Divers militant-es anarchistes dans l'Histoire

Mollie Steimer : Une vie Anarchiste

Messagede digger » 11 Mai 2014, 18:03

Mollie Steimer: Une vie Anarchiste

Paul Avrich


Texte inédit traduit
Extrait de Anarchist Portraits, Paul Avrich, Princeton University, New Jersey, 1988

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Le 23 juillet 1980, Mollie Steimer est morte d’une crise cardiaque dans la ville mexicaine de Cuernavaca, mettant fin à une vie d’activité ininterrompue au service de la cause anarchiste. Au moment de sa mort, Steimer était une des dernières figures connues étroitement liée avec Emma Goldman et Alexander Berkman. Elle était aussi une des dernières anarchistes d’une époque révolue avec une réputation internationale, la survivante d’un groupe remarquable d’exilés politiques russes au Mexique qui comprenaient des personnalités aussi différentes que Jacob Abrams, Victor Serge et Léon Trotsky.

Lorsque son cœur a lâché, Steimer avait quatre-vingt deux ans. Née le 21 novembre 1897, dans le village de Dunaevtsy au sud-ouest de la Russie, elle a émigré aux États-Unis en 1913 avec ses parents et cinq frères et sœurs. Âgée seulement de quinze ans à son arrivée, elle a commencé immédiatement à travailler dans une usine de confection pour aider financièrement sa famille. Elle a commencé aussi à lire de la littérature radicale , commençant avec Women and Socialism de Bebel (1) et Underground Russia de Stepniak (2) avant de découvrir les œuvres de Bakounine, Kropotkine et Goldman. En 1917, Mollie était devenue une anarchiste. Avec le déclenchement de la révolution russe, elle a plongé dans l’agitprop, en rejoignant un groupe de jeunes anarchistes réuni autour d’un journal clandestin yiddish intitulé Der Shturm (La Tempête). Déchiré par des dissensions internes, le groupe Shturm s’est réorganisé vers la fin de l’année, adoptant le nom de Frayhayt (Liberté) et lançant un nouveau journal du même nom, dont cinq numéros parurent entre janvier et mai1918, avec des dessins de Robert Minor (3) et des articles de Maria Goldsmith (4) et Georg Brandes (5), entre autres. Pour devise, les éditeurs avaient choisi la célèbre maxime de Henry David Thoreau, "Le gouvernement le meilleur est celui qui ne gouverne pas du tout" (en yiddish: "Yene regirung iz dibeste, velkhe regirt in gantsn nit"), une prolongation du "Le gouvernement le meilleur est celui qui gouverne le moins" de Jefferson

Le groupe Frayhayt était constitué d’environ une douzaine de jeunes hommes et femmes, ouvrier-es juifs originaires de l’Europe de l’est, qui se réunissaient régulièrement au 5 East 104th Street dans Harlem, ou plusieurs d’entre eux, dont Steimer, partageaient un appartement de six pièces. La figure la plus active de groupe, mise à part Mollie elle-même, était Jacob Abrams, 32 ans, qui avait immigré de Russie en 1906. En 1917, comme secrétaire du syndicat des relieurs, Abrams s’était efforcé d’empêcher l’ extradition de Alexander Berkman à San Francisco, où les autorités cherchaient à l’impliquer dans la célèbre affaire du dynamitage Mooney-Billings (6). Une autre membre du groupe était Mary, la femme de Abrams, une survivante de l’incendie tragique du Triangle Shirtwaist de 1911 (7) , dont elle réussit à s’échapper avec des blessures mineures en sautant par une fenêtre. Le reste du groupe comprenait Hyman Lachowsky, un imprimeur, Samuel Lipman, 22 ans et plus marxiste qu’anarchiste, Ethel Bernstein la compagne de Lipman, sa sœur Rose Bernstein, Jacob Schwartz, Sam Hartman, Bernard Sernaker (dont les filles, Germinal et Harmony, étaient à la Ferrer School de Stelton), Clara Larsen, Sam et Hilda Adel (oncle et tante de l’écrivain Léon Edel), et Zalman et Sonya Deanin.

Le groupe, comme collectif, éditait et distribuait clandestinement ses journaux. Par nécessité car il avait été déclaré illégal par le gouvernement fédéral pour son opposition à l’effort de guerre américain, pour ne pas parler de ses orientations anti-capitaliste, pro-révolutionnaire et pro-soviet (Son en-tête proclamait "la seule guerre juste est la révolution sociale"). Imprimant le journal sur une presse à main, le groupe le pliait serré et le glissait de nuit dans les boîtes aux lettres à travers la ville. Les autorités locales et fédérales eurent bientôt vent de leurs activités mais étaient incapables de remonter jusqu’à ses membres jusqu’à ce que survienne un incident qui catapulta Abrams, Steimer et leurs camarades dans les unes des journaux – et les fit atterrir en prison.

Ce fut le débarquement des troupes américaines en Russie durant le printemps et l’été 1918 qui provoqua cet incident. Considérant cette intervention comme une manœuvre contre-révolutionnaire, les membres du groupe Frayhayt décidèrent de l’arrêter. Pour cela, ils rédigèrent deux tracts , un en anglais, l’autre en yiddish, appelant les ouvriers américains à déclencher une grève général. "Permettrez-vous que la révolution russe soit écrasée?" demandait le tract en anglais. "Oui ; vous, c’est à vous que l’on s’adresse, le peuple d’Amérique! LA REVOLUTION RUSSE APPELLE A L’AIDE LES OUVRIERS DU MONDE. La révolution russe crie : ‘OUVRIERS DU MONDE ! REVEILLEZ-VOUS! LEVEZ-VOUS! ABATTEZ VOTRE ENNEMI ET LE MIEN!’ Oui, les amis, les travailleurs à travers le monde n’ont qu’un ennemi et c’est le CAPITALISME" Le tract en yiddish contenait un message semblable: "Ouvriers, notre réponse à l’intervention barbare doit être une grève générale ! Une contestation publique fera savoir au gouvernement qu’il n’y a pas que les ouvriers russes qui combattent pour la liberté , mais que l’esprit de la révolution vit aussi ici, en Amérique. Ne laissez pas le gouvernement vous effrayer avec ses peines de prison démentes, ses pendaisons et ses fusillades. Nous ne devons pas trahir, et ne trahirons pas, les magnifiques combattants de Russie. Ouvriers, battons-nous!"

Chaque version du tract fut tiré à cinq mille exemplaires. Steimer en distribua la majeure partie à travers. Puis, le 23 août 1918, elle emmena le restant à l’usine dans lower Manhattan où elle travaillait, en distribua un certain nombre et jeta le reste d’une fenêtre des toilettes à l’étage. En atterrissant dans la rue en dessous, ils furent ramassés par un groupe d’ouvriers qui prévinrent immédiatement la police. Celle-ci, à son tour, alerta les services de renseignements de l’armée qui envoyèrent deux sergents à l’usine. En se déplaçant d’un étage à l’autre, ils rencontrèrent un jeune ouvrier, Hyman Rosansky, une récente recrue du groupe Frayhayt, qui avait aidé à la distribution des tracts. Rosansky avoua sa participation, se transforma en indic et impliqua le reste de ses camarades .

Steimer fut rapidement placée en détention préventive, avec Lachowsky et Lipman. Le même jour, la police fit une descente au quartier général du groupe au East 104th Street, saccageant l’appartement et arrêtant Jacob Abrams et Jacob Schwartz, frappés à coups de poings et de matraques sur le chemin du commissariat. Lorsqu’ils arrivèrent, ils furent frappés à nouveau. Schwartz crachait du sang. Peu après, Lachowsky fut amené, couvert de contusions et en sang, avec des poignées de cheveux arrachés. Durant les jours suivants, le reste du groupe fut arrêté et questionné. Quelques-uns furent relâchés, mais Abrams, Steimer, Lachowsky, Lipman et Schwartz, avec un ami du nom de Gabriel Prober, furent accusés de conspiration ayant pour but de violer le Sedition Act (8), voté par le Congrès plus tôt dans l’année. Rosansky, qui avait coopéré avec les autorités, eut droit à l’ajournement de son procès.

La cas Abrams, nom sous lequel il allait être connu, constitue un fait marquant dans la répression des libertés civiles aux États-Unis. Comme la plus importante poursuite judiciaire sous le Sedition Act, il est cité par toutes les sources historiques sur le sujet, comme l’une des violations les plus flagrantes du droit constitutionnel durant l’hystérie de la Peur Rouge qui suivit la première guerre mondiale.

Le procès, qui dura deux semaines, s’ouvrit le 10 octobre 1918, au Tribunal Fédéral de New York. Les accusés étaient Abrams, Steimer, Schwartz, Lachowsky, Lipman et Prober. Schwartz, cependant, n’apparut jamais lors du procès. Sévèrement battu par la police, il avait été transféré à l’hôpital de Bellevue, où il est mort le 14 octobre, pendant le déroulement du procès. Les compte-rendus officiels attribuent son décès à la grippe espagnole, une épidémie qui faisait alors rage. Pour ses camarades, néanmoins, Schwartz avait été brutalement assassiné. Ses funérailles se transformèrent en manifestation politique; et le 25 octobre, une manifestation à sa mémoire, présidée par Alexander Berkman, fut organisée en son honneur au Parkview Palace. Mille deux cents personnes en deuil y assistèrent et entendirent des discours par John Reed (9), qui avait été lui-même arrêté pour avoir condamné l’intervention américaine en Russie , et Harry Weinberger, l’avocat de la défense dans le cas Abrams, qui avait précédemment représenté Berkman et Goldman dans leur procès de 1917 pour leur opposition au service militaire (10). Il servira peu après de conseiller juridique à Ricardo Flores Magon (11) dans sa tentative pour sa libération de prison.

Le cas Abrams a été jugé par Henry DeLamar Clayton, qui avait été député de l’Alabama pendant dix-huit ans au Congrès. Clayton a démontré être un autre Gary ou Thayer, les juges dans les cas Haymarket et Sacco-Vanzetti. Il a posé des questions sur "l’amour libre" des accusés et s’est moqué d’eux et les a humilié à chaque occasion. "Vous parlez sans cesse de producteurs," avait-il dit à Abrams. "Alors puis-je vous demander pourquoi vous ne partez pas pour produire ? Il y a un tas de terres non cultivées qui ont besoin d’attention dans ce pays." Lorsque Abrams, à un autre moment, s’est qualifié d’anarchiste et a ajouté que le Christ était aussi un anarchiste, Clayton l’a interrompu : "Notre Seigneur n’est pas en procès ici . Vous, si." Abrams a commencé à répondre : "Lorsque nos ancêtres de la révolution américaine"- mais il ne put aller plus loin. Clayton : "Vos quoi ?" Abrams : "Mes ancêtres." Clayton : "Voulez-vous dire que vous faites référence aux pères de cette nation comme étant vos ancêtres ? Je pense que vous pouvez laisser tomber aussi parce que Washington et les autres ne sont pas en procès ici." Abrams expliqua qu’il y avait fait référence parce que "J’ai du respect pour eux. Nous sommes une grande famille humaine et j’ai dit ‘nos ancêtres’. Ceux qui se rangent du côté du peuple, je les appelle pères."

Weinberger, l’avocat de la défense, s’efforça de démontrer que le Sedition Act avait pour but de pénaliser les activités qui entravaient la conduite de la guerre et que, puisque l’intervention américaine n’était pas dirigée contre les allemands et leurs alliés, alors l’opposition des accusés ne pouvait pas être interprétée comme une interférence avec l’effort de guerre. Cet argument fut cependant rejeté par le juge Clayton avec la remarque que "les fleurs qui s’épanouissent au printemps, tra la, n’ont rien à voir avec le cas." Le New York Times, louant les "méthodes à demi humoristiques" du juge, écrivit qu’il méritait "les remerciements de la ville et du pays pour la façon dont il avait conduit le procès." Upton Sinclair (12), au contraire, affirma que Clayton avait été importé d’Alabama pour protéger la démocratie contre Hester Street.(13)

Avant la conclusion du procès, Mollie Steimer prononça un vibrant discours où elle expliqua ses opinions politiques. "Par anarchisme," déclara t’elle "j’entends un nouvel ordre social, ou aucun groupe humain ne sera gouverné par aucun autre humain. La liberté individuelle, dans tous les sens du terme, prévaudra. La propriété privée sera abolie. Chaque personne se verra offerte l’opportunité de se construire, aussi bien intellectuellement que physiquement. Nous n’aurons plus à lutter pour notre vie quotidienne comme nous le faisons maintenant. Personne ne vivra sur le travail des autres. Chacun produira du mieux qu’il le peut et en profitera selon ses besoins. Au lieu de nous échiner à gagner de l’argent, nos efforts porteront sur l’éducation, la connaissance. Alors que actuellement les peuples du monde sont divisés en différents groupes, qui se nomment nations, et que les nations se défient les unes les autres – se considérant comme concurrentes – les travailleurs à travers le monde se tendront les mains avec un amour fraternel. Je consacrerai toute mon énergie et, si nécessaire, donnerai ma vie pour l’accomplissement de cette idée."

Avec Clayton aux manettes, la conclusion du procès était prévisible. Le jury déclara tous les accusés coupables, sauf un (Prober fut acquitté de toutes les charges). Le jour de la sentence, le 25 octobre, Samuel Lipman s’avança et commença à s’adresser à la cour au sujet de la démocratie. "Vous ne savez rien de la démocratie," l’interrompit le juge Clayton, "et la seule chose que vous comprenez c’est le cauchemar de l’anarchie." Clayton condamna les trois hommes, Lipman, Lachowsky et Abrams, à la peine maximale de vingt ans de prison et à 1 000 $ d’amende ; Steimer fut condamnée à quinze ans et à 500$ d’amende. (Rosansky, dans un procès séparé, s’en sortit avec trois ans.)

