Histoire de l'anarcho-syndicalisme

Re: L'anarcho - syndicalisme en France ?

Messagede Nyark nyark » 28 Nov 2012, 21:03

J'avais mal lu ton post et je croyais que tu cherchais uniquement des livres. Du coup, je t'ai dit qu'il n'y avait pas grand chose... Mais bon, tu as quand même plein de références maintenant. youpeee
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Re: L'anarcho - syndicalisme en France ?

Messagede Ulfo25 » 29 Nov 2012, 16:11

Comme référence je peux aussi vous conseiller de lire Rudolf Rocker notamment [i]Théorie et pratique de l'anarchosyndicalisme[/i] publié chez Aden avec préface de Noam Chomsky et traduction/présentation de Normand Baillargeon (que j'ai acheté pour 19€ neuf). C'est un livre très intéressant sur le sujet et je l'ai utilisé pour mon mémoire de recherche en M1 l'an passée.
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Re: L'anarcho - syndicalisme en France ?

Messagede W catharos » 29 Nov 2012, 19:21

Salut les ami(e)s,

Merci pour vos références et sources, c'est très bien, je vais tâcher de lire tout cela, d'ailleurs, j'ai commencé...

Fraternellement,
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Re: L'anarcho - syndicalisme en France ?

Messagede René » 31 Déc 2012, 19:28

Réflexions sur l’Internationale communiste et
la stratégie du «Front unique»

René Berthier
31 décembre 2012


«Nous pensons qu’il faut être là où les travailleurs sont, et que l’expérience du mouvement anarcho-syndicaliste montre qu’il est suicidaire de se marginaliser de la masse des travailleurs, qu’à la limite c’est une démission. Être organisé, avec les travailleurs, parmi les travailleurs, telle reste notre préoccupation constante.»
(«Tout réinventer», Solidarité ouvrière, n° 55,
février 1976)


La stratégie du front unique fut officiellement décidée au 3e congrès de l’IC en 1921. La crise économique, la contre-offensive de la bourgeoisie et les échecs successifs de la révolution en Europe centrale et occidentale commençaient à détacher le prolétariat de la révolution russe. La puissance de la social-démocratie n’était en rien diminuée malgré les accusations obsessionnelles de trahison portées contre elle par les communistes russes : la classe ouvrière européenne restait dans son écrasante majorité sous l’influence du mouvement socialiste réformiste. De son côté, le mouvement syndical réformiste avait vu ses effectifs grossir de manière extraordinaire. En résumé, la quasi-totalité de la classe ouvrière échappait à l’influence communiste. On peut dire que le «front unique» est une forme de stratégie à la Lagardère : si la classe ouvrière ne vient pas à nous, nous irons à la classe ouvrière.
Dans un premier temps les communistes russes furent à l’origine de scissions dans les partis socialistes qui aboutirent à la constitution de partis communistes décidés à soutenir le politique des communistes russes. Ces partis, cependant, restaient petits, impuissants à intervenir sur le cours des événements. Après avoir été, de manière délibérée, à l’origine de scissions dans le mouvement ouvrier, les communistes russes firent donc le constat que les travailleurs n’acceptaient pas cette situation alors même que la classe capitaliste regroupait ses efforts. Les communistes russes inventèrent donc l’idée de «front» unique pour proposer au moins une certaine unité d’action à la classe ouvrière, mais aussi pour pouvoir être, sur le terrain, là où était la classe ouvrière.
Dans le vocabulaire stéréotypé du mouvement communiste, cela s’exprimait ainsi dans la «Notice historique» rédigée par Matias Rakosi : «Les masses ouvrières se détournaient inconsciemment de la politique réformiste de la IIe Internationale et de l’Internationale syndicale d’Amsterdam» — ce qui, en langage décodé, signifie : «L’Internationale communiste se rapproche de la IIe Internationale parce que les masses ouvrières se détournent du communisme.» Lorsqu’on lit encore qu’»après tant d’erreurs et de défaites, [les masses ouvrières] étaient enfin décidées à s’engager dans la voie de l’unification des forces du prolétariat» — formulation qui laisse entendre que ce sont les masses qui se sont trompées, pas les communistes — il faut entendre : «Après tant d’erreurs et de défaites, l’Internationale communiste a enfin réalisé qu’elle avait fait des erreurs en provoquant des scissions dans le mouvement ouvrier.» [«Notice historique» à l’édition des thèses des quatre premiers congrès de l’Internationale communiste. Cette «notice» date de 1923 et a été rédigée par Mathias Rakosi.]
Trotsky aura moins de scrupules sur la question des scissions. Il écrit en 1922 :
«Ceux des membres du Parti Communiste qui déplorent la scission au nom de l'unité des forces et de l'unité du front ouvrier montrent par cela même qu'ils ne comprennent même pas l'a b c du communisme et qu'ils n'appartiennent au Parti Communiste que par suite de circonstances fortuites…» [«Le Front unique et le communisme en France» 2 mars 1922.]

La «Notice historique» va cependant s’efforcer de dégager la responsabilité du Komintern. Si le prolétariat a été battu en 1918-1919, c’est parce que le parti communiste n’était pas encore un parti capable de prendre la direction de la lutte, il «représentait bien plus une tendance qu’une organisation capable de prendre la direction de la lutte de classes». C’est l’expérience de la défaite qui obligea les communistes à créer «par le moyen de scissions et par la création de partis indépendants, les organisations de combat nécessaires». La Notice reconnaît que les masses ne pouvaient comprendre la nécessité de la tactique des scissions.
«Cette période des scissions coïncida avec celle où la grande vague révolutionnaire était en voie de décroissance et où commençait la contre-offensive du capitalisme.»

Donc, les organisations de combat nécessaires à la lutte ont été créées par la voie de scissions en période de décroissance des luttes. La «Notice» reconnaît implicitement que ce fut une erreur, en dépit du fait que les social-démocrates ont adroitement utilisé cette circonstance pour discréditer les communistes : «un mécontentement se serait quand même produit contre les “scissionnistes” [lire : les communistes] au sein des masses», parce que ces dernières «ne pouvaient comprendre la nécessité de cette tactique». Veut-on nous expliquer que les masses n’avaient pas compris que les communistes faisaient des erreurs ? Il semble que ce soit le cas lorsqu’on lit la suite :
«Les masses avaient aussi peu compris les tentatives de soulèvement faites par les communistes, lorsque ces derniers, avant toute la classe ouvrière — précisément parce qu’ils en sont la fraction la plus clairvoyante — réclamaient l’emploi de méthodes de combat plus énergiques.»

On nous dit ici que les communistes sont «la fraction la pus clairvoyante» de la classe ouvrière, qui emploie des «méthodes de combat énergiques», mais malheureusement les mases n’avaient pas compris. En somme quand les communistes font des erreurs, c’est parce que la classe ouvrière n’a pas compris. En effet, il est fait référence ici à l’»action de mars», une tentative insurrectionnelle aventuriste impulsée en 1921 en Allemagne centrale par Zinoviev, président du Komintern. Mal préparée, mal organisée, cette insurrection envoya des milliers d’ouvriers allemands au casse-pipe et fut suivie d’une répression impitoyable. Cet échec brisa définitivement toute possiblité de révolution ultérieure — ce qui n’empêcha pas les communistes russes de susciter une nouvelle insurrection en 1923, mais elle fut, cette fois-ci, annulée par les dirigeants allemands.
Selon l’interprétation proposée par l’Internationale communiste, l’échec du soulèvement de mars 1921 était dû au fait que les masses avaient mal compris ces initiatives aventuristes. L’»action de mars», comme la grève de décembre en Tchécoslovaquie, auraient échoué de toute façon, «même si elles avaient été mieux conduites», nous dit-on, «parce que les larges masses ne comprenaient pas alors la nécessité d’une pareille méthode de combat» — ce qui est une façon de reconnaître qu’elles ont été effectivement mal menées ; mais la responsabilité des «larges masses» qui ne comprenaient rien reste établie…
Ainsi, dans le discours communiste, le caractère positif d’une mesure ne dépend pas des résultats qu’on est en droit d’en attendre, mais de qui la propose ! Lorsque la IIe Internationale propose quelque chose, comme par exemple l’unité, c’est une mauvaise chose parce que c’est à l’évidence une action menée contre les communistes :
«Les partisans d’Amsterdam, ceux de la 2e Internationale et de l’Internationale 2 ½, essayèrent d’exploiter le nouveau courant en provoquant un mouvement en faveur de l’unité, contre les communistes. Mais l’époque où de telles manœuvres étaient possibles, parce que les social-démocrates avaient en mains toutes les organisations ouvrières et toute la presse ouvrière, était passée.» («Notice historique»)

Aussi le Comité exécutif de l’Internationale communiste démasqua-t-il ce projet, et fit campagne «pour l’unité du prolétariat mondial, contre l’union avec les social-traîtres».

