Divers militant-es révolutionnaires

Re: Décès de Jaime Semprun

Messagede fabou » 15 Aoû 2010, 20:00

Lu sur Le Jura Libertaire (http://juralibertaire.over-blog.com/art ... 36570.html) :

J. S. (1947-2010)

Un communiqué des Éditions de l’Encyclopédie des Nuisances, daté du 9 août 2010, a annoncé la mort de Jaime Semprun, survenue six jours plus tôt. Cette nouvelle n’a suscité, pour l’instant, aucun commentaire dans la presse écrite, à la notable exception d’un article de Jean-Luc Porquet, publié dans Le Canard enchaîné du 11 août. Signalons aussi une succincte nécrologie insérée dans Libération du 10 août.

Les réactions ont été un peu plus nombreuses sur la toile. La plupart se contentent de citer le communiqué de l’Encyclopédie des Nuisances ou l’article de Porquet. Certains commentateurs ont toutefois pimenté leur cuisine d’assemblage en ajoutant quelques ingrédients de leur crû. L’un croit savoir que Jaime Semprun fut membre de l’Internationale situationniste. Un autre illustre sa nécrologie d’une photo de Jorge Semprun, le père du défunt.

Si le lien familial unissant les deux Semprun n’a échappé à aucun de ces internautes, personne n’a souligné que Claude Roy, le second époux de Loleh Bellon, était le beau-père de Jaime Semprun. Il avait pourtant fait l’éloge du Relevé provisoire de nos griefs contre le despotisme de la vitesse dans Le Rivage et les jours (1990-1991). On retrouve aussi au catalogue des Éditions de l’Encyclopédie des Nuisances deux auteurs proches de Claude Roy, Kostas Papaioannou et Jean Lévi.

La rumeur de cette mort n’étant pas encore retombée, profitons-en pour rappeler que les deux premiers livres de Jaime Semprun, La Guerre sociale au Portugal et le Précis de récupération, sont épuisés. C’est le moment de se souvenir que le premier de ces deux ouvrages reste à ce jour la meilleure analyse de la révolution prolétarienne au Portugal, camouflée sous l’habillage «démocratique» de révolution des Œillets.

Jean-Luc Porquet observe : «De l’aventure situationniste menée dans les années 60 par Guy Debord et sa bande, et dont on sait qu’elle fut la seule à conduire une pensée radicale, novatrice, tranchante, “L’Encyclopédie”, d’abord revue puis maison d’édition, fut le seul surgeon vivace.» Cette image n’est pas, croyons-nous, «de celles qui servent à imaginer juste», comme l’écrivait Semprun dans L’Abîme se repeuple. Certes, L’Encyclopédie des Nuisances s’inscrivit à l’origine dans le droit fil de la critique des nuisances, élaborée dès le début des années 70 par Guy Debord dans La Véritable Scission. Mais il y a loin du brillant Discours préliminaire de novembre 1984 à quelques-uns des derniers ouvrages publiés par les Éditions de l’Encyclopédie des Nuisances, la critique de la société du spectacle cédant progressivement le pas à celle de la société industrielle. Cette évolution, discrète et teintée d’amertume chez Semprun, est manifeste chez quelques-uns des auteurs qu’il a publiés, l’ex-situationniste René Riesel et l’universitaire Jean-Marc Mandosio (dont Le Chaudron du négatif, qui a ébloui Jean-Luc Porquet, nous semble tout sauf «lumineux»). De telle sorte que cette Encyclopédie est devenue plus proche, pour finir, d’Anders et de Kaczynski que de Marx et de Debord.

Jules Bonnot de la Bande, 15 août 2010.
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Décés d'un grand penseur de l'anti-capitalisme

Messagede Flo » 21 Juil 2012, 09:20

Il était prévu dans le programme des conférences de Saint-Imier cet été...

Triste nouvelle. Le 18 juillet dernier, Robert Kurz est décédé à Nuremberg à l’âge de 68 ans, suite à une opération.

Dans les pas tracés par le Marx de la maturité et au-delà, Robert Kurz était une des rares personnes ayant ces dernières décennies la capacité d’analyser dans sa très grande complexité la formation sociale capitaliste et sa dynamique autodestructrice. Par ses écrits, il a su poser les fondements solides d'une transformation rigoureuse et exigeante de la critique de l'économie politique pour le XXIe siècle. Auteur prolixe qui cherchait toujours à mettre à la portée de tous une compréhension en profondeur du monde contemporain, il intervenait à cette fin comme journaliste dans de nombreuses publications en Allemagne et au Brésil. Certains textes journalistiques de Robert Kurz ont été traduits en français et édités dans divers recueils, mais ses œuvres principales, les plus intéressantes et qui ont marqué en France et ailleurs, de nombreux lecteurs germanophones, restent encore à traduire et à éditer.

Avec sa mort, la critique de la dissociation-valeur, la revue Exit !, et ses lecteurs aux quatre coins du monde, perdent un penseur remarquable. Il ne sera pas facile de nous hisser à sa hauteur pour comprendre ce bas monde.

Nous essayerons

Quelques amis de la critique de la valeur

Image
"La société à venir n'a pas d'autre choix que de reprendre et de développer les projets d'autogestion qui ont fondé sur l'autonomie des individus une quête d'harmonie où le bonheur de tous serait solidaire du bonheur de chacun". R. Vaneigem
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Re: Daniel Bensaïd est mort

Messagede bipbip » 17 Fév 2013, 15:25

Daniel Bensaïd a son site

Daniel Bensaïd mode d’emploi

L’ouverture de ce site est le fruit d’un important travail, encore très incomplet.

