui finira par l’emporter.

L’insurrection de Moscou, le 1er mars 1917, va lui permettre de recouvrer sa liberté et rentrer à Goulaï-Polié où il reçoit un accueil triomphal. Les habitants et habitantes l’affublent d’un surnom, qui peut surprendre du fait de ses idéaux, « Batko » (le Père ou guide), qui démontre la confiance qu’il nourrit auprès des masses opprimées de la terre d’Ukraine. Il part pour Moscou parfaire son éducation militante. Il y rencontre le vieil anarchiste Piotr Kropotkine mais également un autre figure du mouvement libertaire russe, Pierre Archinov dont il deviendra l’ami.

De retour en Ukraine, Makhno est alors chargé par un comité révolutionnaire de former des bataillons de lutte contre l’occupant et la Rada centrale de l’Hetman Skoropadsky. II participe à de nombreux meetings, multipliant les appels à l’insurrection générale. Au cours d’un d’entre eux, il lance à la foule : « Vaincre ou mourir -voici le dilemme qui se dresse devant les paysans et les ouvriers de l’Ukraine au présent moment historique. Mais mourir tous nous ne pouvons pas, nous sommes trop. Nous c’est l’humanité. Mais nous ne vaincrons pas pour répéter l’exemple des années passées, remettre notre sort à des nouveaux maîtres ». [3]

Lorsque les armées d’occupation qui protégeaient l’Hetman sont rappelées dans leur pays à la suite de la défaite du bloc germanique sur le front occidental, c’est la débandade chez les propriétaires, qui fuient à l’étranger.

Commence, alors véritablement, l’expérience autogestionnaire de masse en Ukraine et la mise en pratique de la théorie d’organisation libertaire. Une expérience qui par son éthique et son esprit se trouve en opposition directe avec les réalisations bolcheviques en Grande-Russie et l’instauration de l’État soviétique.

Communes agraires autogérées

Jusqu’à la fuite de Skoropadsky, le mouvement avait été surtout marqué par des faits d’armes où Makhno et ses partisans, par leur pratique de guérilla, font des miracles. Cavaliers intrépides, ils fondent sur l’ennemi le prenant au dépourvu. « La rapidité des déplacements était la tactique particulière de Makhno. Grâce à elle et aussi l’étendue de la région, il apparaissait toujours à l’improviste, à l’endroit où on l’attendait le moins ». [4] Avec l’unification des régions Nord et Sud de l’Ukraine, les Makhnovistes précisent un plan d’organisation des opprimé-e-s au cours du premier congrès de la Confédération des groupes anarchistes qui prend le nom de Nabat (le Tocsin).

Les principales décisions en sont : le rejet des groupes privilégiés ; la défiance envers tous les partis politiques ; la négation de toute dictature et du principe de l’État (y compris ouvrier) ; le rejet d’une période « transitoire » de « dictature du prolétariat » ; l’auto-direction du peuple au travers des conseils (soviets) ouvriers et paysans libres.

Ces différentes dispositions s’opposent à la vision verticale et autoritaire des Bolcheviks dans le reste du pays. C’est par la pédagogie, que le mouvement libertaire ukrainien présente et explique ses idées aux travailleurs et aux travailleuses, sans, pour autant, essayer de leur imposer. L’armée insurrectionnelle se définit comme un groupe d’autodéfense, car, pour Makhno et ses partisans, l’idéal anarchiste de bonheur et d’égalité générale ne peut être atteint à travers l’effort d’une armée, quelle qu’elle soit, même si elle est formée exclusivement par des anarchistes.

Ainsi, peut-on lire dans La Voie vers la liberté (organe makhnoviste) : «  L’armée révolutionnaire, dans le meilleur des cas, pourrait servir à la destruction du vieux régime abhorré ; pour le travail constructif, l’édification et la création, n’importe quelle armée qui, logiquement, ne peut s’appuyer que sur la force et le commandement, serait complètement impuissante et même néfaste.

Pour que la société anarchiste devienne possible, il est nécessaire que les ouvriers eux-mêmes dans les usines et les entreprises, les paysans eux-mêmes dans leurs villages, se mettent à la construction de la société antiautoritaire, n’attendant de nulle part des décrets-lois ».

Durant six mois (de novembre 1918 à juin 1919), on assiste à une véritable expérience anarchiste au cours de laquelle la population vit sans aucun pouvoir, créant ainsi de nouvelles formes de relations sociales. À côté de la gestion directe des usines par les ouvrier-e-s sur la base de l’égalité économique, sont créées des Communes libres, dont s’inspireront, en 1936, les collectivités agricoles de Catalogne et d’Aragon. Dans ses mémoires, Nestor Makhno écrit :

« La majeure partie de ces communes agraires était composée de paysans, quelques-uns comprenaient à la fois des paysans et des ouvriers. Elles étaient fondées avant tout sur l’égalité et la solidarité de leurs membres. Tous, hommes et femmes, œuvraient ensemble avec une conscience parfaite, qu’ils travaillassent aux champs ou qu’ils fussent employés aux travaux domestiques. La cuisine était commune. Le réfectoire également. Les membres étaient également tenus de se lever de bonne heure et de se mettre aussitôt au travail, auprès de des bœufs, des chevaux, et à d’autres besognes domestiques. Chacun avait droit de s’absenter, lorsqu’il le désirait, mais il devait en avertir son compagnon de travail le plus proche, afin que celui-ci pût le remplacer pendant son absence. Le programme de travail était établi dans des réunions où tous participaient. Ils savaient ensuite exactement ce qu’ils avaient à faire (…) Un nouvel état d’esprit naît aussitôt de ces expériences, car les paysans en arrivent rapidement à considérer ce régime communal libre comme la forme la plus élevée de la justice sociale. Ainsi, les membres du groupe se faisaient à l’idée d’unité collective dans l’action et tout particulièrement dans l’action raisonnée et féconde. Ils s’habituaient à avoir naturellement confiance les uns dans les autres, à se comprendre, à s’apprécier sincèrement dans leur domaine respectif. Les travailleurs des communes se mirent à l’œuvre, au son des chants libres et joyeux, reflétant l’âme de la révolution. Ils ensemençaient, jardinaient pleins de confiance en eux-mêmes, résolus à ne plus permettre aux anciens propriétaires de reprendre cette terre. » [5]