«Dans des “Résolutions sur le front unique des ouvriers et sur les rapports avec les ouvriers qui appartiennent à la IIe Internationale, à l’Internationale 2 ½, à l’Internationale syndicale d’Amsterdam et aux organisations anarcho-syndicalistes”, il analysa la situation et fournit un but clair et précis aux efforts élémentaires en vue du front unique. “Le front unique n’est pas autre chose que l’union de tous les ouvriers décidés à lutter contre le capitalisme”.» [«Notice historique». Dans les «Thèses sur la tactique. 3e congrès de l’IC» (page 101) on peut lire : «Si la pression du PC dans les syndicats et dans la presse ne suffit pas pour entraîner le prolétariat au combat sur le front unique, c’est alors du devoir du PC que d’essayer d’entraîner tout seul de grandes fractions des masses ouvrières.»]

Les leaders réformistes, nous assure-t-on, préféreront encore une fois l’unité avec la bourgeoisie à l’unité avec le prolétariat. C’est pourquoi les différentes sections de l’Internationale communiste doivent-elles «persuader, cette fois, les masses ouvrières de l’hypocrisie des social-traîtres, qui se révèlent des destructeurs de l’unité de front de la classe ouvrière.» Pour réaliser cette tâche, «l’indépendance absolue, la pleine liberté de la critique sont les conditions principales des partis communistes». L’indépendance et la liberté de critique que les partis communistes refusent aux syndicats et à leurs opposants, internes ou externes, ils la réclament pour eux-mêmes.
Il y eut tout de même un grain de sable dans le déroulement du débat sur le front unique : «Les camarades français et italiens se prononcèrent contre l’unité de front dans la forme où elle était présentée par les résolutions du Comité exécutif.» Pourquoi ?
«Les camarades français exprimèrent la crainte que les masses ouvrières françaises ne comprissent pas une action commune des communistes avec les dissidents.»

En fait, les tout nouveaux communistes français, qui venaient de se séparer — avec difficulté — de leurs camarades socialistes se sentaient trop proches d’eux pour envisager un travail commun avec eux. Aussi se déclarèrent-ils «partisans du front unique des ouvriers révolutionnaires» (je souligne), ce qui excluait les «réformistes» ; ils «déclarèrent que l’activité des communistes, en France, tendait à réaliser, dans les questions de la journée de huit heures et de l’impôt sur les salaires, le bloc des ouvriers révolutionnaires».
Selon la «Notice historique», cette attitude «gauchiste» était due au fait que «le parti français était encore trop jeune et trop peu capable de manœuvre, et il était incapable de mener une action commune avec les socialistes dissidents et les syndicats réformistes dont on venait à peine de se séparer».
Là encore, la formulation est intéressante : on vient de scissionner d’un groupe, mais ce sont ceux dont on a scissionné qui sont qualifiés de «dissidents».
Trotsky dira ce sujet :
«Le communisme français a réussi à conquérir, dans les cadres de l'organisation politique, la majorité du vieux Parti socialiste ; après quoi les opportunistes ont ajouté à toutes leurs autres qualités politiques celle de briseurs d'organisation. Notre Parti français a souligné ce fait en qualifiant l'organisation socialiste-réformiste, de dissidents ; ce seul mot met en évidence le fait que ce sont les réformistes qui ont détruit l'unité d'action et d'organisation politique.» [«Le Front unique et le communisme en France», 2 mars 1922. Publié dans Le Bulletin Communiste du 30 mars 1922 et du 6 avril 1922.]

Les Italiens également se montraient rétifs :
«Les délégués italiens se déclarèrent partisans de l’unité de front syndical, mais adversaires de l’unité de front politique avec les socialistes. Ils exprimèrent l’avis que les masses ne comprendraient pas une action commune des différents partis ouvriers, et que le véritable terrain où le front unique fût possible était le syndicat, où les communistes et les socialistes sont ensemble.» («Notice historique»)

Comme leurs camarades français, ils n’avaient pas compris que le problème n’était pas de faire l’unité, mais de mettre en place des instances dans lesquelles les communistes et les ouvriers des organisations réformistes se trouveraient ensemble, pour qu’ils puissent être soumis à la propagande communiste. L’unité de la classe ouvrière n’a jamais été la préoccupation du «Front unique». Ce que confirme la «Notice historique» :
«Malgré des trahisons innombrables, les leaders réformistes ont, jusqu’à présent, réussi à maintenir leur influence sur la majeure partie des organisations ouvrières. Ce n’est pas en répétant encore une fois que ce sont des traîtres, que nous arriverons à rallier à nous les ouvriers. Il s'agit maintenant, quand une volonté de combat règne dans les masses, de leur montrer que les social-démocrates ne veulent pas combattre non seulement pour le socialisme, mais même pour les revendications les plus immédiates de la classe ouvrière.»

En somme, l’Internationale communiste explique aux partis communistes adhérents que le temps n’est plus à la révolution, qu’il faut maintenant s’adonner à l’action revendicative, et qu’il faut se montrer, sur ce terrain, meilleurs que les réformistes…
La tâche semble ardue car la «Notice» reconnaît que, s’agissant des réformistes, «jusqu’à présent, nous n’avons pas encore réussi à les démasquer». Pour dévoiler le rôle des social-traîtres aux yeux de la classe ouvrière, il faut lutter là où ils se trouvent :
«…en nous refusant à lutter avec les réformistes, parce qu’ils ne lutteront jamais sérieusement contre la bourgeoisie dont ils sont les serviteurs, nous aurons l’approbation des camarades qui savent déjà cela, mais nous ne persuaderons pas un seul des ouvriers qui suivent encore les réformistes. Tout au contraire, en se refusant à mener la lutte en commun, à une époque où les masses ouvrières la veulent, les communistes donnent aux social-traîtres la possibilité de les représenter comme des saboteurs de l’unité de front du prolétariat. Mais si nous participons à la lutte, les masses verront bientôt qui veut véritablement la lutte contre la bourgeoisie et qui ne la veut pas. Nos camarades, qui nous voyaient tout d’abord avec mauvaise humeur nous asseyant à une même table avec les réformistes, comprendront, au cours des négociations que, là aussi, nous faisons du travail révolutionnaire.»

La «Notice historique» nous apprend que les trois délégations — France, Italie et Espagne — qui s’étaient opposées au front unique, ont fini par voter les directives contenues dans ces résolutions sur le Front unique. Nous voilà rassurés.

Pour trotsky, la constitution d’un Front unique entre dans la stratégie de conquête de la classe ouvrière :
«La question du front unique se pose par cela même, que des fractions très importantes de la classe ouvrière appartiennent aux organisations réformistes ou les soutiennent. Leur expérience actuelle n'est pas encore suffisante pour les en faire sortir et les amener à nous.» [«Le Front unique et le communisme en France» 2 mars 1922.]

La question de l’»unité» de la classe ouvrière n’est pas du tout la préoccupation des communistes russes, comme l’explique encore Trotsky. Le Front unique est simplement un moyen pour manipuler les travailleurs. Peu importe que l’unité d’action aboutisse, l’essentiel est que les masses soient persuadées que l’échec est imputable aux réformistes :
«La politique du front unique, pourtant, ne comprend pas en soi de garanties pour une unité de fait, dans toutes les actions. Au contraire, dans nombre de cas, dans la plupart peut-être, l'accord des différentes organisations ne s'accomplira qu'à moitié ou ne s'accomplira pas du tout. Mais il est nécessaire que les masses en lutte puissent toujours se convaincre que l'unité d'actions a échoué, non pas à cause de notre intransigeance formelle, mais à cause de l'absence d'une véritable volonté de lutte chez les réformistes.» [«Le Front unique et le communisme en France» 2 mars 1922.]

