Divers militant-es anarchistes dans l'Histoire

Re: Abel PAZ est mort

Messagede poolpikan » 28 Avr 2009, 22:14

un bon article sur Abel Paz;
http://cinoque.blogs.liberation.fr/wain ... -mort.html

Dans son petit appartement d'un premier étage de la carrer Verdi aux murs recouverts d'affiches, catalanes, anarchistes, et de bibliothèques rustiques parfois boiteuses mais toujours surchargées de bouquins, il évoque la politique de la République au Maroc, le sujet de son dernier livre paru.
La cuestion de Marruecos y la Republica espanola raconte en effet un épisode peu connu de la guerre d'Espagne dont les conséquences auraient pu être majeures:
Dès juillet 36, la CNT avait l'intention de permettre aux Marocains de la zone espagnole (Ceuta, Mellilla, une partie du Rif) de déclarer leur indépendance. Cette initiative aurait eu le triple avantage: un, d'ouvrir un front à l'arrière des troupes franquistes ; deux, de les priver de leurs régiments de soldats maures et surtout de répandre le bon exemple, celui de la décolonisation en Afrique. Ce qu'Aurelio Fernandez, un des cénetistes chargés à l'époque de négocier ce nouveau cours, qualifiait vingt-cinq ans plus tard de "blessure mortelle infligée aux puissances colonisatrices" fut acceptée par le pouvoir catalan, dominé il est vrai par les anarcho-syndicalistes. Mais fut rejeté par les gouvernements de Madrid et plus personnellement par Largo Caballero (à droite).

"Objectivement le gouvernement républicain se fit complice des franquistes" dit Paz. "Et encore, Franco fut plus intelligent que les républicains. Dès qu'il comprit ce qui se tramait, il s'empressa de permettre aux élites marocaines de publier un journal en arabe, le premier jamais autorisé dans ces colonies. Et comme le Comité d'action marocain était des plus timorés, et qu'il avait compris qu'il fallait mieux collaborer avec ce camp qui savait ce qu'il voulait, cela lui suffit. Le gouvernement dirigé par les socialistes avait eu l'occasion, il l'avait laissé passer."
D'après Paz, les anarchistes étaient conscients de ce qui se pouvait se jouer là-bas. Ils se méfiaient depuis toujours de la France et de l'Italie. De ces classes ouvrières qui s'étaient laissés traitées en mineures par des partis marxistes. La stratégie des anarchistes espagnols était plus orientée vers l'Afrique du nord, vers Tetouan, Mellilla. Dès 1931, dès l'instauration de la république, la CNT avait facilité l'entrée des Maures dans les syndicats, en se battant sur le mot d'ordre à travail égal salaire égal entre immigrés et espagnols.
"La France n'était pas d'accord avec cette indépendance du Maroc. Elle avait peur que la liberté laissée au Maroc espagnol s'étende à son Maroc à elle puis à l'Algérie. Les Anglais avaient peur eux que les Palestiniens s'enhardissent.
Tous ils ont fait pression sur Largo Caballero, qui a donc commencé par refuser les propositions de la CNT."
Abel Paz élargit le propos.

"Il faut quand même se souvenir que si Franco et ses amis se sont soulevés ce n'est pas parce qu'ils redoutaient ou détestaient la République. Il y avait parmi eux pas mal de républicains. C'est pour écraser un mouvement révolutionnaire qu'ils ont pris les armes. Et sur cette question ils avaient l'accord de beaucoup de monde pas seulement des nazis et des fascistes. Toutes les bourgeoisies du monde étaient contre la révolution en Espagne. L'avion rapide que Franco a pris des Canaries pour rejoindre ses troupes, c'est un avion anglais, que les Anglais ont livré.
"Il faut reprendre l'histoire de la guerre d'Espagne à zéro, raconte encore Paz, en rompant avec la vision qu'ont imposée les gens de la gauche modérée et les staliniens. En oubliant tout ce qui existait avant la guerre d'Espagne, en calquant des problématiques issues de la Deuxième Guerre mondiale sur un confit qui était d'une autre espèce."
"Que ce se serait-il passé si le prolétariat français avait maintenu ses exigences, s'il n'avait pas abandonné ses occupations du printemps 36 ?"
"Tout aurait sans doute changé. Même en URSS. Si Staline a frappé si fort cette année là, dans les fameux procès de Moscou c'est qu'il a senti le vent du boulet de la révolution passer très près."
"En Espagne, le système libéral avait failli et la question était Revolution ou Fascisme. Après la défaite, un chapitre de l'histoire du monde est définitivement clos. Un autre chapitre s'ouvre."
Quand on lui pose une question sur le manque de mémoire historique des Espagnols, Paz répond que quarante ans de fascisme laissent obligatoirement des traces.
"La peur a longtemps été la compagne quotidienne des gens ici. Et ils la ressentent encore. Même les gosses de 18 ans qui n'ont rien connu de tout cela, ont hérité de ce patrimoine. Du coup les gens ne veulent plus rien savoir de leur passé et c'est tragique. Car sans passé il n'y a pas d'issue au présent."
Il raconte comment il y a peu de temps, les socialistes ont présenté une loi pour la réhabilitation des maquisards anti-franquistes et comment cette demande fut refusée par la majorité du Parti Populaire, le parti d'Aznar qui, au contraire, a célébré la mémoire d'un chef de la police du pays basque tué en 1967, sous Franco.
"Nous vivons encore dans l'esprit du franquisme", conclut Paz. "C'est d'ailleurs normal, puisque ceux qui nous dirigent aujourd'hui sont les enfants des vainqueurs de 1939 avec de l'argent en plus."
Tirant sur sa cigarette, le regard baissé dans on ne sait quelle remémoration du passé, le vieil homme ajoute:
"Certains jeunes d'aujourd'hui peuvent se dire anarchistes, essayer de réssusciter la CNT, ce n'est plus pareil. Il n'y a plus de presence anarchiste en Espagne. En 1977, un an après le rétablissement d'un certain nombre de libertés démocratiques en Espagne, la Confédération a organisé un grand rassemblement à Montjuic. il y avait 400 000 personnes. J'ai alors dit à Abad Santillan (dirigeant historique de la CNT, à droite):
"Mes enfants c'est le moment de nous dissoudre, cela fera au moins un enterrement de première classe."
"Personne n'a compris ce que je disais. Et pourtant il était facile de comprendre que la CNT était morte en Espagne. Au moins si nous l'avions dissoute ce jour-là, c'eut été un coup surréaliste."