Le parcours atypique de Daniel Bensaïd nous a semblé le mériter. Philosophe et militant indéfectiblement présent sur le terrain des luttes – « dont jamais la rigueur de chacune de ces deux exigences n’a eu à souffrir de l’autre, chose rare, pour ne pas dire unique » –, Daniel Bensaïd s’est attelé à débarrasser le marxisme de ses interprétations déformantes et réductrices, à l’élargir et à l’enrichir « par l’épreuve d’autres lectures, d’interférences éclairantes », comme celle de Walter Benjamin.

Notre objectif aujourd’hui : faire connaître et vivre cette pensée exigeante, toujours en action. Nous sommes pourtant encore loin du compte et de nos ambitions. Le travail de recensement et de numérisation de l’ensemble de ses écrits, la réunion de ses interventions radiophoniques, audiovisuelles… de 1968 à son décès le 12 janvier 2010 doit se poursuivre.

Des ouvertures en espagnol, portugais, anglais, italien et allemand sont prévues. Dans l’immédiat, ce sont essentiellement les traductions des textes existant en français qui sont accessibles.

Au-delà, nous espérons pouvoir nous faire l’écho
de contributions et de travaux se revendiquant d’une même filiation.

Votre aide nous est indispensable !

Sophie Bensaïd


http://www.danielbensaid.org/
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Re: Nathalie Le Mel, figure de la Commune et "pétroleuse"

Messagede bipbip » 01 Fév 2014, 03:14

Mercredi 5 février 2014

Conférence-débat sur Nathalie Le Mel

L'institut CGT d'Histoire sociale du Livre Parisien vous invite à une conférence-débat sur Nathalie Le Mel - relieuse et communard
avec Claudine Rey, journaliste et présidente d'honneur de l'association des Amies et amis de la Commune de Paris (1871)
Entrée libre
à 14h15, Maison du livre, Salle Eugène Varlin, 94 bd Auguste Blanqui, Paris 13e

http://www.commune1871.org/spip.php?pag ... rticle=394
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Rosa Luxemburg

Messagede bipbip » 06 Fév 2016, 17:22

Rosa Luxemburg, une vie

Dossier

Une légende ne requiert que deux dates : naître quelques jours avant que n’éclate la Commune de Paris et mourir assassinée au lendemain de la Première Guerre mondiale. La balle qui l’atteignit lui ôta la vie mais lui donna l’éternité : un siècle est passé sans effacer son nom. En 2009, la comédienne Anouk Grinberg lisait ses lettres de prison sur les planches d’un théâtre parisien, en partenariat avec France Culture ; un an plus tard, la chanteuse Claire Diterzi mettait en scène le spectacle Rosa la rouge – la première loua pour l’occasion son ouverture et sa joie de vivre ; la seconde y vit matière à « délire » et « fantaisie ». En janvier 2011, Jean-Luc Mélenchon se recueillait devant sa tombe, jurant « de ne pas laisser rouler au néant le flambeau reçu des beaux combats du passé contre l’inhumanité du capitalisme ». Le film Ich bin eine Terroristin, road movie ingénu, n’allait pas tarder à lui rendre hommage tandis que les éditions Smolny et Agone commençaient à rééditer son œuvre complète. Un colloque s'est tenu à la Sorbonne en son honneur, en 2013 ; un an plus tard on inaugurait à Paris des jardins à son nom. Les mythes arrondissent et arasent les angles et les teintes : ils sont la somme des rumeurs et de l’air du temps. Rosa Luxemburg, rebelle sympa, rock et gauche bon teint ? Rosa, puisqu’il semble d’usage de la nommer par son prénom, « icône féministe » – aux dires de la BBC ? On nous pardonnera de chicaner.

... http://www.revue-ballast.fr/rosa-luxemburg-une-vie/
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Re: Divers militant-es révolutionnaires

Messagede Lila » 14 Fév 2016, 19:10

Qiú Jǐn, poétesse féministe et révolutionnaire

Qiú Jǐn (1875 – 1907) est une poétesse chinoise, connue pour ses engagements féministes et révolutionnaires et considérée comme une héroïne majeure en Chine.

Fille de fonctionnaires originaires de la ville de Shaoxing (à l’est de la Chine), Qiú Jǐn nait le 8 novembre 1875. On connait peu de choses de sa vie jusqu’à son mariage, 1896, et son arrivée à Pékin pour suivre son mari. Là, elle entre en contact avec de nouvelles idées et commence à faire preuve d’indépendance. Après le mouvement des Boxers, pour exprimer sa désapprobation quant au traitement réservé aux femmes sous la dynastie Qing, elle s’habille en homme occidental et pratique les arts martiaux.

En 1904, laissant ses deux enfants derrière elle, Qiú Jǐn part étudier au Japon et rejoint plusieurs groupes prônant le renversement de la dynastie Qing. Avec un cousin, elle travaille à unir ces mouvements secrets. A son retour en Chine, en 1905, elle publie la revue Femmes de Chine (Zhongguo nubao), préconisant notamment aux femmes d’acquérir leur indépendance financière par les études et le travail. Elle les encourage à résister à l’oppression familiale et gouvernementale et s’élève contre des pratiques coutumières comme celle des pieds bandés.

Poétesse féministe, Qiú Jǐn est également une excellente oratrice et parle en faveur des droits des femmes, de la liberté de se marier à l’accès à l’éducation. En 1907, de retour à Shaoxing, elle devient directrice de la Datong School, officiellement une école pour enseignements sportifs et officieusement un lieu d’entrainement pour les révolutionnaires. Depuis Shaoxing, elle tente d’organiser un coup d’État mais le complot est découvert et Qiú Jǐn est arrêtée le 12 juillet 1907. Sous la torture, elle n’admet rien, mais des preuves sont découvertes et elle est condamnée à mort. Qiú Jǐn est exécutée le 15 juillet 1907.