Au niveau des échanges avec les villes, les paysans rejettent tout intermédiaire. Sans passer par les structures de l’État, ils fournissent aux ouvriers des villes fruits, céréales et nourriture, en contrepartie desquels les ouvriers leur échangeront leurs produits, sur la base de l’estimation réciproque et de l’entraide, telle que l’a définie dans son ouvrage, La conquête du pain, Kropotkine. Sur le plan éducatif, ce sont les principes pédagogiques de Francisco Ferrer qui sont mis en application dans les écoles. Des maîtres sont recrutés dans toute la Russie. Parmi ceux-ci : une figure de l’anarchisme russe, Voline qui deviendra un fidèle compagnon de route de Makhno.

Plutôt Denikine

Le modèle de communisme libre qui se développe en Ukraine repose sur des valeurs aux antipodes de ce que le pouvoir bolchévique met en pratique dans le reste de la Russie. Dans les campagnes, il n’y est nulle question de libre association des moujiks [6] comme en Ukraine. Au contraire, ceux-ci sont forcés d’intégrer les fermes d’État, dirigées par des Commissaires du Peuple. Dans les usines, ouvrières et ouvriers n’autogèrent pas les moyens de production. Au contraire, ils se retrouvent attachés à leurs machines comme aux temps sombres du tsarisme. Et bien souvent, les contremaîtres qui hurlent leurs ordres dans les ateliers demeurent les mêmes qu’avant 1917. Le contrôle et la discipline y sont appliqués avec la même sévérité, au moyen d’un Livret ouvrier qui enchaîne les exploités à leur lieu de travail. La presse est muselée. Les partis d’opposition, notamment les autres forces révolutionnaires, sévèrement réprimées.

Le « Communisme des casernes » du Parti Bolchévique doit néanmoins composer avec la réalité libertaire qui prévaut en Ukraine. La légitimité révolutionnaire y est anti-autoritaire, et que cela leur plaise ou non, Lénine doit faire avec. Et ce d’autant qu’un ennemi commun menace la Révolution en Ukraine : les troupes monarchistes du général Dénikine. Un accord, entre Bolchéviques et Makhnovistes, formalise cette union sacrée de circonstance contre les « blancs ». Léon Trotski reconnaît les mérites de l’Armée révolutionnaire insurrectionnelle de Makhno, dont les combattants sont qualifiés de « courageux partisans ». Sur le terrain, les troupes de Dénikine sont stoppées dans leur progression. Au plan politique, néanmoins, et ce malgré l’unité d’action avec les « noirs », le Kremlin supporte de plus en plus mal l’existence de cet « autre communisme », qui se développe en Ukraine et menace de s’étendre au reste du pays.

L’accord est rompu. Le régime bolchévique se durcit et accentue la répression dans le reste du pays contre les libertaires. Les prisons se remplissent d’anarchistes. Le journal Nabat est interdit. L’étau se resserre autour de Makhno et ses partisans. Conscients de la gravité de la situation, les Makhnovistes convoquent un Congrès des délégués ouvriers, paysans et partisans. Trotski est formel : Tout participant à ce Congrès sera arrêté. Il ajoute : « II vaut mieux céder l’Ukraine entière à Dénikine que permettre une expansion du mouvement makhnoviste : le mouvement de Dénikine comme étant ouvertement contre-révolutionnaire pourrait être aisément compromis par la voie de classe, tandis que la Makhnovstchina se développe au fond des masses et soulève justement les masses contre nous ». [7] L’armée makhnoviste connaît, sur le terrain, des revers face aux armées « blanches ». Trotski multiplie les attaques : insuffisances du commandement autogestionnaire de l’armée « noire » de Makhno, accusations de pillage et d’antisémitisme. Pures calomnies, Makhno s’attache justement à condamner tout type d’exactions au sein de ses troupes. [8] Le mal est fait. Trotski et les Bolchéviques préparent le terrain pour justifier le coup final qui mettra fin aux rêves libertaires de l’Ukraine insoumise.

Au plan militaire, la situation va de mal en pis : la moitié des troupes de Makhno est décimée par une épidémie de typhus. Face aux forces de Dénikine, les « noirs » et les « rouges » battent en retraite. Situation d’autant plus préoccupante que s’est ouvert un nouveau front avec les armées « blanches » de Wrangel, qui viennent prêter main forte à celles de Dénikine. Nouvel accord de circonstance entre Trotski et Makhno face à l’ennemi commun. La Makhnovstchina accepte encore d’aider l’Armée rouge. Le danger tsariste définitivement éliminé, les Bolchéviques mettent à exécution leur plan d’élimination de l’armée noire. Makhno intercepte trois messages de Lénine à Rakovsky, président du Conseil des commissaires du peuple d’Ukraine. Les ordres sont clairs : arrêter tous les militants anarchistes et les juger comme des criminels de droit commun. Le mouvement makhnoviste est battu. Bientôt ce sera au tour de la Commune de Cronstadt de tomber. C’est le modèle bolchévique, « qui a transformé la Grande Russie en une immense prison », qui triomphe. En août 1923, Makhno, épuisé, pourchassé par la Tchéka [9], s’enfuit en Roumanie, puis en Pologne, pour enfin finir sa vie à Paris dans la misère et l’abandon.

Jérémie Berthuin (AL Gard)


[1] Zaporogues, terme signifiant « au-delà des rapides ». Il désigne le nom des cosaques ukrainiens, de 1552 à 1775, qui combattirent les Tatars, les Polonais, les Ottomans, puis les Russes. Bien que dirigés par un chef militaire et politique, l’Hetman, les décisions étaient prises en commun, selon les principes de la démocratie directe, dans le cadre de l’assemblée des Zaporogues.

[2] Piotr ARCHINOV, L’histoire du mouvement Makhnoviste, page 39, éditions Bélibaste, 1969.

