Palestine / Israël

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Messagede bipbip » 17 Mar 2011, 14:45

Palestine / Israël

Intervention à Vannes (29 janvier 2011) Par Pierre Stambul du Bureau National de l’Ujfp (Union juive française pour la paix), http://www.ujfp.org/modules/news/articl ... toryid=872 :


Peut-on critiquer Israël ?
Le sionisme est-il un obstacle à la paix ?
Peut-il y avoir une paix juste avec le sionisme ?


Dans une guerre qui dure en fait depuis près d’un siècle, une issue ou un compromis auraient dû intervenir depuis longtemps. Pourquoi n’est-ce pas le cas ?


Le sionisme et la théorie du «transfert».

La colonisation sioniste et la création de l’Etat d’Israël se sont accompagnées d’un négationnisme total (j’emploie intentionnellement ce mot qui est très chargé symboliquement dans l’Histoire juive) vis-à-vis des Palestiniens. Dès le départ, pour les futurs Israéliens, la Palestine n’existe pas. Dans les livres scolaires israéliens, on nie l’existence d’un peuple palestinien. On explique que les Ottomans ont installé dans la région des populations venues de diverses régions de l’empire et peu importantes numériquement. Il s’agit de justifier a posteriori un des mensonges fondateurs, l’idée (proférée par Zangwill) de la «une terre sans peuple pour un peuple sans terre». On y ajoute contre toute vraisemblance quelques énormités comme l’idée que les Juifs auraient toujours vécu en «Eretz Israël» ou qu’ils sont majoritaires à Jérusalem depuis les années 1800.

Bien sûr, les dirigeants sionistes avaient bien conscience à leur arrivée que les Palestiniens représenteraient un obstacle à leur projet. Les futurs dirigeants Ben Gourion et Ben Zvi pensaient (ils l’ont écrit en 1918) que ces «fellahs» qui vivaient en Palestine étaient probablement descendants des Hébreux (ils n’avaient pas tort) et que donc, ils accepteraient le projet sioniste (là bien sûr, ils se trompaient). À l’époque, même dans la gauche européenne, le colonialisme est considéré comme un phénomène positif, le monde européen apportant la civilisation à des peuples moins développés. Mais dès l’arrivée des premiers colons sionistes, ce qui est mis en place, c’est une dépossession progressive des Palestiniens de leur propre pays. Le KKL (Fonds National Juif) s’approprie par tous les moyens des terres pour les Juifs. L’Agence Juive crée les embryons d’un futur Etat Juif dans lequel les Non-juifs n’ont aucun droit. Le syndicat Histadrout défend dans ses statuts le «travail juif». Quand les Palestiniens réalisent ce qui est à l’œuvre, c’est la première grande révolte (Hébron 1929). Dès cette époque, le courant «révisionniste» du sionisme dont le dirigeant est Vladimir Jabotinsky élabore la théorie du transfert. Puisque les Palestiniens sont décidés à résister, il faut élever entre les Juifs et eux une muraille infranchissable. Le concept de ce qui deviendra 70 ans plus tard le Mur (de l’apartheid) est né. Il propose de déporter les «Arabes» au-delà du Jourdain.

Le sionisme a gommé les différences idéologiques. Dire «gauche sioniste», c’est un oxymore. La droite sioniste a toujours dit et fait. La prétendue gauche sioniste a utilisé la novlangue. Elle a fait et elle continue de faire ce que la droite dit.

Dans l’idée de transférer les Palestiniens, les dirigeants sionistes ont reçu une aide précieuse de la part du colonisateur britannique quand celui-ci a réprimé la révolte palestinienne de 1936 (plus de 12000 morts et toute «l’élite» palestinienne exilée). En 1948, le transfert (l’expulsion des Palestiniens) était programmé avec le plan Dalet. La préméditation de cette entreprise, constamment proclamée par les Palestiniens a été confirmée par les historiens israéliens (entre autres Ilan Pappé) au moment de l’ouverture des archives. Une petite minorité de Palestiniens a échappé à la Naqba (la catastrophe) et a pu rester. 50 ans plus tard, l’historien sioniste Benny Lévy qui a pourtant reconnu les crimes de guerre de la guerre de 48 estime qu’il aurait fallu tous les expulser. Pour gagner les élections de 2001, Ariel Sharon a fait campagne sur le mot d’ordre «achever la guerre de 48» et donc expulser tous les Palestiniens, y compris ceux qui ont la nationalité israélienne. En 1967, la conquête et la colonisation étaient programmées. En 1993, signer les accords d’Oslo sans une remise en cause prévue des centaines de milliers de colons établis à Jérusalem et en Cisjordanie n’avait aucun sens.

Aujourd’hui en Israël et c’est tragique, une majorité de l’opinion pense que, tout comme les Amérindiens des Etats-Unis ou les Aborigènes d’Australie, les Palestiniens deviendront à terme totalement marginalisés et incapables de réclamer leurs droits. Les seules nuances portent sur la façon d’en finir (déportation, encerclement dans des bantoustans, Etat palestinien croupion, institutionnalisation de l’Apartheid …). Pour cette opinion, la «légitimité» d’un Etat juif allant de la Méditerranée au Jourdain est indiscutable et les Palestiniens sont des intrus et des terroristes. Les mots d’ordre mille fois répétés («Arafat est un nouvel Hitler», «les Palestiniens veulent continuer l’œuvre des Nazis») deviennent des évidences à force d’être martelés.


Une manipulation de l’Histoire et de la Mémoire juives

Il faut lire les sites sionistes pour mesurer l’étendue de la névrose collective actuelle. Des résistants juifs comme Stéphane Hessel ou Edgar Morin sont accusés d’antisémitisme. D’authentiques néonazis regroupés dans une délégation de 35 parlementaires européens d’extrême droite visitent Israël et sont reçus à la Knesset sans aucune protestation. Jean-Marie Le Pen arrive en troisième position aux élections présidentielles dans le vote des Français vivant en Israël. Des crimes évidents et avérés sont niés : le jeune Mohamed tué dans les bras de son père devant la colonie de Netzarim à Gaza, les Turcs du Mavi Marmara accusés d’avoir agressé les soldats israéliens, la mort — après avoir reçu une grenade— d’une Palestinienne de Bil’in présentée comme une manipulation ... Comment en est-on arrivé là? Sans le sionisme, c’est incompréhensible.

Le sionisme est une réponse, fausse, à l’antisémitisme. Il repose dès le départ sur une «théorie de la séparation», l’idée que l’antisémitisme est inéluctable, que Juifs et Non-juifs ne peuvent pas vivre ensemble. Les sionistes n’ont joué qu’un rôle négligeable dans la lutte contre l’antisémitisme et dans la lutte contre les pogromistes. Au contraire dès le début, ils ont utilisé l’antisémitisme pour inciter les Juifs à partir.

Pour un tel projet, il a fallu récrire l’histoire. D’abord à qui s’adresser? Il existait de nombreuses communautés juives ayant une communauté de destin liée à la religion. Ces communautés avaient des langues différentes (ladino, judéo-arabe, yiddish …), des coutumes et des rites différents. Les sionistes ont présenté la diaspora comme une parenthèse inintéressante faite de souffrances à laquelle le «retour» mettrait fin. Alors que la majorité des fondateurs du sionisme n’étaient pas croyants, ils ont utilisé la Bible comme un livre de conquête justifiant un projet colonial.

Les plus grands archéologues israéliens (Finkelstein et Silberman) ont écrit dans «La Bible dévoilée» que le discours biblique est légendaire. La thèse de ce livre fait, sauf sur des détails, très largement consensus parmi les historiens et les archéologues. La conquête sanglante de Canaan par Josué n’a pas existé. Et pourtant, quand on traverse la Cisjordanie, on rencontre plein de colonies aux jolis noms bibliques (Efrat, Shilo, Eli, Kiryat Arba …) dont les habitants sont persuadés qu’ils reviennent sur la terre de leurs ancêtres et reproduisent l’acte de Josué. À l’époque du prétendu royaume unifié de David et Salomon, Jérusalem était un petit village de l’Age de Fer. Et pourtant dans le quartier de Silwan à Jérusalem-Est, on exproprie des Palestiniens pour faire visiter la «maison de David», le «Parc de David» …La migration des Hébreux depuis la Mésopotamie n’a pas eu lieu. Mais à Hébron, pour que les Israéliens aient seuls la possession du prétendu tombeau d’Abraham (le caveau des Patriarches), un colon extrémiste a tué 29 Palestiniens.

Dans son livre «Comment le peuple juif fut inventé», Shlomo Sand met à bas les mythes fondateurs du sionisme : il n’y a eu ni exil, ni retour. La religion juive, qui a été longtemps prosélyte, s’est dispersée mais pas le peuple. Autrement dit les Juifs d’aujourd’hui sont majoritairement descendants de convertis et les Palestiniens sont majoritairement descendants … des Hébreux. Les sionistes qui entreprennent de réfuter ces deux livres utilisent des arguments invraisemblables, comme l’idée que la «Terre Sainte» aurait eu trois millions d’habitants au moment de la destruction du Temple.

Aujourd’hui en Israël, le «mal absolu», c’est l’Arabe, c’est l’Islam. Le pays partage avec les dirigeants américains la même conception du monde. On trouve en Israël de plus en plus de textes décrivant la vie qu’ont menée les Juifs du monde arabe comme un enfer. Là encore, l’histoire est manipulée. Le statut de «dhimmi» accordé à toutes les religions du livre dans les pays musulmans n’a certes rien à voir avec la citoyenneté, mais c’était une forme de protection et cela n’a rien à voir avec le traitement des minorités dans le monde chrétien. Avant le sionisme, il n’y a eu en pays musulman rien de comparable aux pogroms qui se sont multipliés en Europe.