Un monument est érigé en sa mémoire dans la ville de Hangzhou, à l’est du pays. En Chine, Qiú Jǐn est une icône symbolique en particulier de la lutte pour les droits des femmes.


https://histoireparlesfemmes.wordpress. ... tionnaire/
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Re: Divers militant-es révolutionnaires

Messagede bipbip » 18 Fév 2016, 17:04

Décès de Thérèse Clerc, militante féministe et fondatrice de la Maison des Babayagas
Militante féministe de la première heure, Thérèse Clerc, fondatrice de la Maison des Babayagas, résidence autogérée pour femmes à Montreuil, est décédée mardi à l’âge de 88 ans.
Née le 9 décembre 1927, féministe engagée, elle avait milité notamment au Mouvement de la Paix, au MLAC (Mouvement pour la Libération de l’Avortement et de la Contraception) ou encore au PSU.
... http://www.liberation.fr/france/2016/02 ... as_1433735


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Re: Divers militant-es révolutionnaires

Messagede bipbip » 05 Mar 2016, 14:05

Marcel Body

Le 23 octobre 1894, naissance de Jean Alexandre BODY (dit Marcel BODY) à Limoges.
Typographe, communiste puis libertaire.
En 1916, militaire français en Russie, il se rallie à la révolution bolchévique, côtoie les dirigeants, Lénine, Trotski, Staline. Après être devenu citoyen russe, puis diplomate en Norvège aux côtés d'Alexandra Kollontaï, il critique la dérive du régime. Il regagne la France en 1927 où il traduit Lénine, Trotski, puis Bakounine. Il donne alors des articles dans la presse libertaire et pacifiste.
Il est l'auteur du livre "Un piano en bouleau de Carélie" (1981), réédité sous le titre de "Un ouvrier limousin au coeur de la révolution russe". Il meurt le 12 novembre 1984.

"Mon cheminement à travers cette période trouble m'amène, malgré tout, à ignorer le pessimisme qui est à l'homme ce que l'hiver est à la nature. Or les pires froids n'ont jamais empêché le printemps de revenir, ni l'été de mûrir les moissons, et les plus abondantes seront toujours celles d'hommes forts et d'esprits libres..."

(In "Un piano en bouleau de Carélie (1981)

http://www.ephemanar.net/octobre23.html



Un ouvrier limousin au cœur de la révolution russe

La révolution russe et la mise en place du régime soviétique font déjà l’objet d’une longue bibliographie. Avec le récit de Marcel Body, les éditions Spartacus publient un témoignage de premier plan, d’un acteur resté peu connu.

Né à Limoges dans une famille ouvrière en 1894 et mort en 1984, Marcel Body devient apprenti typographe. En 1910, la mort de Tolstoï lui fait découvrir l’œuvre et les conceptions sociales de celui-ci qui, à leur tour, l’incitent à apprendre le russe. Pendant la guerre, l’armée cherche des volontaires pour une mission d’instruction en Russie, et Marcel Body s’y joindra ; il arrive en Russie juste après la révolution de Février, assiste à celle d’Octobre.

Marcel Body au service des bolcheviks

À la fin de l’été de 1918, avec quelques autres membres de la Mission militaire, en désaccord comme lui avec la politique d’intervention armée de la France contre le régime soviétique, il se met au service des bolcheviks, notamment pour la propagande du nouveau régime en direction des Français. Il mènera alors différentes missions pendant la guerre civile, préparera les premiers congrès de l’Internationale communiste, puis travaillera pour le ministère des Affaires étrangères. En 1921, prenant déjà quelques distances vis-à-vis du régime, il sera nommé à la représentation soviétique à Oslo. Il y travaillera plusieurs années aux côtés d’Alexandra Kollontaï, militante de premier plan dans les années précédentes de l’Opposition interne du Parti communiste.

Dans les luttes ouvrières à Limoges

Limoges est une ville à forte tradition et combativité ouvrière. Le jeune Marcel Body peut le constater : “J’ai onze ans, en 1905, quand les ouvriers de la Céramique de Limoges se mettent en grève et manifestent dans la rue. Des cortèges de milliers de manifestants conspuent les patrons, et un après-midi, au moment où nous allions sortir de l’école, nous entendons une clameur immense : L’Internationale, chantée par des milliers de poitrines... La grève continue, plus violente que jamais ; on arrête des grévistes, on les emprisonne au Champ-de-Foire, c’est le nom qu’on donne à Limoges à la maison d’arrêt située place du Champ-de-Foire. Un soir, des milliers de manifestants se massent devant la prison et demandent la libération des détenus. Les portes restent fermées. Fous de rage, les grévistes s’emparent des montants de fer auxquels on attache les bœufs les jours de foire et, s’en servant comme de béliers, défoncent la grande et lourde porte d’entrée à deux battants. La porte s’écroule, mais derrière elle, dans la cour, une compagnie du 78e régiment d’infanterie braque les fusils sur les assaillants ; l’officier s’écrie : « Un pas de plus et je fais tirer ! » Les assaillants refluent mais continuent à manifester leur colère”.

La guerre en Ukraine

Gagné comme sa famille aux idées socialistes, il ressent durement l’assassinat de Jaurès, qu’il a entendu plusieurs fois à Limoges. Mais son engagement ne prendra forme que plus tard, dans la Russie soviétique. En acteur, il participe à la guerre civile, dans toute sa cruauté et sa complexité, notamment en Ukraine. En 1919, le premier congrès de l’Internationale communiste a décidé d’installer un bureau en Ukraine pour mener la propagande dans les pays de la région et il part vers Kiev avec des responsables du nouveau régime : “Il faisait grand jour quand le lendemain nous atteignîmes Poltava. Une halte de deux heures était prévue et je me mis en quête d’une maison où Sadoul et moi pourrions déjeuner. Une jeune Ukrainienne, vêtue du costume traditionnel, me dit que ses parents nous accueilleraient volontiers. Il s’agissait d’une famille juive qui, sans opinion politique bien arrêtée, était terriblement inquiète. Des bandes de « partisans » se réclamant de Petlioura ou d’un ataman occasionnel sillonnaient les campagnes, pillant les bourgs qu’habitaient les Juifs, multipliant les pogromes dont le nombre des victimes grandissait de jour en jour. Jusqu’alors, nous n’avions eu que des échos de l’insécurité qui régnait dans l’Ukraine reconquise, mais sur place, ces récits d’horreurs nous glaçaient”.