[3] Idem, page 62.

[4] VOLINE, La révolution inconnue, page 527, éditions Belfond, 1986

[5] Nestor Makhno, La révolution russe en Ukraine, 1918-1921, pages 188-189, éditions Belfond.

[6] Paysans pauvres.

[7] Piotr ARCHINOV, L’histoire du mouvement Makhnoviste, page 212, éditions Bélibaste, 1969.

[8] « Nestor Makhno était-il antisémite ? », paru dans Alternative Libertaire de septembre 2018

[9] Police politique du parti bolchévique qui deviendra plus tard, sous Staline, le GPU.
Dans / S’informer / AL, le mensuel / Numéros de 2018 / AL d’octobre est en ligne !


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Re: Nestor Makhno BD, film documentaire, archives

Messagede Pïérô » 29 Aoû 2019, 18:46

ABECEDAIRE DE L'ANARCHISTE REVOLUTIONNAIRE

Texte de Nestor Makhno (1932).

L'anarchisme, ce n'est pas un enseignement exclusivement théorique, à partir de programmes élaborés artificiellement dans le but de régir la vie ; c'est un enseignement tiré de la vie à travers toutes ses saines manifestations, passant outre à toutes les normes artificielles.

La physionomie sociale et politique de l'anarchisme, c'est une société libre, anti-autoritaire, celle qui instaure la liberté, l'égalité et la solidarité entre tous ses membres.

Le Droit, dans l'anarchisme, c'est la responsabilité de l'individu, celle qui entraîne une garantie véritable de la liberté et de la justice sociale, pour tous et pour chacun, partout et de tous temps. C'est là que naît le communisme.

L'anarchisme naît naturellement chez l'homme ; le communisme, lui, en est le développement logique.

Ces affirmations demandent à être appuyées théoriquement à l'aide de l'analyse scientifique et de données concrètes, afin de devenir des postulats fondamentaux de l'anarchisme. Cependant, les grands théoriciens libertaires, tels que Godwin, Proudhon, Bakounine, Johann Most, Kropotkine, Malatesta, Sébastien Faure et de nombreux autres n'ont pas voulu, du moins je le suppose, enfermer la doctrine dans des cadres rigides et définitifs. Bien au contraire, on peut dire que le dogme scientifique de l'anarchisme, c'est l'aspiration à démontrer qu'il est inhérent à la nature humaine de ne jamais se contenter de ses conquêtes. La seule chose qui ne change pas dans l'anarchisme scientifique, c'est la tendance naturelle à rejeter toutes les chaînes et toute entreprise d'exploitation de l'homme par l'homme. En lieu et place des chaînes et de l’esclavage instaurés actuellement dans la société humaine - ce que, d'ailleurs, le socialisme n'a pu et ne peut supprimer -, l'anarchisme sème la liberté et le droit inaliénable de l'homme à en user.

En tant qu'anarchiste révolutionnaire, j'ai participé à la vie du peuple ukrainien durant la révolution. Ce peuple a ressenti instinctivement à travers son activité l’exigence vitale des idées libertaires et en a également subi le poids tragique. J'ai connu, sans fléchir, les mêmes rigueurs dramatiques de cette lutte collective, mais, bien souvent, je me suis retrouvé impuissant à comprendre puis à formuler les exigences du moment. En général, je me suis rapidement repris et j'ai clairement saisi que le but vers lequel, moi et mes camarades, nous appelions à lutter était directement assimilé par la masse qui combattait pour la liberté et l'indépendance de l'individu et de l’humanité entière.

L'expérience de la lutte pratique a renforcé ma conviction que l'anarchisme éduque d'une manière vivante l'homme. C'est un enseignement tout aussi révolutionnaire que la vie, il est tout aussi varié et puissant dans ses manifestations que la vie créatrice de l'homme et, en fait, il s'y identifie intimement.

En tant qu'anarchiste révolutionnaire, et tant que j'aurai un lien au moins aussi ténu qu'un cheveu avec cette qualification, je t'appellerai, toi frère humilié, à la lutte pour la réalisation de l'idéal anarchiste. En effet, ce n'est que par cette lutte pour la liberté, l'égalité et la solidarité que tu comprendra l'anarchisme.


L'anarchisme existe, donc, naturellement chez l'homme: il l'émancipe historiquement de la psychologie servile - acquise artificiellement - et l'aide à devenir un combattant conscient contre l'esclavage sous toutes ses formes. C'est en cela que l'anarchisme est révolutionnaire.

Plus l'homme prend conscience, par la réflexion, de sa situation servile, plus il s'en indigne, plus l'esprit anarchiste de liberté, de volonté et d'action s'incruste en lui. Cela concerne chaque individu, homme ou femme, même s'ils n'ont jamais entendu parler du mot "anarchisme".

La nature de l'homme est anarchiste: elle s'oppose à tout ce qui tend à l'emprisonner. Cette essence naturelle de l'homme, selon moi, s'exprime dans le terme scientifique d'anarchisme. Celui-ci, en tant qu'idéal de vie chez l'homme, joue un rôle significatif dans l'évolution humaine. Les oppresseurs, tout aussi bien que les opprimés, commencent peu à peu à remarquer ce rôle; aussi, les premiers aspirent-ils par tout les moyens à déformer cet idéal, alors que les seconds aspirent, eux, à les rendre plus accessibles à atteindre.

La compréhension de l'idéal anarchiste chez l'esclave et le maître grandit avec la civilisation moderne. En dépit des fins que celle-ci s'était jusque là données - endormir et bloquer toute tendance naturelle chez l'homme à protester contre tout outrage à sa dignité -, elle n'a pu faire taire les esprits scientifiques indépendants qui ont mis à nu la véritable provenance de l'homme et démontré l’inexistence de Dieu, considéré auparavant comme le créateur de l'humanité. Par suite, il est devenu naturellement plus facile de prouver de manière irréfutable le caractère artificiel des "onctions divines" sur terre et des relations infamantes qu'elles entraînaient contre les homes.