Il existe plusieurs périodes dans ce qu’on appelle l’antisémitisme. Pendant 15 siècles en Europe, il y a eu l’antijudaïsme chrétien. Judaïsme et Christianisme ont été longtemps en concurrence. Quand le christianisme a triomphé, il a imposé toute une série d’interdits dont la possession de la terre, il a enfermé les Juifs dans des quartiers confinés, il a propagé des stéréotypes racistes et a été à l’origine de nombreux pogroms ou expulsions collectives. C’est paradoxalement la sortie du ghetto et l’émancipation des Juifs en Europe qui a provoqué le passage le passage de l’antijudaïsme chrétien à l’antisémitisme racial, le juif personnifiant l’obstacle à tous les nationalismes européens qui rêvaient d’Etats ethniquement purs.

Là aussi, les sionistes réécrivent l’histoire. Ils essaient de faire croire que pendant ces longs siècles d’oppression, les Juifs rêvaient d’un «retour à Jérusalem». C’est bien sûr faux. Quand l’empire ottoman a offert asile aux Juifs chassés d’Espagne, ceux-ci sont allés à Salonique ou Smyrne et pas en Palestine. Les sionistes passent sous silence le fait que toutes les personnalités juives ou d’origine juive devenues célèbres, de Spinoza à Freud en passant par Marx ou Einstein n’ont rien à voir avec le sionisme. Ils oublient le rôle fondamental des femmes et des hommes d’origine juive dans les mouvements progressistes. Un parti comme le Bund, parti révolutionnaire juif dans l’empire tsariste était profondément antisioniste. Jusqu’à la deuxième guerre mondiale, le projet sioniste était très minoritaire chez les Juifs et moins de 5% des Juifs du monde entier avaient immigré.

Les sionistes ont inventé l’idée que les communautés juives du monde entier, des Polonais aux Falachas, des Marocains aux Baltes formaient un même peuple. Ils se sont acharnés à effacer les langues, les cultures et les traditions pour imposer une identité unique, une langue unique, un «homme nouveau» avec les clichés colonialistes du pionnier se battant et défrichant son pays. Ils ont utilisé la religion et une idée de race pour définir qui était juif et avait donc tous les droits dans le futur Etat juif et qui ne l’était pas. Ils ont cultivé le «complexe de Massada» selon lequel les Juifs ont été, sont et seront toujours des victimes. Au nom de ce complexe, la souffrance et l’identité de «l’autre» n’existent plus. D’ailleurs, le deuxième pays après la Turquie à nier le génocide arménien est Israël, comme si le seul génocide existant était celui des Juifs.


D’où vient l’impunité d’Israël ?

Face à l’opinion publique mondiale, la légitimité d’Israël vient de deux idées. Le sionisme serait un mouvement de libération national et l’idée d’un Etat Juif en Palestine serait indiscutable après le génocide nazi.

Examinons cela. Le sionisme a curieusement puisé dans un terreau idéologique commun à tous les nationalismes européens de la fin du XIXème siècle. À l’époque de la chute des empires multinationaux, l’équation un peuple = un Etat s’est imposée avec le rêve fou d’Etats ethniquement purs. Cette idée meurtrière a été la cause de nombreuses guerres et elle a contribué à la montée du nazisme. Le sionisme a été un nationalisme très particulier puisqu’il a dû inventer le peuple et choisir artificiellement un territoire. Cette affinité idéologique avec les pires nationalismes explique l’admiration que Jabotinsky avait pour Mussolini.

La déclaration Balfour (1917) éclaire les rapports des sionistes avec les dirigeants européens. Les antisémites qui deviennent idéologiquement hégémoniques à cette époque considèrent les Juifs comme des étrangers «asiatiques» inassimilables. Balfour était, comme la plupart des politiciens de l’époque, un antisémite. Faire de la Palestine un foyer juif avait un double but. D’un côté se débarrasser des Juifs européens et de l’autre coloniser le Proche-Orient. Bref les Juifs qui étaient des parias en Europe devenaient des Européens s’ils partaient en Palestine.

Les sionistes ont-ils joué un rôle dans la résistance juive au nazisme? Un faible rôle, cette résistance a été essentiellement communiste et bundiste. Pire, certains sionistes ont été aveugles ou complices. Ainsi Ben Gourion en 1933 a brisé le boycott de l’Allemagne nazi décrété par les Juifs américains. Et le futur Premier Ministre Itzhak Shamir, un des dirigeants du groupe Stern, a fait assassiner des soldats britanniques jusqu’en 1943 alors que le génocide avait déjà provoqué des millions de morts en Europe.

Après la guerre, il y a un consensus mondial pour la création de l’Etat d’Israël. Pour les Soviétiques, c’est l’espoir d’affaiblir l’empire britannique. Les armes tchèques livrées à la Haganah joueront un rôle important dans la guerre de 48. Pour l’Europe, il y a l’idée de la «fin du problème juif», puisqu’ils auront désormais un pays. Après 1945, il y a dans des camps en Europe des centaines de milliers de survivants du génocide. Le Yiddishland a disparu, ils demandent des visas pour différents pays. Contraints ou forcés, ils finissent par partir en Palestine. L’Europe s’est débarrassée de son crime sur le dos du peuple palestinien qui n’avait pas la moindre responsabilité dans le génocide. La propagande sioniste affirme l’inverse en pointant du doigt le seul dirigeant palestinien pronazi, le mufti Amine El Husseini. Dans son livre «Les Arabes et la Shoah», Gilbert Achkar montre que le mufti était totalement isolé.

Il n’y a donc pas sentiment de culpabilité des Européens sur l’antisémitisme mais soulagement. Réparer la persécution aurait été dire «vous avez été des parias, vous connaîtrez désormais égalité et fin des discriminations». On leur a dit : «maintenant vous avez un pays, vous partez quand vous voulez». Bref les Européens qui soutiennent inconditionnellement Israël ne sont pas franchement philosémites.

Le jeune Etat israélien a très mal accueilli les rescapés du génocide accusés par les religieux de s’être mal conduits et par les sionistes d’avoir été déportés et exterminés passivement au lieu de se battre pour «leur» pays. Ces rescapés sont toujours maltraités puisque la moitié des survivants vivant en Israël sont sous le seuil de pauvreté, faute de retraites décentes. Dès la fin des années 50, l’Etat d’Israël voit le profit à tirer d’une récupération complète de la question du génocide. C’est l’époque de la création du musée Yad Vashem (sur le territoire du village martyr Deir Yassine) et du procès Eichmann. Israël se présente comme un havre de paix pour les Juifs du monde entier. Il est vrai que beaucoup de Juifs ne savaient pas où aller ou que la résurgence d’un puissant antisémitisme en Europe de l’Est détachait les Juifs de ces pays du communisme et les poussait à vouloir émigrer. Mais en même temps, le sionisme a mis en danger les Juifs du monde arabe où ils vivaient depuis très longtemps et a provoqué leur exode. Aujourd’hui, s’il y a bien un pays où les Juifs sont en insécurité, c’est Israël et il en sera ainsi tant que durera la destruction de la Palestine. L’assimilation systématique de toute critique d’Israël à l’antisémitisme est grotesque. Israël n’a aucun droit de propriété sur l’antisémitisme ou le génocide. Au contraire, les ressemblances idéologiques entre ce qui a mené au fascisme et ce que font les dirigeants israéliens (la négation de «l’autre») mériteraient d’être davantage examinées. À l’antisémitisme traditionnel s’ajoute aujourd’hui un «antiisraélisme» que les sionistes veulent assimiler à l’antisémitisme.

Israël est devenu, ce qui n’était pas inéluctable, une tête de pont occidentale au Proche-Orient. C’est aujourd’hui la raison principale du fait que, quelques soient les crimes commis, il n’y a jamais de sanctions. L’Etat d’Israël surarmé, dépensant l’essentiel de son budget dans l’armement et les technologies de pointe, c’est l’Etat rêvé par les dirigeants occidentaux. Penser qu’ils souhaitent un Etat d’Israël vivant en paix et sur un pied d’égalité avec les Palestiniens est une illusion. Dans leurs rapports avec les Etats-Unis, les dirigeants israéliens savent que tout leur est permis vis-à-vis des Palestiniens et que jamais les Etats-Unis ne les en empêcheront. Obama vient d’en faire la preuve.


La destruction de la Palestine

Il n’y a pas de génocide en Palestine. Pendant le massacre de Gaza (l’opération «plomb durci»), il y a eu 1400 morts et de nombreux crimes de guerre. Cela représente 0,1% de la population de Gaza. Il est plus exact de parler de «sociocide», de destruction du lien social, de l’économie, de l’unité territoriale.

L’occupation a fait éclater la Palestine en 5 entités distinctes.

. Il y a avant tout les réfugiés. Les Palestiniens sont un peuple de réfugiés. La première violation flagrante et impunie de l’Etat d’Israël a été de ne pas appliquer la résolution 194 de l’ONU (décembre 1948) qui reconnaît le droit au retour des réfugiés. Non seulement ce retour des 800000 expulsés a été immédiatement interdit, mais la quasi-totalité de la terre palestinienne a été confisquée par l’Etat ou le KKL. Des centaines de villages palestiniens ont été rayés de la carte et dynamités. Parmi les associations anticolonialistes israéliennes, il y en a une, Zochrot, qui recherche tous les anciens villages palestiniens et les fait visiter aux descendants des expulsés. Il y a aujourd’hui plus de 4 millions de Palestiniens qui dépendent de l’UNRWA, sans compter ceux qui ont émigré hors du Proche-Orient. Pour les Israéliens, ce sont des «Arabes» et les pays arabes n’ont qu’à les intégrer. C’est du négationnisme. Nier le droit au retour des réfugiés, c’est nier le crime fondateur, le nettoyage ethnique de 1948-49.