"Aujourd'hui les gens ne veulent pas entrer dans une organisation. Ils ne veulent pas dépendre de décisions prises par d'autres. Même la forme fédérative des anarchistes leur semble trop lourde. Et sans doute ont-ils raison. La crise des organisations qui touche aussi l'Etat est une crise essentielle. Et pourtant il existe un courant de pensée libertaire, fort notamment chez les intellectuels, mais il n'a rien à voir avec la CNT aujourd'hui." (peut-être un débat interressant possible )
Le problème n'est pas gauche-droite. Il est haut-bas.
poolpikan
 
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Divers militant-es anarchistes dans l'Histoire

Messagede arvn d » 03 Aoû 2009, 15:23

Giuseppi CIANCABILLA une notice biographique

Giuseppi CIANCABILLA: une notice biographique

Giuseppe Ciancabilla est né en 1872 à Rome et est mort à seulement 32 ans dans un hôpital de San Francisco, en Californie.

À l'âge de 18 ans, il se rend en Grèce pour s’engager dans la bataille contre l'oppression turque. Il agit en tant que correspondant pour le journal socialiste italien , « Avanti! », Mais plutôt que lutter avec les volontaires italiens, il rejoint un groupe de combattants libertaires de Cyprien Amalcare qui cherchent à favoriser une insurrection populaire partisane par le biais de la guerre de guérilla.

En Octobre 1897, il rencontre Malatesta pour faire un interview pour « Avanti! ». Cette rencontre et la réaction de la direction du PSI (Parti socialiste italien) à propos de cet interview conduit Ciancabilla à quitter le parti socialiste avec dégoût et à se déclarer lui-même anarchiste. Cette «Déclaration» dans le journal de Malatesta, « L'Agitazione » du 4 Novembre 1897.

Le choix de devenir anarchiste force Ciacabilla et sa compagne, Ersilia Cavedagni, à fuir l'Italie. Après un court séjour en Suisse et à Bruxelles, Ciancabilla s'installe en France où il collabore avec Jean Grave da ns le journal, « Les Temps Nouveaux », bien que les rédacteurs estiment nécessaire de souligner occasionnellement, leurs différences avec ses perspectives.

En 1898, lorsque les autorités italiennes font de lui un "dangereux anarchiste", Ciancabilla est expulsé de France. Il retourne en Suisse où il tente de réunir les réfugiés italiens révolutionnaires. Il est expulsé de Suisse pour la rédaction de l'article «Une grève de la file" en défense de Luigi Luccheni pour « L'Agitatore », journal anarchiste-communiste qu'il a lui-même créé à Neuchâtel.

Après un court passage en Angleterre, il décide d'aller aux États-Unis. Une fois aux Etats-Unis, il est appelé à Patterson, New Jersey, afin de diriger le journal anarchiste « La questione sociale ». Toutefois, en raison de changements dans ses idées, il se rapidement trouve en conflit avec le groupe de rédaction du document qui soutien les idées et méthodes organisationnelles de Malatesta. En août 1899, Malatesta vient aux États-Unis et est chargé de diriger « La questione sociale ». Cela conduit Ciancabilla et d'autres collaborateurs à quitter ce magazine et à fonder la revue « L'Aurora » dans l'ouest de Hoboken. Outre la diffusion des idées et la propagande anarchiste dans « L'Aurora », Ciancabilla l’utilise pour la traduction , notamment des œuvres de Grave et de Kropotkine. Sa traduction en italien de Kropotkine « La Conquête du Pain » réussi même à faire son chemin en Italie malgré les difficultés légales.

La dernière période de la vie de Ciancabilla se passe entre Chicago et San Francisco où il publie le journal, « Protesta Umana », une revue de pensée anarchiste.

Ciancabilla s’est toujours revendiqué explicitement comme un anarchiste-communiste, mais il a été aussi explicite (comme Galleani, un autre anarchiste italien immigré actif aux États-Unis à l'époque) à propos de sa critique de l'organisation officielle et dans son soutien à ceux qui ont une action individuelle contre les maîtres de ce monde comme Michele Angiolillo, Gaetano Bresci et Leon Czolgosz.

Le 15 Septembre 1904, il meurt, en présence de sa compagne.


traduction du texte issue de Willful Disobedience Volume 4, number 3-4, Fall-Winter 2003

http://www.geocities.com/kk_abacus/vb/wdv4n3-4.html#ciancabilla
arvn d
 
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Mort de Thierry Jonquet : Le noir lui allait si bien

Messagede Nico37 » 10 Aoû 2009, 16:24

Mort de Thierry Jonquet : Le noir lui allait si bien

LE FIL LIVRES - Avec ses livres souvent prémonitoires, ce révolté autopsiait notre société, mettait en scène les éclopés de la vie. L’écrivain et scénariste Thierry Jonquet, auteur notamment de “Mygale”, “Moloch”, “Ad vitam aeternam”, est mort hier soir, à Paris, des suites de problèmes cardiaques. Il avait 55 ans.