La barbarie des sentences pour une distribution de tracts choqua à la fois les libéraux et les radicaux. Un groupe de membres de la faculté de droit de Harvard, conduit par Zechariah Chafee (14), protestèrent contre le fait que les accusées avaient été condamnés uniquement parce qu’ils plaidaient pour une non-intervention dans les affaires d’une autre nation, en clair, pour avoir exercé leur droit à la liberté d’expression. "Après s’être enorgueillis depuis plus d’un siècle d’être un asile pour tous les opprimés du monde," déclara le professeur Chafee, "nous ne devons pas soudainement adopter l’idée que nous ne sommes qu’un asile pour les hommes moins radicaux que nous. Supposons que l’Angleterre monarchiste ait adopté une telle position envers le républicain Mazzini ou l’anarchiste Kropotkine !"

"Tous les membres de la faculté de droit" se joignirent à Chafee pour rédiger une pétition demandant l’amnistie, y compris de distingués juristes comme Roscoe Pound et Felix Frankfurter. Des pétitions semblables furent signées par Norman Thomas, Hutchins Hapgood, Neith Boyce, Leonard Abbott, Alice Stone Blackwell, Henry Wadsworth Longfellow Dana, et Bolton Hall. A Detroit, Agnes Inglis, la future conservatrice de la Labadie Collection à l’Université du Michigan (15), prit la défense des accusés. Un anarchiste italien de la même ville écrivit une pièce de théâtre et la joua avec ses camarades.

En outre, deux organisations de New York vinrent à l’aide des prisonniers, qui firent appel devant la Court Suprême des États-Unis. La première était la League for the Amnesty of Political Prisoners (16), présidée par Pryns Hopkins, avec M. Eleanor Fitzgerald pour secrétaire et Leonard Abbott, Roger Baldwin, Lucy Robins, Margaret Sanger et Lincoln Steffens comme membres du conseil consultatif, publia un tract sur le cas Is Opinion a Crime ? Le second groupe, le Political Prisoners Defense and Relief Committee, fut organisé par Sam et Hilda Adel, avec d’autres anciens membres du groupe Frayhayt, soutenu par le Fraye Arbeter Shtime, (17) le Workmen’s Circle (18), et la Bookbinders’ Union, dont Abrams avait été secrétaire. En 1919, il publia un pamphlet de vingt-deux pages intitulé Sentenced to Twenty Years Prison, qui constitue une source d’information précieuse sur le cas. (Une traduction russe a été publié par la Union of Russian Workers aux Etats-Unis et au Canada.)

Pendant ce temps, les quatre anarchistes avaient été libérés sous caution en attendant le résultat de leur appel. Steimer avait repris immédiatement ses activités militantes. Pendant les onze mois suivants, elle fut arrêtée pas moins de huit fois, placée en garde à vue au commissariat pendant de courtes périodes, libérée puis arrêtée de nouveau, parfois sans aucun prétexte. Le 11 mars 1919, elle est arrêtée à la Russian People’s House au East 15th Street lors d’une descente de la police locale et fédérale qui prit 164 militants dans ses filets, certains d’entre eux étant emprisonnés sur le Buford avec Goldman et Berkman. Accusée d’incitation à l’émeute, Steimer fut détenue pendant huit jours dans les célèbres Tombs (19) avant d’être libéré avec une caution de 1 000$, seulement pour être arrêtée de nouveau et déportée sur Ellis Island. Enfermée vingt quatre heures sur vingt quatre, privée d’exercices et de plein air et du droit de rencontrer les autres prisonniers, elle commença une grève de la faim jusqu’à ce que les autorités changent ses conditions d’emprisonnement. Emma Goldman se désola que "Tout l’appareil du gouvernement américain a été utilisé pour écraser cette femme pesant moins de 37 kilos".

Le gouvernement, cependant, n’était pas prêt à déporter la prisonnière de vingt et un an, dont le cas était encore examiné par la justice. Libérée de Ellis Island, Mollie fut gardée sous surveillance constante. A l’automne 1919, Lorsque Goldman revint à New York après avoir accompli une peine de deux ans au pénitencier fédéral de Jefferson City, Missouri, Mollie saisit l’occasion de faire appel à elle. Ce fut le début d’une amitié durable. Mollie rappelait à Emma les femmes russes révolutionnaires, sous le tsar, solides, ascétiques et idéalistes, qui "sacrifiaient leur vie presque avant même d’avoir commencé à vivre." Selon la description de Emma, Mollie était "minuscule et d’un aspect étrange, japonais par sa stature et son apparence." C’était une femme merveilleuse, ajoutait Emma, "avec une volonté de fer et un cœur tendre," mais " aux idées terriblement ancrées." "Une sorte de Alexander Berkman en jupe," disait elle en plaisantant à sa nièce Stella Ballantine.

Peu après sa rencontre avec Goldman, Steimer fut de nouveau arrêtée. Elle fut emprisonnée sur Blackwell’s Island, où elle resta six mois, du 30 octobre 1919 au 29 avril 1920. Confinée dans une cellule immonde, isolée une fois de plus de ses camarades prisonniers et privée de tout contact avec le monde extérieur, elle protestait en chantant à tue-tête "The Anarchist March" et autres chants révolutionnaires et en commençant une autre grève de la faim.

Pendant ce temps, la Cour Suprême avait confirmé le jugement de Mollie et de ses camarades. Deux de ses membres néanmoins, Louis Brandeis et Oliver Wendell Holmes, avaient émis fortement une opinion différente, en convenant avec les accusés que leur but avait été d’aider la Russie et non de gêner l’effort de guerre. "Dans ce cas," écrivit Holmes, "les peines de vingt années d’emprisonnement ont été prononcées pour la publications de deux tracts que les accusés avaient autant le droit de publier que le gouvernement ne l’avait pour la Constitution des Etats-Unis qu’ils invoquent aujourd’hui en vain."

Lorsque la Cour Suprême annonça sa décision, Abrams, Lipman et Lachowsky essayèrent de s’enfuir et de gagner le Mexique via New Orleans. Repérés par des agents fédéraux, leur bateau fut arraisonné en mer, les hommes capturés et conduits à la prison fédérale de Atlanta, d’où Berkman venait juste d’être libéré, en attente de son extradition en Russie. Comme lui, Abrams et ses camarades passèrent deux années dans la prison de Atlanta prison, de décembre 1919 à novembre 1921. Steimer, qui avait été informée de leurs plans d’évasion, avait refusé de coopérer parce que cela signifiait perdre les 40 000$ de caution réunie par des ouvriers ordinaires. Elle pensait que ce serait peu honnête de décevoir des femmes et des hommes qui leur étaient venus en aide. En avril 1920, elle fut transférée de Blackwell’s Island à Jefferson City, Missouri, où Goldman avait été emprisonnée avant sa déportation avec Berkman en décembre 1919.

Mollie resta à Jefferson City pendant dix huit mois. Depuis son procès, sa vie était pleine d’événements tragiques. En plus de ses incarcérations répétées, un de ses frères était mort de la grippe et son père était mort à la suite du choc provoqué par sa condamnation. Elle refusait néanmoins de sombrer dans le désespoir. Dans une lettre à Weinberger, elle citait un poème de Edmund V. Cooke :

"You cannot salt the eagle’s tail, Nor limit thought’s dominion ; You cannot put ideas in jail, You can’t deport opinion." (20)

Pendant ce temps, Weinberger, avec le soutien du Political Prisoners Defense and Relief Committee, avait essayé d’obtenir la libération de ses clients en échange de leur expulsion vers la Russie. Abrams et Lipman étaient en faveur d’un tel arrangement, mais Lachowsky et Steimer étaient opposés au principe. Mollie était particulièrement inflexible. "Je pense,"dit elle à Weinberger, "que chaque personne devrait pouvoir vivre là où elle le choisit. Aucun groupe ou individu n’a le droit de m’expulser de ce pays ou de tout autre !" En outre, elle était préoccupée au sujet des autres prisonniers politiques qui restaient derrière les barreaux, en Amérique. "Ce sont aussi mes camarades et je pense qu’il est profondément égoïste et contraire à mes principes d’anarchiste communiste de demander ma libération et celles de trois autres alors que des milliers d’autres prisonniers politiques croupissent dans les prisons américaines."

Abrams, exaspéré par l’attachement entêté de Steimer à ses principes, donna un conseil à Weinberger . "Elle doit être approchée comme une Bonne Chrétienne," écrit il, "avec une bible de Kropotkine ou Bakounine. Sinon, vous échouerez." Finalement, un accord fut trouvé et Weinberger obtint la libération des quatre prisonniers, avec la condition qu’ils partent pour la Russie à leurs propres frais, et ne reviennent jamais aux Etats-Unis. Le Political Prisoners Defense and Relief Committee entreprit une souscription pour payer leur voyage et le 21 novembre, Steimer et les autres arrivèrent à Ellis Island pour attendre leur expulsion. Ils étaient loin d’être fâchés de quitter l’Amérique. Au contraire, ils étaient impatients de retourner dans leur pays natal et de travailler à la révolution. Comme l’a écrit leur camarade Marcus Graham : "Leur énergie est encore plus utile en Russie. Car là-bas, un gouvernement fait sa loi en se cachant derrière le nom de ’prolétariat’ tout en faisant tout ce qui est imaginable pour le réduire à l’esclavage."

Bien que tous ses amis et sa famille entière restaient aux Etats-Unis, Mollie avait le cœur léger à l’idée de retourner en Russie. "Je défendrai mon idéal, l’anarchisme communiste, quel que soit le pays où je me trouverai" dit elle à Harry Weinberger cinq jours avant son expulsion. Deux jours après, le 21 novembre 1921 un dîner d’adieu fut organisé au restaurant Allaire au East 17th Street en honneur des quatre jeunes anarchistes, avec des prises de parole de Weinberger, Leonard Abbott, Harry Kelly, Elizabeth Gurley Flynn, Norman Thomas, parmi d’autres. De sa cellule sur Ellis Island Mollie envoya un appel à tous "les amoureux de la liberté américains" pour qu’ils se joignent à la révolution sociale.

Le 24 novembre 1921, Mollie Steimer, Samuel Lipman, Hyman Lachowsky et Jacob Abrams, accompagné de sa femme, Mary, partirent pour la Russie sur le SS Estonia. Le Fraye Arbeter Shtime publia un avertissement. Malgré leur opposition à l’intervention américaine et leur soutien au régime bolchevique, prédisait le journal, ils pouvaient bien ne pas recevoir l’accueil qu’ils attendaient, car la Russie n’était plus un havre pour les révolutionnaires sincères mais plutôt un pays autoritaire et répressif. La prédiction devait se réaliser bientôt. Victimes de la Peur Rouge en Amérique, ils devinrent les victimes de la Terreur Rouge en Russie. Arrivés à Moscou le 15 décembre 1921, ils apprirent que Goldman et Berkman étaient déjà partis pour l’occident , ayant perdu leurs illusions suite à la tournure prise par la révolution. (La déception de Steimer de les avoir ratés fut "extrême", écrivit-elle à Weinberger). Kropotkine était mort en février et la révolte de Kronstadt avait été réprimée en mars. L’armée insurgée de Makhno avait été dispersée, des centaines d’anarchistes croupissaient en prison et les soviets des ouvriers et paysans étaient devenus les instruments de la dictature du parti, cache-sexe d’une nouvelle bureaucratie.

Il y avait cependant quelques rayons de lumière à travers cette obscurité. Abrams créa la première blanchisserie à vapeur de Moscou, dans le sous-sol du ministère des affaires étrangères soviétique. En même temps, il put travailler avec ses camarades anarcho-syndicalistes à la maison d’édition Golos Truda (21), qui n’avait pas encore été interdit. Lipman retrouva sa compagne Ethel Bernstein, qui avait été expulsée avec Berkman et Goldman sur le Buford. Toujours plus proche du marxisme que de l’anarchisme, il suivit une formation en agronomie et rejoignit le Parti Communiste en 1927. Lachowsky, malheureux à Moscou, repartit dans sa ville natale de Minsk et trouva un travail d’imprimeur. Et Steimer rencontra Senya Fleshin, qui devint son compagnon à vie.

De trois ans plus âgé que Mollie, Senya était né à Kiev le 19 décembre 1894 et avait émigré aux États-Unis à seize ans, où il avait travaillé pour Mother Earth de Goldman, jusqu’à ce qu’il retourne en Russie en 1917 pour participer à la révolution. Il a été membre du groupe Golos Truda à Petrograd, puis dans la Confédération Nabat en Ukraine. Écrivant dans le journal de la confédération en mars 1919, il y fustige les bolcheviques pour avoir ériger une "muraille de Chine" entre eux et le peuple. En novembre 1920, la confédération est dissoute et Senya, avec Voline, Mark Mratchny, Aaron et Fanny Baron, furent arrêtés et transférés dans une prison de Moscou. Libéré peu après, il retourne à Petrograd où il travaille au Musée de la Révolution. C’est là qu’il a rencontré Steimer peu après son arrivée d’Amérique, et ce fut le coup de foudre.

Profondément perturbés par l’interdiction de leur mouvement, Senya et Mollie organisèrent une Société Pour Aider Les Prisonniers Anarchistes, voyageant à travers le pays pour assister leurs camarades incarcérés. Le 1er novembre 1922, ils furent eux-mêmes arrêtés, accusés d’avoir aidé des éléments criminels en Russie et de garder des liens avec des anarchistes à l’étranger (ils avaient correspondu avec Berkman et Goldman, alors à Berlin). Condamnés à deux d’exil en Sibérie, ils commencèrent une grève de la faim le 17 novembre dans leur prison de Petrograd et furent libérés le lendemain. On leur interdit cependant de quitter la ville et ils furent obligés de se présenter devant les autorités toutes les quarante huit heures.

Senya et Mollie ne tardèrent pas à reprendre leur activité envers leurs camarades emprisonnés. Le 9 juillet 1923, leur appartement fut perquisitionné et ils furent à nouveau arrêtés, accusés de propagation des idées anarchistes, en violation de l’Article 60-63 du Code Criminel. Isolés de leurs camarades prisonniers, ils commencèrent une nouvelle grève de la faim. Des protestations auprès de Trotsky de la part de délégués anarcho-syndicalistes étrangers présents à un congrès de l’Internationale Syndicale Rouge (ISR ou Profintern) entraina bientôt leur libération. Cependant, cette fois, on leur notifia leur prochaine expulsion du pays. Jack et Mary Abrams ainsi que Ethel Bernstein vinrent de Moscou pour leur dire adieu. Le 27 septembre 1923, ils furent placés à bord d’un navire à destination de l’Allemagne.