. Il y a les «Palestiniens de 48» qui ont théoriquement la nationalité israélienne. Dans un Etat qui se dit Juif, ils sont desétrangers dans leur propre pays. Ils subissent de très nombreuses discriminations à la possession de la terre, au logement, à l’éducation et au travail. De très nombreux métiers leur sont interdits. Les taux de chômage ou de pauvreté chez eux sont très supérieurs à ceux des Israéliens juifs. Il existe de nombreux villages palestiniens non reconnus sans eau, sans électricité, sans route, sans école. La situation des Bédouins du Néguev est particulièrement scandaleuse. Plus de 100000 d’entre eux vivent dans des bidonvilles en plein désert. Dès qu’ils construisent un village, celui-ci est détruit à l’image du village d’Al-Araqib déjà détruit 9 fois. Les Palestiniens de 48 votent pour 3 partis : le parti communiste (Hadash), le Balad et le Ta’al. La répression contre eux est féroce. Le fondateur du Balad, Azmi Bishara, s’est exilé pour éviter la prison. Autre députée du Balad présente sur le Mavi Marmara, Haneen Zoabi a été agressée en pleine Knesset. Et Ameer Makhoul, le principal animateur d’Ittidjah, l’ONG qui défend les droits civiques des Palestiniens de 48, est en prison pour de nombreuses années, accusé «d’espionnage».

. Il y a Gaza, devenu un laboratoire à ciel ouvert. Une région surpeuplée (4000 habitants au kilomètre carré) dans laquelle 8000 colons ont longtemps occupé 40% de l’espace. Les Palestiniens ont eu des élections législatives parfaitement démocratiques et ils ont été cruellement punis d’avoir «mal» voté. Le blocus qui prive les Gazaouis de nourriture, d’électricité, d’eau, de ciment, de matériel scolaire en quantité suffisante et qui leur interdit de sortir ou de pêcher est un crime de guerre. Briser ce blocus est urgent et la prochaine flottille qui partira en mai a une grande importance. La division des Palestiniens qui n’ont pas d’Etat mais qui ont deux gouvernements rivaux est une grande victoire de l’occupant. Pour les Israéliens, l’essentiel est de «ne pas avoir de partenaires pour la paix». Quand les Palestiniens étaient majoritairement laïques, les Israéliens ont pourchassé et assassiné leurs militants en favorisant la montée des religieux. Quand le Hamas est devenu puissant, ses dirigeants (le Cheikh Yassine, Ahmed Rantissi) ont été assassinés sans jugement. En Israël, la population de Gaza a été «déshumanisée» dans l’opinion, assimilée à une bande de terroristes, ce qui explique l’absence quasi totale de réaction d’indignation lors de «Plomb durci». L’évacuation de Gaza par Sharon a été un trait de génie. Les Palestiniens sont en train de devenir majoritaires entre Méditerranée et Jourdain. Sans Gaza, les Juifs israéliens seront encore majoritaires pendant longtemps.

. Jérusalem est devenu un point central de la guerre. Quand les Israéliens ont conquis Jérusalem-Est en 1967, il y avait la vieille ville et quelques quartiers autour. Jérusalem-Est s’étend aujourd’hui de Ramallah à Bethléem sur 4% de la Cisjordanie. Dans cette ville, il y a 300000 Juifs Israéliens à l’Ouest, 270000 Palestiniens à l’Est et 250000 colons. La judaïsation de Jérusalem-Est se fait à marche forcée. Les colonies périphériques comme Pisgat Zeev sont progressivement intégrées à l’espace urbain grâce notamment au tramway construit par Alstom et Véolia. Tout est prétexte pour construire de nouvelles colonies. Ainsi la forêt qui existait entre Jérusalem et Bethléem a brûlé le premier jour des négociations Barak-Arafat. C’est aujourd’hui la colonie de Har Homa qui arrive aux fenêtres de la mairie de Bethléem. La judaïsation frappe à présent les quartiers palestiniens. Déjà un quart de la vieille ville a été confisqué et ses habitants expropriés. Ce sont aujourd’hui les quartiers de Sheikh Jarrah et Silwan qui sont attaqués. On est clairement à Jérusalem dans une guerre de conquête où tout est permis.

. Enfin la Cisjordanie. Les Palestiniens y sont beaucoup plus nombreux que les colons, mais ces derniers les encerclent et les asphyxient. On assiste à une colonisation spatiale. Les Israéliens installent partout des stations- service, des zones industrielles, des décharges et la terre palestinienne est inexorablement réduite. Les colonies existantes disposent d’énormes espaces pour s’agrandir. Certaines sont devenues de véritables villes. Les Chrétiens sionistes américains, qui sont accessoirement des antisémites, ont largement financé la colonisation. La frontière internationalement reconnue n’existe plus et il faut une carte française pour s’apercevoir que l’autoroute Tel-Aviv/Jérusalem traverse les territoires occupés ou que l’usine de cosmétiques Ahava est en Cisjordanie. Toutes les grandes villes palestiniennes sont encerclées par les colonies et le mur. Celui-ci prive la Cisjordanie d’une large partie de son territoire. La vallée du Jourdain est quasiment totalement annexée. La Cisjordanie est morcelée avec trois statuts différents (zones A,B et C) et des centaines de check-points. L’annexion n’est plus rampante, elle est omniprésente. Quand on traverse la Cisjordanie par les routes de contournement, on ne voit plus la Palestine. Pour aller de Ramallah à Bethléem, les Palestiniens doivent faire un large détour et utiliser des routes chaotiques. L’économie réelle est réduite à peu de choses faute de possibilité d’investir et de commercer. Les Palestiniens en sont réduits à devoir acheter leur eau aux Israéliens. Bref, comme l’a écrit Zyad Clot, «il n’y aura pas d’Etat palestinien» car l’occupant a détruit la possibilité d’en faire un.


Quelle paix ?

Les Palestiniens ont fait une concession majeure en 1988 à Alger en acceptant de limiter le futur Etat palestinien à 22% de la Palestine historique. C’est sur cette base qu’ont été signés les accords d’Oslo et cela a été un gigantesque fiasco et un marché de dupes. Les Palestiniens ont reconnu Israël et Israël n’a fait que reconnaître l’OLP. Il n’a jamais été question pour les dirigeants sionistes d’accepter de rendre les territoires occupés et, soit d’évacuer les colons, soit de les pousser à accepter la nationalité palestinienne. Il n’a jamais été question de reconnaître le droit au retour des réfugiés. Entre la signature des accords d’Oslo et son assassinat, en un an et demi, Rabin a installé 60000 nouveaux colons. Pourquoi?

À aucun moment, les négociations ne sont parties du droit international ou de l’égalité des droits entre deux peuples numériquement de même importance. La négociation a porté sur la «sécurité de l’occupant» et les accords ont attribué à l’Autorité Palestinienneun rôle de collabo avec l’occupant qui est aujourd’hui très critiqué par les Palestiniens. Même à Gaza, le Hamas subit le même phénomène. Gouverner sans souveraineté ne mène nulle part.

Une vraie négociation devrait partir de la reconnaissance du crime fondateur (le nettoyage ethnique de 1948) et des moyens de «réparer». Commencer par là, c’est dire que le projet sioniste est illégitime. Les Blancs sud-africains ont pu dire que l’Apartheid était un crime pour faire la paix, les sionistes ne peuvent pas reconnaître la Naqba. Avec le sionisme, les Palestiniens seront toujours des intrus, les plus modérés cherchant à atténuer leur malheur.

La paix passe donc par un dépassement du sionisme ou une rupture avec le sionisme. L’existence d’un Etat Juif est illégitime. Rappelons que le seul «Etat Français» a été le régime de Vichy. Le droit international ne reconnaît que des sociétés où toutes les personnes, quelles que soient leurs origines ou leur religion, ont les mêmes droits. L’Etat Juif tel qu’il existe ne laissera jamais de place aux Palestiniens et ne peut pas accepter l’égalité des droits. La paix supposerait la fin de l’occupation, de la colonisation, le partage du territoire et des richesses, l’égalité des droits. Avec le sionisme, c’est impossible.

Le peuple israélien existe même s’il y a beaucoup à dire sur la façon dont il s’est formé. Shlomo Sand dit à ce propos qu’un enfant né d’un viol a droit aussi à l’existence. Même lui qui est partisan de deux Etats dit qu’un Etat Juif ne peut pas être démocratique. Si la paix passe par deux Etats, il n’y a aucune raison que ce soit sur la base 78%-22%.

La politique sioniste est aujourd’hui à la fois criminelle contre les Palestiniens et suicidaire pour les Israéliens. En détruisant la possibilité de deux Etats, les Israéliens vont se retrouver avec une lutte citoyenne pour les droits civiques dans ce qui ressemble de plus en plus à un Etat unique. Ils sont prêts à écraser les Palestiniens jusqu’au bout.

Nous n’avons pas le choix. Pour arrêter cette fuite en avant criminelle, vue l’absence durable de sanctions de la part des Etats, les citoyens doivent répondre à l’appel de 172 associations palestiniennesqui date de 2005 : BDS (boycott, désinvestissement, sanctions). Boycott total : commercial, économique, politique, scientifique, culturel, sportif … de l’Etat d’Israël tant que durera l’occupation. Il faut atteindre l’image d’Israël. Face à Michèle Alliot-Marie qui prétend que boycotter est un acte antisémite, il faut opposer ce que dit un anticolonialiste israélien, l’universitaire Neve Gordon : «je suis pour le boycott, c’est la seule façon de sauver mon pays».