La situation à Petrograd

En 1920, alors que le régime se stabilise, il s’installe à Petrograd et, tout en poursuivant ses travaux pour l’Internationale, son appréciation de la situation évolue : “L’aspect de Petrograd était lamentable. Les quelques magasins qui survivaient encore à mon arrivée ne tardèrent pas à être fermés d’autorité. Désormais la population dépendait entièrement pour son ravitaillement de la Commune de Petrograd. Ce ravitaillement était illusoire... Priorité donc aux réfectoires des usines. Mais là aussi la pitance était maigre... La misère gagnait de plus en plus. Ne survivaient que les utilisateurs du marché noir. Mais à chaque instant ; ils étaient entourés par la police montée, et tout était confisqué”. Cependant, “la misère des habitants, parmi lesquels il n’y avait plus de « bourgeois », n’avait pas sa contrepartie dans la situation de ceux qui les dirigeaient et les surveillaient”. L’insurrection de Kronstadt et sa répression, en mars 1921, accentuèrent ses doutes envers le régime mis en place par Lénine.

Au côté d’Alexandra Kollontaï

Mais marié désormais à une femme russe, bientôt père d’une fille, ayant tissé des liens d’amitié dans le Parti, pleinement engagé dans son travail pour l’internationale communiste, il ne pense pas encore à revenir en France. Bientôt, il accepte de partir en Norvège travailler pour la représentation soviétique ; il y restera quatre ans. Bientôt, il y travaillera aux côtés d’Alexandra Kollontaï, l’une des figures les plus énergiques et les plus indépendantes de la Révolution. Quand il arrive à Oslo, elle y vit à l’écart de toute activité officielle en raison de l’opposition à la politique de Lénine qu’elle avait ouvertement exprimée au IIIe congrès de l’internationale communiste. Avec elle, il va œuvrer à l’amélioration des relations entre la Norvège, alors très dépendante diplomatiquement du Royaume Uni, et l’Union soviétique, en commençant par celle des relations commerciales : “Une nombreuse délégation norvégienne était restée trois mois à Moscou. Allant d’un commissariat [un ministère] à l’autre, elle avait essayé de décrocher une commande comparable à celle de l’année précédente : plusieurs centaines de milliers de tonneaux de hareng et des milliers de tonnes de poisson salé. Nous étions en 1923, en pleine famine de la Volga, alors que des millions d’hommes, de femmes et d’enfants mouraient de faim”. Intervenant auprès de Staline, Alexandra Kollontaï put débloquer la situation et négocier avec les représentants des pêcheurs et du gouvernement norvégien un nouveau contrat.

Mêlant scènes de la vie quotidienne et réalités de la mise en place du pouvoir soviétique, sans négliger les personnalités, les affrontements et les débats, Marcel Body nous a livré un témoignage de premier ordre sur cette période cruciale.

Les éditions Spartacus

Marcel Body. Un ouvrier limousin au cœur de la révolution russe , éditions Spartacus, 304 pages, 18 e.€

À commander à l’EDMP (8 impasse Crozatier, Paris 12e, 01 44 68 04 18, didier.mainchin@gmail.com).

http://www.emancipation.fr/spip.php?article1265


Ecoutez Marcel Body
un film de Bernard Baissat et Alexandre Skirda, 1984

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Re: Divers militant-es révolutionnaires

Messagede Lila » 17 Mar 2016, 19:27

Hélène Brion, entre féminisme et socialisme

Hélène Brion fut sympathisante révolutionnaire, militante pacifiste et féministe. À l'heure où ceux d'en haut — le petit monde de la gauche et de la droite main dans la main — se roulent dans le même bain de vase ; à l'heure où les invisibles et les laissés-pour-compte font grincer les urnes ; à l'heure où les autorités françaises se réjouissent de cette « année record pour l’industrie de l’armement » et gonflent le torse de tous leurs drapeaux ; à l'heure où d'aucuns ricanent sur « la terreur féministe », un tel tableau a de quoi attirer l'attention. Brion fut incarcérée pour ses idées (sous le régime d'un certain Clemenceau) et consacra sa vie entière à l'égalité entre les hommes et les femmes ; être socialiste est une condition absolument nécessaire à l'émancipation, mais non point suffisante : on peut toujours dominer plus dominé que soi. Éloge d'une réfractaire.

à lire : http://www.revue-ballast.fr/helene-brio ... ocialisme/
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Re: Divers militant-es révolutionnaires

Messagede Pïérô » 07 Avr 2016, 19:22

Paris, samedi 9 avril 2016

Conférence
« Rosa Luxemburg, figure d'émancipation et de révolte »

par Dominique Villaeys-Poirré, lecture de textes par Sabrina Lorre

à 16h, Médiathèque Jean-Pierre Melville, 79 rue Nationale, Paris 13e

Depuis 2008, Dominique Villaeys-Poirré anime un blog de réflexion et d'information, "Comprendre avec Rosa Luxemburg". Elle participe au collectif de traduction de ses oeuvres en français par Les éditions Agone et le Collectif Smolny.

http://comprendre-avec-rosa-luxemburg.o ... -p-melvill

Sabrina Lorre est comédienne, elle a été à l'initiative du Mois Rosa Luxemburg (à Saint-Etienne).