Thierry Jonquet. “Ils sont votre épouvante, et vous êtes leur crainte” | 10 août 2009
Entretien Entre Thierry Jonquet Et David Le Breton : Le corps du défi | 10 août 2009
"Ad vitam aeternam" de Thierry Jonquet | 10 août 2009

Thierry Jonquet est décédé dimanche 9 août dans la soirée. Il avait 55 ans. Dans Rouge c’est la vie, un de ses livres tout en colère et tendresse, il disait vouloir écrire des romans noirs, « de ces intrigues où la haine, le désespoir se taillent la part du lion et n'en finissent plus de broyer de pauvres personnages auxquels je n'accorde aucune chance de salut. »

De livres en livres, Jonquet n’en finissait pas de désigner la barbarie, la bêtise, les guerres fratricides. Il autopsiait notre monde d’aujourd’hui en fabriquant des histoires souvent prémonitoires. Lui qui avait l’allure d’un père peinard, carburait à la révolte et s’engouffrait dans la littérature comme ultime chance de rester debout, digne malgré la folie de notre société. Jonquet mettait en scène les éclopés de la vie, les enfances volées, les corps torturés, les vieillards oubliés, les esprits désemparés. Il dénonçait les lâchetés des politiques, l’aveuglement des bien pensants et en a irrité plus d’uns.

Thierry Jonquet écrivait des romans noirs parce qu’il n’avait pas le choix. Il aimait trop la vie, rire avec les amis, lire encore et encore, pour ne pas la titiller, l’interroger et nous avec.


Nous republions ici un portrait de Thierry Jonquet paru dans Télérama le 22 mai 2004, à l'occasion de la sortie de Mon Vieux.

Souvenez-vous. C'est l'été 2003. Il fait chaud. De plus en plus chaud. Les jours passent, la chaleur grimpe, l'inquiétude grandit. La panique s'installe. Les maisons de retraite se transforment en mouroirs. Les hôpitaux débordent de patients. Les urgentistes crient au secours, suivis de près par les pompes funèbres, d'habitude si silencieuses. Le chef de l'Etat, lui, ne renonce pas à ses vacances. On réquisitionne des hangars, des camions frigorifiques. On stocke les cadavres comme on peut. Les médias bafouillent, peinent à obtenir des chiffres. Le fait divers - une canicule - fait place à une catastrophe nationale. Fin août, le verdict tombe : quinze mille décès.
Cela s'est passé en France, et nulle part ailleurs. On s'interroge. A qui la faute ? Les uns accusent l'inertie des autorités - ministres, maires ; les autres montrent du doigt les mauvais citoyens, ceux qui délaissent leurs parents, leurs vieux.

Pour un écrivain comme Thierry Jonquet, toujours prêt à dénoncer les détraquements de notre société, un tel événement ne s'enterre pas à la hâte. Ce même mois d'août, presque en transe face à tant d'horreurs, il épluche les journaux, enquête, rencontre ceux qui se battent sur le front de la mort (médecins, infirmiers, pompiers...), puis se met à bâtir une intrigue. Son roman, Mon vieux (celui qu'il vous faudra emporter pour vos vacances au soleil !), a pour " décor " la canicule de l'été dernier et met en scène les habitants d'un quartier de Paris, Belleville. Comme pour ses précédents romans, Moloch (terrible descente dans les réseaux pédophiles) ou Ad vitam aeternam (plongée dans l'univers de la marchandisation des corps), Jonquet s'inspire de ce qu'il voit, entend. Invente des personnages pêchés au coin de sa rue, des gentils et des vilains - souvent ils ont les deux - et imbrique petit à petit leurs destinées. Il les mène au paroxysme de leur pauvre vie pour nous montrer l'accablante réalité qui nous entoure. Mais Jonquet, ce moraliste sentimental, nous entraîne bien plus loin. Il nous oblige à faire nôtre cette société foutraque, à la décortiquer, à mettre au feu son ordre établi, à refuser la déchéance des uns, l'indifférence des autres. Il écrit en rouge et noir l'abjection et la folie, et nous invite pourtant à rêver sur ses romans clairs-obscurs, à imaginer un monde de clarté et de tendresse...

Il fait chaud. Une bande de clochards a établi ses quartiers d'été sur les trottoirs de Belleville. Jonquet, à la manière d'un Jack London descendu dans la rue pour écrire Le Peuple d'en bas (éd. Phébus), raconte avec minutie leur quotidien, misères et combines, souffrances et violences. Apparaît Daniel. Jeune chômeur en fin de droits, il regarde les sans-abri, ne veut pas finir comme eux, " à la poubelle ", mais en prend le chemin. Puis, voici Alain. Lui est scénariste pour la télé, écrivain raté. Il peine sur son ordinateur, à écrire des inepties qui plairont, sans doute. Il ne songe qu'à sa fille, une ado de 16 ans. Un accident de deux-roues lui a arraché la moitié du visage. Il est prêt à tout - à payer beaucoup - pour qu'elle retrouve forme humaine et envie de vivre. Et voilà qu'un dernier personnage s'écroule, en pleine rue. Un vieillard. Souvenez-vous, il fait chaud, très chaud. A l'hosto, on lui découvre la maladie d'Alzheimer. Qui est-il ? Que vient-il faire dans ce roman ?

Mon vieux est un texte formidablement construit. Dialogues natures et suspenses maîtrisés s'enroulent avec intensité. Thierry Jonquet nous ballotte de la réalité - la canicule, les SDF - à la fiction avec un plaisir démoniaque. Cet écrivain-là n'est pas un adepte de la pureté stylistique, mais un formidable raconteur d'histoires, un bâtisseur de satires, un empêcheur (efficace !) de respirer en bonne (in)conscience. Il a l'indignation au ventre. Du coup, il n'hésite pas à malmener un de ses héros, Alain, le père de la gamine accidentée. Il lui fait retrouver son propre père, un type qui l'a abandonné tout gosse. Le père, " ce salaud ", c'est le vieillard sans mémoire tombé sous la chaleur accablante. Les frais d'hospitalisation sont exorbitants. Nul n'est censé ignorer la loi : Alain doit payer pour ce père, même " inconnu ". Il comprend que son passé ne cessera de le poursuivre : " On n'échappe pas à ses parents. Si ferme que soit la haine, il reste toujours de minuscules attaches, visqueuses, des traces indélébiles qui se répandent, s'infectent, exactement comme une maladie de peau. "

Dilemme : tout donner à celui que l'on hait et rien à celle que l'on aime ? Etre responsable de son père et pas de sa fille ? Qu'est-ce que la filiation ? La loi du sang et rien que du sang ? Ou celle de la raison ? Du cœur ? Jonquet, en artisan chevronné ès polars, met en place la tragédie : la Faucheuse entre en scène. C'est une star. Très séduisante.