Pierre Stambul

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Re: Palestine / Israël

Messagede JPD » 16 Oct 2012, 04:03

Editions acratie

A paraître novembre 2012

600 pages - 25 euros à parution

En souscription 20 euros port compris avant le 15 novembre (chèque à l’ordre d’Acratie)

Acratie – l’Essart – 86310 La Bussiere


Pierre Stambul

Israël/Palestine
Du refus d’être complice à l’engagement



Entre Mer Méditerranée et Jourdain, Palestiniens et Israéliens sont en nombre sensiblement égal. Mais les Israéliens possèdent tout : les richesses, la terre, l’eau, les droits politiques. La Palestine est volontairement étranglée et sa société est détruite. L’inégalité est flagrante et institutionnelle.
Il faut dire les mots pour décrire ce qui est à l’œuvre : occupation, colonisation, apartheid, crimes de guerre et crimes contre l’humanité, racisme. La majorité des Israéliens espèrent qu’à terme, les Palestiniens deviendront des indigènes marginalisés incapables de défendre leurs droits. Les gouvernements israéliens s’acharnent à fragmenter la Palestine en des entités aux statuts différents : Cisjordanie, Gaza, Jérusalem-Est, Palestiniens d’Israël, réfugiés…
Comment un État colonialiste peut-il se revendiquer du passé quand les Juifs étaient les parias de l’Europe ? L’idéologie sioniste est au cœur de ce processus. Le sionisme n’est pas seulement militariste, raciste, colonialiste ou pro-impérialiste. Il a contribué à une gigantesque manipulation de l’histoire, de la mémoire et des identités juives. Le sionisme est au départ une idéologie de la séparation proclamant que Juifs et non-juifs ne peuvent pas vivre ensemble. Dans l’État juif, les non-juifs sont des étrangers dans leur propre pays.
Il n’y aura pas de paix si on ne la fonde pas sur l’égalité des droits dans tous les domaines. Il n’y aura pas de paix sans une rupture avec le sionisme ou un dépassement de cette idéologie. Le sionisme n’est pas seulement criminel pour les Palestiniens, il est suicidaire pour les Juifs.


L’auteur de ce livre, Pierre Stambul, est né en 1950, professeur de mathématiques retraité. Il est juif tout en étant athée et antisioniste. Son judaïsme est principalement issu du souvenir du génocide nazi. Parents résistants dans la MOI. Mère dont la famille a été exterminée. Père qui fut dans le groupe Manouchian et a été déporté à Buchenwald.
C’est au nom de ce judaïsme qu’il milite depuis 2002 dans l’Union Juive Française pour la Paix pour les droits du peuple palestinien et pour une paix au Proche-Orient fondée sur l’égalité et la justice.
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Re: Palestine / Israël

Messagede Pïérô » 30 Mar 2013, 18:21

Paru dans CQFD n°107

Pierre Stambul, militant libertaire et antisioniste, vient de publier Israël/Palestine, Du refus d’être complice à l’engagement [1] . Il raconte ici ses racines juives et athées et, en opposition au colonialisme israélien, évoque un judaïsme multiethnique et sans frontières, ainsi que le souvenir du Yiddishland de ses ancêtres, vecteur d’une culture, d’un état d’esprit et de courants d’idées prônant une émancipation universelle.


CQFD : Tu viens de publier un livre de six cents pages qui rassemble des textes et des interventions commis depuis une vingtaine d’années. Ce sont tes œuvres complètes ?

Pierre Stambul : Non, pas tout à fait… J’ai dû écrire trente ou quarante pages inédites et retranscrire également des textes antérieurs à l’existence de l’ordinateur. Mais l’essentiel était déjà rédigé. Ce sont des analyses, des articles ou des brèves, la plupart publiés depuis moins de dix ans, et pour certains vieux de trente ans.

Tu es un contributeur de CQFD. Mais tu es surtout co-président de l’Union juive française pour la paix (UJFP). On connaît tes positions antisionistes radicales. Une technique de propagande usuelle veut que dès l’instant où l’on critique l’État d’Israël, on soit accusé d’antisémitisme. Peut-on inverser le propos en disant que le sionisme est antisémite ?

D’une certaine manière, oui. Le sionisme, comme le dit Michel Warschawski, préfacier de mon bouquin, est une théorie de la séparation. À la fin du XIXe siècle, à l’époque où il y avait un large consensus antisémite en Europe, et où dans l’Empire russe, État où vivaient peut-être les deux tiers des Juifs du monde entier, il y avait une politique antisémite officielle, une majorité des Juifs se sont tournés vers les mouvements révolutionnaires aspirant à une émancipation universelle. Les sionistes étaient une petite minorité, qui affirmait que le mélange avec les autres populations était impossible et que l’antisémitisme est un mal inéluctable. Pour eux, la seule solution était la séparation et la création d’un État juif. Cette idéologie aboutit à l’état actuel des choses. Car elle a impliqué de fait une conquête coloniale.

C’est à ce propos que l’on peut dire que les sionistes sont profondément anti-Juifs : pour fabriquer l’Israélien, il a fallu tuer la figure du judaïsme née essentiellement au cours des deux derniers siècles, un judaïsme mêlé à une population à majorité non juive. Les Juifs d’alors voulaient à la fois conserver leur différence et lutter pour l’égalité des droits, ils pensaient que c’était la seule façon d’accéder à leur émancipation. Dans toutes ces figures du Juif, il n’y a ni colonialisme, ni exclusion du non-Juif, ni nationalisme, ni revendication d’une terre, ni militarisme, ni racisme. Ce qu’a construit le sionisme est complètement antijuif, à la fois pour le judaïsme athée – qui est mon origine –, mais aussi pour le judaïsme religieux, pour qui la conquête d’une terre est impie et aller à Jérusalem avant le retour du Messie un péché.

Quelle différence fais-tu entre antijuif et antisémite ?

Il y a eu quinze siècles d’antijudaïsme chrétien. Quand au IVe siècle, le christianisme triomphe dans un empire romain où énormément de citoyens étaient

devenus juifs, le judaïsme cesse d’être prosélyte. Il va se replier sur lui-même et, pendant quinze siècles, les chrétiens vont inventer tout un tas de stéréotypes racistes. On est là sur un terrain de concurrence religieuse. Dans son étude sur le Moyen Âge, Robert I. Moore explique que la société féodale avait besoin de populations identifiables à détester et sur lesquelles concentrer la haine : il n’y avait pas que les Juifs, il y avait aussi les hérétiques, les prostituées, les lépreux… À partir de 1850, l’antijudaïsme chrétien cède la place à l’antisémitisme racial, qui résulte de l’émancipation des Juifs, du fait qu’ils sont sortis du ghetto et qu’ils sont « parmi nous ». Toutes ces « nouveautés » vont à l’encontre de l’explosion nationaliste en Europe qui affirme qu’« un peuple égale un État » et que ces États doivent être ethniquement purs. L’antisémitisme frappe spécifiquement le Juif intégré et invisible sur lequel se concentre la haine, parce que justement il est semblable à tous tout en étant différent. C’est ce qui explique qu’il n’y a pas d’antisémitisme contre le tankiste israélien et qu’aujourd’hui l’extrême droite européenne, foyer traditionnel de la stigmatisation des Juifs, est pro-israélienne. Il y a une véritable mutation. Lord Balfour, homme d’État britannique et artisan de la création du foyer national juif devenu ensuite État d’Israël, était très violemment antisémite. Il disait que les Juifs étaient des pouilleux, des révolutionnaires et des asiatiques inassimilables dont il fallait se débarrasser. Arrivés en Palestine, ces parias sont devenus des colonisateurs européens.

Shlomo Sand [2] , qui critique radicalement le sionisme en démontant notamment les mensonges fondateurs, affirme que cette idéologie a été favorisée par le christianisme et plus particulièrement par le protestantisme.

Il est vrai qu’aujourd’hui, les évangélistes chrétiens sionistes – ils sont plusieurs dizaines de millions aux USA, et pas seulement – disent que les Juifs doivent revenir en Terre sainte pour y chasser le mal – Armageddon, c’est-à-dire les Arabes –, puis se convertir au christianisme sous peine d’être anéantis. Mais, surtout, la sanctification de la Terre promise est d’origine chrétienne et ne correspond pas à la tradition juive, qui n’a pas d’attachement à la terre.

Le sionisme est un colonialisme très particulier. Il ne vise pas à asservir le peuple, il vise à l’expulser. C’est un nationalisme original parce qu’il a dû créer la terre, le peuple et la langue. C’est une idéologie qui a exercé une gigantesque manipulation de l’histoire, de la mémoire et des identités juives et qui raconte une histoire fantastique, complètement fausse. Les fondateurs du sionisme n’étaient pas croyants. Ils ont utilisé la bible comme un livre de conquête coloniale.

Lorsque l’on parle de ou des cultures juives, tu y considères un aspect ethnique, ou religieux ?

Il y a plusieurs peuples ayant en commun la religion. Il y avait un peuple yiddish entre mer Noire et Baltique, il y avait un peuple juif espagnol sépharade établi à Salonique, Izmir, et en Afrique du Nord, il y a un peuple judéo-arabe descendant de Berbères convertis, il y a un peuple falacha venu d’Éthiopie… C’étaient des peuples différents avec une tradition, une culture, une cuisine, une musique liées à l’endroit où ils vivaient. La langue maternelle de ma mère était le yiddish, elle était athée et quand j’étais petit, en Picardie, on mangeait la cuisine du shtetl – ces petites bourgades d’Europe orientale – qu’elle avait réussi à concocter ici. Et sur le tourne-disque, j’écoutais des chants en russe, en roumain ou en yiddish, auxquels je ne comprenais rien, mais que je connaissais par cœur.

Ce serait donc plus une culture ethnique qu’une culture religieuse ?

Bien sûr. Il y a cette question : est-ce que lorsque l’on cesse d’être religieux, on reste juif ? Sur les six millions de morts de la Shoah, il ne faut pas oublier que la moitié n’était pas croyante. Le judaïsme n’est pas une religion. À partir de la fin du XIXe siècle, l’abandon de la religion s’est beaucoup développé. L’antisémitisme nazi ne s’adressait pas aux rabbins, mais à l’entièreté de ce que les nazis avaient défini comme une race.

Que reste-t-il, selon toi, des courants messianistes venus pour une grande part du Yiddishland et qui ont profondément influencés les mouvements d’émancipation en Europe ?