Aussitôt à terre, Senya et Mollie se rendirent tout droit à Berlin, où les attendaient Alexander Berkman et Emma Goldman. Ils arrivèrent à moitié morts de faim, sans un sou et sans passeport permanent. Durant les prochaines vingt cinq années, ils vivront comme des citoyens "Nansen" (22), anarchistes sans pays, jusqu’à ce qu’ils acquièrent la nationalité mexicaine en 1948. De Berlin, Mollie envoya deux articles à Freedom à Londres, "On Leaving Russia" (Janvier 1924) et "The Communists as jailers" (Mai 1924), dans lesquelles elle décrit son expérience récente.(23) Lorsqu’elle fut expulsée d’Amérique, son "cœur était léger," dit elle, mais elle avait été "profondément peinée" d’être expulsée de Russie, même si "l’hypocrisie, l’intolérance et la trahison" des bolcheviques "avaient éveillé en moi un sentiment d’indignation et de révolte.". Dans son pays natal, déclare t’elle, une grande révolution populaire a été usurpée par une élite politique impitoyable "Non, Je ne suis PAS heureuse d’être hors de Russie. Je préférerais y être pour aider les ouvriers à combattre les actes tyranniques des communistes hypocrites."

A Berlin, et ensuite à Paris, Senya et Mollie reprirent le travail humanitaire qui les avaient conduit à la déportation. Avec Berkman, Goldman, Alexander Schapiro, Voline et Mratchny,ils participent au Comité de défense des révolutionnaires emprisonnés en Russie (1923-1926) et au Fonds d’aide de l’Association internationale des travailleurs anarchistes et anarcho-syndicaliste emprisonnés en Russie (1926-1932), n’épargnant aucun effort pour maintenir un flux continu de colis et de messages d’encouragement pour leurs camarades exilés et emprisonnés. Leurs archives, conservées à l’Institut International d’Histoire Sociale à Amsterdam (24), débordent de lettres arrivées de Sibérie, de la Mer Blanche et d’Asie Centrale et d’endroits aux noms exotiques comme Pinega, Minusinsk, Ust-Kulom, Narym et Yeniseisk, qui constituèrent l’Archipel du Goulag. Certaines de ces lettres provenaient d’anarchistes qu’ils avaient connu en Amérique.

A Paris, où déménagèrent Senya et Mollie en 1924, ils vécurent dans un appartement avec Voline et sa famille, avant de partir vivre avec un autre exilé anarchiste russe, Jacques Doubinsky. En 1927, ils se joignent à Voline, Doubinsky et Berkman pour former le Comité d’entraide de Paris, qui aide des camarades anarchistes exilés, non seulement de Russie mais aussi d’Italie, d’Espagne, du Portugal et de Bulgarie, sans le sou ni aucun document légal, et en danger constant d’expulsion, synonyme dans certains cas de mort.

Au même moment, ils s’associant avec Voline, Berkman et d’autres pour dénoncer la Plateforme Organisationelle rédigée par un autre exilé russe, Piotr Arshinov, avec le soutien de Nestor Makhno (25). Pour Senya et Mollie, celle-ci, avec son appel à un comité central exécutif, contenait les germes d’un autoritarisme et était incompatible avec le principe anarchiste fondamental d’autonomie locale. "Hélas," écrivait Mollie en novembre 1927, "l’esprit entier de la ’plateforme’ est imprégné de l’idée que les masses DOIVENT ETRE POLITIQUEMENT DIRIGEES pendant la révolution. C’est la racine du mal, tout le reste … en découle principalement. Elle se prononce pour un Parti Anarchiste Communiste des Travailleurs, pour une armée … pour un système de défense de la révolution qui conduiront inévitablement à la création d’un système d’espionnage, d’investigations, de prisons et de juges, une TCHEKA par conséquent."

Pour gagner leur vie, Senya était devenu entre temps photographe, en démontrant un talent remarquable ; il devint le Nadar (26) du mouvement anarchiste avec ses portraits de Berkman, Voline et de nombreux autres camarades, connus ou inconnus, ainsi que avec la reproduction de collages dans la presse anarchiste internationale. En 1929, Senya fut invité à travailler dans le studio de Sasha Stone à Berlin. Il y resta, assisté de Mollie, jusqu’en 1933, lorsque l’accession au pouvoir de Hitler les obligèrent à regagner Paris, où ils continuèrent à vivre jusqu’au déclenchement de la seconde guerre mondiale.

Lors de cette période d’exil dans les années 1920 et 1930, Senya et Mollie reçurent un flot continu de visiteurs -Harry Kelly, Rose Pesotta, Rudolf et Milly Rocker, entre autres – dont certains écrivirent leurs impressions sur leurs vieux amis. Kelly, par exemple, trouva Mollie "d’apparence plus que jamais enfantine et tout autant idéaliste aussi". Goldman, cependant, la jugeait "rigide et fanatique," alors que Senya était toujours "malade et fauché". Emma comparait encore Mollie à Berkman lorsque il était un jeune militant et "un fanatique au plus haut point. Mollie est son reflet en jupe. Elle est terriblement sectaire, ancrée dans ses idées, avec une volonté de fer. Dix chevaux ne la feraient pas bouger de ce qu’elle croit. Mais cela dit, elle est un des esprits les plus sincèrement dévoués qui vit avec la flamme de notre idéal."

La réunion la plus émouvante de ces années eut lieu en 1926, lorsque Jack et Mary Abrams arrivèrent de Russie, ayant perdu leurs illusions quant au système soviétique. Pendant plusieurs semaines, les quatre vieux camarades partagèrent la chambre de Senya et Mollie dans l’appartement de Voline, parlant du passé et se demandant ce que l’avenir avait en magasin, jusqu’à ce que les Abrams partent pour le Mexique, où ils vécurent le reste de leur vie. En ce qui concerne les autres accusés du procès de 1918, Lachowsky s’était installé à Minsk et l’on entendit plus parler de lui, alors que Lipman travailla comme agronome jusqu’à la grande purge stalinienne, où il fut arrêté et fusillé. Sa femme Ethel fut envoyée dans un camps en Sibérie pendant dix ans et réside maintenant à Moscou, seul et pauvre. Leur enfant unique, un garçon, est mort sur le front durant la guerre contre Hitler.

Le déclenchement de la guerre en 1939 surprit Senya et Mollie à Paris. Au début, ils ne furent pas inquiétés , mais leurs origines juives et leurs convictions anarchistes ne tardèrent pas à les rattraper. Le 18 mai 1940, Mollie fut placé dans un camp d’internement alors que Senya, aidé par des camarades français, réussit à s’échapper pour gagner la zone non occupée. Mollie réussit à se faire libérer et les deux se retrouvèrent à Marseille où ils virent pour la dernière fois leur vieil ami Voline à l’automne 1941. Peu après, ils traversèrent l’Atlantique et s’installèrent à Mexico. "Comme mon cœur souffre pour nos bien-aimés abandonnés," écrit Mollie à Rudolf et Milly Rocker en décembre 1942. "Qui sait ce qu’il va advenir de Voline, de tous nos amis espagnols, de notre famille juive ! C’est frustrant !"

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Photo Triangle Fire Open Archive


Pendant les vingt années suivantes, Senya travailla dans son studio de photographe à Mexico, sous le nom de SEMO – pour Senya et Mollie. A cette époque, ils établirent des liens étroits avec leurs camarades espagnols de Tierra y Libertad, tout en restant en bons termes avec Jack et Mary Abrams, malgré l’amitié de Jack avec Trotski, qui avait rejoint la colonie d’exilés au Mexique. Peu avant sa mort en 1953, Abrams fut autorisé à retourner aux États-Unis pour y être opéré d’un cancer de la gorge. "C’était un homme mourant qui pouvait à peine bouger," se souvient son amie Clara Larsen , "et cependant, il était gardé par un agent du FBI vingt quatre heures sur vingt quatre !"

Mollie ne retourna jamais aux États-Unis. Ses amis et sa famille devaient traverser la frontière pour lui rendre visite à Mexico ou à Cuernavaca, où elle et Senya se retirèrent en 1963. Lorsqu’elle avait été expulsée des États-Unis, Mollie avait juré de "défendre mon idéal, l’anarchisme communiste, quel que soit le pays où je serai ."En Russie, en Allemagne, en France, et maintenant au Mexique, elle a tenu sa promesse. Parlant couramment le russe, le yiddish, l’anglais, l’allemand, le français et l’espagnol, elle correspondait avec des camarades et lisait la presse anarchiste à travers le monde. Elle recevait aussi beaucoup de visiteurs, comme Rose Pesotta et Clara Larsen de New York.

En 1976, Mollie fut filmée par la télévision hollandaise qui travaillait sur un documentaire sur Emma Goldman, et au début des années 1980, par le Pacific Street Collective de New York, à qui elle parla de son anarchisme bien-aimé en termes élogieux. Durant ses dernières années, Mollie se sentait usée et fatiguée. Elle fut profondément attristée par la mort de Mary Abrams en janvier 1978. Deux ans après, peut après son interview avec Pacific Street, elle s’effondra et mourut d’une crise cardiaque dans sa maison de Cuernavaca. Jusqu’à la fin, sa passion révolutionnaire avait brûlé d’une flamme intacte. Senya, faible et souffrant, fut anéanti par son décès soudain. Lui survivant moins d’une année, il décéda à l’hôpital espagnol de Mexico le 19 juin 1981.
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Notes Mollie Steimer

Messagede digger » 11 Mai 2014, 18:18

NDT

1. August Bebel (1840 – 1913) La femme et le socialisme 1891 https://www.marxists.org/francais/bebel/bebel_fs.htm

2. Sergueï Mikhaïlovitch Stepniak-Kravtchinski 1851 -1895 La Russie Souterraine 1885 https://archive.org/details/larussiesouterr00stepgoog

3. Robert Berkeley Minor (1884 – 1952) caricaturiste politique, membre du parti socialiste américain, puis du parti communiste américain à partir de 1920.

4. Maria Goldsmith 1873 -1933 (Pseudos Maria Korn, Isidine Corn) a collaboré à de nombreux journaux et revues La Libre Fédération , les Temps Nouveaux , la revue Plus Loin

5. Georg Brandes (1842 – 1927) Critique et universitaire danois

6. Thomas Joseph "Tom" Mooney (1882– 1942) et Warren K. Billings (1893 – 1972) étaient deux militants politiques et syndicalistes. Lors de la Preparedness Day (Journée de Préparation) du 22 juillet 1916, une parade célébrant la prochaine entrée en guerre des États-Unis, eut lieu un attentat à la bombe qui tua dix personnes.
Billings fut condamné à la prison à perpétuité et Mooney à la pendaison. Sa peine fut commuée par la suite, à la prison à vie. Il n’y a jamais eu de preuves évidentes contre eux. Alexandre Berkman fut soupçonné mais le doute subsiste encore aujourd’hui sur l’(les) auteur-s de l’attentat

7. L’incendie de l’usine Triangle Shirtwaist le 25 mars 1911 à New York a causé la mort de 146 ouvrières de l’usine de confection. Les gérants avaient fermé les portes de la cage d’escalier et les sorties

8. Le Sedition Act, voté par le Congrès et entré en vigueur le 16 mai 1918 était une loi qui étendait le Espionage Act de 1917, pour couvrir un plus large éventail d’activités, notamment l’expression d’opinions qui nuiraient à l’effort de guerre

9. John Silas Reed (1887 – 1920) journaliste et militant communiste américain, connu surtout pour son ouvrage sur la révolution bolchévique, Ten days that shook the world (1920) http://libcom.org/files/Ten%20Days%20That%20Shook%20the%20World%20-%20Reed,%20John.pdf Dix jours qui ébranlèrent le monde. (Éditions sociales, 1986) Voir aussi Le Mexique insurgé (1914) http://classiques.uqac.ca/classiques/reed_john/mexique_insurge/mexique_insurge.pdf

10. Voir Prise de paroles devant les jurés Emma Goldman http://racinesetbranches.wordpress.com/introduction-a/emma-goldman-et-mother-earth/

11. Ricardo Flores Magón (1874 -1922) Révolutionnaire mexicain, fondateur du Parti libéral mexicain qui utilisera le slogan "Tierra y Libertad" En 1918 , il est condamné à 20 ans de prison pour sabotage à l’effort de guerre des États-Unis. Il meurt à la prison de Leavenworth le 21 novembre 1922

12. Upton Beall Sinclair, (1878 – 1968), écrivain américain, proche des idées socialistes

13. Hester Street Rue dans le Lower East Side à Manhattan qui fut un centre de la culture juive ashkénaze

14. Zechariah Chafee, Jr. (1885 – 1957) Professeur de droit, défenseur des droits de l’homme et de la liberté d’expression. En 1921, il évita de peu la révocation suite à la défense des accusés du procès Abrams .

15. Joseph A. Labadie Collection. Le plus vieux centre de documentation des Etats-Unis réunissant des documents sur les mouvements sociaux et les groupes politiques marginalisés, du dix-neuvième siècle à nos jour.

16. Voir The League for the Amnesty of Political Prisoners Its Purpose and Programme. Emma Goldman

17. Fraye Arbeter (Arbeyter) Shtime (FAS) – Le journal de langue yiddish le plus important et à la plus longue parution (1890-1977) des Etats-Unis, publié à New York et Philadelphie.

18. The Workmen’s Circle ou Arbeter Ring est une organisation sociale juive américaine qui fournit une aide et des services sociaux à la communauté juive et ashkénaze.

19. The Tombs, surnom donné au Manhattan Detention Complex

20. Vous ne pouvez pas mettre du sel sur la queue de l’aigle, ni brider la domination de la pensée ; Vous ne pouvez pas mettre les idées en prison, vous ne pouvez pas déporter une opinion.