Tous ces évènements ont considérablement aidé au développement conscient des idées anarchistes. Il est tout aussi vrai que des conceptions artificielles ont vu le jour à la même époque: le libéralisme et le socialisme prétendument "scientifique", dont l'une des branches est représentée par le bolchevisme-communisme. Toutefois, malgré toute leur immense influence sur la psychologie de la société moderne, ou du moins sur une grande partie d'entre elle, et malgré leur triomphe sur la réaction classique d'une part, et sur la personnalité de l'individu, d'autre part, ces conceptions artificielles tendent à glisser sur la pente menant aux formes déjà connues du vieux monde.

L'homme libre, qui prend conscience et qui l'exprime autour de lui, enterre et enterrera inévitablement tout le passé infamant de l'humanité, ainsi que tout ce que cela entraînerait comme tromperie, violence arbitraire et avilissement. Il enterrera aussi ces enseignements artificiels.

L'individu se libère peu à peu, dès à présent, de la chape de mensonges et de lâcheté dont l'ont recouvert depuis sa naissance les dieux terrestres, cela à l'aide de la force grossière de la baïonnette, du rouble, de la "justice" et de la science hypocrite - celle des apprentis sorciers.

En se débarrassant d'une telle infamie, l'individu atteint la plénitude qui lui fait découvrir la carte de la vie: il y remarque en premier lieu son ancienne vie servile, repoussante de lâcheté et de misère. Cette vie ancienne avait tué en lui, en l'asservissant, tout ce qui avait de propre, clair et valable au départ, pour le transformer soit en mouton bêlant, soit en maître imbécile qui piétine et déchire tout ce qu'il y a de bon en lui-même et chez autrui.

C'est seulement à ce moment que l'homme s'éveille à la liberté naturelle, indépendante de qui ou de quoi que ce soit et qui réduit en cendre tout ce qui lui est contraire, tout ce qui viole la pureté et la beauté captivante de la nature, laquelle se manifeste et croît à travers l’œuvre créatrice autonome de l'individu. Ce n'est qu'ici que l'homme revient à lui-même et qu'il condamne pour toujours son passé honteux, coupant avec lui tout lien psychique qui emprisonnait jusqu'ici sa vie individuelle et sociale, par le poids de son ascendance servile et aussi, en partie, par sa propre démission, encouragée et accrue par les chamans de la science.

Désormais, l'homme avance d'année en année autant qu'il le faisait auparavant de génération en génération, vers une fin hautement étique: ne pas être, ni devenir lui-même un chaman, un prophète du pouvoir sur autrui et ne plus permettre à d'autres de disposer d'un pouvoir sur lui.


Libéré des dieux célestes et terrestres, ainsi que de toutes leurs prescriptions morales et sociales, l'homme élève la voix et s'oppose en actes contre l'exploitation de l'homme par l'homme et le dévoiement de sa nature, laquelle reste invariablement liée à la marche en avant, vers la plénitude et la perfection. Cet homme révolté ayant pris conscience de soi et de la situation de ses frères opprimés et humiliés, s'exprime dorénavant avec son cœur et sa raison: il devient un anarchiste révolutionnaire, le seul individu qui puisse avoir soif de liberté, de plénitude et de perfection tant pour lui que pour le genre humain, foulant à ses pieds l'esclavage et l'idiotie sociale qui s'est incarnée historiquement par la violence - l’État. Contre cet assassin et bandit organisé, l'homme libre s'organise à son tour avec ses semblables, en vue de se renforcer et d'adopter une orientation véritablement communiste dans toutes les conquêtes communes accomplies sur la voie créatrice, à la fois grandiose et pénible.

Les individus membres de tels groupes s'émancipent par là même de la tutelle criminelle de la société dominante, dans la mesure où ils redeviennent eux-mêmes, c'est à dire qu'ils rejettent toute servilité envers autrui, quelqu'ils aient pu être auparavant: ouvrier, paysan, étudiant ou intellectuels. C'est ainsi qu'ils échappent à la condition soit d'âne bâté, d'esclave, de fonctionnaire ou de laquais se vendant à des maîtres imbéciles.


En tant qu'individu, l'homme se rapproche de sa personnalité authentique lorsqu’il rejette et réduit en cendres les idées fausses sur sa vie, retrouvant ainsi tous ses véritables droits. C'est par cette double démarche de rejet et d'affirmation que l'individu devient un anarchiste révolutionnaire et un communiste conscient.

En tant qu'idéal de vie humaine, l'anarchisme se révèle consciemment en chaque individu comme une aspiration naturelle de la pensée vers une vie libre et créatrice, conduisant à un idéal social de bonheur. A notre siècle, la société anarchiste ou société harmonieuse n'apparaît plus comme une chimère. Cependant, autant que son élaboration et son aménagement pratique, sa conception paraît encore peu évidente.

En tant qu'enseignement portant sur une vie nouvelle de l'homme et de son développement créateur, tant sur le plan individuel que social, l'idée même de l'anarchisme se fonde sur la vérité indestructible de la nature humaine et sur les preuves indiscutables de l'injustice de la société actuelle - véritable plaie permanente. Cette constatation conduit ses partisans - les anarchistes - à se trouver en situation à demi ou entièrement illégale vis-à-vis des institutions officielle de la société actuelle. En effet, l'anarchisme ne peut être reconnu tout à fait légal dans aucun pays; cela s'explique par son serviteur et maître: l’État. La société s'y est complètement dissoute; toutes ses fonctions et affaires sociales sont passées aux mains de l’État. Le groupe de personnes qui a parasité de tous temps l'humanité, en lui construisant des "tranchées" dans sa vie, s'est ainsi identifié à l’État. Que ce soit individuellement ou en masse innombrable, l'homme se retrouve à la merci de ce groupe de fainéants se faisant appeler "gouvernants et maîtres", alors qu'ils ne sont en réalité que de simple exploiteurs et oppresseurs.