Aujourd’hui les restes de ce messianisme ne se retrouvent plus que, de façon falsifiée, chez les pires colons israéliens. Le génocide nazi n’a pas simplement tué la moitié des Juifs européens. Il a fait disparaître le Yiddishland, et après guerre tout a été fait par toutes les parties pour qu’il ne soit pas reconstitué. À l’Est, il y a eu le pogrom de Kielce (en Pologne), en 1946, où quarante-six survivants des camps ont
Affiche de propagande soviétique pour l’installation juive au Birobidjan (1929)
été massacrés. Les dirigeants juifs des nouvelles démocraties populaires ont été emprisonnés ou exécutés pour sionisme ou cosmopolitisme. À l’Ouest, des milliers de survivants rassemblés dans d’anciens camps de concentration ont attendu pendant six ans après la fin des hostilités des visas pour les USA, l’Angleterre, le Danemark. Certains d’entre eux se sont révoltés et ont été immédiatement expulsés en Palestine. En fait, l’Europe s’est défaussée sur le dos des Palestiniens, en entérinant la liquidation du Yiddishland, qui représentait un danger pour elle. Et les sionistes ont pris leur part dans cette volonté de faire disparaître une culture que les Européens considéraient comme séditieuse.

Le fait de se dire juif est important pour toi ?

Ma sœur et moi, nous avons été élevés comme des rescapés, car mes parents avaient été persuadés qu’ils ne survivraient pas à la guerre. À la maison, mes parents parlaient une autre langue. Tous leurs amis avaient un accent yiddish à couper au couteau. J’ai toujours eu ce sentiment de venir d’ailleurs. Mon identité juive est là. Un jour, alors que j’avais sept ou huit ans, je répète des propos anti-juifs que j’avais entendus dans la cour de l’école. Dans mon souvenir, mes parents m’ont chopé dans une pièce et pendant une heure j’ai eu droit à tout : au Moyen Âge, à l’Espagne, à Auschwitz… Je savais que nous étions un peu différents, mais j’avais l’impression que la nourriture que nous mangions était ce que tout le monde mangeait, que tout le monde devait entendre des langues différentes à la maison. Quand j’entendais déblatérer contre les Juifs, je n’avais pas l’impression que l’on parlait de moi.

Après le mouvement de mai 68 et avoir lutté pour de très nombreuses causes, j’ai commencé à prendre position sur la question Israël-Palestine. Je n’avais alors pas du tout envie de le faire en tant que juif. Avant d’adhérer à l’UJFP, le J m’indisposait fortement. Je me suis aperçu que parler de cette guerre en tant que juif a une efficacité sans commune mesure. C’est le sionisme qui m’a fait juif…

Jusqu’à ta rencontre avec l’UJFP, ton identité juive t’était secondaire ?

Mes parents étaient profondément juifs et laïques. Cela n’a jamais été un sentiment d’appartenance, mais de connaissance d’un monde dont je suis issu.

Comme le serait un jeune d’origine maghrébine ou asiatique ?

Tout à fait. Les premières réunions de l’UJFP ressemblaient à une espèce d’outing. On entendait dix ou vingt histoires différentes. Mais le dénominateur commun, quelles que soient les raisons de chacun, était que ce qui se passe en Israël ne se fasse « pas en notre nom ». Ce militarisme raciste et suffisant de l’État d’Israël, les colons, Tsahal, ce n’est pas nous. Nous, en tant que personnes ayant une relation avec le judaïsme. Cela insulte notre identité.

Qu’en est-il aujourd’hui de cette culture juive ?

La plus grande partie des Juifs qui vivent en France, en Angleterre ou encore en Allemagne, ne font plus rien d’autres que d’être des supports inconditionnels de l’État d’Israël, de son militarisme et de son racisme. La fonction historique qui était celle de mêler émancipation singulière et émancipation universelle est morte, sans doute définitivement. En transformant une partie de la main-d’œuvre persécutée d’Europe en colons, cette disparition-là a profité à l’Occident, qui détient aujourd’hui un porte-avion en plein Moyen-Orient. Quand le président américain G.W. Bush a déclaré le choc des civilisations, cette guerre du bien contre le mal – le mal étant les Arabes et les musulmans –, les Israéliens l’ont totalement reprise à leur compte et se sont vus comme la pointe avancée de l’Occident dans la lutte contre les Arabes.

Ton père a visiblement suivi ce grand écart historique qui va de positions révolutionnaires de type prolétariennes au sionisme le plus réactionnaire…

Mes parents avaient côtoyé des dirigeants de la résistance comme Artur London, Boris Holban, qui ont tous, après guerre, subi les purges antisémites menées par les partis communistes. Mais le grand virage a été la guerre de 1967, où la propagande a rabâché le fait que les Juifs allaient être encore une fois jetés à la mer. Si mes parents sont devenus sionistes, c’est aussi parce qu’une énorme partie du judaïsme européen qui avait versé dans la révolution s’est vu confronté au stalinisme, qui a lui aussi contribué de façon décisive au succès du sionisme.

Et aujourd’hui ?

Shlomo Sand dit que même un enfant né d’un viol a droit à l’existence. Bien sûr, les Juifs vivants en Israël resteront, mais ils resteront sur la base d’une égalité des droits. Quand on parle d’un État juif et démocratique, Sand dit qu’il s’agit là d’un oxymore. Si on y supprime la discrimination, la colonisation, ce pays-là n’est plus Israël… Il ne pourra pas y avoir de paix avec le sionisme, de même qu’en Afrique du Sud, il ne pouvait pas y avoir de paix avec le maintien de l’apartheid.

Voir aussi « Révolutionnaires au cœur de l’Europe » : http://www.cqfd-journal.org/Revolutionn ... coeur-de-l


Notes

[1] Pierre Stambul, Israël/Palestine. Du refus d’être complice à l’engagement, Acratie 2012.

[2] Shlomo Sand, Comment le peuple juif fut inventé, Fayard 2008. Et Comment la terre d’Israël fut inventée, Flammarion 2012.

http://www.cqfd-journal.org/Les-fantomes-du-Shtetl
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Re: Palestine / Israël

Messagede Pïérô » 03 Nov 2013, 10:53

Vidéo, conférence et débat du 2 fevrier 2013 à Paris à l'EDMP




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Re: Palestine / Israël

Messagede bipbip » 10 Juil 2014, 12:45

Israël contre le judaïsme

Yakov Rabkin a choisi un titre plus « soft » pour son dernier livre : Comprendre l’État d’Israël. Idéologie, religion, société.
Mais le fond du propos est bien celui-ci. Beaucoup de juifs qui ont émigré vers l’Israël pensent que c’est le seul moyen de vivre leur judaïsme. Yakov est un juif religieux auteur d’un précédent ouvrage : Au nom de la Torah, une histoire de l’opposition juive au sionisme (2004). Lors de ma première conférence publique en 2002 sur la guerre israélo-palestinienne, j’avais eu cette intuition : « pour construire l’Israélien nouveau, il a fallu tuer le juif ». Un juif athée et un juif religieux arrivent à peu près à la même conclusion : la société israélienne a éradiqué l’histoire, la mémoire, les identités, les langues, les traditions et les valeurs du judaïsme. Quelque part cette société qui a dérivé vers le colonialisme et l’apartheid est tout sauf fidèle à la continuité juive. L’universitaire israélien Amnon Raz-Krakotzkin a bien saisi le paradoxe du sionisme fondé par des juifs athées ou agnostiques : « Dieu n’existe pas et il nous a promis cette terre ».
C’est pourquoi son compatriote Shlomo Sand dans son commentaire sur ce livre dit : « Celui qui voit dans le sionisme une continuation du judaïsme ferait bien de lire ce livre. Mais celui qui croit que l’État d’Israël est un État juif est obligé de le lire ».


La tradition juive contre le nationalisme ethnique et le racisme

On a souvent une idée fausse avec l’image du colon religieux maltraitant les Palestiniens et proclamant que « Dieu a donné cette terre au peuple juif ». Or l’abdication du pouvoir politique en cette terre promise par Dieu fait partie intégrante de la tradition juive qui a des liens organiques avec l’exil. C’est lui qui non seulement a assuré la survie des Juifs à travers les siècles mais constitue un concept judaïque fondamental. Pour les juifs que l’on surnomme souvent « ultra-orthodoxes », « l’exil sert d’hôpital à notre peuple. Il n’est pas concevable que nous prenions le contrôle de notre terre avant d’être guéris ». Dans le Talmud, Dieu enjoint les exilés de ne pas y rentrer en force et en masse. L’État d’Israël ne serait alors qu’une entrave sur le chemin de la rédemption messianique.

La question incontournable du sionisme

« L’Israélien ne perpétue pas le Juif, il le métamorphose ». La phrase est de Malraux. En effet, Yakov rappelle que le sionisme a des origines protestantes, d’où le fait que le sionisme chrétien constitue actuellement une force politique considérable. Pour les chrétiens sionistes, qui font une lecture littérale de la Bible, la concentration des juifs en terre promise accélèrerait le deuxième avènement du Christ. Certains de ces fondamentalistes prônent un isolement des populations arabes dans des réserves de type nord-américain.
Les fondateurs juifs du sionisme n’étaient pas croyants, mais ils ont récupéré un discours religieux.
Dès ses débuts, le mouvement sioniste vise à réaliser une colonisation européenne en Asie occidentale et son modèle, c’est ce qui s’est fait en Amérique du Nord ou en Australie. Là-bas, les colonies de peuplement ont réussi à déloger, déposséder ou massacrer les autochtones.

La « nationalité juive » n’est qu’une invention du 19e siècle. Yakov cite le grand philosophe Yeshayahou Leibowitz : « il y a une sorte de prostitution des valeurs du judaïsme qui consiste à se servir d’elles comme couverture pour satisfaire des pulsions et des intérêts nationalistes ».
Le sionisme a également inventé une nouvelle langue, l’hébreu, au détriment des langues juives, surtout le yiddish, jugées trop liées à l’exil. Cette utilisation/transformation de la langue religieuse en une langue vernaculaire est une offense pour de nombreux juifs orthodoxes et constitue une autre rupture avec la tradition juive. Cet attribut du nationalisme ethnique va de pair avec la fabrication du « nouvel homme hébreu » musclé et intrépide, ce qui est à l’antithèse de l’image du juif pieux.