Conférence proposée dans le cadre des premières rencontres "Cultures et solidarité" où les bibliothèques du 13 ème arrondissement sont partenaires du Pôle Rosa Luxemburg" dans un but de démocratisation culturelle pour lutter contre la grande exclusion.
Image------------ Demain Le Grand Soir --------- --------- C’est dans la rue qu'çà s'passe --------
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Re: Divers militant-es révolutionnaires

Messagede Lila » 12 Juin 2016, 18:39

Le double combat de Sakine Cansiz : Abolition du patriarcat & Autonomie du Kurdistan

Sakine Cansiz est une combattante féministe laïque kurde connue pour son charisme, son courage, sa combativité, sa constance et son aura au sein de la communauté kurde. Son apport à la cause politique de l’autonomie du Kurdistan force le respect et lui ont valu d’être tour à tour emprisonnée, torturée, exilée puis assassinée en France par les services secrets turcs (MIT) dont l’implication ne fait nul doute. « Sara » est son nom de guerre car elle fut une figure emblématique de la résistance kurde contre la répression turque : elle avait un rôle de premier plan dans la lutte armée que lui conférait le statut de co-fondatrice à part entière du Parti des travailleurs du Kurdistan (PKK). Le Parti des travailleurs du Kurdistan (PKK) qui a été créé en 1978 par Sakine Cansiz et Abdullah Öcalan est une organisation assimilée à un mouvement de « guérilla » ou de « rebelles » revendiquant l’indépendance des territoires de la population kurde répartis entre la Turquie, la Syrie, l’Iran et l’Irak.

Le combat de Sakine Cansiz fut double, en l’occurrence celui de la lutte féministe pour l’abolition du patriarcat et l’émergence d’une société égalitaire sans distinction de genre et respectueuse des droits humains ainsi que celui du mouvement séparatiste pour l’autonomie du Kurdistan réclamant une place dans le concert des nations. Sakine Cansiz est une figure de proue pour les femmes kurdes mais aussi pour tout un peuple. Elle a donc combattu toute sa vie durant, contre une double oppression – celle du système patriarcal ainsi que celle des états de la région refusant le droit à l’autodétermination aux kurdes.

La suite : https://revolutionfeministe.wordpress.c ... kurdistan/
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Re: Divers militant-es révolutionnaires

Messagede Lila » 24 Aoû 2016, 19:32

Alexandra Kollontaï : une lutte révolutionnaire pour l’émancipation des femmes

Ses apports aux débats concernant l’émancipation des femmes sont un héritage important pour le mouvement révolutionnaire. Elle a théorisé les nouvelles formes de relations sexuelles et affectives qui commençaient à émerger au sein de la révolution, dédiant à l’amour et à la morale un grand nombre de ses écrits. Pour autant, son activité militante ne se limitait pas à ce domaine. Du jour où elle s’est engagée comme marxiste-révolutionnaire jusqu’à sa mort, sa trajectoire dans le mouvement socialiste fut longue et intense.

à lire : http://www.revolutionpermanente.fr/Alex ... des-femmes
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Re: Divers militant-es révolutionnaires

Messagede Pïérô » 03 Fév 2017, 12:50

Helen Keller

Helen Keller : pour le syndicat, pour la révolution (1916)

Helen Keller (1880-1968) est une figure marquante de l’histoire américaine : sourde et aveugle, elle réussit à s’affranchir de ses handicaps, fait des études, rédige ses mémoires et son histoire inspire le film Miracle en Alabama. Mais ce que l’on sait moins c’est qu’elle prit le parti du gigantesque mouvement d’émancipation animé par une classe ouvrière alors à l’offensive dans le monde entier.