C'est à ces requins qui abrutissent et soumettent le monde actuel, qu'ils soient gouvernants de droite ou de gauche, bourgeois ou socialistes étatistes, que la grande idée d'anarchisme ne plaît en aucune sorte. La différence entre ces requins tient en ce que les premiers sont des bourgeois déclarés - par conséquents moins hypocrites -, alors que les seconds, les socialistes étatistes de toutes nuances, et surtout parmi eux les collectivistes qui se sont indûment accolés le nom de communistes, à savoir les bolcheviks, se dissimilent hypocritement sous les mots d'ordre de "fraternité et d'égalité". Les bolcheviks sont prêt à repeindre mille fois le société actuelle ou à changer mille fois la dénomination des systèmes de domination des uns et d'esclavage des autres, bref à modifier les appellations selon les besoins de leurs programmes, sans changer pour autant un iota de la nature de la société actuelle, quitte à échafauder dans leurs stupides programmes des compromis aux contradictions naturelles qui existent entre la domination et la servitude. Bien qu'ils sachent que ces contradictions soient insurmontables, ils les entretiennent tout de même, à la seule fin de ne pas laisser apparaître dans la vie le seul idéal humain véritable: le communisme libertaire.

Selon leur programme absurde, les socialistes et communistes étatistes ont décidé de "permettre" à l'homme de se livrer socialement, sans qu'il soit possible pour autant de manifester cette liberté dans sa vie sociale. Quant à laisser l'homme s'émanciper spirituellement en totalité, de manière à ce qu'il soit entièrement libre d'agir et de se soumettre uniquement à sa propre volonté et aux seules lois naturelles, bien qu'ils abordent peu ce sujet, il ne saurait pour eux en être question. C'est la raison pour laquelle ils unissent leurs efforts à ceux des bourgeois afin que cette émancipation ne puisse jamais échapper à leur odieuse tutelle. De toute façon, l'"émancipation" octroyée par un pouvoir politique quelconque, on sait bien désormais quel aspect cela peur revêtir.

Le bourgeois trouve naturel de parler des travailleurs comme d'esclaves condamné à le rester. Il n'encouragera jamais un travail authentique susceptible de produire quelque chose de réellement utile et beau, pouvant bénéficier à l'humanité entière. Malgré les capitaux colossaux dont il dispose dans l'industrie et l'agriculture, il affirme ne pas pouvoir aménager des principes de vie sociale nouvelle. Le présent lui paraît tout fait suffisant, car tout les puissants s’inclinent devant lui: les tsars, les présidents, les gouvernements et la quasi-totalité des intellectuels et savants, tout ceux qui soumettent à leur tour les esclaves de la société nouvelle. "Domestiques" crient les bourgeois à leur fidèles serviteurs, donnez aux esclaves le servile qui leur est dû, gardez la part qui vous revient pour vos dévoués services, puis conservez le reste pour nous !... Pour eux, dans ces conditions, la vie ne peut être que belle !

"Non nous ne sommes pas d'accord avec vous là-dessus ! rétorquent les socialistes et communistes étatistes. Sur ce, ils s'adressent aux travailleurs, les organisent en parti politiques, puis les incitent à se révolter en tenant le discours suivant: "Chassez les bourgeois du pouvoir de l’État et donnez-nous-le, à nous socialistes et communistes étatistes, ensuite nous vous défendrons et libérerons".

Ennemis acharnés et naturels du pouvoir d’État, bien plus que les fainéants et les privilégiés, les travailleurs expriment leur haine, s'insurgent accomplissent la révolution, détruisent le pouvoir d’État et en chassent ses détenteurs, puis, soit par naïveté soit par manque de vigilance, ils laissent les socialistes s'en emparer. En Russie, ils on laisser les bolcheviks-communistes se l'accaparer. Ces lâches jésuites, ces monstres et bourreaux de la liberté se mettent alors à égorger, à fusiller et à écraser les gens, même désarmés, tout comme auparavant les bourgeois, si ce n'est pire encore. Ils fusillent pour soumettre l'esprit indépendant, qu'il soit individuel ou collectif, dans le but d'anéantir pour toujours en l'homme l'esprit de liberté et la volonté créatrice, de le rendre esclave spirituel et laquais physique d'un groupe de scélérats installés à la place du trône déchu, n'hésitant pas à utiliser des tueurs pour se subordonner la masse et éliminer les récalcitrants.

L'homme gémit sous le poids des chaînes du pouvoir socialiste en Russie. Il gémit aussi dans les autres pays sous le joug des socialistes unis à la bourgeoisie, ou bien sous celui de la seule bourgeoisie. Partout, individuellement ou collectivement, l'homme gémit sous l'oppression du pouvoir d’État et de ses folies politiques et économiques. Peu de gens s'intéressent à ses souffrances sans avoir en même temps d'arrières-pensées, car les bourreaux, anciens ou nouveaux, sont très forts spirituellement et physiquement: ils disposent de grands moyens efficaces pour soutenir leur emprise et écraser tout et tous ceux qui se mettent en travers de leur chemin.

Brûlant de défendre ses droits à la vie, à la liberté et au bonheur, l'homme veut manifester sa volonté créatrice en se mêlant au tourbillon de violence. Devant l'issue incertaine de son combat, il a parfois tendance à baisser les bras devant sont bourreau, au moment même où celui-ci passe le nœud coulant autour du cou, cela alors qu'un seul de ses regards audacieux suffirait à faire trembler le bourreau et à remette en cause tout le fardeau du joug. Malheureusement, l'homme préfère bien souvent fermer les yeux au moment même où le bourreau passe un nœud coulant sur sa vie toute entière.

Seul, l'homme qui a réussi à se débarrasser des chaînes de l'oppression et observé toutes les horreurs se commettant contre le genre humain, peut être convaincu que sa liberté et celle de son semblable sont inviolables, tout autant que leur vies, et que son semblable est un frère. S'il est prêt à conquérir et à défendre sa liberté, à exterminer tout exploiteur et tout bourreau (si celui-ci n'abandonne pas sa lâche profession), puis s'il ne se donne pas pour but dans sa lutte contre le mal de la société contemporaine de remplacer le pouvoir bourgeois par un autre pouvoir tout aussi oppresseur - socialiste, communiste ou "ouvrier" (bolchevik) -, mais d'instaurer une société réellement libre, organisée à partir de la responsabilité individuelle et garantissant à tous une liberté authentique et une justice sociale égale pour tous, seul cet homme là est un anarchiste révolutionnaire. il peut sans crainte regarder les actes du bourreau-État et recevoir s'il le faut son verdict, et aussi énoncer le sien à l'occasion en déclarant: "Non, il ne saurait en être ainsi ! Révolte-toi, frère opprimé! Insurge-toi contre tout pouvoir de l’État ! Détruis le pouvoir de la bourgeoisie et ne le remplace pas par celui des socialistes et des bolcheviks-communistes. Supprime tout pouvoir d’État et chasse ses partisans, car tu ne trouveras jamais d'amis parmi eux."