Thierry Jonquet n'a pas d'états d'âme : de livre en livre, il œuvre à bousculer la morale. Il est l'un des rares en France à être resté fidèle à son engagement d'auteur de romans noirs : écrire le monde, montrer l'ignoble. Il adopte les méthodes journalistiques (enquêtes, interviews, recherche de documentation) et, avec l'aide de son imaginaire, fait revivre ce que l'on a peut-être déjà oublié, zappé, jeté à la poubelle avec les journaux. Jonquet raconte des histoires et écrit des pans de notre histoire, donne un sens à une actualité qui chasse l'autre, prolonge l'éphémère. Il fait ce que le journaliste ne peut faire. C'est le pouvoir de la littérature. Souvenez-vous. C'était l'été dernier. Il faisait chaud, très chaud. Thierry Jonquet ne pouvait pas se taire. Il s'est mis à écrire Mon vieux. Sans doute, d'abord pour lui-même, pour ne pas mourir de honte.
Nico37
 
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Re: Mort de Thierry Jonquet : Le noir lui allait si bien

Messagede Morgan » 11 Aoû 2009, 13:53

Merci Nico de lui avoir rendu hommage :-) Je suis triste là.
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Dernière interview de Gaston Leval

Messagede René » 18 Aoû 2012, 10:59

Pour les hispanophones, ci-joint un lien pour la dernière interview de Gaston Leval.
A noter particulièrement le passage où Gaston parle de l'Internationale syndicale rouge.


http://monde-nouveau.net/spip.php?article413
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Luis Mercier Vega

Messagede luco » 30 Déc 2012, 19:41

Je viens de terminer "la chevauchée anonyme" de Luis Mercier Vega / Charles Ridel.

C'est une livre absolument essentiel que je conseille à tous ceux qui s'intéressent à l'histoire du mouvement libertaire et d'émancipation sociale. Une sorte d'autobiographie (mais pas rédigée à la 1ère personne) sur les années 1939/1941 qui voient le mouvement ouvrier se désorganiser, se déliter, et disparaître comme alternative face à l'entrée en guerre des grandes puissances et la lutte des blocs. Comme en 1914, mais en pire.

Le récit des évènements est captivant de bout en bout, mais surtout il permet de voir les doutes, les questionnements théoriques, politiques, stratégiques de cette génération militante qui avait vécu la montée des fronts populaires, la révolution espagnole (et leur échec). Comment peser encore ? Comment analyser la défaite du mouvement ouvrier indépendant face au totalitarisme soviétique ? Comment se placer vis à vis des "démocraties" bourgeoises ?

Il m'intéresse d'autant plus qu'il évoque cette mouvance diverse (parfois méconnue) que j'affectionne le plus : le PSOP, Socialisme et Liberté, les anarcho-syndicalistes et les socialistes libertaires, le POUM, Justice et Liberté /partito d'Azione, les "trotskystes" non orthodoxes, bref, le "troisième camp" non dogmatique qui a toujours essayé de se construire à partir des opprimés, sans suivre aucune logique de bloc, ancré dans des pratiques et des principes forts qui mettent la liberté, la démocratie, l'autonomie au coeur de leur projet socialiste.

Aux éditions marseillaises Agones.
------

La question que j'aimerais poser ici, c'est les rapports qu'a éventuellement pu entretenir après guerre Luis Mercier Véga avec l'ORA, l'UTCL, la FCL etc.

Parce que sur le fond, il me semble assez proche (accent mis sur le mouvement ouvrier de masse, critique des positions individualistes, des approximations théoriques...).

Ces rapports ont-ils existé ? Ou le hasard des luttes de faction, des inimitiés personnelles, ont-elles empêché ces convergences ?
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Re: Luis Mercier Vega

Messagede digger » 30 Déc 2012, 20:00

A Contretemps
L’itinéraire d’un anarchiste hors du commun de l’anarchisme
http://plusloin.org/acontretemps/n8/LMV-Itineraire..pdf
C'est le seul document un peu fourni que je connaisse sur lui. Mais je crains que ça ne t'en diras pas beaucoup plus long.
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Re: Luis Mercier Vega

Messagede luco » 30 Déc 2012, 20:04

Oui, je l'avais lu. Très bon article et super revue.
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Pierre Morain est décédé

Messagede Vieille Chouette » 01 Juin 2013, 14:39

Pierre Morain est décédé

C’est un militant infatigable qui vient de nous quitter, à l’âge de 83 ans. Ouvrier du bâtiment, militant de la Fédération communiste libertaire en 1955, Pierre Morain s’est distingué dans le combat anticolonialiste, de la guerre d’Algérie à la cause palestinienne ces dernières années.

A son enterrement, le 30 mai à Saint-Martin-du-Larzac (Aveyron), environ 200 personnes étaient venues de tout le plateau et de plus loin. Des militants de tous les horizons — Alternative libertaire, Confédération paysanne, Faucheurs volontaires d’OGM, Ecole émancipée, Campagne civile pour la protection du peuple palestinien — étaient présents et ont lu des allocutions souvent émouvantes. Citons notamment celles d’un ancien prisonnier palestinien, et le message transmis par Jean-Claude Amara (Droits devant !!) et par Jean-Baptiste Eyrault (DAL).

Notre camarade Daniel (AL Paris-Sud) a transmis un message de Line Caminade (ex-FCL) et raconté sa rencontre avec Pierre et sa compagne Suzanne, lorsqu’il a réalisé le film Une résistance oubliée, dont des extraits ont été projetés pendant la cérémonie.

Après quelques chansons antimilitaristes comme La Butte rouge et Le Déserteur, les présents ont fait à Pierre l’hommage d’une ultime Internationale tandis que le cercueil était porté en terre.

Nous assurons sa compagne Suzanne et sa fille Eliane de toute notre amitié. Nous parlerons plus longuement de Pierre Morain dans le numéro d’été d’Alternative libertaire.