Il faut garder à l’esprit que le Trotsky qui s’exprime ici n’est par l’opposant à Staline mais le communiste parfaitement «orthodoxe» qui, avec Lénine et en opposition à Zinoviev (alors président de l’Internationale communiste), est l’un des authentiques «concepteurs» de la stratégie de «front unique».

Il n’est pas inutile que les militants d’aujourd’hui sachent d’où vient l’idée de «front unique» (ou «front uni», ce qui ne veut pas dire la même chose).
En effet on retrouve périodiquement des «avatars» de fronts uniques, mis à toutes les sauces, mais qui ne sont que des tentatives de «rafraîchir» une idée ancienne qui a constamment fait faillite.
L’expression a été utilisée entre les deux guerres et mise à toutes les sauces pour décrire l'alliance entre la Troisième Internationale et les partis socialistes.
Ainsi, Georgi Dimitrov emploie indistinctement l’expression «front uni» ou «font unique» dans «Le Front uni de la classe ouvrière contre le fascisme», le discours qu’il fit en 1935 devant le 7e congrès de l’Internationale communiste.
L’expression entre dans le vocabulaire trotskiste au début des années 30 lorsque Trotsky appelle les militants communistes et socialistes allemands à constituer un front unique de défense pour empêcher le fascisme de vaincre le mouvement ouvrier. C’est la période où les communistes allemands (KPD), en conformité avec la ligne de l’Internationale communiste, assimilent les socialistes à des «sociaux-fascistes» ; ligne qui conduira à l’écrasement du mouvement ouvrier.
Dès lors, Trotski est conduit à l’idée que la IIIe Internationale n’est plus réformable. En France, certains trotskistes forment avec des socialistes un «Front Uni» caractérisé par l’exclusion des radicaux-socialistes, qualifiés de «bourgeois réactionnaires».
Les émeutes fascistes du 6 février 1934 aboutissent aux premières tentatives d’union antifasciste. Trotski recommande à ses partisans d’abandonner la construction d’un parti révolutionnaire pour rejoindre la SFIO et former la «tendance bolchevique-léniniste». Le 10 juillet 1934 il publie dans La Vérité un article sur l’»entrisme», plus précisément l’»entrisme à drapeaux déployés». Cette tactique sera par la suite imitée par les autres groupes trotskistes, aux États-Unis, en Grande-Bretagne.
Le mot «front» a de fortes résonances années 30. Le PCF appelait au front uni (ou unique), successivement «à la base» «antifasciste», «prolétarien»,»populaire», etc.
En mai 68 on parle de front unique ouvrier, de front uni ouvrier. La Fédération des étudiants révolutionnaires (FER) (tract 9 mai 68) appelle à un «front unique», le PC appelle à un front de lutte (tract 14 mai), l’ORA à un front révolutionnaire (fin mai).
L’expression «Front uni» domine dans de nombreux slogans : «front uni anti-impérialiste» «front uni contre la répression», etc.

Selon un groupe contemporain se réclamant du syndicalisme révolutionnaire, le Courant syndicaliste révolutionnaire, le «front unique» est censé rassembler les travailleurs dont les idées politiques, religieuses, etc. divergent, mais qui ont des intérêts communs. Défendre ces intérêts communs malgré les différences, c’est la «Front unique». [Cf. http://syndicaliste.phpnet.org/spip.php?article475]
C’est dans les syndicats que les travailleurs s’organisent, mais l’existence de plusieurs confédérations syndicales constitue un obstacle à la victoire des revendications : elles n’ont aucune raison valable d’exister.
L’unité d’action peut revêtir différentes formes : «à la base», évidemment, mais aussi au niveau des appareils dirigeants et entre structures syndicales. Le «Front unique», ce sont les travailleurs qui réalisent l’unité d’action au-delà de l’existence de plusieurs confédérations syndicales.
Sur le plan syndical, le Front unique doit réaliser l’unité d’action sur des revendications claires et précises. Les différentes organisations qui participent au Front unique gardent leur liberté d’action et de revendication sur tout ce qui ne concerne pas l’unité d’action.
Le champ d’activité de ce type de «Front unique» se situe dans un cadre où les différents courants — réformistes, révolutionnaires — doivent cohabiter en gardant à l’esprit la défense des intérêts des travailleurs. C’est ce qui est défini comme étant le «syndicalisme de classe».
Mais la lutte pour le Front unique est aussi la lutte pour la réunification syndicale sur les bases du syndicalisme de classe.
Pour que le Front unique puisse exister, il faut que dans l’organisation de classe puissent exister des «tendances syndicales» représentant des courants d’idée qui défendent leurs points de vue dans l’organisation syndicale.

Les positions ainsi développées par le CSR se situent à peu près dans l’orbite de ce qu’on peut lire dans la charte d’Amiens votée par la CGT en 1906, et qui était déjà à l’époque l’expression d’un recul du mouvement syndicaliste révolutionnaire devant le réformisme et le parlementarisme.
Les positions du CSR apparaissent dans leur «Fiche de formation» n° 4 sur le Front unique, comme dans d’autres textes qu’ils ont rédigés, particulièrement orientés contre l’anarcho-syndicalisme. On n’explique pas autrement que, condamnant la création de «plusieurs organisations syndicales» justifient leur existence par une «idéologie politique», c’est l’anarcho-syndicalisme, et lui seul, qui est nommé par le CSR et pas le parti communiste (pour la CGT), le parti socialiste et pourquoi pas l’Eglise catholique pour la CFDT, le parti socialiste et les trotskistes lambertistes pour FO etc.

Le principe de l’unité ouvrière n’est pas condamnable, au contraire. Le problème est que lorsque le syndicalisme révolutionnaire s’est développé en France, il était, au début, à peu près la seule doctrine syndicale existante. Avec l’évolution de la société, d’autres courants se firent jour qui reposaient sur des bases totalement différentes. Ainsi, le guesdisme, une des variantes du socialisme, entendait soumettre le syndicat au parti. Le congrès de 1906 de la CGT aboutit au vote de la charte d’Amiens qui est un texte de compromis contre les guesdistes réalisé par les syndicalistes révolutionnaires et les socialistes non guesdistes. Ce texte implique des concessions, et ces concessions se trouvent dans ce qui n’est pas dit dans la charte : il n’y a rien sur l’antimilitarisme, rien sur l’antiparlementarisme. Chacun peut faire ce qu’il veut, en dehors du syndicat.
La charte d’Amiens n’est donc en rien une déclaration de principe du syndicalisme révolutionnaire, elle est un texte de compromis qui exprime le début de la fin du syndicalisme révolutionnaire.
Dès lors que différents courants politiques sont présents dans une organisation syndicale et se confrontent pour faire valoir leurs vues, l’unité ouvrière reste quelque chose d’extrêmement fragile. Ça ne marche que si tout le monde joue le jeu. Or c’est une naïveté inconcevable que d’imaginer cela possible aujourd’hui. Instaurer des «tendances» équivaut à instaurer dans l’organisation syndicale le système parlementaire, quoi qu’on puisse dire sur le fait qu’il faut respecter l’unité syndicale.
Dans la CGT, la démocratie syndicale a continué d’exister après le congrès d’Amiens parce qu’il y avait un accord tacite entre syndicalistes révolutionnaires et réformistes, et des traditions déjà anciennes de démocratie. Ces pratiques ont été totalement balayées par l’obligation imposée aux partis membres par l’Internationale communiste de pratiquer le Front unique et de mettre en place dans les organisations syndicales des fractions communistes destinées à en prendre le contrôle. [C’est la 9e des 21 conditions d’admission à l’Internationale communiste décidées en juillet 1920 lors du 2e congrès de l’IC.]
Aujourd’hui, instaurer des «tendances» dans le mouvement syndical équivaut en fait à instaurer des fractions sur le modèle bolchevik, c’est-à-dire des structures clandestines dans lesquelles les militants se concertent préalablement aux réunions, décident d’une ligne à suivre décidée par le parti, en dehors de toute concertation avec les syndiqués, et mettent en œuvre les mesures par lesquelles ces fractions vont prendre le contrôle de l’organisation… et le concerver.
La stratégie préconisée par le CSR, si elle était appliquée aujourd’hui, laisserait le mouvement syndical aussi impuissant qu’à l’époque où les syndicalistes révolutionnaires et les anarchistes de la CGT ont eu à affronter ces fractions communistes, mais nos camarades de l’époque avaient l’excuse d’avoir affaire à des pratiques alors totalement inédites.