21. Golos Truda. Journal fondé à New York en 1911 et poursuivit à Petrograd à partir de 1917. Il fut interdit en août 1918 par les bolchéviques, mais survécut tant bien que mal sous le nom de Volny Golos Truda jusqu’en 1929.

22. Le passeport Nansen, crée en juillet 1922 à l’initiative de Fridtjof Nansen, Haut-commissaire pour les réfugiés de la Société des Nations, permet à des exilés apatrides de voyager

23. On leaving Russia http://racinesetbranches.wordpress.com/introduction-a/mollie-steimer/

24. Site de l’IISH Les documents sur Mollie Steiner ne sont pas accessibles en ligne, à cette date, contrairement à ceux de Alexander Berkman ou Max Nettlau, par exemple
.
25. Voir À propos de la Plateforme http://racinesetbranches.wordpress.com/lexique/a-propos-de-la-plateforme/

26. Alias Gaspard-Félix Tournachon (1820 – 1910), caricaturiste et photographe.
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la mort de "Salva" Gurucgarri

Messagede JPD » 16 Mai 2014, 17:55

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Editions acratie


Salvador Gurucharri Ochoa

Les éditions Acratie vous informent avec tristesse de la mort de Salvador Gurucharri Ochoa, co-auteur avec Tomas Ibanez de Une résurgence anarchiste ; les jeunesses libertaires dans la lutte contre le franquisme – La FIJL dans les années 60, publié en 2012 aux éditions Acratie.

Salvador Gurucharri Ochoa est né à Barcelone en 1936. Réfugié en Angleterre, il intègre la section londonienne de la CNT et de la FIJL en 1956, d’où il établit des contacts avec les Jeunesses libertaires de Paris. Il collabore au processus de réunification de la CNT en 1960 et aux phases préparatoires de « Défense intérieure » à laquelle il participe en tant que secrétaire de la commission de relations de la FIJL (Fédération ibérique des jeunesses libertaires) aux côté de Luis Edo et d’Octavio Alberola. Impliqué dans la campagne d’attentats et d’actions menées contre les intérêts franquistes en Espagne et dans divers pays européens, il est arrêté en France le 11 septembre 1963 lors d’une rafle déclenchée contre les milieux libertaires espagnols et la FIJL. Assigné à résidence à Paris, il intègre la commission de relations clandestine de la FIJL. En 1965 il se rend à Bruxelles pour constituer la Délégation extérieure de la FIJL. Réfugié en Belgique il gère une librairie et participe au groupe d’éditions La Hormiga (Paris, 1971-1975).

Après la mort de Franco, il retourne en Espagne, à Barcelone, et milite à la CNT qui tente de se reconstruire. Il ne participera pas son l’éclatement mais rejoindra, dans les années 1990, le secteur dit « déconfédéré » et sera le directeur de son organe Solidaridad Obrera (Barcelone) de 1996 à 1999.
Il est également l’auteur d’une Bibliographie de l’anarchisme espagnol – 1869-1975. Notes pour une bibliographie raisonnée (Barcelone, 2004, éd. Librairie La Rosa de Foc).

Editions.acratie@orange.fr
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En mémoire de Alexandre Berkman

Messagede digger » 14 Nov 2014, 15:19

Texte inédit traduit
Texte original : In memoriam Alexander Berkman Vanguard Volume 3, No 3 Août-Sept 1936. http://www.katesharpleylibrary.net/d7wmt6

(Note de l’éditeur: Ce court mais saisissant récit de la vie et de l’œuvre de Berkman a été écrit pour Vanguard par un des amis intimes de Berkman qui préfère rester anonyme)

Lorsque la fin tragique de Alexandre Berkman a été annoncée, beaucoup de ses vieux camarades, qui le connaissaient personnellement, ont ressenti que sa mort laissait un grand vide qui ne pourrait jamais être comblé. C’était le destin logique d’un homme qui, lorsqu’il avait vingt-deux ans, était prêt à prendre la vie d’un autre dont l’égoïsme brutal apportait la misère et la souffrance à des milliers de personnes. A soixante-six ans il a mis fin à ses jours lorsqu’il a pensé qu’il ne pourrait plus servir la vie plus longtemps.

Lorsque Berkman a vengé les grévistes de Homestead il y a quarante-quatre ans, il savait qu’un tel acte ne pouvait se payer que de sa jeune vie et il était prêt à la sacrifier sans hésitation au nom de son idéal de justice bafoué.

Qu’importe ce que l’on pense de son acte, personne ne douterait de sa sincérité si il avait seulement la patience de fouiller dans l’âme compliquée de l’humanité et de deviner ses secrets. Lorsqu’une personne, particulièrement un jeune homme auquel la vie a encore tout à offrir, est prêt à tout risquer sans espoir de retour, Il ne doit pas être jugé selon les critères ordinaires. Il s’agit d’un acte qui ne peut être expliqué que lorsque ses motifs sont compris. Quelqu’un qui ne comprend pas comment on peut tout donner pour une cause qui représente le sens même de la vie ne comprendra jamais un homme comme Berkman. Le philistin moyen qui calcule sa vie en terme de pertes et profits, et dont l’âme endurcie ne peut concevoir aucun acte qui n’est pas motivé par le désir du profit, ne verra jamais dans un homme comme Berkman autre chose qu’une force brutale qui menace l’existence de la société. Il ne comprendront jamais que ce n’était pas l’insensibilité qui a poussé Berkman à commettre son acte, mais que ce fut son amour de l’humanité , son respect pour la vie humaine, qui l’ont décidé à prendre une vie. Ce trait rare était une caractéristique de Berkman jusqu’à sa fin et la clef de sa personnalité.

Ce ne sont pas les idées politiques de quelqu’un mais ses sentiments profonds qui détermine le caractère. Berkman était tout sauf un homme brutal : c’était un homme d’une grande bienveillance, un ami sincère et un merveilleux camarade, quelqu’un qui partageait les joies et les chagrins de ses semblables. Sa lucidité, teintée d’une sensibilité quelque peu naïve, le faisait aimer de tout le monde. C’est en cela que se révélait la grandeur première de sa personnalité, la source de son influence morale. Il n’était pas sectaire et pouvait accepter toute opinion exposée sincèrement, mais il savait toujours formuler ses propres idées lorsque l’occasion s’en présentait.

Berkman est arrivé en Amérique adolescent 1 à une époque où le jeune mouvement ouvrier traversait l’un des ses plus tragiques moments. Comme Emma Goldman, Voltairine de Cleyre, et tant d’autres, il devint impliqué dans le mouvement révolutionnaire suite à la tragédie de Haymarket à Chicago. Ce furent les qualités d’agitateur incendiaire de Johann Most qui l’attirèrent dans son imprimerie de Freedom où il apprit la composition. A l’époque, il caressait l’idée de retourner en Russie pour combattre au sein du mouvement clandestin, mais les événements sanglants de Homestead annihilèrent soudainement ses plans. Berkman fut condamné à vingt-deux ans de prison, une condamnation terrible qui a été prononcé grâce à une interprétation sans pitié de la loi.

L’échec de l’attentat a sauvé une vie précieuse qui s’est étoffée pendant les terribles années d’emprisonnement. Les Mémoires de prison d’un anarchiste de Berkman fait partie de ces rares livres que l’on oublie jamais après les avoir lus. Il décrit dans ce livre toutes les peines et les souffrances d’un esprit courageux luttant contre les aspects inhumains d’un milieu carcéral lugubre. La plupart de ceux placés devant un tel destin craquent sous la pression de la souffrance personnelle. Mais un homme capable d’endurer les longues années d’emprisonnement sans espoir sans abandonner ses idées, et sans être anéanti mentalement est une personnalité à l’intégrité invincible et d’une grande force intérieure. Ainsi était Berkman. Rien ne venait le consoler durant ces jours néfastes et ternes. Il vécut des choses qu’un homme ordinaire n’aurait pas cru possibles. Très peu de gens ont conscience de combien l’homme peut se monter sadique envers l’homme.

Il est resté dans cet enfer pendant quatorze ans. Quatorze ans! Peut-on imaginer la somme de peines et de souffrances cachée derrière ce chiffre brut. Il trouva tout changé au moment de son retour à la vie. Ce n’était pas facile de trouver son chemin dans ce nouvel environnement. Il le trouva néanmoins et se distingua de nouveau dans le combat pour la liberté.

Il publia Mother Earth avec Emma Goldman. Il travailla principalement dans les rangs du mouvement ouvrier et parmi les chômeurs de la métropole. Berkman n’entretenait pas d’illusions sur les qualités morales de la classe ouvrière. Il savait que la majorité des ouvriers partageaient les préjugés sociaux des autres classes. Mais il admettait aussi que la situation sociale des travailleurs constituait la puissance créative de la vie, qu’elle en faisait le facteur déterminant de tout changement social et qu’elle constituait le levier à utiliser pour détruire le système social sur le déclin.

Puis vint la période où il publia The Blast sur la côte Pacifique. A ce propos, il faut se souvenir que Berkman fut le premier à venir en aide à Mooney et Billings 2. Il a voyagé à travers tout le pays, parlé lors d’innombrables réunions publiques et remué ciel et terre pour pousser les ouvriers à protester. A cette époque, personne ne pensait à utiliser cet événement à des fins de propagande. Dans les articles qui lui était consacré, le nom de Berkman ne fut pas mentionné. Peut-être pensait-on que cet homme qui avait enduré quatorze années d’emprisonnement pour ses principes avait été trop glorifié pour être utilisé à des fins d’intérêts politiques étroits dans le but de profiter du malheur des autres.

Suivirent les années de la guerre mondiale où Berkman et ses amis firent de leur mieux pour sensibiliser l’opinion publique contre l’hystérie ambiante. Mais les efforts infatigables de cette petite minorité ne pouvaient pas lutter contre la vague déferlante de la passion humaine malavisée, et Emma Goldman, Berkman et tant d’autres furent bientôt envoyés en prison pour leur campagne contre la conscription. S’ensuivirent deux années terribles au pénitencier de Atlanta. Berkman a souligné beaucoup plus tard que ses deux années dans cette prison furent pires que celles qu’il avait passé dans les geôles de Pittsburgh. La raison en était que notre brave camarade ne pouvait supporter les injustices faites aux autres. Ce fut sa témérité à prendre la défense des prisonniers noirs dans un état de lyncheurs comme la Géorgie qui entraîna sa disgrâce envers les autorités carcérales. Mais il prit toutes les claques du destin avec une résignation stoïque.

Le tsarisme avait relâché sa terrible emprise sur la Russie sous les coups des masses enragées. C’est le cœur rempli d’espoir que, en compagnie d’Emma Goldman et des ses autres compagnons, il fut expulsé d’Amérique et commença son voyage vers sa terre natale sur ce célèbre navire. Ils voulaient tous coopérer à la construction d’un monde nouveau, de socialisme et de liberté. Mais les expériences de notre camarade e Russie lui apportèrent les plus grandes désillusions d sa vie désintéressée. Il vit la dictature du prolétariat transformée en dictature d’un parti sur tous les peuples de Russie. Il a longtemps combattu la suspicion qui se faisait jour en lui. Il a cherché à comprendre, à rationaliser et à expliquer ce qui se déroulait et ce qui heurtait ses convictions de liberté. Finalement, le massacre de sang-froid des marins de Cronstadt mit un terme à ses doutes. Sa place ne pouvait pas être aux côtés de ceux qui tuaient brutalement les pionniers de la révolution russe,comme le fit la bourgeoisie française avec les 35 000 hommes, femmes et enfants de la Commune de Paris. Son livre, The Bolshevik Myth, 3 relate ses conflits intérieurs dans une description vivante et saisissante. Ce fut un choc terrible pour Berkman.

Lorsque Emma Goldman et Berkman arrivèrent en Europe venant de Russie, ils se retrouvèrent dans un monde totalement différent de celui qu’ils avaient connu en Amérique. Les terribles ravages de la guerre étaient présents partout et tous les pays étaient soumis à des convulsions révolutionnaires. Il n’est pas facile de vivre dans un environnement étranger 4 mais une fois encore, Berkman fit du mieux qu’il put. Après un court séjour en Suède, il se rendit en Allemagne et prit contact avec le jeune mouvement anarcho-syndicaliste. Ses livres, The Russian Tragedy, The Kronstadt Rebellion, The Russian Revolution and the Communist Party, 5 ainsi que ses mémoires de prison furent tous traduits en allemand. Avec Emma Goldman, il participa au Congrès des anarcho-syndicalistes à Erfurt et établit des relations étroites avec ses camarades. La plupart de son travail, à cette époque, était consacré aux camarades emprisonnés en Russie. Il organisa le Fonds d’Aide International et publia le Bulletin en faveur des anarcho-syndicalistes dans les prisons d’Union Soviétique.

Enfin, il se rendit en France mais la situation révolutionnaire dans le pays l’empêcha de travailler ouvertement et il dut renoncer à son poste de secrétaire du Fonds d’Aide International. Il fut expulsé de France et seul l’aide de ses amis influents permit son retour. C’était une existence torturée. Même les plus beaux paysages de la Riviera française avaient perdu de leurs attraits pour lui, vivant comme il vivait, comme un prisonnier à la merci d’une bureaucratie tatillonne qui pouvait à tout moment le chasser hors des frontières. Il écrivit cependant ABC of Anarchist-Communism et entretint une abondante correspondance avec ses amis en Europe et en Amérique. Puis ce fut la maladie et la lutte constante pour la survie matérielle. Il y a quelques mois, alors qu’ il se remettait d’une opération douloureuse et dangereuse, il connut une soudaine rechute et pensa que la meilleure chose à faire était de faire ses adieux à ce monde. Il faut souligner ici son amitié inébranlable avec Emma Goldman qui a perdu avec lui son meilleur et plus ancien ami. Ce que cela représente ne peut être compris que par ceux qui savent qu’il existe des blessures qui ne cicatriseront jamais.

Une personnalité rare nous a quitté, grande et noble, un être humain au vrai sens du terme. Nous nous inclinons silencieusement sur sa tombe et jurons de travailler pour l’idéal qu’il a servi avec ferveur pendant de si longues années.