Un texte de janvier1916 publié sur le site anglais libcom.org sous le titre « Why I became an IWW », ainsi que l’article intégral paru dans le New York Tribune dont il est tiré, attirent l’attention sur l’engagement d’Hellen Keller. Interrogée dans un des quotidiens les plus influents des États-Unis et par une journaliste visiblement surprise de ce qu’elle entend, Helen Keller affirme son attachement à un courant particulier du socialisme : celui qui puise son inspiration aux sources libertaires, anti-autoritaires et extra-parlementaires du mouvement ouvrier. En Amérique, ce courant s’incarna particulièrement dans une organisation syndicale : les Industrial Workers of the World (IWW).
Fondée en 1905, cette organisation (qui continue d’exister) développe une conception révolutionnaire de l’action syndicale : « d’industrie », opposé au syndicalisme « de métier », corporatiste, que promeut l’American Federation of Labor (AFL) dirigée par Samuel Gompers ; mais aussi d’action directe, avec la grève et le sabotage comme moyens. C’est aussi une organisation qui veut rallier à elle l’ensemble du prolétariat exploité : femmes, noir.e.s, immigrant.e.s… toutes et tous ont leur place au sein des IWW qui veulent bâtir une maison commune, un seul grand syndicat (« One Big Union ») quand l’AFL s’adresse à l’aristocratie ouvrière blanche. Et ce n’est pas qu’une vue de l’esprit : des militantes portent haut et fort les idées de leur syndicat comme Lucy Parsons, Mary « Mother » Jones ou Elizabeth Gurley Flynn, la propagande des IWW se déploit dans plusieurs langues (yiddish, italien, allemand, français...) et en 1912, des 25 000 syndiqués de la Brotherhood of Timber Workers, le Syndicat des Bûcherons des IWW, la moitié sont noirs. Ce qui achève de faire des syndicalistes IWW des cibles de choix pour les forces réactionnaires et racistes.
En 1917, à leur apogée, les IWW syndiquent 100 000 membres, et ont organisé un million de travailleurs et travailleuses (même si certaines analyses relativisent cet âge d’or). S’ils deviennent vite un point de ralliement pour nombres de militant.e.s socialistes ou anarchistes, ils tiennent farouchement à leur indépendance (quitte à provoquer une scission avec les membres du Socialist Labor Party en 1908), à l’instar d’une CGT syndicaliste révolutionnaire en France à la même époque. Les IWW sont porteurs d’un fort idéal d’émancipation. Leur triptyque, « agiter, éduquer, organiser » se décline en autant de publications, bibliothèques militantes (Le Talon de Fer de Jack London y figure en bonne place)… mais aussi chansons : le Little Red Song Book qui compile leurs chants de luttes est mainte fois réédité.
En 1916, dans de nombreux secteurs et États, ils ont été à l’animation de plusieurs grèves massives, souvent longues et dures (comme la grève de Lawrence en 1912 qu’évoque Helen Keller), ont mené des luttes pour la liberté d’expression (Free speech). Ils ont aussi subi la répression, la prison… quand ce ne sont pas les meurtres : en 1914 la garde nationale attaque les mineurs grévistes IWW de Ludlow, tuant 26 d’entre eux ; en 1915, leur plus célèbre chanteur, Joe Hill, est exécuté suite à une cabale judiciaire. Et ce ne sont que deux exemples parmi de trop nombreux autres.
En janvier 1916, cela fait aussi presque deux ans déjà que la guerre fait rage en Europe. Cette guerre, Helen Keller en parle dans son entretien. Elle y voit la possibilité d’un sursaut révolutionnaire possible dans la « bravoure » des combats… et dans l’habitude du maniement des armes par la classe ouvrière. On n’est pas si loin de l’appel à transformer la « guerre impérialiste » en « guerre révolutionnaire » que prônent les militant.e.s ouvrier.e.s resté.e.s fidèles à l’internationalisme. L’année suivante, l’entrée en guerre des États-Unis entraînera une répression accrue des IWW et des minorités révolutionnaires. Ce type de discours sera alors effectivement passible de peines de prison (en 1918, Eugen V. Debs, leader du Socialist Party paie son engagement contre la guerre d’une condamnation à 10 ans de prison et est déchu de ses droits électoraux à vie).
Mais en 1916, Helen Keller, comme d’autres, veut encore croire à l’imminence d’une issue révolutionnaire à la barbarie capitaliste. Issue que seule la grève générale peut aider à trouver (les « bras croisés », les « mains dans les poches » restent les meilleures armes des travailleurs et des travailleuses nous dit-elle). Et « croire » n’est sans doute pas un verbe exagéré tant le discours d’Helen Keller est teinté de messianisme. Elle n’hésite pas à solliciter l’image de Jeanne d’Arc ou la parole biblique pour appuyer son propos. Ce qui peut surprendre… mais en dit long sur le pouvoir d’attraction que représentait alors le mouvement ouvrier, capable de véhiculer une éthique et un horizon révolutionnaire qui pouvait paraître aussi simple et juste qu’exaltant.

L’article du New York Tribune, « Helen Keller would be IWW’s Joan of Arc », n’est pas ici traduit intégralement (et c’est en traducteur amateur qu’il l’a été, il faut en pardonner les maladresses). La version publiée sur le site des IWW et reprise sur libcom.org a fait référence, légèrement augmentée de quelques passages. Titre et intertitres ont été ajoutés.
Pour compléter cette présentation, on peut consulter la synthèse de Larry Portis, IWW, le syndicalisme révolutionnaire aux États-Unis, Spartacus, 2003 (première édition 1986) ; Franklin Rosemont, Joe Hill, éditions CNT-RP, 2008 ; Daniel Guérin, Le mouvement ouvrier aux États-Unis, Maspero, 1976 ; et voir Howard Zinn, Une histoire populaire américaine, première partie : Du pain et des roses, film de Olivier Azam et Daniel Mermet, 1h41, 2015.
Sur Helen Keller, on peut écouter l’émission de radio Là-bas si j’y suis du 26 décembre 2012, « Les vies radicales d’Helen Keller : sourde, aveugle et rebelle ». Ses mémoires sont publiées dans la Petit bibliothèque Payot : Sourde, muette, aveugle. Histoire de ma vie.

T. R.



Helen Keller : pour le syndicat, pour la révolution

Un entretien, rédigé par Barbara Bindley, pour le New York Tribune du 15 janvier 1916


J’ai demandé à Madame Keller de parler des étapes qui l’ont conduit à devenir l’intransigeante radicale qu’elle est publiquement aujourd’hui, loin de la figure douce et sentimentale des magazines féminins. « J’ai d’abord été croyante » commençe-t-elle à raconter, accédant avec enthousiasme à ma requête. « Je pensais que la cécité était un coup du sort. C’est alors que je fus mandatée pour contribuer aux travaux d’une commission sur les conditions de vie des aveugles. Pour la première fois, moi qui pensais que la cécité était une malédiction étrangère à l’intervention humaine, je découvre que de trop nombreux cas proviennent des mauvaises conditions de travail dans l’industrie, la plupart du temps causées par l’égoïsme et l’avidité des employeurs. Et qu’une société maléfique contribue à répandre. Je découvre que la pauvreté fait subir aux femmes une existence honteuse, qui s’achève dans la cécité.
Puis j’ai lu New worlds for Old d’HG Wells [1], des résumés de la philosophie de Karl Marx ainsi que son Manifeste. Et c’était comme si, après avoir été endormie longtemps, je m’éveillai à un monde nouveau – un monde différent de celui dans lequel j’avais vécu jusqu’alors.
Dans un premier temps, cela me déprima. » – dit-elle avec mélancolie – « Mais petit à petit ma confiance revint et je réalisais que le plus étonnant n’était pas que les conditions soient aussi mauvaises, mais que la société ait, jusqu’ici, progressé autant malgré cela. Et maintenant je prends part au combat pour changer les choses. Je suis peut-être une utopiste, mais les rêveurs sont nécessaires pour fabriquer du réel ! » Sa voix perçe presque, triomphante, et sa main trouve et agrippe mon genou, vibrante d’émotion.