Source : http://www.alternativelibertaire.org/sp ... rticle5360
Je sais que les asiles et les prisons de ce pays, sont le dépôt des inclassés, des nouveaux enragés, je sais qu'faut se courber et toujours rester muer, se plier, s'laisser bouffer, et en redemander... (Kyma - Les grands vides pleins)
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Re: Pierre Morain est décédé

Messagede Pïérô » 02 Juin 2013, 00:54

Je remet ici ce que j'avais mis là, viewtopic.php?f=14&t=5986#p97572, puisqu'il y a un topic dédié. :)

Mort de Pierre Morain, incarcéré à Loos en 1955 pour son soutien aux révolutionnaires algériens

« Moi je ne suis pas français, je suis ouvrier ». Voilà ce que répondit Pierre Morain au tribunal de Lille qui lui demandait pourquoi lui, Français, participait aux côtés des travailleurs algériens aux violentes émeutes qui retournèrent le centre-ville de Lille ce 1er mai 1955. Pierre Morain, ouvrier du bâtiment installé à Roubaix, anarchiste, sera le premier métropolitain incarcéré pour son soutien aux révolutionnaires algériens. Il est décédé le 27 mai 2013. L’historien Jean-René Genty lui rend cet hommage.

Image

Pierre Morain, à la sortie de la prison de la Santé en mars 1956
(source : tract annonçant la sortie de la brochure « Un homme, une cause… »)


Mort d’un anarchiste !

Pierre Morain est mort le 27 mai 2013 au Larzac où il résidait avec son épouse Suzanne depuis les années soixante-dix. Tous deux participaient à la lutte des agriculteurs du plateau contre l’extension du camp militaire. Au moment de son installation sur le plateau, Pierre Morain comptabilisait alors déjà de nombreuses années de militantisme. Jeune ouvrier du bâtiment dans la région parisienne au début des années cinquante, il militait à la Fédération Communiste Libertaire (FCL) et appartenait à son cercle le plus restreint, « l’Organisation Pensée Bataille » emmenée par Georges Fontenis.

C’est à ce titre qu’il fut envoyé dans le Nord en avril 1955 à la demande du Mouvement National Algérien avec mission d’organiser un comité de soutien aux militants algériens. Les contacts entre Messali Hadj et la FCL étaient alors étroits via l’intermédiaire de Daniel Guérin, qui se réclamait à la fois du communisme libertaire et de la lutte anticolonialiste. Pierre Morain expliquait que, se retrouvant à Roubaix, il n’avait pas eu vraiment le temps de trouver des contacts dans les milieux métropolitains. En revanche, il fut rapidement adopté par les Algériens de Roubaix, travaillant le jour comme manœuvre terrassier chez Carette-Duburcq et diffusant le soir et le week-end Le Libertaire dans les cafés algériens. Le journal consacrait une large place à l’activité des révolutionnaires algériens et Pierre Morain rédigea plusieurs articles importants consacrés à la vie quotidienne des Algériens de Roubaix.

Il fut partie prenante des événements du 1er mai 1955 à Lille au cours desquels les Algériens du Nord encadrés par le service d’ordre messaliste affrontèrent pendant cinq heures les charges des forces de police et de gendarmerie mobile qui tentaient de s’emparer des banderoles proclamant l’Algérie libre et des portraits du Zaïm. Pierre Morain participa aux affrontements aux côtés de ses camarades algériens. Repéré par les différents services – il signait de son nom les articles publiés dans Le Libertaire – il fut contrôlé par des douaniers (la bataille de la frontière entre nationalistes algériens et forces de l’ordre commençait) le 23 mai. Le 24 mai, il fut interpellé par la DST puis relâché. Le 29 mai, Pierre Morain fut arrêté et emprisonné à Loos où il rejoignit les cadres algériens incarcérés à la suite de la manifestation. Tous étaient poursuivis pour « reconstitution de ligue dissoute ». Pierre Morain fut condamné à cinq mois de prison. Après appel interjeté par le parquet, la Cour d’appel de Douai élevait sa peine à un an de prison.

La condamnation du premier « Frère des Frères » de la guerre d’indépendance algérienne en métropole passa assez inaperçue et le cas Morain sortit peu à peu de l’anonymat grâce à l’action du comité de défense emmené par Jean Cassou, Daniel Guérin, Claude Bourdet et Yves Dechezelles. Mais ce fut la prise de position d’Albert Camus dans L’Express du 8 novembre 1955 qui attira l’attention de l’opinion publique sur « la situation d’un jeune militant (…) placé sous les verrous pour avoir manifesté un mauvais esprit en matière de politique algérienne. La protestation, jusqu’à présent a été limitée à d’étroits secteurs de l’opinion. Morain ayant le double tort d’être ouvrier et anarchiste ». Rappelons que jusqu’à sa mort, Camus demeura fidèle à ses contacts avec l’anarchisme et le messalisme.

Pierre Morain quitta la prison de la Santé à la fin du mois de mars 1956 mais il demeurait sous le coup d’une inculpation pour atteinte à la sûreté extérieure de l’Etat. En janvier 1957, il participait à l’assaut donné par un groupe de « l’Organisation Pensée Bataille » contre la permanence du mouvement Poujade, rue Blomet dans le 16ème arrondissement.

L’aventure du groupe « Organisation Pensée Bataille » se termina par le passage dans la clandestinité et l’arrestation de son principal dirigeant, Georges Fontenis.

Par la suite, Pierre Morain continuera à militer dans la mouvance anarchiste puis alternative.

J.-R. GENTY

Sources : Fontenis Georges, L’autre communisme, histoire subversive du mouvement libertaire, Lucée, Acratie, 1990 ; Comité Pierre Morain, Un homme, une cause, Pierre Morain prisonnier d’Etat, Paris, 1956 ; Témoignage de Pierre Morain, 22 août 1992, archives privées J.-R. Genty ; Témoignage de Georges Fontenis, 23 juin 1992, archives privées J.-R. GENTY ; Collection du journal Le Libertaire, BDIC de Nanterre. Genty J.-R., L’immigration algérienne dans le Nord-pas-de-Calais, Paris, L’Harmattan, 1999 ; Genty J.-R., Fidaou el Dzezaïr, les nationalistes algériens dans le Nord, Paris, L’Harmattan, 2008.