NDT

1. Il avait dix-huit ans
2. Thomas Mooney et Warren K. Billings , deux militants politiques et syndicaux, furent accusés de l’attentat à la bombe du Preparedness Day le 22 juillet 1916 à San Fransisco. (La journée de la préparation en vue de l’entrée en guerre des Etats-Unis). Ils furent dans un premier temps condamnés à la pendaison avant que leur peine ne soit commuée en perpétuité. Les deux furent libérés respectivement après 22 et 23 ans d’emprisonnement. Voir The Story of Mooney and Billings http://debs.indstate.edu/a505s766_1928.pdf
3. Voir documents en ligne http://racinesetbranches.wordpress.com/introduction-a/alexandre-berkman-2/documents-en-ligne/
4. Voir Emma Goldman La Tragédie des Exilés Politiques
5. Voir note 3
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Benoit Broutchoux

Messagede Pïérô » 23 Jan 2015, 12:47

Benoît Broutchoux, anarcho-syndicaliste fondateur de la CGT dans le bassin minier du Nord Pas-de- Calais, défenseur avant l’heure de la libre maternité, s’illustra notamment pendant la grève qui suivit le "crime de Courrières" (un coup de grisou qui fit 1 101 morts à Courrières le 10 mars 1906).

Présentation de Benoit Broutchoux par Phil Casoar et Stéphane Callens

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A l'aube d'un jour de février 1902, un petit homme débarque à la gare d'Auchel, une ville du Pas-de-Calais. Cette nuit il a brûlé le dur. Pour échapper au contrôleur, il s'est caché sous une banquette de bois des 3e classes. Maintenant il se dirige vers un estaminet tout en soufflant dans ses doigts. C'est que ça pince salement ce matin. Vêtu d'un costume de velours élimé, le petit homme a plutôt l'allure d'un peintre bohème que celle d'un prolétaire. Sous sa casquette brillent des yeux clairs, malins et perçants. Il est jeune - une vingtaine d'années -, la moustache clairsemée sous un nez busqué. Court mais ramassé, costaud, énergique.

À Montceau-les-Mines, là d'où il vient il possède déjà une réputation méritée d'agitateur anarchiste. Tout en marchant sur les pavés bosselés, le petit homme rumine des souvenirs. Il sait qu'il vient de tourner une page : une interdiction de séjour l'a exilé ici, dans cette région couleur de suie. Il redresse la tête, considère les tristes corons de briques sales, se marre dans sa moustache

Ah dis donc, quand il a cassé la binette au commissaire spécial de Chalon-sur-Saône... il n'en menait pas large, le quart-d'œil !

Ici aussi, il va leur en faire voir, et comment! aux pandores, aux juges et aux directeurs des Compagnies minières. Demain, son nom - un nom plutôt cocasse, qui fleure le terroir de son Charolais natal - retentira dans tout le pays minier.

Le petit homme résolu s'appelle Broutchoux. Benoît Broutchoux.

Une trentaine d'années plus tard, un jour de juin 1934, le même petit homme descend en gare de Lens, une méchante valise en carton à la main. Seul, mélancolique et fatigué, il revient faire un tour sur les traces de sa jeunesse turbulente. Un journaliste remarque le petit homme, le reconnaît, l'aborde. Le lendemain, un article fait la Une du "Grand Écho du Nord" : " Une figure oubliée : un quart d'heure avec Benoît Broutchoux, une ancienne "vedette" du pays minier".

Une décennie passe encore, et le petit homme, malade, usé, meurt anonymement dans une bourgade du sud de la France, tandis que la guerre ravage la planète.

En décembre 1976, dans un insolent petit journal lillois ("Le Clampin Libéré") débute la parution en feuilleton des aventures en bande dessinée de Benoît Broutchoux. Interrompues à la mort du "Clampin", "Les aventures épatantes et véridiques de Benoît Broutchoux" seront recueillies et publiées en album fin 1979, aux éditions "Le Dernier Terrain Vague".

Avant que ne paraisse la première édition de cette peu conformiste biographie, le nom de Broutchoux avait depuis longtemps sombré dans l'oubli. Seuls quelques vieux mineurs du Nord se rappelaient encore ce drôle de syndicaliste qui tenait des meetings juché sur un bec-de-gaz, tandis que les flics le tiraient par les pieds.

Dans la préface, nous écrivions alors : " Oui, un sacré zigue, Benoît Broutchoux. Un anarcho-syndicaliste, militant de la CGT d'avant 14. Mais ni la CGT, ni les anars ne se souviennent de lui. "

Aujourd'hui, Benoît Broutchoux a retrouvé sa place dans l'histoire de la Mine et du mouvement ouvrier. Oh, bien modestement encore, et pas toujours sous un jour flatteur, ainsi dans "Mineur de Fond" d'Augustin Visieux (Plon, collection Terre humaine, 1991), où l'auteur note : " Mon père n'avait aucune confiance en Broutechoux (sic), orateur anarchiste insatiable et outrancier. "

André Lebon, petit-fils de mineur, dans un livre consacré à son grand-père, Martin du Tiss, mineur en 1900, paru la même année que la première édition de Benoît Broutchoux, évoquait aussi au passage l'agitateur anarcho-syndicaliste.

Des étudiants, des universitaires, lui ont consacré des travaux. En 1986,une brochure de Force Ouvrière, à l'occasion de l'anniversaire de la Charte d'Amiens, a reproduit un extrait de cette bande dessinée. Même un ouvrage publié par la Fédération CGT des travailleurs du sous-sol, "Nous les mineurs" de Jean-Claude Poitou, s'est fendu de quelques lignes et d'une photo pour évoquer Broutchoux. Et des anars lillois ont fondé le Cercle culturel Benoît Broutchoux. Il serait même question, paraît-il, de donner son nom à une rue d'une ville de l'ancien bassin minier.

Broutchoux incarnait un personnage populaire et sympathique, un "moment" de l'histoire syndicale des mineurs. Pierre Monatte, syndicaliste révolutionnaire de la CGT d'avant 14, puis rédacteur de "La Révolution prolétarienne", a bien défini "l'esprit" de Broutchoux : " Son anarchisme n'était pas doctrinaire. Il était fait de syndicalisme, d'anti-parlementarisme, de libre-pensée, d'amour-libre, de néomalthusianisme, et de beaucoup de gouaille. Pour tous, amis et adversaires, il était Benoît, Benoît tout court ". Pourtant Monatte et Broutchoux s'opposèrent souvent et Monatte, en dépit de sa sympathie pour Benoît, lui préféra toujours son collaborateur Dumoulin. Georges Dumoulin, trop sérieux, guindé, besogneux, était aux antipodes d'un Broutchoux. Il grimpa peu à peu dans la hiérarchie syndicale, tandis que Benoît ne dépassa jamais le stade des responsabilités à l'échelon local et départemental. Sincère sans doute, mais aussi intriguant et un tantinet borné, Dumoulin finira par considérer le syndicat comme une fin en soi.

"Je ne pense pas le calomnier, écrivait Louis Lecoin, en affirmant qu'il ressembla trop à ces fonctionnaires syndicaux qui ne purent retourner au travail et abandonnèrent petit à petit sans même s'en apercevoir, toute aspiration profonde en faveur d'une véritable émancipation ouvrière ". L'attachement aveugle de Georges Dumoulin au principe d'un syndicalisme neutre et hypocritement apolitique le conduira à se compromettre avec la Charte du travail du gouvernement de Vichy.

Benoît Broutchoux, lui, se montra toujours tolérant, ouvert, peu sectaire. Dans son journal, "L'action syndicale", il permettait à tous les courants du syndicalisme et de l'anarchisme de s'exprimer, ouvrant même ses colonnes aux partisans de Libertad, les anars individualistes de la rue du Chevalier de la Barm qu'il invita à Lens. Il les laissa cracher abondamment dans la soupe, c'est à dire démolir le syndicalisme dans un organe syndical, ce qui, de la part de Benoît, était faire preuve d'une remarquable largesse d'esprit. Ainsi l'ineffable Lorulot pouvait-il se fendre dans "L'action syndicale" d'un éditorial péremptoire contre "la lâcheté ouvrière", signé Lord Hulot : " La classe ouvrière, matée à coup de fusil par les despotes qu'elle accepte, n'a que ce qu'elle mérite. ( ... ) Par son silence, son inconscience, sa peur, sa lâcheté, elle s'est rendue complice des dirigeants et des capitalistes " (le 18 août 1907. Cité par Jacques Julliard dans "Jeune et vieux syndicat chez les mineurs du Pas-de-Calais").

Mais à force de se défier des chapelles, de refuser tout sectarisme, Broutchoux se retrouva isolé. D'un côté, les pontes de la CGT lui reprochaient de refuser la neutralité syndicale, de l'autre les "savantasses" individualistes, scientistes et illégalistes lui avaient fait mesurer le gouffre qui séparait leurs théories de la pratique. Benoît durcit alors sa position, se proclamant communiste révolutionnaire - pas au sens marxiste, mais plutôt dans l'esprit de Bakounine - partisan d'une avant-garde prolétarienne. Ce fut l'occasion d'un bref rapprochement avec les socialistes révolutionnaires, partisans de Gustave Hervé.

Après la révolution russe, faisant toujours preuve d'optimisme et d'ouverture, Broutchoux voulut concilier libertaires et bolchéviques, en les déclarant "cousins". La déception fut brutale. Trop bonne pâte, Broutchoux encaissa beigne sur beigne. Ceci, ajouté à une série de drames personnels, devait finir par le démolir complètement.

Broutchoux était un curieux mélange de rigorisme et de gouaille populaire. S'il ne cultivait pas la sévérité de certains militants de la CGT, tel Dumoulin, Benoît était tout de même empreint d'une certaine rigueur. Autodidacte, il croyait aux vertus de l'éducation pour le peuple. Anti-alcoolique, il ne buvait que du thé et un peu de bière pour lutter contre la "dégénérescence de la race". Néo-malthusien, il se bagarrait pour la limitation des naissances "au nom de l'hygiène, de la vraie morale, du mieux-être et de la liberté". Ce qui ne l'empêchait pas de conserver son côté fantaisiste et de composer son canard à la dernière minute, de louper tous ses trains, de rimailler des poèmes un peu fleur-bleue et de signer ses papiers de pseudonymes croquignolets, tels "A. Serbe", "Adultérine" ou "C. Lexion".

Son logis, rue Emile Zola à Lens, était chichement meublé de caisses de crétonne et de planches où s'entassaient une vaisselle hétéroclite et une pagaille de bouquins en piles. On entrait là comme dans un moulin : un permanent remue-ménage ! Benoît, toujours accueillant et généreux, tenait table ouverte pour les camarades de passage, dans la grande tradition de l'entraide anar.

Fort et bagarreur, mais pas gratuitement violent, un rien soupe-au-lait, il se mettait facilement en rogne quand on l'agressait. Mais, incapable de rancune, il ne parvenait pas à en vouloir même à ses propres adversaires. Monatte lui reprochait sa bonhomie et rapportait cette anecdote : Comme nous revenions de Liévin, où j'avais été dire adieu aux camarades avec Broutchoux et Dehay, nous croisons sur la route un groupe dans lequel se trouvait Vermeersch, le correspondant du Réveil. "Bonjour Benoît" lui cria Vermeersch ! Et Broutchoux de répondre : "Bonjour Vermeersch". Suffoqué, je ne pus m'empêcher de dire : "Comment ? Tu réponds au salut de cet individu qui te traite de mouchard dans son canard ?". Philosophe et trop bon enfant, Benoît me réplique : "Bah ! si ce n'était pas lui, ce serait quelqu'un d'autre". Et Vermeersch de grogner dans le lointain contre les parisiens qui se mêlent des histoires du Pas-de-Calais".

Une autre fois, Broutchoux, sortant de la prison de Douai, rentre à pied et sans argent à Lens. Chemin faisant, il tombe sur le lieutenant de gendarmerie Coine, celui-là même qui est venu l'arrêter à son domicile quelques mois plus tôt.
- "Et alors, Broutchoux ? " s'enquiert le lieutenant.
- "Je sors de la taule de Douai et je suis pressé de casser la croûte... " répond paisiblement Benoît.
- "Eh bien ! Viens la casser chez moi". Et Broutchoux s'en alla déjeuner chez son emprisonneur.

Il ne faut voir là nul accommodement. Simplement, Broutchoux était exempt de fanatisme, et savait voir la personne humaine derrière le rôle assigné par la société. En cas de coup dur, Benoît était toujours prêt à payer de sa personne, assumait tous ses actes et ne cherchait à bénéficier d'aucune indulgence. Il fut un habitué des prisons et maisons d'arrêt du Nord.

Le bassin minier du Pas-de-Calais au début de ce siècle, tel que le découvre Benoît Broutchoux à son arrivée à Auchel, est une région où règne l'ordre des Compagnies minières omnipotentes.

Aux alentours de 1850, dans cette contrée encore rurale, on avait foré les premiers puits dans la grande fébrilité de l'aube de la civilisation industrielle. On assistait alors à une sorte de ruée vers le charbon, et pour accentuer l'aspect far-west de la chose, les premiers mineurs, accourus pour la plupart du département du Nord, vivaient dans des campements rudimentaires. Le peuple de la mine était encore très vagabond, les gars - trimardeurs, ouvriers agricoles - changeaient souvent de lieu de travail. Cela ne faisait guère l'affaire des Compagnies qui voyaient dans cette situation des ferments d'indiscipline, de laisser aller et de révolte. Il s'agissait de réglementer, d'ordonner et de policer tout ça.

Les Compagnies allaient s'atteler à bâtir de nombreuses institutions - logements, jardins ouvriers, caisses de secours et de retraite, écoles - pour fixer les mineurs et exercer sur eux leur emprise paternaliste du berceau au tombeau.

Au caporalisme qui régnait au fond s'ajoutait au jour un encadrement permanent. On cernait de grilles les cités minières, comme le décrivait "Le Réveil du Nord", journal socialiste : " Sur la route de Bully sont les corons des Brebis, ici vivent les emmurés... À perte de vue les maisons ouvrières dans un immense enclos et tout autour de hautes murailles ; de çà, de là, des grilles résistantes et puis des piliers de fonte où s'accrochent des chaînes, où se glissent des barres de fer et qui ferment les routes. On sent la terreur qui pèse sur tout le pays... Ses bâtiments [ceux de la Compagnie de Béthune] dont l'une des faces borde tout un côté de la Grand' place marquent bien la puissance insolente des Charbonnages ".