«En même temps qu'ils agissent inlassablement pour que l'organisation syndicale soit sous le contrôle permanent des syndiqués, pour que les structures fédéralistes du syndicalisme soient préservées, pour que les syndicats — groupement essentiel et seul fondé sur un critère de classe — luttent contre l'intégration sous toutes ses formes, les militants de l'Alliance agiront pour que l'action ouvrière soit portée au plus haut niveau possible.»

Déclaration du Comité fédéral
de l’Alliance syndicaliste,
28 juin 1972.
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Re: L'anarcho - syndicalisme en France ?

Messagede Pti'Mat » 01 Jan 2013, 12:41

Ce qui est bien avec René c'est qu'il se lasse jamais... de devoir faire des "mea culpa" :D

J'adore la transition entre léninisme et charte d'Amiens :shock: Ou encore tendance = fraction :shock:
Sont bizarre tes repères non ? :gratte:

Allez avoues, tu veux vite faire barrage aux CSR qui montent, mais tu ne sais pas comment t-y prendre alors tu nous ponds encore un texte baclé. C'est ça la retraite militante.

T'inquiètes, une réponse sera faite plus tard.
"Il n'y a pas un domaine de l'activité humaine où la classe ouvrière ne se suffise pas"
Le pouvoir au syndicat, le contrôle aux travailleurs-euses !

https://www.syndicaliste.com/
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Re: L'anarcho - syndicalisme en France ?

Messagede René » 01 Jan 2013, 14:45

Solidarité Ouvrière n° 42 (octobre 1974)
Anarcho-syndicalisme

VII. Unité et tendances


Le mouvement ouvrier, le mouvement ouvrier français particulièrement, est divisé. Il est divisé en fait, pratiquement, dans son combat quotidien mais surtout dans son organisation, par l'existence de plusieurs grandes centrales concurrentes. Il est aussi divisé, ce qui peut paraître moins grave mais qui a son importance, sur le plan des opinions, politiques, philosophiques et religieuses.
La question de l'unité ne peut donc être résolue « sur le papier ». Pour ceux qui en connaissent l'importance, parce qu'ils vivent tous les jours la division, il ne s'agit pas seulement de proposer, mais de faire avancer dans la pratique des solutions qui tiennent compte de tous les facteurs, historiques et présents. Ces solutions ne devront pas se borner, comme c'est parfois le cas, à cacher la division sous une couverture unitaire : elles ne doivent pas tendre à la synthèse des « opinions », mais à la synthèse de classe.
Certaines organisations avancent, comme remède à la division et à la bureaucratie, le mode de représentation élective de la direction d'une centrale réunifiée à la proportionnelle des tendances. Disons tout de suite qu'on peut les comprendre, car ce mode de désignation des dirigeants pourrait éviter ce qui se passe actuellement dans les confédérations : le monopole de l'information par la direction et l'existence d'un domaine « politique » réservé à la direction.


LES TENDANCES : COMMENT ÇA MARCHE ?
Avant de se prononcer sur la question des tendances, voyons comment cela fonctionne. Nous avons un exemple vivant sous les yeux : la FEN. Cet exemple est un peu insuffisant dans la mesure où la FEN. n'est pas une fédération ouvrière au sens strict du terme, et par le fait qu'elle n'est pas confédérée.
Il y a actuellement à la FEN cinq tendances (1).
[NOTE 1] L’évolution des tendances depuis 1948 a été la suivante : à partir de 1949 le congrès sur l’orientation avait à choisir entre trois courants de pensée : les autonomes, les cégétistes, l’École émancipée. Le courant Force ouvrière n’a existé que les toutes premières années après la scission et s’est ensuite fondu dans la majorité autonome. Le courant cégétiste cesse à partir de 1954 de faire référence à la centrale, ses partisans ayant décidé de renoncer à la double affiliation. Il se présente d’abord sous l’étiquette « Bouches-du-Rhône » – et depuis quelques années sous le sigle « Unité et action ». Après les événements de 1968 apparaît un nouveau courant « Rénovation syndicale ». L’École émancipée d’autre part se scinde en deux : École émancipée et Front unique ouvrier. (Mémento F.E.N. 1974)

La FEN est une fédération de syndicats nationaux (un peu moins de 50 syndicats de taille très diverse : de quelques adhérents pour des syndicats comme le syndicat national des inspecteurs départementaux de la jeunesse et des sports à plusieurs centaines de milliers comme le syndicat national des instituteurs). Chaque syndiqué de la FEN appartient à un syndicat national et à une section départementale de la fédération. Dans les syndicats nationaux, du moins dans les plus importants, toutes les élections aux niveaux départemental, académique, national se font sur listes de tendances. Le S.N.I. se vante même par la voix de son secrétaire général Ouliac d'être le seul syndicat dont l'organe dirigeant exécutif, le bureau national, est élu directement par tous les syndiqués. Dans les sections départementales fédérales, l'élection de l'exécutif se fait également sur listes de tendances ; on se borne généralement à « demander aux tendances de présenter des listes représentatives de l'ensemble des syndicats nationaux ayant des adhérents dans le département » (et comme personne n'a jamais pu préciser ce que signifiait « représentatives »...). La C.A. fédérale est composée de 65 membres. 40 sont désignés par les syndicats nationaux (qui les nomment à la proportionnelle des tendances) (2) et 25 par le congrès à la proportionnelle des tendances selon les résultats d'un vote sur des motions d'orientation générale.
[NOTE 2] Tous les syndicats nationaux ne sont donc pas, et de loin, représentés à la C.A. de la fédération, qui en compte pourtant moins de 50.
On voit ainsi que le syndiqué non affilié à une tendance n'a de relatif pouvoir de décision qu'au niveau le plus bas (section d'établissement ou section départementale des syndicats nationaux) et une possibilité de vote de temps à autre pour des délégués sur lesquels il ne peut exercer aucun contrôle pendant leur mandat. Il va de soi que ces tendances sont « inspirées » par des courants d'opinions politiques (3).
[NOTE 3] Les militants de la F.E.N. qui ont fait de la syndicalisation savent bien que lorsqu’ils parlent des tendances, ce qu’ils ne font pas toujours, aux syndicables, ceux-ci demandent presque toujours : « Qui est derrière ? », preuve que le coup du « courant de pensée » ne trompe personne, même pas les non-syndiqués.
Un exemple plus frappant de ce mode de fonctionnement est la C.U.T. chilienne, centrale unique dans laquelle les tendances étaient l'émanation directe et reconnue des partis de gauche et d'extrême gauche et de la démocratie chrétienne (4).
[4] D’ailleurs, comme la C.G.T. avec la deuxième guerre mondiale, l’organisation syndicale disparaît complètement au début de la guerre ou après le putsch, sa direction ne réapparaissant miraculeusement que lorsque les partis ont repris une activité clandestine. Merci à nos dirigeants bien-aimés qui nous abandonnent aux nazis ou aux fascistes.