Le pouvoir des socialistes ou communistes étatistes est tout aussi nocif que celui de la bourgeoisie. Il arrive même qu'il le soit encore davantage, lorsqu’il fait ses expériences avec le sang et la vie des hommes. A ce moment, il ne tarde pas à rejoindre à la dérobée les prémices du pouvoir bourgeois; il ne craint plus alors de recourir aux pires moyens en mettant et en trompant encore plus que tout autre pouvoir. Les idées du socialisme ou communisme d’État deviennent même superflues: il ne s'en sert plus et se rapproche à toutes celles qui peuvent lui servir à s'agripper au pouvoir. En fin de compte, il ne fait qu'employer des moyens nouveaux pour perpétuer la domination et devenir plus lâche que la bourgeoisie qui, elle, pend le révolutionnaire publiquement, alors que le bolchevisme-communisme, lui, tue et étrangle en cachette.

Toute révolution qui a mis aux prises la bourgeoisie et les socialistes ou communistes d’État illustre bien ce que je viens d'affirmer, en particulier si l'on considère l'exemple des révolutions russes de février et d'octobre 1917. Ayant renversé l'empire russe, les masses laborieuses se sentirent en conséquence à demi émancipée politiquement et aspirèrent a parachever cette libération. Elles se mirent à transmettre les terres, confisquées aux grands propriétaires terriens et au clergé, à ceux qui les cultivaient ou qui avaient l'intention de le faire sans exploiter le travail d'autrui. Dans les villes, ce furent les usines, les fabriques, les typographies et autres entreprises sociales qui furent prises en main par ceux qui y travaillaient. Lors de ces réalisations saines et enthousiastes, tendant à instaurer des relations fraternelles entre les villes et les campagnes, les travailleurs ne voulurent pas remarquer qu'à Kiev, Kharkov et Petrograd, des gouvernements nouveaux se mettaient en place.

A travers ses organisations de classe, le peuple aspirait à poser le fondement d'une société nouvelle et libre devant éliminer, en toute indépendance, au cours de son développement, du corps social tous les parasites et tous les pouvoirs des uns sur les autres, jugés stupides et nuisibles par les travailleurs.

Une telle démarche s'affirma nettement en Ukraine, dans l'Oural et en Sibérie. A Tiflis, Kiev, Petrograd et Moscou, au cœur même des pouvoir mourants, cette tendance se fit jour. Toutefois, partout et toujours, les socialistes et communistes d’État avaient et on encore leurs nombreux partisans, ainsi que leurs tueurs à gages. Parmi ceux-ci, il faut malheureusement constater qu'il y eu de nombreux travailleurs. A l'aide de ces tueurs les bolcheviks ont coupé court à l’œuvre du peuple, et d'une manière si terrible que même l'inquisition du Moyen Age pourrait les envier.

Quant a nous, connaissant la véritable nature de l’État, nous disons aux guides socialistes et bolcheviks: "Honte à vous ! Vous avez tant écrit et discuté de la férocité bourgeoise à l'égard des opprimés. Vous avez défendu avec tant d'acharnement la pureté révolutionnaire et le dévouement des travailleurs en lutte pour leur émancipation et maintenant, parvenu au pouvoir, vous vous révélez ou bien les même lâches laquais de la bourgeoisie ou bien vous devenez vous même bourgeois en utilisant ses moyens, au point même qu'elle s'en étonne et s'en moque."


D'ailleurs à travers les expériences du bolchevisme-communiste, la bourgeoisie a compris, ces dernières années, que la chimère scientifique d'un socialisme étatique ne pouvait se passer ni des moyens, ni même d'elle même. Elle l'a si bien compris qu'elle se moque de ses élèves qui n'arrivent même pas à sa hauteur. Elle à compris que, dans le système socialiste, l'exploitation et la violence organisée contre la majorité de la masse laborieuse ne suppriment nullement la vie débauchée et le parasitisme des fainéants, qu'en fait l'exploitation ne change que de nom puis croît et se renforce. Et c'est bien ce que la réalité nous confirme. Il n'y a qu'à constater la maraude des bolcheviks et leur monopole sur les conquêtes révolutionnaire du peuple, ainsi que leur police, leurs tribunaux, prisons et armée de geôliers, tous employés contre la révolution. L'armée "rouge" continue d'être recrutée de force ! On y retrouve les mêmes fonctions qu'auparavant, bien qu'elles s'y dénomment autrement, en étant encore plus irresponsable et dévoyées.


Le libéralisme, le socialisme et le communisme d’État sont trois membres de la même famille empruntant des voies différentes pour exercer leur pouvoir sur l'homme, afin de l'empêcher d'atteindre son plein épanouissement vers la liberté et l'indépendance en créant un principe nouveau, sain et authentique à partir d'un idéal social valable pour tout le genre humain.

"Révolte-toi ! déclare l'anarchiste révolutionnaire à l'opprimé. Insurge-toi et supprime tout pouvoir sur toi et en toi. Et ne participe pas à en créer un nouveau sur autrui. Sois libre et défends la liberté des autres contre toutes atteintes !"

Le pouvoir dans la société humaine est surtout prôné par ceux qui n'ont jamais vécu véritablement de leur propre travail et d'une vie saine, ou bien, encore, qui n'en vivent plus ou qui ne veulent pas en vivre. Le pouvoir d’État ne pourra jamais donner la joie, le bonheur et l'épanouissement à une société quelle qu'elle soit. Ce pouvoir à été créé par des fainéant dans le but unique de piller et d'exercer leur violence, souvent meurtrière, contre tous ceux qui produisent, par leur travail - que ce soit par la volonté, l'intelligence ou les muscles - , tout ce qui est utile et bon dans la vie de l'homme.