On entretenait entre les mineurs le mouchardage, l'esprit de concurrence. On les poussait à s'épier mutuellement, à surveiller la bonne tenue de la maison du voisin, de son jardin, la propreté de ses enfants. Le mauvais sujet qui s'écartait du code de conduite commun s'exposait à la réprobation de tous. Les Houillères invitaient aussi les ménagères à participer à des prix de tenue des logements. Le jour venu, un jury venait fureter dans la maison, inspectant meubles, placards, vaisselle et lessive.

Ces perquisitions au nom de la salubrité s'accompagnaient d'une inquisition morale, comme en témoignait un mineur de la Compagnie de Béthune à Bully-Grenay : " Le gardien, à propos de bottes, pénètre chez vous, il faut qu'il sache s'il y a un bon dieu accroché au mur et si Saint Joseph occupe la place d'honneur. Il doit voir le journal qu'on lit; à tout propos il trouve une "avarie" et la fait réparer sur le dos de la quinzaine ; à la moindre rouspétance ce sont des gros mots et la menace d'être mis dehors ".

La Compagnie de Courrières réclamait un certificat de mariage religieux aux couples qui voulaient un logement ouvrier. Les Compagnies d'Anzin et de Noeux exigeaient des galibots qu'ils aient fait leur première communion pour les embaucher.

Au début de ce siècle, ces méthodes étaient à leur apogée, et mieux valait ne pas se frotter à la toute-puissance des Compagnies.

Pourtant la concentration exceptionnelle d'ouvriers dans le bassin minier avait entraîné la naissance - précoce par rapport à d'autres corps de métier - d'un syndicalisme de masse. Un syndicalisme bien particulier, cependant, coiffé bientôt d'une direction tout aussi paternaliste que celle des Compagnies.

En 1884, la fameuse grève d'Anzin avait été menée par le jeune Érnile Basly. Zola s'en inspira pour créer le personnage principal de Germinal, Etienne Lantier. Archétype parfait du militant mineur, Basly se vit propulser à la Chambre des Députés, puis, en 1891, à la tête du Syndicat des mineurs et de la mairie de Lens.

Benoît Broutchoux l'ex-"mineur indomptable" de la chanson "Le Métingue du Métropolitain" (paroles de Mac Nab) devenu notable, se mua en champion de l'arbitrage et de la conciliation. Selon lui, le syndicat devait permettre désormais d'éviter les heurts, c'est-à-dire les grèves. Les membres du comité directeur du Vieux Syndicat de Basly, convertis en cabaretiers, rabattaient les mineurs ravalés au rang de bétail électoral des députés socialistes Basly et Lamendin.

Au martyrologue de la classe ouvrière, le mineur occupait la place d'honneur : ilote, grattant la terre pour un salaire de misère, voué à toutes les catastrophes, rongé par la silicose; déchiqueté par les coups de grisou, broyé sous les éboulements. Le crayon de Grandjouan, Delanoy ou Steinlein le montrait hâve, tatoué de poussier, les poings serrés dans des gestes de révolte.

Le mineur était, comme l'écrit Jacques Julliard, (dans "Jeune et vieux syndicat chez les mineurs du Pas-de-Calais") " l'Ouvrier par excellence, le symbole du monde du travail luttant pour son émancipation. Il reste jusqu'au tournant du siècle cette avant-garde du prolétariat que sera le terrassier quelques années plus tard ou le "métallo" en 1936. " Mais, poursuit Julliard, rien de plus particulier - et de plus particulariste - que le syndicalisme des mineurs : en dépit de ce qui vient d'être dit, aucun sentiment de solidarité avec le reste du prolétariat ; ( ... ) Chez eux, aucune perspective globale, aucun projet d'ensemble de transformation de la société, qui est le propre des organisations révolutionnaires. Au contraire, des querelles et des rivalités innombrables, interminables, entre générations de militants, entre bassins miniers, entre organisations rivales. Le processus est invariable: arrivé à l'exercice de la responsabilité syndicale la plus élevée, le boutefeu de la veille s'empresse d'abandonner ses idées révolutionnaires au profit d'un futur rival : c'est ainsi qu'on voit se succéder les Basly, les Rodet, les, Cotte, les Merzet, les Cordier, les Bartuel ".

Venu du bassin minier de Montceau aux solides traditions de luttes, Broutchoux allait se dresser violemment contre cet état de fait.

Anarcho-syndicaliste, partisan de l'action directe, de la grève générale et du sabotage, il devait aider la CGT à s'implanter dans le bassin du Pas-de-Calais pour combattre le socialisme bien pâlot de Basly.

La CGT d'alors se voulait antiparlementaire, indépendante des partis, vouée à la destruction du patronat et de l'État. Face au syndicalisme minier, elle était toute jeune, fondée en 1895, et bien que renforcée par sa fusion en 1902 avec la Fédération des Bourses, elle ne pouvait pas prétendre être un syndicat de masse ; elle regroupait plutôt les ouvriers travaillant sur de petits chantiers.

Fortement influencée par les anarchistes, la CGT n'était pas marxiste. D'ailleurs, avant 14, le mouvement ouvrier français n'était que peu marqué par le marxisme. Les guesdistes, qui s'en réclamaient, ne formaient qu'une minorité et les anarcho-syndicalistes ne donnaient pas cher de leur avenir. Les cégétistes partageaient avec Proudhon cette idée que la révolution est une exigence morale, tout en s'inspirant de l'anti-étatisme et du fédéralisme de Bakounine. la "Sociale" tant rêvée, on n'y parviendrait qu'en tirant le syndicalisme de ses limites étriquées, comme le disait Broutchoux : " Le syndicalisme ne peut pas être seulement une affaire de ventre, il est aussi un besoin du cerveau et du coeur. Il ne peut rester dans le cadre étroit du corporatisme, il embrasse, doit embrasser et embrassera tout l'horizon social ".

Broutchoux, syndicaliste, ne renia jamais ses convictions anarchistes. Quand il adopta les idées libertaires, la dynamite était passée de mode. Les thèmes qu'on discutait dans les milieux anars, et qui prédomineraient jusqu'à la Grande Guerre, étaient l'amour libre, l'anti-militarisme, la reprise individuelle, la limitation des naissances, le végétarisme, le naturisme, etc.

Sa fréquentation des libertaires de tout poil fournit à Broutchoux le brin d'illégalisme nécessaire pour jouer des tours pendables aux agents de l'Autorité et aux sbires des Compagnies, et échapper à leur vigilance.

Broutchoux mettait un point d'honneur à toujours prendre le train sans billet, il ne crachait pas sur la fausse-monnaie que fondaient d'ingénieux, compagnons dans des moules en plâtre, et ne dédaignait pas pratiquer modestement la "reprise individuelle". Ceci dit il considérait que l'illégalisme ne pouvait être qu'un " pis aller provisoire " et ne devait en aucun cas devenir un système (voir sa nouvelle "Le Retour à l'improviste").

Sa personnalité et sa façon de vivre en firent une "affiche vivante" qui rassemblait plus facilement qu'un article ou une diatribe. Témoin la personnification du conflit entre ses partisans et ceux de Basly : dans le pays minier, on parlait des broutchoutards (ou broutchouteux, en patois) contre les baslicots.

Ce vrai héros populaire, avec sa gouaille et ses pieds-de-nez à l'autorité, n'est pas sans rappeler ses célèbres contemporains de papier, le trio des Pieds-Nickelés, dont les jeunes galibots dévoraient alors les aventures dans "L'Épatant". Déjà rien que ce nom : Broutchoux, qui sonne comme Croquignol, Ribouldingue et Filochard.

C'est donc en pastichant le dessin de Forton que nous avions entrepris de narrer dans "Le Clampin" l'épopée de ce Pied-nickelé au service de la Sociale, tout en nous inspirant aussi du ton des feuilles anarchistes de l'époque ("Le Père Peinard" de Pouget en particulier) et leur imagerie (les illustrations de Jossot et Valloton, notamment).

Cette bédé n'a jamais prétendu être la biographie complète, rigoureuse et définitive de Benoît Broutchoux. Celle-ci pourrait peut-être s'écrire si l'on retrouvait ses Mémoires et son journal, perdus en Vendée, à La Châtaigneraie, là où Broutchoux abandonna sa malle de bouquins pendant la débâcle de 1940.

Phil Casoar et Stéphane Callens (septembre 1993)

http://www.cnt-f.org/59-62/archives/broutchoux.html



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Re: Benoit Broutchoux

Messagede Pïérô » 23 Jan 2015, 12:48

Vendredi 30 janvier 2015 à Liévin (62)

l’union locale CNT de Béthune et des militants CGT du bassin minier ouest du Pas-de-Calais organisent une soirée autour de Benoît Broutchoux.

Au programme :

un diaporama commenté de vive voix sur la biographie de Benoît Broutchoux,
une intervention sur « l’après Broutchoux »,
une présentation de l’anarcho-syndicalisme et du syndicalisme révolutionnaire,
une exposition de documents d’époque originaux,
une table librairie avec des publications de et sur Benoît Broutchoux.

à 19h, au LAG, 23 avenue Jean Jaurès, 62800 Liévin. Entrée libre.


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Federica Montseny

Messagede nemo3637 » 09 Fév 2015, 23:14

Le centenaire de la naissance de Federica Montseny a été l’opportunité de diffuser des commentaires peu amènes sur la camarade-ministre. J’ai eu l’opportunité de la rencontrer à plusieurs reprises à Toulouse au début des années 1970, de converser avec elle et de lui poser un certain nombre de questions.
Comme certains j’éprouvais une certaine réticence devant celle qui avait assumé cette contradiction : être à la fois ministre et anarchiste. J’avais lu les textes de l’internationale Situationniste et je comprenais l’évolution inéluctable que pouvait prendre le syndicalisme y compris le syndicalisme révolutionnaire. Il faut noter que nous étions alors peu nombreux dans les rangs libertaires – Lagant et la revue Noir et Rouge… - à développer une vision critique de la participation de la CNT au gouvernement républicain.
J’étais jeune et c’est peut-être pour cela que je fus impressionné par la personnalité, l’argumentation de la « Lionne ». Elle m’expliqua que sa participation au gouvernement n’émanait pas de son fait mais d’instances coupées des masses cénétistes que l’on ne pouvait consulter du fait de la situation de guerre. Elle insistait pour dire que la CNT, les libertaires espagnols, étaient isolés sur le plan international, sans espoir d’une quelconque aide extérieure de poids. Sur le plan intérieur, il en était de même ; on ne pouvait agir sans tenir compte des autres forces de gauche hostiles aux anarchistes. Elle n’éludait pas, par exemple, la question de la saisie de l’or de la banque d’Espagne, action préconisée par certains. Mais d’après elle c’était se mettre à dos une grande partie de la gauche et surtout les démocraties occidentales. Et quand on lui disait que perdu pour perdu, cela aurait valu la peine de prendre une telle mesure, elle répondait qu’après coup c’était toujours facile d’établir la critique mais que dans l’action quand les décisions devaient être prises rapidement il en était tout autre…et qu’on pouvait se tromper.
Je partageai la tribune avec elle lors d’un mitin à Toulouse. Comme une artiste elle se poudrait devant le miroir. Moi j’avais le trac. « Je n’avais rien préparé… ». « Je ne prépare jamais mes discours », me répondit-elle, « les mots me viennent sur l’instant. Il faut de la passion, l’envie de la transmettre. Tu verras ça vient tout seul… ». « L’anarcho-syndicalisme est une option à prendre en considération… » m’avançai-je. Elle arrêta de se poudrer et se tourna vers moi pour répliquer tranquillement avec assurance : « mais c’est la seule solution ». Elle montrait une passion, une sincérité indéniable dans la défense de son idéal, arguments à l’appui.
Mon intervention, remarquée par un public espagnol fait d’un millier d’exilés libertaires, ne dura que quelques minutes. Mais la Lionne, elle, attendue, se laissait entrainée par son lyrisme. C’était une très grande oratrice. Je l’écoutais avec attention fasciné par sa Parole. Mais quand on essayait ensuite de faire le bilan de ce qu’elle avait dit, il est vrai qu’il n’en restait pas grand-chose de concret. On restait cependant fortifié par l’élan qu’elle réussissait à insuffler.
Je la vis encore à Paris lors d’une ultime réunion avant une scission prévisible dans la CNT. Pour se défendre d’avoir été ministre, elle mit en cause des membres de l’assistance (Cipriano Mera) sans les nommer en les présentant comme des « militaires, des généraux » qui pactisèrent avec l’armée républicaine. Sans doute faisait-elle allusion à la junte Casado.
Un mot au passage sur Cipriano Mera que je n’ai fait que croiser à plusieurs reprises mais qui m’impressionna beaucoup par sa modestie et son charisme. A près de 70 ans il travaillait toujours comme maçon, un éternel béret vissé sur la tête. C’était quand même difficile d’imaginer cet homme, devenu âgé, comme un des commandants de Madrid, qui par son action en 1939, évita le massacre inutile de la population. Un prolétaire combattant qui mourut sans concession presque dans la misère.
Federica devait régulièrement affronter la question difficile du « trésor de la CNT ». Celui-ci aurait été constitué de saisies, notamment d’objets religieux en métaux précieux. Acculée elle se défendit finalement dans les années 1960, en disant qu’elle en rendrait compte quand l’heure du retour en Espagne sonnerait. Elle n’avait sans doute pas imaginé que ce moment arriverait pour de bon en 1976. Plus rien ensuite, à ma connaissance sur le prétendu trésor. La rumeur disait simplement qu’il avait été dilapidé au fil des ans…
Elle avait rejoint la frontière française en 1939 à bord d’une voiture gouvernementale, revolver au poing – on craignait, sur cette route, surtout les staliniens -, enceinte, avec sa mère et son compagnon Esgleas.
A Toulouse elle traversa la guerre, le régime de Pétain, sans être arrêtée.
Peu après 1968, elle anima le journal « Espoir », « organe de la Vie Union Régionale de la CNTF ». Elle s’occupait de la rédaction et pourvoyait à son financement. Ce journal disparu quand elle cessa de s’en occuper. Beaucoup de ses articles étaient pertinents mais parfois des « bourdes » faisaient saillie sans qu’elle prenne la peine de rectifier. Comme dire que les Allemands n’étaient pas faits pour être des libertaires.
A partir de souvenirs vécus j’ai écrit ici sciemment sans introduire de citations, comme savent nous en couvrir un certain nombre de professeurs Nimbus, vissés sur leur fauteuil, incapables de réflexion, mais férus d’érudition. Ils savent critiquer l’ancienne ministre, omettant de consigner leur rôle de « Mikoyan » inamovible dans la CNTF, par exemple…
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Re: Federica Montseny

Messagede Pïérô » 13 Fév 2015, 03:40

Corrosif
Le 12 février, je ne rendrai pas hommage à la "camarade Federica"
http://www.autrefutur.net/Le-12-fevrier ... endrai-pas
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Re: Divers militant-es anarchistes dans l'Histoire

Messagede bipbip » 14 Fév 2016, 16:18

Joseph Déjacque : un précurseur anarchiste méconnu

Joseph Déjacque n’est pas considéré comme un théoricien anarchiste et, pourtant, il vient pratiquement juste après Proudhon, avant Bakounine et Libertad, chronologiquement parlant. Déjacque mérite d’être lu et d’être redécouvert.