TENDANCES ET MODELE SOCIAL-DEMOCRATE
On peut dire que cette forme d'organisation est l'application la moins hypocrite du modèle social-démocrate du syndicalisme. Pour les social-démocrates, le syndicat n'est que l'échelon intermédiaire d'un édifice à trois étages dont le parti, organisation de citoyens sur une base d'opinion, occupe le sommet. La représentation proportionnelle des tendances permet de conserver une façade unitaire à un syndicalisme émasculé qui concède un rôle « différent », c'est-à-dire dirigeant, aux partis rivaux. Il permet la « libre concurrence » entre ces partis pour la direction de l'organisation ouvrière.
En tirant les leçons de ces exemples et des facteurs historiques, nous allons prouver:

1) que démocratie ouvrière et droit de tendance ne sont pas liés ;
2) que la représentation dans les organisations de classe du prolétariat selon le critère de tendance est la négation du caractère de classe d'une organisation prolétarienne.

Encore une fois, nous n'attaquons pas ici avec des mots une réalité qui est l'existence de « courants », de tendances, de sensibilités différentes dans la classe ouvrière;·parce que c'est une donnée du problème, et qu'il n'y a probablement pas de recettes pour la supprimer totalement, si toutefois c'était souhaitable.
Nous l'avons déjà dit, mais il faut le répéter, il faut sans cesse le répéter : le prolétariat se constitue en classe par la prise de conscience de sa réalité (constatation vécue d'un conflit permanent avec le patron) qui le conduit à la rupture totale avec les autres classes (les journées de juin 1848 sont une des premières manifestations de cette rupture), à l'organisation de classe et à l'action de classe, à la fois productrice et produit de la théorie de classe.
Pour les social-démocrates (dans les deux versions, réformiste et révolutionnaire) la théorie de classe du prolétariat est une création des « porteurs de la science », les intellectuels bourgeois. C'est un produit importé dans les organisations ouvrières par les militants des partis, des organisations pluri-classistes. On sait ce qu'il faut penser du caractère « prolétarien » d'une théorie élaborée par des membres de la bourgeoisie et de la petite bourgeoisie.

TENDANCES, PARLEMENTARISME ET ORGANISATION BOURGEOISE DE LA SOCIETE
Le système de représentation des tendances est un moyen, imposé aux partis par des circonstances historiques, qui permet la pénétration dans les organisations de classe du prolétariat de ces théories, produits d'intérêts parfaitement étrangers à la classe ouvrière. Mais en même temps, le système de représentation des tendances bloque toute possibilité de création autonome de la classe ouvrière. Il bloque toute possibilité de naissance d'une théorie de la classe ouvrière, il l'empêche en quelque sorte de s'occuper d'elle-même et, en dernière analyse, il l'empêche d'être elle-même.
La similitude avec le système parlementaire est frappante. Comme le souligne Pannekoek :

« …les membres du parlement sont élus pour 'Un nombre d'années défini ; les citoyens ne sont les maîtres qu'au moment des élections. Ce moment passé, leur pouvoir disparaît et les députés ont toute latitude de se comporter, pendant un certain nombre d'années, selon leur “conscience”, à cette seule restriction près qu'ils savent pertinemment qu'ils devront un jour revenir devant le corps électoral. (...) Et les électeurs n'ont même pas la possibilité de désigner quelqu'un de leur choix, car les candidats sont proposés par les partis politiques. (...) Pour la classe ouvrière, la démocratie parlementaire constitue une démocratie truquée... » (Pannekoek, « Conseils ouvriers », 275.)


« Ce qui caractérise une organisation prolétarienne, ce n'est pas seulement que les travailleurs seuls y sont organisés, c'est que le mode de représentation n'est pas fondé, comme le parlement, sur les regroupements de circonscriptions, mais sur le rôle joué dans la production. La représentation est fondée, comme le dit encore Pannekoek, sur le regroupement naturel des travailleurs dans le processus de production, seule base réelle de la vie sociale. » (p. 276).


Ce qui caractérise l'organisation bourgeoise de la société, c'est précisément ce caractère mixte, où les individus sont groupés indépendamment de leur appartenance de classe en vue de gérer des « intérêts supérieurs » prétendument communs aux classes. Le type même de cette structure, c'est le parlement. Quoi d'étonnant alors à ce que des individus, serviteurs inconscients peut-être mais zélés sûrement d'intérêts extérieurs à la classe ouvrière, cherchent à introduire les méthodes parlementaires dans les syndicats?
En réalité, l'apparence « démocratique » de l'élection de la direction d'une confédération, surtout d'une confédération unique, par tous les syndiqués pris en tant qu'individus, indépendamment des groupements auxquels ils appartiennent (qui recouvrent des intérêts spécifiques), industrie, région, voire métier, est trompeuse. Précisément parce qu'elle ne tient pas compte de ces regroupements. La démocratie fédéraliste, c'est :

– à la base, dans l'entreprise, la démocratie directe, entre travailleurs vivant la même réalité ;
– au niveau local ou syndical, la confrontation et la synthèse des positions, ou plutôt des orientations de section, présentées par des camarades mandatés des sections ;
– au niveau régional ou fédéral, la confrontation et la synthèse des orientations locales ou syndicales ;
– entre tous les niveaux, un va-et-vient incessant des propositions, des orientations, une confrontation et une synthèse des actions, une information véritable.

Avec le système de représentation des tendances, les orientations politiques sont prises au plus haut niveau. Elles ne sont pas discutées et encore moins proposées par la cellule de base de l'organisation. Les directions des tendances désignant, en dernière analyse, les dirigeants de l'organisation syndicale, et les directions des tendances étant, en dernière analyse, désignées par les partis (5), le processus normal de création pratico-théorique dans l'organisation de classe est détruit. C'est la négation totale du caractère de classe de l'organisation.
[NOTE 5] Si on parle de l’affaire Victor Leduc à un militant expérimenté d’« Unité et action », il saura tout de suite ce que nous voulons dire…


ET LES FRACTIONS, DANS TOUT ÇA ?
Mais, nous dira-t-on, les dirigeants communistes de syndicats, qui luttent contre le droit de représentation des tendances (et même contre le « droit » de tendance, qui n'est pas un droit), vont tomber d'accord avec vous...
L'apparence « démocratique » de la C.G.T. quand on est adhérent de base et pas très militant, peut tromper dans certains cas. Les actions locales, contre le patron, sont discutées, le schéma classique d'une confédération ouvrière est respecté. Ce qui se passe, c'est qu'on ne discute réellement que sur l'action locale, ou la manière d'appliquer une prise de position sur un problème politique venue du sommet de la confédération, qui s'est réservé ce domaine. Et généralement, les opposants d'extrême gauche plongent dans les débats sur l'action locale des arguments qui s'adressent non pas à leurs camarades de section, mais à la direction confédérale. Pratiquant ainsi, ils s'isolent. Certains, qui critiquaient un mot d'ordre d'action « décidée bureaucratiquement », se sont aperçus, quand ils se sont fait traiter de jaunes, que ce n'était pas si bureaucratique que le disaient leurs livres.
Mais en réalité, c'est que nous sommes sortis du domaine de la tendance pour entrer dans celui de la fraction. Il n'y a pas, disons-le tout de suite, que les communistes ou les partis d'extrême gauche pour constituer des fractions. Chacun connaît des fractions comme la franc-maçonnerie, l'action catholique ou les bureaucraties naissantes (sorties de l'université pour trouver une place au soleil dans le syndicalisme) qui constituent des mafias, qui prennent des postes.
La création de fractions est liée à la notion de rôle dirigeant du parti sur la classe. Les lecteurs de « Soli » connaissent à ce sujet les déclarations de· Lénine ou autres, les conditions d'adhésion à l'Internationale communiste et les pratiques bolcheviks.
Ce que nous attaquons, ce n'est pas « l'idée » de fraction. Les fractions existent. Il est trop tard. Elles ne se combattent plus avec des mots. Ce que nous combattons, c'est le rôle dirigeant de l'organisation pluri-classiste, conduite par les intellectuels bourgeois, sur l'organisation syndicale ; parce que nous savons que ce rôle dirigeant vise en fait à faire défendre par la classe ouvrière des intérêts qui ne sont pas les siens.
C'est précisément sur ce point que les partisans de la Charte d'Amiens n'ont pas su se battre. D'une part parce que des syndicalistes révolutionnaires ont été les premiers cadres ouvriers du parti communiste, d'autre part parce que quand ils l'ont quitté (pas tous) sur la question des cellules d'entreprise, c'est-à-dire sur la manifestation concrète du rôle dirigeant, il était trop tard.