Que ce pouvoir se qualifie de bourgeois, de socialiste, de bolchevik-communiste, d'ouvrier ou de paysan, cela revient au même: il est tout aussi nocif à l'individualité saine et heureuse et à la société dans son ensemble. La nature de tout pouvoir d’État est partout identique: anéantir la liberté de l'individu, le transformer spirituellement en laquais, puis de s'en servir pour les besognes les plus sales. Il n'y a pas de pouvoir inoffensif.

"Frère opprimé, chasse en toi le pouvoir et ne permet pas qu'il s'instaure ni sur toi ni sur ton frère, proche ou lointain !"


La vraie vie, saine et joyeuse, de l'individu et de la collectivité ne se construit pas à l'aide du pouvoir et de programmes qui tentent de l'enfermer en des formules et des lois écrites. Non, elle ne peut s'édifier qu'à partir de la liberté individuelle, de son œuvre créatrice et indépendante, s'affirmant par les phases de destruction et de construction.

La liberté de chaque individu fonde la société libertaire; celle-ci atteint son intégralité par la décentralisation et la réalisation but commun: le communisme libertaire.

Lorsque nous nous représentons la société communiste libertaire, nous la voyons comme une société grandiose et harmonieuse dans ses relations humaines. Elle repose principalement sur les individus libre qui se groupent en associations infinitaires - que ce soit par intérêt, nécessité ou penchants -, garantissant une justice sociale à titre égal pour tous en se liant en fédérations et confédérations.

Le communisme libertaire, c'est une société qui se fonde sur la vie libre de tout homme, sur son droit intangible à un développement infini, sur la suppression de toutes les injustices et de tous les maux qui ont entravé le progrès et le perfectionnement de la société en la partageant en couches et en classes, sources de l'oppression et de la violence des uns sur les autres.

La société libertaire se donne pour but de rendre plus belle et plus radieuse la vie de chacun, au moyen de son travail, de sa volonté et de son intelligence. En plein accord avec la nature, le communisme libertaire se fonde par conséquent sur la vie de l'homme pleinement épanoui, indépendant, créateur et absolument libre. C'est la raison pour laquelle ses adeptes apparaissent dans leur vie comme des êtres libres et radieux.


Le travail et les relation fraternelles entre tous, l'amour de la vie, la passion de la création belle et libre, toutes ces valeurs motivent la vie et l'activité des communistes libertaires. Ils n'ont nul besoin de prisons, de bourreaux, d'espions et de provocateurs, utilisés par contre en grands nombre par le socialistes et communistes étatistes. Par principe, les communistes libertaire n'ont aucun besoin des bandits et assassins à gages dont le pire exemple et le chef suprême est en fin de compte, l’État. Frère opprimé ! Prépare-toi à la fondation de cette société là, par la réflexion et au moyen de l'action organisée. Seulement, souviens-toi que ton organisation doit être solide et constante dans son activité sociale. L'ennemi absolu de ton émancipation, c'est l’État; il s'incarne au mieux par l'union des cinq types suivants: le propriétaire, le militaire, le juge, le prêtre et celui qui est leur serviteur à tous, l'intellectuel. Dans la plupart des cas, ce dernier se charge de prouver les droits "légitimes" de ses quatre maître à sanctionner le genre humain, à normaliser la vie de l'homme sous tous ses aspects individuels et sociaux, cela en déformant le sens des lois naturelles pour codifier des lois "historiques et juridiques", œuvres criminelles de plumitifs stipendiés.

L'ennemi est très fort car, depuis des millénaires, il vit de pillages et de violences; il en a retiré de l'expérience, il a surmonté des crises internes et il adopte maintenant une nouvelle physionomie, étant menacé de disparition par l'apparition d'une science nouvelle qui réveille l'homme de son sommeil séculaire. Cette science nouvelle libère l'homme de ses préjugés et lui fournit des armes pour se découvrir lui-même et trouver sa véritable place dans la vie, malgré tous les efforts des apprentis-sorciers de l'union des "cinq" pour l'empêcher d'avancer sur cette voie.

Ainsi une telle modification du visage de notre ennemi, frère opprimé, peut être remarqué, par exemple, dans tout ce qui sort du cabinet des savants réformateurs de l’État. Nous avons pu observer d'une manière caractéristique cette métamorphose lors des révolutions que nous avons vécues nous-même. L'union des "cinq", l’État, notre ennemi, parut au début disparaître complètement de la terre...

En réalité, notre ennemi ne fit que changer d'apparence et se découvrit de nouveau alliés qui œuvrèrent criminellement contre nous: la leçon des bolcheviks-communistes en Russie, en Ukraine, en Géorgie, et parmi de nombreux peuples d'Asie centrale est très édifiante à ce égard. Cette époque ne sera jamais oubliée par l'homme qui combat pour son émancipation, car il car il saura se rappeler ce qu'il y a eu de cauchemardesque et de criminel.

Le seul et le plus sûr moyen qui s'offre à l'opprimé dans sa lutte contre le mal qui l'enchaîne, c'est la révolution sociale, rupture profonde et avancée vers l'évolution humaine.

Bien que la révolution sociale se développe spontanément, l'organisation déblaie sa voie, facilite l'apparition de brèches parmi les digues dressée contre elle et accélère sa venue. L’anarchiste révolutionnaire travaille dès maintenant à cette orientation. Chaque opprimé qui tient sur lui le joug, en étant conscient que cette infamie écrase la vie du genre humain, doit venir en aide à l'anarchiste. Chaque être humain doit être conscient de sa responsabilité et l'assumer jusqu'au bout en supprimant de la société tous les bourreaux et parasites de l'union des "cinq", afin que l'humanité puisse respirer en toute liberté.