Il est né le 27 décembre 1821 à Paris. Rapidement orphelin de père, sa mère l’élève seul. À 12 ans, il devient apprenti en commerce de papiers peints. Durant toute sa vie, il sera un authentique prolétaire, c’est-à-dire ouvrier décorateur, peintre en bâtiment et poseur de papier peint. C’est un des rares hommes du peuple et à la fois penseur de l’anarchie, autodidacte. Toute sa vie, il aura de grandes difficultés matérielles, car son intransigeance face aux patrons ou à ses adversaires politiques le fera plonger sur le pavé. Tenant tête à ses différents employeurs, il sera constamment licencié. De guerre lasse, il s’engage dans la marine de guerre, il découvrira les mers d’Orient, mais il en reviendra antimilitariste et farouchement antiautoritaire. À nouveau dans le civil, il peine à retrouver du travail, sa réputation le précède et il sévit une grave crise économique (déjà à l’époque !).

Le 22 février 1848, l’insurrection éclate et Paris se couvre de barricades, Déjacque participe aux événements. Le roi Louis-Philippe doit partir, on brûle son trône et on pille les Tuileries ainsi que de nombreux autres châteaux. Thiers, Premier ministre, essaye de sauver la situation… déjà lui. C’est un coup d’essai, il recommencera en 1871 pour la Commune avec plus de succès dans la réaction… Avec la nouvelle République, la liberté d’association est proclamée et le gouvernement crée des ateliers nationaux pour endiguer le chômage. Déjacque en profite pour faire imprimer ses premières publications, dont deux pièces de théâtre, l’une s’intitulant Aux ci-devant dynastiques, aux tartuffes du peuple et de la liberté. Il fait aussi paraître des fables sociales pour défendre ses compagnons de misère : « Ce qu’il veut, lui, que la faim tenaille, c’est du pain, un abri pour celui qui travaille ; c’est du travail pour tous, pour tous la liberté ; c’est le gouvernement de la fraternité. » Il fréquente les clubs, et notamment le Club des femmes, et participe à la rédaction de leur journal, La Voix des femmes, socialiste et politique, organe des intérêts de tous et de toutes. Ce journal, vendu à la criée, publiera même un de ses poèmes. Déjacque se lancera alors dans le combat pour l’égalité des sexes.

Pendant ses périodes de chômage, qui étaient fréquentes, il en profitait pour composer des poésies virulentes dénonçant la misère des ouvriers et appelant à la destruction du vieux monde. La réaction passe à l’action en juin 1848, le peuple de Paris érige 600 barricades pour protester contre les élections truquées (on brûle des urnes), mais l’armée républicaine les réprime. Le bilan est terrible : 12 000 fusillés, de très nombreux emprisonnés. Il faut dire que la nouvelle chambre est truffée de « républicains du lendemain », en fait des aristocrates déguisés. Barbès, Raspail, Blanqui ont été enfermés. Le gouvernement fait paraître un communiqué victorieux : « L’ordre a triomphé de l’anarchie. » La question sociale a été résolue à coups de fusil ! Les clubs ont été fermés, ainsi que les ateliers nationaux. Le 7 juillet, Déjacque est enfermé à la prison de La Force, puis relégué sur les pontons de Brest et de Cherbourg. Il vit l’enfer. Il revient en mars 1849 à Paris et, en août 1851, il fait paraître Les Lazaréennes, un recueil de fables et de poésies sociales. Il emploie dans celle-ci les termes « prolétaire » et « capital ». Il colle dans le même sac monarchistes, bonapartistes et républicains. Il faut dire que la IIe République à peine créée se revendique « de la famille, du travail, de la propriété et de l’ordre public ». Déjacque écrit : « Prolétaire, sous la cravache, sous le mors et sous l’éperon, tout le jour courbé sans relâche, produis et meurs pour le patron. Je veux exploiter ta misère, je veux sous mon genou puissant te réduire à brouter terre. Regarde… je suis le présent » (depuis la prison de Sainte-Pélagie, 1849). Mais aussi : « Parfois aussi le peuple, à bout de patience, rugit un cri de délivrance. Mais – vainqueur politique – esclave social, il retombe énervé, loin du vaste idéal, dans sa cage d’abus, de vices, d’ignorance, sous les chaînes du capital… » Le gouvernement de Badinguet (le prince Louis Napoléon Bonaparte), au pouvoir depuis le 10 décembre 1848, fait saisir le livre immédiatement en poursuivant l’auteur et l’imprimeur pour « apologie de faits qualifiés de crimes et d’excitation à la haine ». Déjacque est condamné à deux ans de prison. Il se sauve en Belgique et finalement s’exile à Londres. Il se liera d’amitié avec Gustave Lefrançais, futur membre de la Commune et de l’Internationale de Saint-Imier. Ensemble, ils fonderont une société d’entraide, la Sociale, et feront front contre les exilés libéraux et républicains qui n’hésitent pas à s’accaparer des dons de soutien envoyés de France. Durant l’exil, les classes se reforment avec tout ce que cela suppose…

Au cours de l’enterrement d’un proscrit, Déjacque s’en prend à Ledru-Rollin et à Louis Blanc avec une véhémence et une hargne qui les laissent sans voix. Le poète des misérables les cloue au pilori en les traitant de « mitrailleurs des prolétaires ». Tout est déjà en place à cette époque-là, la social-démocratie, drapée dans une prétendue légitimité de gauche, rejouera toujours le même scénario jusqu’à nos jours, son obsession sera de rétablir l’ordre à tout prix en affamant les pauvres pendant que le capital engrangera ses dividendes ! Déjacque se met à dos bon nombre d’exilés qu’il traite de moutons. Fin 1852, il rejoint l’île de Jersey où des proscrits plus fortunés se sont retirés. En Angleterre, à moins d’être cuisinier ou artiste, un Français n’a guère de chance de trouver du travail dans ces années-là. Mais Déjacque réitère ses provocations à l’enterrement d’une proscrite de Belleville, il s’oppose à Victor Hugo (chevalier de la Légion d’honneur, pair de France, académicien, ancien député et toujours prêt à soutenir tous les pouvoirs successifs). Hugo était alors en exil volontaire pour marquer son opposition à Napoléon III, mais auparavant il avait siégé avec les conservateurs et les révolutionnaires s’en souvenaient.

En outre, Déjacque ne voulait pas que l’on parlât pour lui. Au contact de tous ces réformistes et de tous ces socialistes autoritaires, il devient anarchiste et écrit La Question révolutionnaire, une brochure de 64 pages qui prône dès le début : « Abolition du gouvernement sous toutes ces formes, monarchique ou républicain, suprématie d’un seul ou des majorités ; mais l’anarchie, la souveraineté individuelle, la liberté entière, illimitée, absolue de tout faire, tout ce qui est dans la nature de l’être humain. » Il définit l’abolition de la religion, de la famille, de la propriété privée, de l’autorité et des privilèges et développe l’émancipation des femmes et aussi des enfants, l’affranchissement total. Pour survivre et donc trouver du travail, il part pour New York au printemps de 1854. Il y sera ouvrier colleur. Il se mettra tout de suite à dos la colonie des Français réfugiés, bourgeois républicains et démocrates qu’il appelle « pauvres porte-cocardes » et qu’il scandalisera en faisant une lecture de La Question révolutionnaire. Ces mêmes exilés réformistes le traiteront d’antisocial.

En 1855, avec d’autres exilés français, il signera le manifeste de l’Association internationale, créée à Londres, ancêtre de la Première Internationale des travailleurs de 1864. Finalement, cette même année il part pour La Nouvelle-Orléans, en Louisiane. Immédiatement, il est choqué par l’esclavagisme et il défend spontanément les Noirs. Il se fait bien sûr mal voir par la société créole conservatrice et réactionnaire, en portant un toast : « À l’affranchissement de tous les hommes, noirs ou blancs. À la communion libre et égalitaire des producteurs de tous sexes et de toutes races au banquet social. » Pour de tels propos, il aurait pu être lynché par ces sudistes rétrogrades. Il écrira plus tard dans Le Libertaire no 3 : « J’ai vu encore plus atroce, des dogues dressés à la chasse aux nègres marrons, chiens aussi féroces que leurs maîtres, et à qui on abandonne de temps à autre la chair d’un noir fugitif ; comme dans la chasse à la bête fauve, on abandonne les entrailles de la victime à la meute avide de sang fumant et de chairs chaudes. » Il est à souligner que Déjacque ne se trompe jamais de combat, spontanément il se rallie aux opprimés. Il publie un pamphlet, La Terreur aux États-Unis, où il défend l’égalité entre les Noirs et les Blancs. C’est aussi à cette époque-là qu’il répond à Proudhon, le théoricien français de l’anarchisme, dans une lettre de onze pages, De l’être humain mâle et femelle, où il revendique un féminisme toujours défendu auparavant et qui semblerait clamer : « Camarade Proudhon, encore un effort pour être plus anarchiste ! » Il pourfend d’une façon véhémente la misogynie de ce dernier. Il en profite aussi pour inventer le néologisme « libertaire » en opposition à « libéral » : « Le libertaire n’est pas un libérâtre ; il n’est pas de ceux qui rendent l’autorité pour la liberté, mais tout au contraire, la liberté envers et contre l’autorité. »

Puis, en 1857, Déjacque écrit L’Humanisphère, utopie anarchique, son ouvrage le plus connu et le plus souvent réédité, notamment par Max Netlau et Élisée Reclus. Il s’agit d’une utopie férocement athée, originale et égalitaire, à côté Fourier passerait pour un tiède. Déjacque propose une espèce de « phalanstère, mais sans aucune hiérarchie, sans aucune autorité ; où tout, au contraire, réalise égalité et liberté et fonde l’anarchie la plus complète ». C’est cependant beaucoup plus qu’une fable ou un genre littéraire, mais la définition d’une société libertaire viable et réalisable, une construction de « l’humanitaire avenir ». Il peine à faire publier son ouvrage et il repart pour New York, éternel exilé, où il fonde le 9 juin 1858 le journal Le Libertaire, journal du mouvement social, tiré à 1 000 exemplaires sur quatre pages grand format. Déjacque est aidé par une trentaine de sympathisants. Cependant, il doit en même temps écrire la nuit et travailler le jour, car il est l’unique rédacteur (ce qui fait un peu penser à Zo d’Axa, rédacteur de La Feuille ou de L’En-dehors plus tard, mais qui lui disposa d’un héritage, ce qui ne lui évita malheureusement pas la prison).

Déjacque publie L’Humanisphère en feuilleton dans Le Libertaire, critique la situation locale, pourfend l’esclavage, parle de la situation en Europe, et donne des comptes rendus des activités de l’Association internationale. Il continue de l’envoyer à La Nouvelle-Orléans où le journal est souvent saisi. Il est aussi envoyé en Suisse, en Belgique, en Angleterre et, bien sûr, en France. Il sortira environ 38 numéros du Libertaire en tout – en 1860 seuls 6 numéros sortent. Entre ses activités pour gagner sa pitance et la rédaction du journal, Déjacque s’est miné la santé. Il se retrouve dans une impasse, une nouvelle fois, la guerre de Sécession va éclater, il n’a plus de travail car la crise économique se fait encore plus mordante. En février 1861, il doit retourner en France. Il se livre à un ami en lui écrivant : « J’ai la nostalgie non pas du pays où je suis né, mais du pays que je n’ai encore entrevu qu’en rêve la Terre promise, la terre de liberté. »

En 1864, il meurt dans la misère, à 43 ans, à Paris. Il avait sombré dans la folie, selon son ami Gustave Lefrançais. Sept ans avant la Commune, deux ans après le suicide d’Ernest Cœurderoy !

Je conclurai par une citation d’Émile Pouget : « Alors que Bakounine avisait aux moyens de fuir la Sibérie où la bienveillance de son tsar l’avait parqué, un ouvrier colleur de papier, Déjacque, réfugié à New York, définissait l’anarchisme avec une acuité de vue merveilleuse ; il ne s’est pas contenté d’en avoir une fugace compréhension, il l’a embrassé dans toute son ampleur. » Bel hommage d’un anarcho-syndicaliste à un individualiste anarchiste, prolétaire, irréductible insurgé, rebelle, insoumis, et néanmoins théoricien révolutionnaire de la pensée libertaire.