FRACTIONS ET CHARTE D'AMIENS
Il faut le dire et en tirer les conséquences, la Charte d'Amiens est absolument impuissante à lutter contre une fraction visant le rôle dirigeant (il y en a même qui l'utilisent pour le conserver, cf. F.O.). D'ailleurs, un individu ne peut pas se réclamer de la Charte d'Amiens comme position personnelle, à moins d'être confus. Cette charte, position de « compromis » à un moment donné, est une doctrine confédérale adoptée dans certaines circonstances.
Elle attribue le rôle essentiel dans la lutte de transformation sociale au syndicalisme – dans sa première partie – mais en même temps elle condamne l'organisation syndicale à un rôle mineur en laissant le champ libre – dans sa deuxième partie – aux groupes pluri-classistes, puisqu'elle leur laisse liberté d'agir « pour la transformation sociale » (bien entendu...) hors le syndicat. Mais nous l'avons vu, un parti social-démocrate, réformiste ou révolutionnaire, une Eglise ou une bureaucratie naissante ne sont rien sans le rôle dirigeant dans des organisations prolétariennes. Vu sous cet angle, la Charte d'Amiens n'est donc même pas un compromis, mais une juxtaposition de deux orientations recouvrant des intérêts complètement divergents.
A la décharge de ses rédacteurs et des camarades qui la votèrent en confiance, ils ne connaissaient ni le léninisme ni la question du rôle dirigeant du parti qui devait les balayer un peu plus tard.

QUE PROPOSENT DONC LES ANARCHO-SYNDICALISTES ?
Pour nous, dans la perspective d'une confédération unitaire, il nous semble qu'il y a deux écueils à éviter à tout prix :

1) La représentation des tendances, qui casse le mouvement syndical en autant de sous-organisations, appendices d'autres couches sociales que la classe ouvrière ;
2) Le monolithisme total de l'information dans une organisation « aseptisée » où les problèmes politiques ne seraient abordés qu'au sommet, où l'appréciation de la situation générale, la voie à suivre pour les luttes globales ne seraient discutées qu'au sommet et dictées du sommet par l'intermédiaire de « sous-offs ».

Il faut éviter les écueils. On peut le faire en observant ce principe qui fait l'anarcho-syndicalisme : le critère de classe passe avant le critère d'opinion.
Certains camarades ont tendance à présenter l'organisation syndicale bâtie sur le modèle anarcho-syndicaliste comme une machine parfaite, où la démocratie est parfaite, où tout marche bien et devant laquelle finalement les patrons n'ont plus qu'à s'enfuir. C'est une erreur. D'abord parce que les patrons ne s'enfuient pas comme cela, devant la démocratie ouvrière... Ensuite parce que ce sont précisément les intellectuels bourgeois qui voient tous les ouvriers des temps à venir sur le même modèle stéréotypé. Ce sont les intellectuels bourgeois qui pensent que « tous les ouvriers aiment les fêtes populaires ». Ce sont les intellectuels bourgeois qui pensent que les ouvriers, les « hommes communistes » penseront toujours tous de la même façon. Ce sont les intellectuels bourgeois qui ne comprennent rien.
L'organisation doit vivre, surtout si elle est unitaire. Il doit y avoir un bouillonnement constant et non pas une acceptation moutonnière des décisions de « camarades de confiance » placés à la direction. Il doit y avoir, pourquoi pas, des luttes internes, des bulletins, des tracts. A la condition naturellement que leurs rédacteurs puissent faire la preuve d'une activité syndicale exemplaire contre le patron sous peine, ce qui se passe déjà maintenant, d'être déconsidérés.
A l'intérieur de l'organisation de classe, l'information, les propositions d'orientation revendicative ou d'ordre général doivent être diffusées et discutées partout. Au niveau de l'organisation de base, des bulletins avec des tribunes libres ouvertes à tous les adhérents. Au niveau local ou syndical, expression des orientations des sections de base. Au niveau régional ou fédéral, tribunes libres pour les syndicats ou les unions locales.
L'organisation syndicale, ça vit, ça bouge, ça se bagarre à l'intérieur, dans le respect du critère fondamental de classe. Et quand la vie s'éteint un peu, les militants vont chercher l'avis des adhérents. Il ne suffit pas de leur laisser la liberté « démocratique » de s'exprimer. Il faudra les forcer à le faire. Et ils le feront.
Pour favoriser, développer l'organisation de classe, nous n'avons pas, il n'y a pas, de recette toute faite. Le véritable danger à éviter, c'est la scission. Et il n'y a scission que si le critère opinion passe avant le critère classe.
La démocratie dans l'organisation, c'est l'affaire de tous. Il est illusoire ou mal intentionné de prétendre que tous les travailleurs seront toujours du même avis sur tout, parce que c'est faux. Et nous le savons bien, parce que nous le vivons tous les jours. Il faudra, il le faut déjà, se mettre au travail de la démocratie véritable. Tout cela porte un nom. Cela s'appelle militer.
René
 
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Re: L'anarcho - syndicalisme en France ?

Messagede mimosa rouge » 03 Jan 2013, 15:23

1) La représentation des tendances, qui casse le mouvement syndical en autant de sous-organisations, appendices d'autres couches sociales que la classe ouvrière ;

qui a dit que la charte d'Amiens prévoit "la représentation" des tendances ?
par contre transformer chaque tendance en confédération c'est sur que c'est mieux ....

Le principe de l’unité ouvrière n’est pas condamnable, au contraire. Le problème est que lorsque le syndicalisme révolutionnaire s’est développé en France, il était, au début, à peu près la seule doctrine syndicale existante. Avec l’évolution de la société, d’autres courants se firent jour qui reposaient sur des bases totalement différentes. Ainsi, le guesdisme, une des variantes du socialisme, entendait soumettre le syndicat au parti.

:shock:
bah non, c'est une alliance de syndicalistes de classe ayant gouté a l'expérience de l'unité des syndicat de métiers a travers les BdT et les premières fédération de métier( voir d'industrie) qui ont vu que pour faire coïncider leurs revendications ouvrière (même les plus basiques comme les grilles de salaires syndicales) au contexte de "depression" et de chômage des années 1880/90, ont développé l'idée de "confédération" ... mais il leur a fallut pour mettre en œuvre cette idée bizarre d'unité organique, déborder la bureaucratie lié au partis guesdiste . La plupart de ses militants de classe étaient révolutionnaires , militants dans la classe et les syndicats, et voyaient dans l'idée de confédération qu'une stratégie révolutionnaire cohérente a plus long terme pouvait se dévellopper . Ils était loin d’être tous anarchistes et beaucoup (la majorité ) membres de partis socialistes ou de groupes anarchistes .... ce qui expliquerait que le SR ne peut pas être contre les partis . Les partis sont des organisations qui existent et qui ont même joué un rôle dans la formation des militants de classe ou dans la propagande anticapitaliste .

Puis malheureusement ( ;) ), la cgt s'est mis a attirer des travailleurs qui voulaient lutter, se défendre, apprendre ..... les débats de syndicats étaient moins porté sur la révolution que sur l'action immédiate .

Mais je crois que c'est la définition de syndicalisme révolutionnaire qui te pose un probleme ? car Un adhérent a la FA, a AL ou au NPA pourrait être syndicaliste révolutionnaire . Il faut juste qu'il considère que son partis n'est pas une organisation de classe mais une organisation affinitaire et que dans le processus révolutionnaire son action sera minime par rapport a aux organisations de classe . Au mieux le parti donne toute son énergie pour lutter contre ce qui freine un éventuel processus révolutionnaire et lui enlève son caractère prolétarien si le camps réformiste , ou réactionnaire du mouvement ouvrier est encore très fort. .
Or c’est une naïveté inconcevable que d’imaginer cela possible aujourd’hui. Instaurer des «tendances» équivaut à instaurer dans l’organisation syndicale le système parlementaire, quoi qu’on puisse dire sur le fait qu’il faut respecter l’unité syndicale.

puis ça
Aujourd’hui, instaurer des «tendances» dans le mouvement syndical équivaut en fait à instaurer des fractions sur le modèle bolchevik, c’est-à-dire des structures clandestines dans lesquelles les militants se concertent préalablement aux réunions, décident d’une ligne à suivre décidée par le parti, en dehors de toute concertation avec les syndiqués, et mettent en œuvre les mesures par lesquelles ces fractions vont prendre le contrôle de l’organisation… et le conserver.