Israël et le génocide

La mémoire du génocide est devenue le paravent derrière lequel les dirigeants israéliens se cachent en toute occasion pour justifier leur politique à l’égard des Palestiniens. Yakov rappelle que si ces dirigeants se servent de l’antisémitisme et du génocide, ils les ont bien peu combattus. Ils ont torpillé les tentatives d’offrir aux juifs fuyant le nazisme et plus tard aux survivants, tout abri ailleurs qu’en Palestine. Dès 1938, à la conférence d’Évian où la plupart des pays rechignent à accueillir les Juifs allemands et autrichiens, les sionistes demandent que la seule destination possible pour eux soit la Palestine mandataire. Pour les sionistes, l’important c’est la construction de l’État et pas la survie des individus. Yakov cite un de leurs dirigeants : « c’est par le sang que nous aurons un État ». C’est à cet objectif politique que sert l’accord avec les Nazis (signé en 1933) permettant, à l’encontre du boycottage économique alors en vigueur, l’exportation des biens allemands vers la Palestine, achetés avec les capitaux appartenant aux dizaines de milliers de Juifs allemands autorisés à partir. Après la guerre, les survivants du génocide ont été diffamés en Israël, accusés « d’aller comme des brebis à l’abattoir ». Marek Edelman (commandant en second de l’insurrection du ghetto de Varsovie) et le Bund, parti révolutionnaire juif auquel il appartenait, ont été sciemment occultés parce qu’opposés au sionisme. Le livre d’Hannah Arendt « Eichmann à Jérusalem » a mis 37 ans pour être traduit en hébreu.

Juifs athées et juifs harédis

Si sur beaucoup de terrains, les critiques radicales du sionisme et de la politique israélienne formulées par les juifs athées et les juifs pieux se retrouvent, des différences importantes subsistent.
Yakov, né et éduqué à Leningrad, met en relief les contributions des juifs russes au sionisme sans dire que la déception qui a suivi l’espoir et l’adhésion à la révolution (avec le stalinisme et le retour de l’antisémitisme) a considérablement renforcé le sionisme. En esquissant l’engagement massif des Juifs russes contre le régime du tsar à partir de 1880, il signale que la tradition juive décourage le recours à la force contre les voisins non-juifs sauf des les cas d’autodéfense. Mais il ne parle pas de la lutte des classes. Or c’est la prolétarisation des juifs de l’empire tsariste et les pogroms organisés par le régime qui ont provoqué perte de religion et engagement révolutionnaire.
Yakov rappelle que la plupart des juifs, religieux ou athées, ont été étrangers ou hostiles au sionisme avant la Deuxième guerre mondiale. Le rabbin Kook (mort en 1935) était une exception en liant religion et terre, ce qui a permis à son fils de former des disciples devenus les fers de lance de la colonisation. L’auteur indique que les Loubavitchs, eux aussi, étaient hostiles au sionisme mais il manque des explications sur la transformation des Loubavitchs en avocats de la colonisation. Idem pour le parti religieux (séfarade) Shass, au départ non sioniste. De façon générale, le passage d’une majorité des religieux d’une position non sioniste ou antisioniste vers l’adhésion aux thèses nationalistes aurait mérité d’être longuement expliqué.
L’hostilité des harédis au recours à la force ne vise pas seulement l’armée israélienne actuelle. Yakov les a rencontrés et les a fait parler (en particulier le groupe Netourei Karta). Pour les harédis, la résistance armée au nazisme ou l’insurrection du ghetto de Varsovie n’ont pas de sens car ils voient le génocide comme une punition divine. Là bien sûr, le misérable athée que je suis ne peut pas accepter d’autant qu’une telle conception désarme complètement le nécessaire combat contre le fascisme et la barbarie.
Difficile aussi d’accepter la participation de rabbins antisionistes à la conférence de Téhéran organisée par Ahmadinedjad. Même s’ils ont parlé à Téhéran des membres de leur famille victimes du génocide, leur participation à une « conférence » au côté de Faurisson est un cadeau formidable fait aux propagandistes sionistes.

Comment on en est arrivé là

Yakov rappelle la religion de l’Etat qui s’est instaurée : « il n’y aura plus de Shoah parce que notre État saura nous protéger ». Il montre comment dès le départ, les sionistes prônaient la ségrégation sociale et politique ; Herzl lui-même déclarait : « les Juifs constituent un élément étranger et destructeur pour les pays où ils habitent ». Un antisémite n’aurait pas dit mieux.
Yakov analyse les étapes de la création d’Israël, le départ prémédité de 800000 Palestiniens et leurs villages détruits. Il montre l’apparition d’un solide racisme contre les juifs arabes, accusés d’avoir la culture de l’ennemi. Il fait l’historique du courant religieux antisioniste qui persiste et refuse de reconnaître l’État d’Israël. Un rabbin de ce courant a été ministre dans le premier gouvernement palestinien après les accords d’Oslo.
À l’intérieur du sionisme, il n’y a pas vraiment de différence entre « gauche » et « droite ». Au niveau mondial, la droite soutient le sionisme parce qu’il incarne un modèle de colonialisme triomphant. Israël est devenu un État oppressif, un État d’apartheid, un pays à l’avant-garde de la « communauté internationale » telle que l’ont constituée les élites occidentales.
Tout ceci, les Palestinien-ne-s et les militant-e-s qui soutiennent les droits du peuple palestinien le savaient. Ce qu’ajoute avec brio Yakov Rabkin, c’est que l’entreprise sioniste et l’État d’Israël qui l’incarne constituent une rupture radicale avec ce que l’on a toujours entendu comme juif.

Pierre Stambul

Comprendre l’Etat d’Israël. Idéologie, religion, société.
Yakov Rabkin, Montréal,
Écosociété, 2014, 270 pages

http://www.ujfp.org/spip.php?article3300
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Re: Palestine / Israël

Messagede Béatrice » 19 Avr 2015, 17:20


Jérusalem : du mythe au nettoyage ethnique


Le 7 juin 1967, l’armée israélienne s’emparait de Jérusalem Est. Cette conquête fut sanglante. Les lieux où, par centaines, les soldats jordaniens sont tombés, ont été nettoyés et leur mémoire a été oubliée.

Les sionistes fêtent le 7 juin, niant plus que jamais l’histoire, la dignité et la mémoire du peuple palestinien. C’est ainsi qu’aura lieu le 7 juin 2015 à Montpellier la 39e journée de Jérusalem. Ces festivités négationnistes sont indignes.

Dans son livre « Comment la terre d’Israël fut inventée », l’historien israélien Shlomo Sand, qui faisait son service militaire, décrit le messianisme dévoyé qui s’empare de l’armée et de la population israéliennes au moment de la conquête.

L’annexion


Par milliers, croyants ou pas, les Israéliens affluent au Mur des Lamentations, qui est le vestige du mur de soutènement (dit mur occidental) du deuxième temple détruit par Titus en 70 après Jésus-Christ. Pourtant, il semble bien que ce mur ait été construit très peu de temps auparavant, alors que la Judée avait déjà été totalement soumise par les Romains, ce qui rend peu compréhensible sa valeur symbolique.
Dès la prise de Jérusalem Est, la chanson « Yéroushalayim shel zahav » (= Jérusalem d’or) de Naomi Shemer, devient un « tube » mondial. Le dernier couplet célèbre « la réunification » de Jérusalem.
Très vite, la ville est annexée par un vote de la Knesset (le Parlement israélien) et Jérusalem devient par ce texte la « capitale indivisible » de l’Etat d’Israël (statut qui ne sera pas reconnu par la grande majorité des pays). La propagande présentera désormais Jérusalem comme le symbole exclusif du judaïsme. La partie annexée est 10 fois plus grande que la Jérusalem jordanienne : elle va de Ramallah à Bethléem et coupe en deux la Cisjordanie rendant impossible tout « Etat palestinien » sur le reste des territoires occupés. Ce « grand Jérusalem » annonce déjà la colonisation.

Du mythe à la réalité


Les fondateurs du sionisme, dans leur majorité, n’étaient pas croyants. Mais ils ont utilisé la Bible comme un livre de conquête coloniale. Ils ont considéré que les faits décrits dans la Bible étaient des événements historiques qui justifiaient leur « retour » après un long exil. On sait aujourd’hui que cette théorie de l’exil et du retour est une fiction.
En ce qui concerne Jérusalem, les faits décrits dans la Bible concernant le « royaume unifié » de David et Salomon sont tout à fait légendaires. L’archéologie est têtue : à l’époque présumée de ce royaume, Jérusalem était un village de l’âge de fer d’au plus quelques centaines d’habitants. Le grand temple, la reine de Saba, c’est une belle histoire, mais c’est une légende. S’il y a eu un roi David, c’était tout au plus un conducteur de troupeaux. Pourtant aujourd’hui, dans le quartier palestinien de Silwan, on détruit des maisons, on expulse par milliers les habitants, on arrête les résistants au nom du roi David. L’occupant a déclaré que ce grand roi avait vécu là. Alors on construit la maison du roi David, le parc du roi David, le musée du roi David et on « judaïse » ce quartier à coup de bulldozers et d’expéditions policières punitives.
Pour essayer de « prouver » que les archéologues et les historiens ont tort de nier l’historicité du récit biblique, le gouvernement israélien multiplie les provocations en creusant des tunnels sous l’esplanade des mosquées. Tout ce qui est découvert est très antérieur ou très postérieur à la période mythique.