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Re: Pierre Morain est décédé

Messagede Pïérô » 04 Juin 2013, 02:17

Algérie, Toussaint 1954 : Le déclenchement de l’insurrection

Il y a 50 ans éclatait l’insurrection algérienne, prélude de la guerre de libération nationale qui aboutit en 1962 à la décolonisation de l’Algérie.
Plus d’un siècle et demi avant, en 1794, la Révolution française est menacée de l’intérieur et sur ses frontières. Les réserves s’épuisent et aucun État ne veut vendre de grain à la France hormis le dey d’Alger. Deux ans plus tard, les finances de la France sont au plus bas et de nouveau, le dey va prêter au Directoire, un million sans intérêts pour l’achat de blé. Par le biais d’intermédiaires, la France achète alors pour 7 millions de blé. 31 ans plus tard le dey n’a toujours pas récupéré le premier million.

Plus grave encore, le dey apprend que la France vient de fortifier un bâtiment destiné au commerce sur la côte algérienne. Il demande des explications au gouvernement ; ses lettres restent sans réponse. Il convoque le Consul de France. Le ton monte, le dey donne un coup de chasse-mouche au consul… La France tient son prétexte. Nous sommes en 1830, la première guerre d’Algérie commence et durera 40 années durant lesquelles des villages seront incendiés, des tribus entières asphyxiées dans des grottes, des hommes et des enfants massacrés, les femmes parfois épargnées pour être vendues. Le bétail et les terres seront récupérés par l’armée pour être redistribuées aux colons.

Le point de non-retour

Pendant près d’un siècle le peuple algérien subit mais ne se résigne pas. Longtemps il a espéré une intégration, ou du moins l’égalité. Les anciens combattants de la Grande guerre n’ont toujours pas les mêmes droits que leurs frères de tranchée de métropole ni la même reconnaissance. Quand il faut se battre pour délivrer la « mère-patrie » du joug nazi, ils sont encore là sur les côtes italiennes, au Monte Cassino et au delà de la frontière du Rhin. Ceux qui en réchappent, encore tout auréolés de gloire, vont apprendre en rentrant au pays ce qui s’est passé à Sétif le jour de la victoire du 8 mai 1945 1. Les médailles se ternissent et les poings se serrent. Parmi ces soldats, il y a l’adjudant Ben Bella, le sergent Ouamrane, l’adjudant Boudiaf et bien d’autres qui, petit à petit, se font à l’idée que seule une lutte armée, émancipera le peuple algérien.

La colère couve

Depuis le massacre de Sétif, les choses s’emblaient rentrer dans l’ordre. La France se relève de la guerre. L’Algérie traditionnelle et rurale fournit des milliers de travailleurs pour l’industrie métropolitaine. Ce prolétariat de plus en plus important est organisé dans les syndicats mais surtout politisé autour de Messali Hadj, chef charismatique d’un mouvement ouvrier et indépendantiste depuis le milieu des années 20 2. À l’aube de l’insurrection, le vieux dirigeant va laisser passer sa chance historique. Il ne prendra pas au sérieux les informations concernant la date et la mesure du projet. Il est vrai qu’ils ne sont, fin juillet 1954, que 22 jeunes activistes regroupés au sein du CRUA 3 à prendre la décision de déclencher une action nationale pour le courant de l’automne et à proclamer le Front de libération nationale.

L’étincelle

Après avoir été repoussée une fois, la date du déclenchement est décidée pour le jour de la Toussaint. À minuit dans cinq zones de l’Algérie, des fermes sont incendiées, des casernes attaquées, des colons tués. Des attentats visent des centres énergétiques et industriels. L’ensemble de la communauté des Français d’Algérie est frappé de stupeur par la multiplication coordonnée des attaques. Le gouvernement, l’armée, les colons, les fonctionnaires, le petit peuple, tout ce système colonial ne peut imaginer que la deuxième guerre d’Algérie vient de commencer. Elle durera huit ans au cours desquelles la France écrira ses pages d’histoire parmi les plus sombres.

Les communistes libertaires

La Fédération communiste libertaire (FCL) créée en 1953 va soutenir activement les luttes anti-colonialistes au côté des indépendantistes de tout l’empire. Chaque numéro du Libertaire foisonne d’articles dénonçant les méfaits de la France en Indochine et appelle au sabotage et à la désertion. Les lecteurs sont régulièrement informés de l’évolution de la situation au Maroc et en Tunisie. Depuis 1951 le Mouvement libertaire nord-africain (MLNA) tente d’organiser les travailleurs sur place et est une source d’information importante permettant plus tard à la FCL d’être parmi les tous premiers à dénoncer la torture. Tout naturellement lorsque les militants de la FCL apprennent le déclenchement de l’insurrection, ils se mobilisent immédiatement. Les saisies, amendes, procès vont bientôt faire partie du quotidien. Un de ses militants, Pierre Morain, sera le premier prisonnier politique européen de la guerre d’Algérie.

René Jacques Defois

Références bibliographiques :

- Robert Louzon, Cent ans de capitalisme en Algérie, 1830-1930, Acratie.
- Georges Fontenis, Changer le monde, histoire du mouvement communiste libertaire 1945-1997, Le Coquelicot/Alternative libertaire.
- Daniel Guérin, Quand l’Algérie s’insurgeait, 1954-1962, La Pensée sauvage.

Publié le 16 novembre 2004 par Commission Journal (mensuel)

http://www.alternativelibertaire.org/sp ... rticle1240
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Re: Pierre Morain est décédé

Messagede fabou » 05 Juin 2013, 22:37

Je connais Pierre et Suzanne depuis 2006, on s'était connus aux faucheurs volontaires. La perte de notre local associatif "Construire Un Monde Solidaire" (dissout par la clique à Bové), en 2009, les a beaucoup affectés. Cette dernière année, Pierre était vraiment malade et Suzanne ne pouvait plus vivre seule dans leur hameau des Mares sur le Larzac. Celà faisait quelques mois qu'il étaient tout deux en maison médicalisée.