ça je comprend pas ?! il y a un flou dans l'argumentation : le csr ne dit pas qu'il faut organiser des tendances secrètes, clandestines, ou des fractions .... on dit le contraire et on pratique le contraire . et surtout on dit qu'il faut que cela soit des rassemblement sur la base de l'activité syndicale et de la stratégie syndicale . Pas des fractions concevant hors du cadre de l'action syndicale, une ligne a faire appliquer au syndicat. Par exemple faire passer pour une stratégie syndicale une scission dictée par le parti ou dictée par les intérêts d'une fraction bureaucratique . mais cela peut être envisagée si par exemple il en va de l'action quotidienne qui est rendue impossible par une forme quelconque de corruption contre laquelle il semble impossible de lutter (ou en tout cas que tout bien pesé la lutte pour regagner l'indépendance syndicale est trop dure par rapport a l'energie qu'il y a a reconstruire une autre conf' .) . Cela peut au contraire être une reflexion sur la réorganisation du syndicalisme de classe et la quetsion particuliere de la fusion des syndicats d'entreprises en syndicat d'industrie. Cela se débat entre militants syndicaux qui partage une même stratégie anticapitaliste mais sur la base de l'action syndicale , puis c'est proposé au débat par propagande et débat en syndicat .
Par exemple dernièrement on voyait sur les médias alternatif une lettre ouverte d'un militant de la Cgt du 44 qui dénonçait la décision prise bureaucratiquement par l'UD de ne pas soutenir la lutte anti-aéroport. Cela ne se fait pas avec une lettre ouverte a l'UD , puisqu'une UD n'est constitué que de syndicat et pas de personnes physiques. Si il ne va pas voir d'autres militants pour les convaincre de mener le débat dans leurs syndicat et qu'ainsi des syndicats interviennent pour se positionner sur l’aéroport, débâtent entre eux (mêmes sur des positions minoritaires, rien n’interdit un syndicat d'inviter un autre pour mener une étude commune sur un sujet quelconque qui serait pas la position de l'UD, rien n'interdit des militants de differents syndicats de se rencontrer, au contraire même ).... tant qu'il ne participe pas a construire cela, il sera isolé face a la bureaucratie et se taira ou se barrera et au passage il aura renforcé l'existence d' une "base", d'un "en bas" qui demande a un "en haut" . (après tout la lettre ouverte c'est un outil pour toucher plus de monde ... mais pour mon argumentation .... :) ) C'est une forme de tendance et ça nourrit le débat syndicale .
Interdire les tendances comme la fait la CGT ou la CGT-U (qui harcelait les tendances oppositionnelles ouvertes , les poussant a partir) ou la CNT en Espagne (qui tentait d’exclure carrément des tendances entières, csr, syndicat animé par des poumistes, amis de durruti ...) ça va au delà d’empêcher que la confédération se parlementarise ...

Pour le FUO je comprend pas : tu accuse les gauchistes et l'IC d'en avoir une utilisation au mieux confuse au pire opportuniste . Mais au CSR d'en avoir fait une utilisation cohérente avec l'outil confédéral et le SR . C'est que le terme qui te gène ou quoi ? a moins de vouloir reproduire ça :
Ainsi, dans le discours communiste, le caractère positif d’une mesure ne dépend pas des résultats qu’on est en droit d’en attendre, mais de qui la propose ! Lorsque la IIe Internationale propose quelque chose, comme par exemple l’unité, c’est une mauvaise chose parce que c’est à l’évidence une action menée contre les communistes :


sinon pour le reste : en gros le csr n'est pas anarcho-syndicaliste ! tu parle d'un scoop ! :gratte:
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Re: L'anarcho - syndicalisme en France ?

Messagede Pti'Mat » 04 Jan 2013, 09:56

Je pense mimosa qu'il faut pas trop aller chercher le pourquoi du comment, René nous reproche simplement ce qu'il n'a jamais réussi à faire avec l'Alliance Syndicaliste (elle-même tendance il y a 30-40 ans). Je posterai le dossier sur les tendances qui est paru dans l'avant-dernier numéro de Syndicaliste! puis basta.
"Il n'y a pas un domaine de l'activité humaine où la classe ouvrière ne se suffise pas"
Le pouvoir au syndicat, le contrôle aux travailleurs-euses !

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Re: L'anarcho - syndicalisme en France ?

Messagede René » 13 Jan 2013, 08:14

.
Texte intégral:
http://monde-nouveau.net/spip.php?article460



Anarchistes et syndicalistes révolutionnaires
face à la révolution russe


Introduction
La révolution russe fut un événement d’une portée énorme pour le mouvement ouvrier international, et en particulier pour le mouvement libertaire et le syndicalisme révolutionnaire, dont le soutien enthousiaste était fondé sur ce que les militants pouvaient savoir sur les événements qui se déroulaient en Russie. Mais que savait-on de la répression anti-ouvrière qui se mit en place presque aussitôt après la prise du pouvoir par les bolcheviks ? Quelle connaissance en avaient les militants ouvriers en dehors de la Russie ? Peu de chose jusque vers 1920. Peu à peu cependant, les informations filtrèrent.
La question est importante parce les militants révolutionnaires qui se rendront en Russie soit comme simples témoins, soit comme représentants d’organisations politiques ou syndicales pour participer au congrès de fondation de l’Internationale communiste ou à celui de l’Internationale syndicale rouge devront se forger une opinion sur la nature du régime afin de rendre compte une fois rentrés au pays.
Ces comptes rendus seront déterminants dans les orientations que ces organisations prendront, soit dans le sens du soutien au régime communiste russe et de l’adhésion aux organisations internationales dont il est l’initiateur (Internationale communiste, l’Internationale syndicale rouge), soit dans le sens du rejet si leurs rapports donnent des conclusions négatives. Le choix d’adhérer à l’Internationale communiste ou à l’Internationale syndicale rouge sera décisif dans la bolchevisation ultérieure des organisations.

(…)

Conclusion
A partir de 1920-1921, ceux des militants anarchistes ou syndicalistes révolutionnaires qui apportèrent leur soutien aux dirigeants communistes russes ne pouvaient simplement pas ignorer que ces derniers avaient étouffé toute voix indépendante dans le pays, détruit toute institution autonome du prolétariat, réduit les soviets à des chambres d’enregistrement des décisions de ceux qui avaient accaparé le pouvoir, emprisonné et massacré des centaines de milliers de militants et de travailleurs, imposé à toute la société un régime de terreur jusqu’alors totalement inédit. Les militants syndicalistes révolutionnaires qui lui apportèrent leur caution ne pouvaient pas ignorer qu’ils soutenaient des assassins de masse.
Si le mouvement anarchiste français a soutenu immédiatement la révolution russe avec enthousiasme, la grande majorité du mouvement anarchiste, à quelques exceptions près comme Victor Serge, avait conclu, dès 1920, que le régime instauré après Octobre 1917 ne devait pas être soutenu. Ce constat ne provoqua pas dans le mouvement anarchiste de division profonde. Les choses furent plus compliquées chez les syndicalistes révolutionnaires : en France, les désaccords sur cette question finirent littéralement par scinder le mouvement en deux.
Même les espoirs de voir se former une réelle Internationale syndicale révolutionnaire furent contrecarrés lorsque les syndicalistes révolutionnaires réalisèrent que les bolcheviks ne permettraient jamais à l’Internationale syndicale en projet d’être un organisme indépendant. Cette désillusion se manifesta très clairement dans le refus de nombreux syndicalistes révolutionnaires et industrialistes de signer les déclarations politiques des bolcheviks.
Pestaña se fait sans doute le porte-parole de nombreux syndicalistes révolutionnaires lorsqu’il écrit : « Toutes mes belles illusions tombèrent une à une, flétries et mortes comme les pétales de la rose tombent quand leur manque la sève de la plante . »
Vergeat et Lepetit n’eurent jamais l’occasion de faire connaître à leurs camarades français le rapport qu’ils leur destinaient puisqu’ils disparurent en mer à leur retour, dans des circonstances mystérieuses.