Jérusalem et les Juifs


Après l’écrasement de la dernière grande révolte juive (Bar-Kokhba, 135 après Jésus-Christ), la ville a été rasée et interdite aux Juifs. La population de la région s’est en majorité convertie au christianisme, puis, après la conquête arabe du VIIe siècle en majorité à l’islam. Après la prise de la ville par les Arabes en 637 après Jésus-Christ, le calife Omar a autorisé les Juifs, jusque là bannis par les Byzantins, à revenir à Jérusalem.
Deux mosquées (al-Aqsa et le Dôme du Rocher) ont été construites sur la colline où se trouvait le temple détruit et la ville est devenue un lieu saint de l’islam.
Le christianisme a fait de Jérusalem un symbole. Les pèlerinages chrétiens se sont multipliés et la « délivrance du Saint-Sépulcre » a servi de prétexte aux Croisades.
Pour les Juifs, rien de semblable. Quasiment aucun pèlerinage. La religion juive est une religion messianique de l’exil. Pour les Juifs orthodoxes (harédis), le retour à Jérusalem avant l’arrivée du Messie est interdit. « L’an prochain à Jérusalem », ça ne veut pas dire « ôte-toi de là que je m’y mette, je vais construire un Etat à Jérusalem », ça exprime simplement le souhait de l’arrivée prochaine du Messie.
Après 1492, quand les Juifs chassés d’Espagne sont accueillis par l’empire ottoman, leurs principales destinations seront Salonique, Smyrne, Sarajevo. Certains s’installeront en Galilée (à Safed) mais pas à Jérusalem qui est une conquête récente ottomane.
C’est vers 1800 que quelques Juifs venus principalement de Pologne ou du Maroc s’installent à Jérusalem. Ils sont très religieux et se regroupent dans le quartier de Méa Sharim.
La propagande sioniste essaie aujourd’hui de dire à coup de pseudo recensements, que les Juifs sont majoritaires à Jérusalem depuis 200 ans. Double invention. La mère de Leila Shahid, Sirine Husseini (décédée en 2008) décrit la municipalité de Jérusalem que dirigeait son père où musulmans, chrétiens et juifs cohabitaient en bonne intelligence au conseil municipal. Les Juifs palestiniens n’étaient pas sionistes, ils craignaient que cette idéologie n’affecte les bons rapports qu’ils avaient avec les musulmans et les chrétiens.

D’un nettoyage ethnique à l’autre


Le plan de partage de 1947 avait prévu que Jérusalem serait internationalisé (au milieu de l’Etat palestinien) et serait la ville sainte des 3 grandes religions monothéistes. Depuis les années 30, il y avait un accord secret de partage de la Palestine entre les sionistes et la dynastie hachémite (le roi de Jordanie, lire à ce sujet La guerre de 1948 en Palestine d’Ilan Pappé). C’est parce que la future armée israélienne violait cet accord en attaquant un à un tous les villages palestiniens entre Tel-aviv et Jérusalem que la légion arabe jordanienne est entrée en guerre. Le 9 avril 1948, les milices fascistes de l’Irgoun (dirigée par Menachem Begin) et du groupe Stern (dirigé par Yitzhak Shamir) ont massacré la population civile du village de Deir Yassin situé à 5 Km du centre de Jérusalem. Le but était de provoquer l’exode de la population palestinienne. Quand la guerre a éclaté officiellement le 15 mai 1948, la quasi-totalité des Palestiniens habitant l’Etat donné par l’ONU aux Juifs avaient déjà été contraints à l’exil.
Deir Yassin fait partie des centaines de villages palestiniens rayés de la carte. C’est en face de là que les Israéliens ont construit le musée du génocide nazi Yad Vashem. Sur le territoire de Deir Yassin, il y a aujourd’hui le « nouveau quartier » de Givat Shaul. Le tunnel routier qui passe en dessous s’appelle Menachem Begin (du nom de l’assassin). Et les victimes de l’attentat antisémite de la Porte de Vincennes ont été enterrées au cimetière de Givat Shaul. Quel symbole !
Pour avoir les mains libres à Jérusalem, les terroristes du groupe Stern assassinent le 17 septembre 1948 le représentant de l’ONU Bernadotte et son adjoint, le colonel Sérot. Les assassins parfaitement identifiés seront intégrés dans le premier gouvernement israélien d’union nationale.
Jérusalem Ouest, agrandi avec les « nouveaux quartiers », est vidée de toute présence palestinienne. Des nouveaux immigrants s’y installent.
Au moment de l’armistice de 1949, la partie Est de Jérusalem échappe aux Israéliens. Elle contient la vieille ville et quelques quartiers autour. Jérusalem-Est est annexée par la Jordanie. Il n’y a qu’un seul point de passage (surtout pour les pèlerins) entre les deux parties de la ville, c’est la porte Mandelbaum. Et pour accéder à Jérusalem Ouest, malgré les nombreux villages rasés, les Israéliens doivent contourner l’enclave de Latrun restée jordanienne.
En 1949, Ben Gourion avait été accusé par la « droite sioniste » de ne pas avoir conquis toute la Palestine mandataire. Il s’était justifié en expliquant que ce n’était que partie remise. En juin 1967, les sionistes sont maîtres de toute la Palestine. Environ 250000 Palestinien-ne-s sont expulsé-e-s, s’ajoutant aux millions de réfugié-e-s. Et à Jérusalem Est, le nettoyage commence.

Effacer la présence et la mémoire palestiniennes


Dès la conquête, la vieille ville est séparée en quatre « quartiers » : chrétien, arménien, musulman et juif. Dans le quartier juif, toute la population palestinienne est expulsée. Elle est remplacée par des riches venus d’Israël ou des Etats-Unis. On trouve dans ce quartier juif qui jouxte le Mur des Lamentations un musée sur les gens expulsés en 1948 et leur martyr. Il ne s’agit pas des 800000 Palestinien-ne-s chassé-e-s au moment de la Nakba, mais des quelques centaines de Juifs qui vivaient dans la partie de la Palestine qui a été jordanienne entre 1948 et 1967. La manipulation de la mémoire est en marche.
Très vite, les Israéliens vont réquisitionner des terres qu’ils affirment « vacantes » pour construire des « nouveaux quartiers ». Ils ont pour nom Ramot, Atarot, Gilo, Pisgat Zeev et, plus loin du centre, Gush Etzion et Maale Adoumim.
Har Homa était une splendide forêt entre Bethléem et Jérusalem. Elle a mystérieusement brûlé le premier jour des discussions entre Yasser Arafat et Ehud Barak. C’est aujourd’hui une colonie en pleine extension, prévue pour 30000 habitants et qui sépare totalement Bethléem de Jérusalem.
La judaïsation de Jérusalem Est recevra une aide extérieure : ce sont des capitalistes français (Alstom et Véolia) qui construiront le tramway reliant Pisgat Zeev au centre ville. Ce sont les Chrétiens sionistes américains (d’authentiques antisémites) qui financeront la construction de Maale Adoumim. Cette luxueuse colonie de 40000 habitants domine le désert de Judée, coupe en deux la Cisjordanie en rendant impossible tout Etat palestinien viable et pille l’eau de la région. Elle servira aussi de prétexte à l’expulsion des Bédouins qui ont toujours vécu le long de la route qui descend à Jéricho et à la confiscation de leurs terres.
Avec les accords d’Oslo, la « Maison d’orient » dirigée par Fayçal Husseini (décédé en 2001) était censée défendre les droits des Palestiniens de Jérusalem. Ceux-ci ont « bénéficié » d’un statut à part après 1967 : ni citoyens, ni étrangers mais « résidents ». Ils bénéficient de la plaque orange sur les voitures qui leur permet de se déplacer plus facilement. Ils disposent du droit de vote aux élections municipales (ils ne s’en servent pas car ils ne reconnaissent pas l’annexion) mais pas aux élections nationales. Tout est fait (notamment le prix des loyers et l’impossibilité pour eux de construire des logements) pour les pousser à quitter Jérusalem et donc à perdre leur statut de résident.
Ariel Sharon avait compris l’enjeu que représente Jérusalem. Il avait acquis une maison en plein « quartier musulman » de la vieille ville avec plein de drapeaux israéliens et la présence pesante de nombreux soldats. C’est à Jérusalem, sur l’esplanade des mosquées le 28 septembre 2000, qu’il a fait la provocation qui a déclenché la deuxième Intifada et l’a mené au pouvoir.
En 2001, la maison d’Orient a été fermée.
Dans toutes les négociations (qui étaient en fait des demandes de capitulation) entre Israéliens et Palestiniens, les premiers sont restés « inflexibles ». Même les travaillistes ont signifié que tous les « nouveaux quartiers » resteraient israéliens et ils ont proposé qu’Abu Dis (petite ville palestinienne incluse dans le grand Jérusalem et séparée de la ville par le tracé du mur) devienne la capitale de l’Etat palestinien.

Jérusalem, ville de résistance

Aujourd’hui il y a un peu moins de 300000 habitants à Jérusalem-Ouest et un peu plus de 500000 à l’Est. Les Palestinien-ne-s sont à peine majoritaires dans ce qui aurait dû être en théorie la capitale de leur Etat.
Les attaques sont incessantes dans les quartiers palestiniens et on parle d’une troisième Intifada qui commencerait à Jérusalem. La tension est extrême dans tous les quartiers :
- Silwan où, depuis 1991, des centaines de colons intégristes sont installés, provoquant la bunkerisation du quartier et une répression permanente contre la population. À plusieurs reprises des enfants ont été arrêtés.
- Cheikh Jarrah, quartier envahi par des colons depuis 2000 et bien sûr la cour suprême leur a donné raison. Dans ces deux quartiers, des comités de citadins organisent la résistance
- La vieille ville. Depuis longtemps, une secte intégriste menace de dynamiter l’esplanade des mosquées pour reconstruire le Temple. Jusque-là, ils ne pouvaient pas accéder à l’esplanade. En les laissant parader et revendiquer le droit pour les Juifs de venir prier au mont du Temple, Nétanyahou les utilise pour provoquer des violences quand il le décide.
- C’est dans le quartier palestinien de Chouafat qu’un jeune Palestinien de 16 ans, Mohamed Abou Khdeir a été brûlé vif par des colons quelques jours avant le début de l’attaque contre Gaza en juillet 2014.
- C’est à Jérusalem qu’une école mixte pour Juifs et Arabes a été incendiée et couverte de slogans racistes : « mort aux Arabes, stop à l’assimilation ».