Une lutteuse de nature

Je l’interroge : « Et vous sentiez-vous plus heureuse que dans le monde imaginaire que vous aviez conçu ? »
« Oui », assène-t-elle avec détermination, la voix légèrement tremblante toutefois. « En réalité, même si c’est triste, c’est mieux que de se faire des illusions » (ceci étant dit de la part d’une femme pour qui toutes les choses terrestres sont ainsi). « Ce sont des chimères à la merci de n’importe quel coup de vent. Le vrai bonheur doit venir de l’intérieur, à partir des objectifs qu’on vise et de la confiance qu’on a dans ses semblables – et de ça, j’ai plus que je n’ai jamais eu. »
« Et tout ça vous est venu après que vous ayez terminé vos études ? N’y aviez vous jamais réfléchi lors de votre scolarité ? »
« NON ! » – ici, la fierté le dispute à la gêne – « La faculté n’est pas l’endroit où aller pour y forger des convictions. […] Je crois que j’ai poursuivi des études pour être éduquée », se reprend-elle avec plus de contenance, et riant doucement, « Je suis un exemple de l’éducation accordée aux générations actuelles : et c’est une impasse. Les écoles semblent adorer continuer à vivre dans un temps révolu. »
« Mais vous savez, n’est ce pas », plaidais-je pour Madame Macy [2]et en son nom, « que vos enseignants avaient pour vous les meilleures intentions ? »
« Mais ils n’arrivaient à rien », réplique-t-elle. « Ils ne m’ont pas enseigné les choses telles qu’elles sont aujourd’hui, ou quoi que ce soit des préoccupations vitales du peuple. Ils m’ont parlé de la dramaturgie grecque et de l’histoire romaine, célébré les succès de la guerre, plutôt que ceux des héros de la paix. Par exemple il y avait une douzaine de chapitres sur la guerre quand il n’y avait que quelques paragraphes sur les grands inventeurs, et ça ne faisait qu’insister sur les cruautés de la vie, engendrant un idéal trompeur. L’Éducation m’appris que c’était une bien plus merveilleuse chose d’être un Napoléon que de créer une nouvelle variété de pomme de terre.
C’est dans ma nature de lutter quand je vois des erreurs qu’il faut corriger. Si bien qu’après avoir lu Wells et Marx, et appris ce que je devais, j’ai rejoins une section socialiste. J’avais pris la décision de m’impliquer. Et la meilleure des choses à faire me semblait de rejoindre un parti de combat et d’aider à sa propagande. C’était il y a quatre ans. Depuis, je suis devenue syndicaliste. »

Une wobblie

« Une syndicaliste ? », lui demandais-je, surprise d’un tel sang-froid. « Vous ne voulez pas dire une wobblie [3] ? une membre des IWW ? »
« Si ! […] Je suis devenue membre des Industrial Workers of the World (IWW) parce que je me suis aperçue de la frilosité du Parti socialiste. Il a sombré dans la fange politicienne. C’est presque, voir tout à fait, impossible pour le parti de conserver son caractère révolutionnaire tant qu’il occupera une position gouvernementale et cherchera à s’y nicher. Le gouvernement ne défend pas les intérêts que le parti socialiste est censé représenter. »
« Le Socialisme est toutefois un pas dans la bonne direction », concède-t-elle à son auditrice sceptique. « La véritable tâche est d’unir et d’organiser les travailleurs sur des bases économiques. Et ce sont les travailleurs eux-mêmes qui doivent assurer la liberté pour eux-mêmes, leur puissance doit s’affirmer. » Mme Keller continue : « Rien ne peut-être acquis par l’action politicienne. C’est pour cela que j’ai rallié les IWW. »

Je l’interromps : « Mais quel événement vous a conduit à vous affilier aux IWW ? »
« La grève de Lawrence [4]. Pourquoi ? Parce que j’y ai découvert que le véritable projet des IWW n’est pas seulement d’obtenir de meilleures conditions, et de les obtenir pour toutes et tous, mais de les obtenir une bonne fois pour toute. » […] « La révolution est plus grande que n’importe quel parti et adviendra quand les travailleurs auront suffisamment gagné en force et puissance. J’ai rejoint les IWW parce que je ne pouvais me satisfaire de la politique des petits avantages du quotidien dont vous êtes partisane […]. Ce que nous voulons c’est un syndicat militant, une internationale syndicale ouvrière. Les armes restent le dernier recours. Les travailleurs peuvent faire bien plus en croisant les bras » – ajoutant le geste à la parole – « mettant ainsi le monde à l’arrêt. Et lorsque cela atteindra les quartiers généraux des patrons, ils ne pourront que présenter leur démission. »
« Alors vous n’êtes pas pour la paix ? »
« Je suis pour la paix puisque je pense que les travailleurs peuvent obtenir gain de cause en mettant les mains dans les poches. Le monde serait alors leur. » […]

« Mais pour quoi plaideriez-vous : l’éducation ou la révolution ? »
« La révolution » affirme-t-elle résolument. « Nous naurons pas l’éducation sans révolution. Nous avons essayé d’éduquer à la paix depuis mille neuf cent ans et c’est un échec. Tentons la révolution et voyons voir ce que ça donnerait aujourd’hui.
Je ne suis pas pour la paix à tout prix. Je regrette cette guerre-ci, mais je ne regretterai jamais les flots de sang versés durant la Révolution française. Les travailleurs ont appris comment se dresser seuls. Ils ont appris une leçon qu’ils pourront appliquer pour leur compte hors des tranchées. Même les généraux ont témoigné des initiatives audacieuses prises par les ouvriers au combat. S’ils sont capables de ça pour leurs maîtres, vous pouvez être sûrs qu’ils pourront le faire pour eux-mêmes quand ils prendront leurs affaires en mains. Et n’oubliez pas que les travailleurs ont acquis leur discipline dans la guerre », complète-t-elle. « Ils ont contracté la volonté de combattre. Ma cause émergera des tranchées plus forte encore qu’elle ne l’a jamais été. Sous l’évidente bataille menée, une autre se déroule, invisible, pour la liberté humaine. »
[…] Et finalement, n’en tenant plus, et bien qu’elle soit une femme douce et frêle : « Je me fiche bien des semi-radicaux ! »