Des syndicalistes révolutionnaires et des anarcho-syndicalistes contribueront à la formation du parti communiste en France, celui issu de la scission de Tours. Certains d’entre eux le quitteront ou en seront exclus assez rapidement. Monatte, Rosmer et Delagarde seront exclus en décembre 1924. Il faut garder à l’esprit un fait qui a été peu souligné : pour beaucoup, la révolution russe était le prélude à l’extension de la révolution en Europe. Dans cette perspective, soutenir la révolution russe, quel qu’en fût le caractère, était vital.
Dire, avec Brupbacher, que le syndicalisme révolutionnaire accomplit son suicide est exagéré. Si ces militants ont manqué de discernement, c’est là une chose qu’on peut difficilement leur reprocher. Il reste que ce manque de discernement n’était pas une fatalité.
Une coupure profonde apparaîtra dans le courant syndicaliste révolutionnaire français entre ceux qui, comme Pierre Monatte, continueront de soutenir le régime bolchevik qui réprimait le mouvement ouvrier russe, et ceux qui, comme Pierre Besnard, refuseront de le cautionner. L’exclusion de Pierre Monatte du Parti communiste français devrait être, pour tout esprit rationnel, la démonstration que l’analyse de Pierre Besnard était juste .
Ceux qui fondent aujourd’hui leurs analyses sur l’occultation de l’écrasement de la classe ouvrière par les communistes russes au moment même où se déroule le 2e congrès de l’Internationale communiste et le congrès de fondation de l’Internationale syndicale rouge, commettent une terrible erreur et portent une lourde responsabilité devant la classe ouvrière.
René
 
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Re: Histoire de l'anarcho-syndicalisme

Messagede bipbip » 15 Nov 2013, 12:00

Anarcho-syndicalisme et syndicalisme révolutionnaire en Suisse

Samedi 16 novembre
à l’Espace noir, rue Francillon 29, 2610 Saint-Imier, Suisse

Autour de Bösiger : L'anarchosyndicalisme des années 30 à aujourd'hui...

Durant la première moitié du XXème siècle le mouvement anarcho-syndicaliste et syndicaliste révolutionnaire est en plein essor dans plusieurs pays. En tout premier lieu Espagne avec la CNT-AIT mais aussi (parmi d'autres) en Suède avec la SAC, aux Etats-Unis avec les IWW et... à Genève avec la Ligue d'Action du Bâtiment (LAB) issue de la section genevoise de la FOBB (Fédération des Ouvriers du Bois et du Bâtiment).

Lucien Tronchet, Clovis Pignat, André Bösiger pour ne citer que les plus connus appliquaient les méthodes de l'action directe pour faire plier les patrons qui ne respectaient pas les conventions collectives, empêcher les expulsions des locataires tombés au chômage ou pour lutter contre les fascistes. Ils créèrent des coopératives et diffusèrent leurs idées en collaboration avec Luigi Bertoni, éditeur du Réveil Anarchiste.

André Bösiger, feu jurassien haut en couleurs immigré à Genève et militant à la Ligue d'action du bâtiment de la FOBB nous servira de point de départ pour explorer la thématique des luttes de travailleurs/euses qui ont jalonné le siècle dernier et qui continuent à être d'actualité en ces temps d'austérité.


Programme de la journée :

15h 00 Cinéma : Anarchisme mode d'emploi, de Daniel Künzi

17h 00 conférence-débat avec Marianne Enckell et Chritiane Wist
Brève introduction sur l' anarcho-syndicalisme et syndicalisme révolutionnaire: La Ligue d'action du bâtiment (LAB), les anarchistes et le mouvement syndical à Genève dans les années 20 et 30.

18h 30 Repas convivial (sur réservation) et animation musicale

20h 00 Cinéma : André Bösiger, de Bernard Baissat

Toute la journée:
A la librairie: Livres, brochures et périodiques sur le sujet
A la taverne: la Bière Bösiger http://www.laboesiger.ch/?lang=fr

http://www.espacenoir.ch/~ch/index.php? ... e-boesiger



Lundi 25 novembre

à l’UNI Mail Genève (salle M R040)
Bd du Pont-d’Arve 40, 1205 Genève

Sur les traces de Lucien Tronchet (1902-1982) et de ses combats syndicaux

Rencontre co-organisée par le Collège du travail et la CUAE (Conférence universitaire des associations d’étudiant-e-s) à l’occasion de la mise en ligne de l’inventaire des archives de Lucien Tronchet conservées au Collège du Travail
en collaboration avec
l’AEHMO (Association pour l’étude de l’histoire du mouvement ouvrier), le CIRA (Centre international de recherches sur l’anarchisme), et l’Ecole syndicale d’Unia.

Programme

19h00 Introduction
Charles Magnin, président du Collège du travail
19h05 Les archives de Lucien Tronchet conservées au Collège du travail (http://www.collegedutravail.ch/inventaires) François Bos, archiviste et historien
Patrick Auderset, coordinateur du Collège du travail
19h20 Lucien Tronchet et le mouvement anarchiste dans l’entre-deux-guerres
Marianne Enckell, Centre international de recherches sur l’anarchisme (CIRA)
19h40 Lucien Tronchet et le syndicalisme de choc de la Ligue d’action du bâtiment (1929-1935)
Alexandre Elsig, doctorant en histoire, Université de Fribourg
20h00 Questions et discussion
20h15 Collation
21h00 Lucien Tronchet et la lutte contre l’influence communiste dans les syndicats genevois (1945-1957) : quelques pistes de recherche
Patrick Auderset, coordinateur du Collège du travail
21h20 « Brother Tronchet » : un leader syndical suisse dans l’orbite des Etats-Unis
Luc van Dongen, historien, chargé de cours, Université de Fribourg
21h40 Les ennemis de nos ennemis sont-ils nos amis ? Le mouvement syndical dans la guerre froide (1949-1989)
Dan Gallin, Global Labour Institute, ancien secrétaire général de l’UITA (Union internationale des travailleurs de l’alimentation et des branches connexes)
22h00 Questions et discussion

http://collegedutravail.ch/, http://collegedutravail.ch/docs/SoireeT ... ammeA5.pdf
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Groupement Anarcho-syndicaliste

Messagede Martxoa » 26 Sep 2015, 19:17

Bonjour,

Je recherche des infos sur le Groupement Anarcho-Syndicaliste qui a existé, je crois, à Rouen dans les années 70, ou peut-être ailleurs.

Merci à vous!
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Re: Groupement Anarcho-syndicaliste

Messagede Pïérô » 27 Sep 2015, 15:57

Groupe anarcho-syndicaliste (GAS) de Rouen
adhérent Coordination nationale des anarcho-syndicalistes (CNAS)
J'ai fait recherche mais pas trouvé grand chose.

Tu peux contacter des rouennais avec peut être plus de chances d'avoir des éléments.
AL : rouen@alternativelibertaire.org et FA : farouen@no-log.org
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Re: Groupement Anarcho-syndicaliste

Messagede Martxoa » 29 Sep 2015, 13:19

Je savais qu'ils avaient participé au CNAS. Mais sans plus d'infos sur eux-elles...

Merci !
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Re: Groupement Anarcho-syndicaliste

Messagede Pïérô » 29 Oct 2015, 19:25

Il y a encore signature d'un Groupe Anarcho-syndicaliste au Havre
http://le-libertaire.net/libertaire-septembre-2015/
Je pense qu'il y matière là aussi à retrouver trace d'Histoire...
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Re: Groupement Anarcho-syndicaliste

Messagede René » 08 Déc 2015, 12:59

Il y avait à cette époque à Rouen un groupe anarcho-syndicaliste adhérent de l'Alliance syndicaliste révolutionnaire et anarcho-syndicaliste, dite «l'Alliance syndicaliste" ou ASRAS.
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