Ils ont perdu leur fils il y a pas longtemps, et maintenant c'est Pierre qui s'en va. Autant vous dire que je suis très ému.
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Re: Pierre Morain est décédé

Messagede bipbip » 13 Juin 2013, 13:31

articles de Pierre Morain dans Le Libertaire (1917-1956)
http://www.lelibertaire.net/catalogue/a ... auteur=360


vidéo.
Reportage réalisé à l'occasion de la sortie du DVD des 10 ans le la CCIPPP, juin 2011.




Le militantisme sans faille de Suzanne et Pierre Morain, 73 ans chacun

LE MONDE | 07.08.03 | 13h08

"Ils sont où les Morain ?" Vingt fois par jour, l'interpellation résonne. Et, à chaque fois, c'est tout le plateau du Larzac qui s'inquiète pour son couple de vieux militants. Inséparables, donnant le coup de main encore et toujours aux "copains". Sans jamais transiger.

A 73 ans chacun, Suzanne et Pierre Morain restent soudés dans la même rigueur militante. Le 14 juillet, malgré la fatigue et la chaleur, ils montaient en car de Millau (Aveyron) pour des opérations coups-de-poing en faveur de la libération de José Bové. Depuis, membres du collectif Construire un monde solidaire, qui organise le rassemblement du plateau du Larzac des 8, 9 et 10 août, ils sont de tous les préparatifs.

Suzanne n'entend plus très bien. Et Pierre n'a jamais été un causeur. Lui, accent titi parisien, un peu ours, était dans le bâtiment. "Maçon" ou "manœuvre", selon le patron qui acceptait de prendre ce syndiqué CGT peu commode, et en général assez vite viré pour son activisme. Suzanne, elle, était institutrice. Le plateau les a accueillis en 1976. Après une histoire déjà longue en batailles.

A 25 ans, jeune communiste libertaire, Pierre a été un des premiers militants français à faire de la prison pour son soutien aux indépendantistes algériens. Après une distribution de tracts appelant au sabotage du matériel de guerre et un 1er Mai à Roubaix (Nord) où il fait le coup de poing avec la police qui impose au cortège syndical de sortir les Algériens de ses rangs, il purge "un an de taule" à Loos pour "atteinte à la sûreté de l'Etat". On est en 1955. Deux ans plus tard, direction la Santé, à la suite d'un plasticage des locaux du mouvement poujadiste à Paris.

"Suzanne et moi, on participait à toutes les bagarres contre l'extension du camp militaire du Larzac. Alors, les gens nous ont dit : pourquoi vous vous installez pas ici ?", raconte-t-il. Pour occuper le terrain face aux militaires, ils s'installent au cœur de la zone expropriée, dans une ferme abandonnée au lieu-dit Les Mares. Vingt- sept ans après, ils y habitent toujours.

Entre-temps, il y aura eu le soutien aux Kanaks mais aussi aux Polynésiens contre les essais nucléaires, aux Japonais qui protestaient contre l'extension d'un aérodrome militaire, aux villages sandinistes, au début de la révolution nicaraguayenne. Sans oublier les mobilisations de la Confédération paysanne.

"Tout cela, c'est beaucoup de travail, mais c'est ce qu'on appelle le retour de solidarité. Tous ces gens qui étaient venus d'ailleurs pour nous aider sur la bataille du Larzac, fallait qu'on les aide à notre tour", soulignent les Morain. Et quand on leur demande si, à leur âge, ils n'auraient pas un peu envie de souffler, Pierre grogne : "On n'a pas à subir la société qu'on nous impose. Et puis, combattre isolément, on s'en sort pas."

Caroline Monnot

[Source : http://www.lemonde.fr/article/0,5987,32 ... 3-,00.html]

http://nantes.indymedia.org/article/1038



Alter Echo 30 mai (Hommage à Pierre Morain)
émission sur Radio Larzac

Notre ami, compagnon de lutte et voisin, Pierre Morain est décédé lundi 27 mai 2013.

Pierre était le défenseur de tous les "sans", sans-papiers, sans logement, Palestiniens, Faucheurs volontaires... Il était de toutes les luttes avec sa femme Suzanne.
Sa femme qu'il a rencontrée car, emprisoné pendant la guerre d'Algérie, elle lui a écrit en prison pour le soutenir. la guerre d'Algérie, il s'est battu contre à une époque où cet engagement était loin d'être unanime. Pierre faisait partie de ceux qui savent dire "non" au bon moment. De ceux qui font avancer les idéaux de justice et de fraternité. Il était venu en parler à la radio en mars 2009 avec Michel Lefeuvre qui a lutté aussi à sa façon contre cette guerre violente et coloniale.

Salut camarade et toutes nos amitiés à ta femme, Suzanne !

à écouter
(59m 12s - 84.8 Mo - 200 kbps , pour télécharger, utiliser le bouton droit de la souris et faites "Enregistrer la cible du lien sous") :
http://www.radiolarzac.org/telecharger/ ... morain.mp3
.
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Re: Pierre Morain est décédé

Messagede bipbip » 17 Aoû 2013, 11:51

Dans le dictionnaire des militants anarchistes
MORAIN, Pierre

Au début des années 1950, ouvrier du bâtiment et membre du Syndicat Unique du bâtiment (SUB) de la CNTF, Pierre Morain collaborait au Combat Syndicaliste et le 29 novembre 1953, lors du congrès régional de la 2è Union régionale (Paris) de la CNTF avait été élu à la commission administrative. Il avait également adhéré à la Fédération anarchiste où il était membre du groupe clandestin Organisation Pensée Bataille (OPB) constitué autour de G. Fontenis pour contrôler l’organisation qui devint alors la Fédération communiste libertaire (FCL).