Peu à peu, tout du long de notre conversion, Helen Keller se consumait, l’exaltation marquait son visage, et ses yeux bleus et aveugles emplis de gloire elle me dit : « Je me sens par moment comme Jeanne d’Arc. Tout mon Être s’est élevé. Moi aussi, j’entends des voix me disant "Viens", et je veux les suivre, quel qu’en soit le prix, quels que soient les chefs d’accusation sous lesquels je me place. Prison, pauvreté, calomnie – m’importent peu. Car en vérité Il a dit : malheur à ceux d’entre-vous qui permettent aux plus faibles des miens de souffrir. »


PS :
Article rédigé par Théo ROUMIER, publié initialement sur "Mediapart" et repris ici avec l’autorisation de l’auteur.


[1] H. G. Wells, aujourd’hui reconnu pour ses romans de sciences-fictions, était aussi un humaniste progressiste, membre du parti travailliste britannique. Il publie en 1908, New Worlds for Old, un essai rassemblant ses contributions sur l’organisation sociale.

[2] Il s’agit d’Anne Sullivan, épouse de John Macy, l’éducatrice qui, à partir de 1887 enseigna à lire, écrire et parler à Helen Keller et vivra avec elle.

[3] Selon Daniel Guérin, dans Le mouvement ouvrier aux États-Unis de 1866 à nos jours (Maspero, 1976), « les anarcho-syndicalistes, les wobblies, partisans de la seule action directe », ont hérité de ce nom, faisant référence à leurs fréquents déplacements, en train notamment : « Wobbly signifie, au sens propre : qui roule ou balance irrégulièrement de droite et de gauche. Il semble que le sobriquet ait été inventé par la presse bourgeoise pour tourner en dérision les IWW qui, au contraire, en ont tiré fierté. » Le mot est apparu en 1912 d’après Franklin Rosemont, Joe Hill, éditions CNT-RP, 2008.

[4] Lancée le 11 janvier 1912, la grève des ouvrières et ouvriers de quatre gigantesques usines textiles de Lawrence (Massachusetts) s’étendit sur deux mois. 20 000 grévistes, femmes et immigrant.e.s, se mobilisèrent contre la baisse de leurs salaires, faisant mentir l’American federation of Labor (AFL) pour qui ces catégories de travailleurs et travailleuses étaient incapables d’une action consciente. « We want bread, and roses too/Nous voulons du pain, mais aussi des roses » : le slogan de la grève rappelait l’importance du combat pour la dignité et la volonté profonde de transformation sociale qui animait ces femmes et ces hommes. Pour tenir dans la durée, les enfants des grévistes furent mis à l’abri et pris en charge par des familles de militant.e.s de New-York. Menée par les IWW (et portée notamment par les syndicalistes Joseph Ettor et Arturo Giovanitti), la grève du faire face à une répression féroce. Malgré ça, elle fut victorieuse.


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Re: Divers militant-es révolutionnaires

Messagede bipbip » 07 Mai 2017, 19:00

Iaroslavskaïa, l’insurgée

La Révolution russe a dévoré son content d’idéalistes qui croyaient en elle, mais plus encore en la liberté absolue. Marquée par la révolte écrasée de Kronstadt, en 1921, journaliste proche de la dissidence anarchiste, femme d’un poète déchiré entre sa fidélité léniniste et sa lucidité, rétive à tout dogme, gravement accidentée à 20 ans (elle perd ses deux pieds) mais considérant que c’est « chose sans importance » au regard de l’essentiel — la vie, l’amour, la rue —, Evguénia Isaakovna Iaroslavskaïa-Markon s’invente un destin fait de perdition volontaire et d’engagement farouche. Devenue voleuse et diseuse de bonne aventure, elle est arrêtée en organisant l’évasion de son mari puis fusillée aux îles Solovki en 1931. Désespérément rétive mais incurablement romantique, elle resurgit entre les pages d’une bouleversante autobiographie rédigée quelques semaines avant son exécution. Portrait d’une inconnue.

... http://www.revue-ballast.fr/iaroslavskaia-linsurgee/
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Re: Divers militant-es révolutionnaires

Messagede bipbip » 05 Juin 2017, 17:30

Paris mercredi 7 juin 2017

Journée Rosa Luxemburg

Cette journée d'introduction à la figure de Rosa Luxemburg cherche à rendre accessible ses idées et à permettre la lecture de ses œuvres, dans le prolongement du séminaire de traduction de l'ENS et de la publication de ses Œuvres complètes en français chez Agone-Smolny.

Programme
• 16h30 Rosa Luxemburg et les révolutions 1917-1919
par Jean-Numa Ducange (Université de Rouen, histoire)
• 17h Discussion et débat
• 17h30 Rosa Luxemburg, un marxisme « pur » avant la Première Guerre Mondiale
par Guillaume Fondu (Université de Rennes I, philosophie)
• 18h Discussion et débat
• 18h30 Brève pause dînatoire
• 19h-21h Projection du film Rosa Luxemburg (1986) de Margarethe von Trotta
• 21h Discussion sur le film entre Margarethe von Trotta et Antoine de Baecque (ENS-DHTA)

Cette journée est ouverte à toutes et à tous.
Les visiteurs extérieurs à l'ENS sont invités à s'inscrire en confirmant leur présence sur Facebook https://www.facebook.com/events/1377302279005932/ ou en envoyant un message à l'adresse luxemburg@ens.fr, avant le 6 juin

http://www.humanite.fr/journee-rosa-lux ... ens-636926
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