Chaque homme et surtout l'anarchiste révolutionnaire - en tant qu'initiateur appelant à lutter pour l'idéal de liberté, de solidarité et d'égalité - doit se rappeler que la révolution sociale exige pour son évolution créatrice des moyens adéquats, en particulier des moyens organisationnels constants, notamment durant la période où elle détruit, dans un élan spontané, l'esclavage, et sème la liberté, en affirmant le droit de chaque homme à un libre développement illimité. C'est précisément la période où, ressentant la véritable liberté en eux et autour d'eux, les individus et les masses oseront mettre en pratique les conquêtes de la révolution sociale, que celle- ci éprouvera le plus grand besoin de ces moyens organisationnels. Par exemple, les anarchistes révolutionnaires ont joué un rôle particulièrement remarquable lors de la révolution russe mais, ne possédant pas les moyens d'action nécessaires, n'ont pu mener à terme leur rôle historique. Cette révolution nous a, d'ailleurs, bien démontré la vérité suivante: après s'être débarrassé des chaînes de l'esclavage, les masses humaines n'ont nullement l'intention d'en créer de nouvelles. Au contraire, durant les périodes révolutionnaires, les masses recherchent des formes nouvelles d'associations libres pouvant non seulement répondre à leurs élans libertaires,mais défendre aussi leurs acquis lorsque l'ennemi s'y attaque.

En observant ce processus, nous sommes constamment parvenu à la conclusion que les association les plus fertiles et les plus valables ne pouvaient être que les union-communes, celles dont les moyens sociaux sont créés par la vie même: les soviets libres. En se fondant sur cette même conviction, l'anarchiste révolutionnaire se jette dans l'action avec abnégation et il rappelle les opprimés à la lutte pour les actions libres. Il est convaincu qu'il ne faut pas seulement manifester les principe organisationnels fondamentaux et créateurs, mais aussi se donner les moyens de défendre la vie nouvelle contre les forces hostiles. La pratique montre que cela doit être réalisé de la manière la plus ferme et soutenue par les masses elles-même, directement sur place.

En accomplissant la révolution, poussées par l'anarchisme naturellement en elles, les masses humaines recherchent les associations libres. Les assemblées libres retiennent toujours leur sympathie. L'anarchiste révolutionnaire doit les aider à formuler le mieux possible cette démarche. Par exemple, le problème économique de l'association libre des communes doit trouver sa pleine expression par la création de coopératives de production et de consommation, dont les soviets libres seraient les promoteurs.

C'est par l'intermédiaire des soviets libres, durant le développement de la révolution sociale, que les masses s'empareront directement de tout le patrimoine social: la terre, les forêts, les fabriques, les usines, les chemins de fer et transports maritimes, etc., puis, se regroupant selon leurs intérêts, leurs affinités ou l'idéal commun, elles construiront leur vie sociale de la façon la plus variée et appropriée à leurs besoins et désirs.

Il va sans dire que cette lutte sera pénible; elle provoquera un grand nombre de victimes, car elle opposera pour la dernière fois l'humanité libre et le vieux monde. Il n'y aura pas de place à l'hésitation ni au sentimentalisme. Ce sera à la vie et à la mort ! Du moins c'est ainsi que devra le concevoir chaque homme qui attache de l'importance à ses droits et à ceux de l'humanité entière, s'il ne veut pas demeurer un âne bâté, un esclave, comme on le force à l'être actuellement.

Lorsque le raisonnement sain et l'amour autant de soi-même que d'autrui prendront le dessus dans la vie, l'homme deviendra le véritable créateur de sa propre existence.

Organise-toi, frère opprimé, fais appel à tous les hommes de la charrue et de l'atelier, du banc d'école du lycée et de l'université, sans oublier le savant et l'intellectuel en général, afin qu'il sorte de son cabinet et te porte secours sur ton pénible chemin. Il est vrai que neuf intellectuels sur dix ne pourront pas répondre à ton appel ou bien, s'il le font, ce sera avec l'arrière pensée de te tromper, car n'oublie pas que ce sont de fidèles serviteur de l'union des "cinq". Il y en aura tout de même un sur dix qui s'avèrera être ton ami et t'aidera à déjouer la tromperie des neuf autres. En ce qui concerne la violence physique, la force grossière des gouvernants législateurs, tu l'écartera avec ta propre violence.

Organise-toi, appelle tout tes frères à rejoindre le mouvement et exige de tous les gouvernants de mettre fin volontairement à leur lâche profession de régenter la vie de l'homme. S'ils refusent, insurge-toi, désarme les policiers, les miliciens et autres chiens de garde de l'union des "cinq". Arrête pour le temps nécessaire tout les gouvernants, déchire et brûle leurs lois ! Détruis les prisons, anéantis les bourreau, supprime tout pouvoir d’État !

De nombreux tueurs à gages et assassins se trouvent dans l'armée, mais tes amis, les soldats mobilisés de force, y sont présents aussi, appelle-les à toi, ils viendront à ton secours et t'aideront à neutraliser les mercenaires.


Après s'être tous réunis en une grande famille, frères, nous irons ensemble sur la voie de la lumière et du savoir, nous éloignerons les ténèbres et marcherons vers l'idéal commun de l'humanité : la vie fraternelle et libre, la société où personne ne sera plus jamais esclave ni humilié par quiconque.

A la violence grossière de nos ennemis, nous répondrons par la force compacte de notre armée révolutionnaire insurrectionnelle. A l'incohérence et l'arbitraire, nous répondrons en construisant avec justice notre nouvelle vie, sur la base de la responsabilité de chacun, vraie garantie de la liberté et de la justice sociale pour tous.

Seuls, les criminels sanguinaires de l'union des "cinq" refuseront de se joindre à nous sur la voie novatrice; ils tenteront de s'y opposer pour conserver leurs privilèges, ce en quoi ils se condamneront eux-mêmes.

Vive cette conviction claire et ferme en la lutte pour l'idéal de l'harmonie humaine généralisée : la société anarchiste !

Nestor Makhno,

Probouzdénié, n°18, janvier 1932, pp.57-63 et n°19-20, février-mars 1932, pp.16-20.


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