En accord avec le Mouvement National Algérien (MNA) de Messali Hadj, il fut envoyé au printemps 1953 dans le Nord pour y organiser l’agitation anticolonolialiste et la solidarité avec les militants algériens. Il fut l’auteur à cette époque de plusieurs articles parus dans Le Libertaire sur les conditions de vie des travailleurs algériens à Roubaix. Le 1er mai 1955 il participait à Lille aux violents affrontements survenus lors de la manifestation entre les forces de l’ordre et les travailleurs algériens porteurs de banderoles réclamant L’Algérie libre . Arrêté le 29 mai, il fut emprisonné à Loos et poursuivi avec plusieurs responsables du MNA pour « reconstitution de ligue dissoute ». Lors du procès tenu à Lille en août, lorsque le Président lui avait demandé pourquoi en tant que Français il avait manifesté avec les travailleurs algériens, il avait répondu « Non je ne suis pas français, je suis ouvrier ». Condamné avec trois militants algériens à 5 mois de prison, la peine fut portée en septembre à un an à la suite d’un appel du parquet et il fut écroué à la prison de Loos. Il fut le premier français métropolitain emprisonné pour soutien aux révolutionnaires algériens.

Pris en charge par un comité de défense parrainé notamment par Daniel Guérin, Yves Dechezelles, Claude Bourdet, Jean Cassou et avec le soutien d’Albert Camus, Pierre Morain qui avait été interné à la prison de la Santé, fut remis en liberté fin mars 1956 mais resta sous l’inculpation « d’atteinte à la sûreté extérieure de l’Etat » suite à un article anti-colonialiste paru avant son incarcération dans Le Libertaire. En février précédent était paru la brochure Un homme, une cause, Pierre Morain prisonnier d’Etat » éditée par le comité de défense.

A sa sortie de prison il rencontra la militante FCL Suzanne Gouillardon avec laquelle il devait se marier en 1957.

En janvier 1957 il participa à l’attaque par un groupe de la FCL du local du mouvement poujadiste rue Blomet dans le 15eme arrondissement de Paris ce qui lui valut d’être arrêté avec plusieurs autres militants de la FCL dont André Nedelec, Jean Le Gars, Paulette Pertois, Gabrielle Bernard et Manuel Rodriguez et d’être condamné avec Le Gars à une très forte amende qui sera couverte par une souscription spéciale et d’être incarcéré à la Santé puis à Poissy jusqu’au printemps 1958.

A sa libération et après la disparition de la FCL suite notamment à la répression, P. Morain s’intalla avec sa compagne dans la Nièvre où il allait militer au syndicat CGT du bâtiment de Nevers et adhérer au Parti communiste dont il fut par la suite exclu à la fin des années 1960 pour « orientation pro-chinoise ». Début mai 1968 il fut avec Georges Fontenis l’auteur d’un appel aux anciens de la FCL et aux militants de lUnion des groupes anarchistes communistes (’UGAC). Lié un temps à la Gauche Prolétarienne, il constitua au début des années 1970 le groupe autonome ouvriers paysans de la Nièvre et en 1974 participa à la tentative de regroupement Pour qu’une force s’assemble (PQFS) initialisée par l’Organisation Révolutionnaire Anarchiste (ORA) pour fédérer divers groupes intervenant dans les entreprises et les quartiers. PQFS avait été constitué lors d’une réunion tenue les 4-5 janvier 1974 à Paris et réunissant essentiellement des militants de l’ORA ( groupes du Rail enchaîné, du Postier Affranchi, du Canard du 13ème, militants d’Air-France, Usinor-Dunkerque, etc…) et un bulletin de Contribution au débat fut édité (5 numéros) ; puis le regroupement élargi à des groupes non-léninistes dont le groupe de la Nièvre, devint Pour un mouvement révolutionnaire des travailleurs (PMRT) qui disparaîtra en 1975 après avoir publié au moins 5 numéros d’un bulletin de même nom.

Puis vers 1976 il s’était installé avec sa compagne Suzanne sur le plateau du Larzac où tous deux participèrent aux luttes contre l’extension du camp militaire. Il s’impliqua par la suite dans la solidarité avec les Kanaks, la révolution nicaraguayenne le soutien aux Palestiniens et la lutte contre les OGM.

Pierre Morain est décédé le 27 mai 2013 et a été enterré le 30 à Saint Martin du Larzac (Aveyron) en présence de nombreux militants (Alternative Libertaire, Confédération paysanne, Faucheurs volontaires, Campagne civile pour la protection du peuple palestinien, etc).



Sources : G. Fontenis « L’autre communisme… », op. cit.// Alternative Libertaire, juin et été 2013 (nécro. De G. Davranche)// G. Lenormant & D. Goude « Une résistance oubliée : des libertaires dans la guerre d’Algérie (1954-1957) » (DVD, 2001)// « L’insurrection algérienne et les communistes libertaires » (Ed. Alternative libertaire)// Notes D. Dupuy//

http://militants-anarchistes.info/spip.php?article9565
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Re: Pierre Morain est décédé

Messagede bipbip » 21 Sep 2013, 14:57

(...) Ses obsèques ont été suivies par près de 200 personnes venues de tout le Larzac et de plus loin. Des militantes et des militants d’horizons variés – Alternative libertaire, Confédération paysanne, Faucheurs d’OGM, École émancipée, Campagne civile pour la protection du peuple palestinien – étaient présents et ont lu des allocutions souvent émouvantes. Citons notamment celles d’un ancien prisonnier palestinien, et le message transmis par Jean-Claude Amara (Droits devant !!) et par Jean-Baptiste Eyrault (Dal). Notre camarade Daniel (AL Paris-Sud) a transmis un message de Line Caminade (ex-FCL) et a raconté sa rencontre avec le couple Morain en 2000, pour le film Une résistance oubliée , sur le combat libertaire contre la guerre d’Algérie.

Après quelques chansons antimilitaristes comme La Butte rouge et Le Déserteur, les présents ont fait à Pierre l’hommage d’une ultime Internationale tandis que le cercueil était porté en terre. Nous assurons sa compagne Suzanne et sa fille Éliane de toute notre amitié.

Guillaume Davranche (AL Montreuil)

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