Patricio Salcedo

Nota : Pour cet article, je me suis grandement inspiré du livre Autour de la question révolutionnaire, Joseph Déjacque publié aux éditions Mutines, le livre À bas les chefs des éditions Champ libre n’étant plus disponible.

http://www.monde-libertaire.fr/portrait ... te-meconnu
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Re: Divers militant-es anarchistes dans l'Histoire

Messagede bipbip » 25 Fév 2016, 16:20

Émile Pouget et le Père Pénard le 24 février 1889

« Tant que nous endurerons les patrons, tant que nous engraisserons cette charognerie, nous serons malheureux comme les pierres du chemin. »
Émile Pouget

http://rebellyon.info/Emile-Pouget

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Re: Divers militant-es anarchistes dans l'Histoire

Messagede bipbip » 06 Mar 2016, 05:03

Alexandre Jacob, l’honnête cambrioleur

Amiens 8 mars 1905

Dans les Souvenirs d’un révolté, Alexandre Jacob sait que le temps de la reprise a pris fin dès lors qu’il est interné à la prison d’Abbeville : « Tous mes projets de lutte, mes prochaines expéditions s’évanouissaient en fumée : c’est donc fini ? Tu ne verras plus rien de cela ? ». Mais, de l’anonymat du voleur, Alexandre Jacob passe à la célébrité judiciaire. Le temps des procès fait de lui une vedette des cours d’assises et confirme son militantisme libertaire. La presse n’a d’ailleurs pas manqué de relater la confrontation entre l’honnête cambrioleur et ses juges. Elle est présente en masse le 8 mars 1905 à Amiens pour l’ouverture du spectacle judiciaire.

... http://www.atelierdecreationlibertaire. ... mars-1905/
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Re: Divers militant-es anarchistes dans l'Histoire

Messagede bipbip » 03 Avr 2016, 04:07

Bibliographie de Gustav Landauer en ligne

Un nouveau site internet vise à proposer une base de données complète et à jour des travaux relatifs au philosophe et militant anarchiste Gustav Landauer (1870-1919). Il s’appuie sur les recherches antérieures de spécialistes de cet auteur ainsi que sur la contribution régulière de chercheurs contemporains.

La bibliographie est :

* Accessible. Entièrement gratuite et libre d’accès à l’adresse
suivante :

https://www.zotero.org/groups/gusta...

L’anglais est utilisé comme langue de travail, de manière à faciliter
les échanges internationaux.

* À jour. Toute nouvelle parution concernant Landauer peut être
ajoutée en seulement quelques clics.

* Participative. Le projet implique le travail de plusieurs
participants internationaux. Toute suggestion ou contribution - en
particulier venant d’espaces linguistiques peu couverts - est la
bienvenue.

* Conçue pour la recherche. Bien plus qu’une liste de publications,
cette base de données offre la possibilité de rédiger des
annotations, d’ajouter des mots-clés, de produire une chronologie,
d’exporter des références ou d’éditer une bibliographie.

La bibliographie rassemble sources primaires et secondaires, et fait
mention de tous les textes et discours produits par Landauer. Certaines
parties sont encore en cours d’élaboration, mais l’essentiel y est :
plus de 1600 entrées, rassemblant les écrits de Landauer, mais aussi
des articles académiques, des monographies, des recensions, des romans,
des articles journalistiques consacrés à Landauer ou mentionnant
simplement son nom. Chaque fois qu’une ressource est accessible en
ligne, un lien est proposé pour faciliter l’accès aux textes.

Les écrits de Landauer dont une traduction existe sont également
mentionnés, pour faciliter la diffusion internationale des idées du
philosophe allemand et pour répondre à l’intérêt croissant suscité
par sa vie et sa pensée. Dix-huit langues sont déjà représentées,
d’autres viendront certainement s’y ajouter.

Si vous souhaitez participer, que ce soit par l’envoi de références
manquantes, en suggérant des corrections ou bien en devenant
collaborateur actif du projet, envoyez un message à l’éditeur.

Gustav Landauer online bibliography, base de données coordonnée par
Anatole Lucet,
anatole.lucet@ens-lyon.fr

La bibliographie est également accessible à partir du site
(en allemand, avec un début de chronologie) :
www. gustav-landauer.org

http://refractions.plusloin.org/spip.php?article957
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Re: Divers militant-es anarchistes dans l'Histoire

Messagede Pïérô » 05 Mai 2016, 20:51

Paris, vendredi 6 mai 2016

« Autobiographie d'un anarchiste »

de Camille Fabre

Lecture performante et vernissage du livre autobiographique (mémoires d'un anarchiste) de Camille Fabre, 1874-1945 : Roman d'un homme qui voulut vivre et comprendre la IIIe République. Éditions de Champtin.
Avec Vladia Nuyttens, Nathalie-Noëlle Rimlinger, Esther Tarente, Daniel Trouvé.
Musique : Esther Tarente.

Entrée libre.

à 19h30, Publico, librairie du Monde libertaire, 145 rue Amelot, Paris 11e


Image

Camille Fabre (1874-1945)

Roman d'un homme qui voulut vivre et comprendre la 3e République

Le 13 mai 1944, Camille Fabre achève, date et signe son manuscrit. S'il le signe Albert Loufabro, « c'est qu'il ne faudrait pas deux Fabre » ; l'autre, c'est Henri, son frère cadet, qui deviendra l'illustre fondateur des Hommes du Jour, des Hommes du Peuple et de la Corrèze Républicaine et Socialiste.

Mais Loufabro nous prévient. Corrézien né à Ussel en 1874, il n'a longtemps connu qu'un prénom : « Albert », qu'il aurait tenu du père adoptif de sa mère, un prêtre. Ce dernier, qui s'était promis de l'éduquer et d'en faire un curé, décéda avant que l'enfant ne soit en âge de quitter le giron maternel. Cette séparation d'avec sa mère s'effectuera plus tard, dans des conditions sordides - lot des miséreux - que Camille ne pardonnera pas à la société bourgeoise capitaliste.

La première période du livre couvre l'enfance, le noviciat, l'expérience sociale, l'armée, l'engagement libertaire de Camille, la chine, la reprise individuelle, la prison. C'est un récit, une œuvre en soi, « où l'invention n'a aucune part ». Camille précise qu'il faut revivre un évènement pour bien l'écrire. C'est dans un climat teinté d'un jésuitisme fort en conditionnement que Camille voit poindre en lui, très jeune, l'exigence de comprendre l'homme et les injustices qui l'affectent. C'est ce qui le sauve pour l'humanité et le perd pour la société. Ses jours ont-ils été rythmés par la confession ? C'est sur ce mode qu'il construit son récit, sans tabou. De la vie communautaire « confortable », il retient, bénéfique, la notion de « frère » et de partage. Il ne haïra point les hommes mais les conditionnements.

Sa première intention est d'écrire un roman édifiant « la jeunesse sur les erreurs à ne pas commettre lorsque l'on découvre l'injustice et les iniquités sociales », mais l'écriture s'élabore finalement en deux temps, recouvrant deux périodes de l'existence de l'auteur. Deux projets d'écriture, distincts, se succèdent.

Lorsque Camille, ne pouvant dominer sa sexualité, rompt avec la soutane, il rejoint sa mère (qui subvient à la pension d'une petite Jeanne) et Riri, à Paris. Dès lors, ce cher Henri devient sa « bonne étoile ». Dans la dureté de la vie parisienne, Camille entend l'éclat des bombes des anarchistes. Sa colère envers sa condition sociale trouve un écho qui fait naître en lui l'espoir d'une fraternité humaine qui se révolte. Il en sera, encore faut-il en trouver le chemin. Le jeune homme n'a aucun bagage. Professionnellement, ses expériences humiliantes d'homme de maison ne l'ont conduit qu'à découvrir l'impitoyable bourgeoisie. Les deux frères perdent leur mère et, chômeurs, décident de cheminer à pied à travers la France. Pour survivre, ils usent de la « chine ». D'autres vagabonds les y initient. Camille a hâte d'atteindre l'âge de s'engager à l'armée. C'est affamé qu'il y parvient… Sa tentative échoue : l'armée le rebute vite par ses procédés brutaux.

Mais voilà qu'il rencontre l'anarchie sous les traits de Sébastien Faure, venu à Toulon pour y donner trois conférences ; elles illuminent le pioupiou. Il apprend à théoriser. Découvrant à l'armée sa capacité physique à endurer des épreuves, il parvient à se faire réformer.

Ni les Jésuites, ni les drapeaux ne l'auront retenu. À Toulon, Camille s'est fait des amis, anarchistes évidemment ; il connait des réseaux… Retrouvant Henri et la liberté, il reprend la chine, convertit son frère à la manière libertaire de concevoir la vie, poursuit son militantisme. Bientôt, Libertad l'accueille chez lui et même lui ouvre la possibilité du métier de correcteur et d'une vie plus sédentaire. Mais l'impétueux Camille rate ce qui aurait pu décider autrement de sa vie.

À nouveau, la chine, donc, la révolte bien sûr… puis un faux pas - avec un compagnon adepte de la reprise individuelle - dans une église, celle de Bugeat ; puis les prisons. La première le ramène à Ussel ; il connaîtra celles de Riom et de Thouars. La sentence est sévère : dix années de réclusion. Nous sommes en mars 1900. Camille accomplit six années bien tassées de détention avant la libération conditionnelle. La description, intelligente et minutieuse, qu'il fait de ses enfermements est édifiantes .

Le 27 décembre 1906, Camille est libéré ; mais ses déplacements sont limités par une lourde interdiction de séjour. Il élit la Meurthe-et-Moselle avec le projet d'y établir une communauté agricole. Notre homme bâtit sa maison à proximité d'une forêt et s'y installe avec Louise, dont il attend rapidement un enfant. Tentant de se sédentariser, il devient négociant en vin à Neuves-Maisons, avec un appui matériel de son frère.

« Sache donc qu'avec les quelques pages qui vont clore ce chapitre, tu pourras considérer comme achevé ce que je m'étais proposé de te dire dans un livre que j'aurais publié probablement vers 1916 ou 1917, sans le conflit guerrier qui en décida autrement. » Ici prend fin le premier projet du livre. « Ce qui suivra constitue le livre d'un homme qui cherche, et trouve pour sa conscience, des consolidations et des clartés nouvelles. » Ce qui suit, c'est avant tout la guerre. Camille opte pour combattre, remettant à plus tard l'action politique de terrain. Grièvement blessé en 1916, lors d'un cours d'instruction - borgne, manchot, demi-sourd, soit grand mutilé - l'homme doit continuer d'assurer la subsistance de son épouse et de ses deux enfants. Henri le sauve encore, lui proposant d'être l'administrateur et le comptable du Journal du Peuple, tâches auxquelles s'ajoute celle de répondre au courrier des lecteurs en matière juridique, spécialisation : les dommages de guerre.

Grâce au Dalloz qu'il explore en autodidacte, il devient juriste et fonde sa propre affaire : « L'entr'aide juridique ». Quand il se sépare du Journal du Peuple, il embrasse le marxisme et fonde l'Almanach du Peuple, 1917-1922. La fin du manuscrit s'avère souvent théorique, chargée d'une intention pédagogique.

Avec la deuxième Guerre, fuyant Étampes, Camille se réfugie à Falaise. Meurtri, fébrile, il décrypte les causes de la catastrophe mondiale. Il observe, analyse et relie ce qu'il découvre et vit. Le conflit guerrier a été suscité par les impérialismes capitalistes, en réponse à la menace que constitue l'Union soviétique. Mais dès lors que cette jeune puissance révolutionnaire prouve sa détermination à anéantir l'ennemi commun - le fascisme -, il ne fait aucun doute, pour l'auteur, que le communisme marque une avancée exemplaire pour l'humanité, que n'auront qu'à suivre les démocraties, notamment la française, déjà illustre par sa combativité en matière sociale.

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Re: Divers militant-es anarchistes dans l'Histoire

Messagede Pïérô » 17 Mai 2016, 13:49

Paris mercredi 18 mai 2016

Projection-débat « Écoutez May Picqueray »

Un documentaire de Bernard Baissat, 1984, 70 minutes.

L'Université populaire et libertaire du 11ème arrondissement vous invite à la projection-débat de Ecoutez May Picqueray.
en présence de Bernard Baissat

à 20h, Publico, librairie du Monde libertaire, 145 rue Amelot, Paris

Image

Portrait de la militante anarchiste et pacifiste May Picqueray. Filmée à son domicile parisien et dans les locaux du journal Le Réfractaire qu'elle a fondé, elle évoque son engagement et son antimilitarisme. Ses propos sont illustrés de nombreux documents et de photos de ses amis.

Figure importante du milieu libertaire, May Picqueray est surtout connue pour être la fondatrice du journal des « Amis de Louis Lecoin » Le Réfractaire (« Organe libertaire pour la défense de la paix et des libertés individuelles »), elle a fait paraître ce mensuel du 1er avril 1974 jusqu'à sa mort, le 2 novembre 1983 - soutenue jusque-là par de nombreux jeunes artistes objecteurs de conscience, et des dessinateurs du canard enchaiîné. Féministe avant l'heure, May Picqueray a vécu en femme indépendante sans se priver de fonder une famille. Elle a donc élevé seule ses trois enfants nés de trois pères différents. Camarade de Louis Lecoin, elle s'est associée à tous ses combats et a poursuivi sa vie de militante après la mort de ce dernier. Enthousiaste en mai 68, très engagée au Larzac, elle a participé à toutes les campagnes anti-nucléaires et soutenu les objecteurs de conscience et les réfractaires au service militaire. May Picqueray a été une des figures du syndicat des correcteurs.

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Re: Divers militant-es anarchistes dans l'Histoire

Messagede digger » 22 Mai 2016, 11:45

Dans les mois, à moins que ce ne soit les années, à venir, je souhaite réunir et mettre en ordre ma doc sur Emma Goldman, en plus de ses textes traduits, sur un site dédié. Et sans doute la même chose pour Alexandre Berkman puisque l'une ne va pas sans l'autre, même si ils étaient bien différents.(Mais réunis sur le même site avec une partie commune et une séparée)
Donc je suis preneur de documents originaux, ce qui exclut pratiquement tout ce qui existe en ligne, y compris les archives de l'Institut International des Sciences Sociales d'Amsterdam, déjà pillées.
Et de toutes les suggestions.
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