Alors non. Jérusalem n’est pas la « capitale indivisible » d’un Etat juif qui opprime les non-Juifs. Cette ville appartient à tout le monde, croyants de toutes les religions ou non-croyants. C’est à Jérusalem que doit être imposée la seule solution raisonnable à cette guerre séculaire : l’égalité totale des droits et le vivre ensemble.

Pierre Stambul
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Re: Palestine / Israël

Messagede Pïérô » 07 Oct 2015, 07:45

Emission l’Egregore du 14 septembre 2015

Antisionisme Antisémitisme

Au cours d’un des débats des rencontres libertaires d’Eychenat, Pierre Stambul revient sur le sur l’antisémitisme, le sionisme (de sa naissance à l’Etat d’Israël), et sur l’antisionisme.

La guerre qu’Israël mène contre le peuple palestinien avec son cortège de nettoyages ethniques et de crimes de guerre n’a commencé ni en 1967, ni même en 1948. Elle remonte au début du XXe siècle quand les sionistes ont commencé leur conquête coloniale.

La question du sionisme est centrale comme l’était celle de l’apartheid quand il a fallu imaginer un autre avenir pour l’Afrique du Sud.

Le sionisme est à la fois une fausse réponse à l’antisémitisme, un nationalisme, un colonialisme et une manipulation de l’histoire, de la mémoire et des identités juives. Il est aussi une idéologie prétendant transformer les anciens parias de l’Europe jugés inassimilables en colons européens en Asie.

« Le sionisme en question », Pierre Stambul
ed. Acratie - 6 euros – 68 pages – 2014

à écouter : http://oclibertaire.free.fr/spip.php?article1729
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Re: Palestine / Israël

Messagede René » 09 Déc 2015, 13:28

LE SIONISME EXPLIQUÉ EN DEUX PAGES

Cité dans Mondialisation et micro-nationalismes
René Berthier
Éditions Acratie, 1998


Les grands projets politiques n'ont parfois pas besoin d'être longuement analysés, parce que leurs auteurs exposent sans détour leurs intentions réelles. C'est particulièrement vrai dans un texte datant de 1923 « Le Mur d'acier », dont l'auteur est Wladimir Jabotinsky,
fondateur du sionisme dit « révisionniste », c'est-à-dire un sionisme d'extrême droite qui rejetait la façade libérale et sociale du sionisme originel.

Voici ce qu'il dit :

« LE MUR D'ACIER »

« Il ne peut être question d'une réconciliation volontaire entre nous et les Arabes, ni maintenant ni dans un futur prévisible. Toute personne de bonne foi, mis à part les aveugles de naissance, a compris depuis longtemps l'impossibilité complète d'aboutir à un accord volontaire avec les Arabes de Palestine pour la transformation de la Palestine d'un pays arabe en un pays à majorité juive. Chacun d'entre vous a une compréhension globale de l'histoire de la colonisation. Essayez de trouver un seul exemple où la colonisation d'un pays s'est faite avec l'accord de la population autochtone. Ça ne s'est produit nulle part.
« Les autochtones combattront toujours obstinément les colonisateurs – et c'est du pareil au même qu'ils soient civilisés ou non. Les compagnons d'armes de Hernan Cortez ou de Francisco Pizarre se sont conduits comme des brigands. Les Peaux-Rouges ont combattu avec ferveur et sans compromis les colonisateurs au bon cœur comme les méchants. Les indigènes ont combattu parce que toute forme de colonisation n'importe où à n'importe quelle époque est inacceptable pour le peuple indigène.
« Tout peuple indigène considère son pays comme sa patrie, dont il veut être totalement maître. Il ne permettra pas de bon gré que s'installe un nouveau maître. Il en est ainsi pour les Arabes. Les partisans du compromis parmi nous essaient de nous convaincre que les Arabes sont des espèces d'imbéciles que l'on peut tromper avec des formulations falsifiées de nos buts fondamentaux. Je refuse purement et simplement d'accepter cette vision des Arabes palestiniens.
« Ils ont exactement la même psychologie que nous. Ils considèrent la Palestine avec le même amour instinctif et la ferveur véritable avec laquelle tout Aztèque considérait Mexico ou tout Sioux sa prairie. Tout peuple combattra les colonisateurs jusqu'à ce que la dernière étincelle d'espoir d'éviter les dangers de la conquête et la colonisation soit éteinte. Les Palestiniens combattront de cette façon jusqu'à ce qu'il n'y ait pour ainsi dire plus une parcelle d'espoir.
« Peu importe les mots que nous utilisons pour expliquer notre colonisation. La colonisation a sa propre signification intégrale et inévitable qui est comprise par tous les Juifs et tous les Arabes. La colonisation n'a qu'un but. C'est dans la nature des choses. Changer cette nature est impossible. Il était nécessaire de mener la colonisation contre la volonté des Arabes palestiniens et cette nécessité existe aujourd'hui de la même manière. Même un accord avec les non-Palestiniens est une lubie du même type. Pour que les nationalistes arabes de Bagdad, de La Mecque et de Damas acceptent de payer un tel prix, il faudrait qu'ils refusent de maintenir le caractère arabe de la Palestine.
« Nous ne pouvons offrir aucune compensation contre la Palestine, ni aux Palestiniens ni aux Arabes. Par conséquent, un accord volontaire est inconcevable. Toute colonisation, même la plus réduite, doit se poursuivre au mépris de la volonté de la population indigène. Et donc, elle ne peut se poursuivre et se développer qu'à l'abri du bouclier de la force, ce qui veut dire un Mur d'acier que la population locale ne pourra jamais briser. Telle est notre politique arabe. La formuler de toute autre façon serait de l'hypocrisie.
« Que ce soit au travers de la déclaration Balfour ou au travers du mandat, l'exercice d'une force étrangère est une nécessité pour établir dans le pays les conditions d'un pouvoir et d'une défense par lesquels la population locale, quels que soient ses désirs, soit privée de la possibilité d'empêcher la colonisation, par des moyens administratifs ou physiques. La force doit jouer son rôle – brutalement et sans indulgence. De ce point de vue, il n'y a pas de différence significative entre nos militaristes et vos végétariens. Les uns préfèrent un Mur d'acier fait de baïonnettes juives, les autres un Mur d'acier constitué de baïonnettes anglaises.
« Au reproche habituel selon lequel ce point de vue est immoral, je réponds “absolument pas”. C'est notre morale. Il n'y a pas d'autre morale. Aussi longtemps qu'il y aura la moindre étincelle d'espoir pour les Arabes de nous résister, ils n'abandonneront pas cet espoir, ni pour des mots doux ni pour des récompenses alléchantes, parce qu'il ne s'agit pas d'une tourbe mais d'un peuple, d'un peuple vivant. Et aucun peuple ne fait de telles concessions sur de telles questions concernant son sort, sauf lorsqu'il ne reste aucun espoir, jusqu'à ce que nous ayons supprimé toute ouverture visible dans le Mur d'acier. »


Ce texte a le mérite d'être extrêmement explicite, et il est frappant de constater qu'il n'y transparaît aucun mépris pour les Palestiniens. Ce sont des adversaires qu'il faut battre et Jabotinsky le dit sans hypocrisie, ce qui ne sera pas le cas des dirigeants israéliens après la fondation de l'Etat, qui nieront l'existence même d'un peuple palestinien, ce que ne fait pas du tout Jabotinsky.
La lecture de ce texte ne laisse par ailleurs aucune ambiguïté sur le caractère colonial du projet sioniste.
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Re: Palestine / Israël

Messagede Pïérô » 21 Mai 2017, 01:20

Infographie : 1948, la Nakba

Chaque 15 mai, le peuple palestinien commémore la « Nakba », son exode forcé consécutif à la violence des forces sionistes et à la création de l’Etat d’Israël en 1948. Aujourd’hui ces réfugiés chassés de leurs terres et leurs descendants sont plus de 5 millions à vivre en Cisjordanie, à Gaza ou à l’étranger. 69 ans plus tard, leur droit au retour est toujours bafoué.


Image


Télécharger l’infographie : http://www.plateforme-palestine.org/IMG ... a_1948.png

http://plateforme-palestine.org/Infogra ... 8-la-Nakba
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Re: Palestine / Israël

Messagede bipbip » 25 Mai 2017, 22:39

Juin 1967, une guerre de six jours qui n’en finit pas

Le 5 juin 1967 au matin, l’aviation militaire israélienne, en une heure, détruit au sol ses homologues égyptienne et syrienne. La « guerre des Six-Jours », comme l’ont appelée ensuite les Israéliens, n’aura duré en réalité qu’une heure. La suite fut une conquête rapide par Israël, du Sinaï d’abord, ensuite de la Cisjordanie (alors territoire jordanien), puis du plateau du Golan syrien.

En cinquante ans, l’espace proche-oriental a été bouleversé, de la révolution islamique en Iran de 1979 aux récents « printemps arabes », en passant par les multiples crises pétrolières, la montée en puissance de l’islam politique sous toutes ses formes ou… celle de la question palestinienne. Car, beaucoup l’ont oublié, jusqu’en 1967 la Palestine avait quasi disparu des agendas diplomatiques pour ne se résumer qu’à un enjeu humanitaire, celui des réfugiés. Malgré tous ces bouleversements et bien d’autres, cinquante ans après, Israël a restitué le Sinaï à l’Égypte, mais préservé sa domination sur tous les autres territoires conquis en 1967 et sur leurs populations. Quant au problème palestinien, devenu celui de la création d’un État palestinien, il n’a toujours pas trouvé de solution.

Orient XXI a décidé de consacrer un dossier à cette guerre et à ses conséquences à l’occasion de son 50e anniversaire. De très nombreux ouvrages sont parus depuis sur le sujet et nous ne prétendons pas faire ici œuvre d’exhaustivité, mais rappeler le contexte régional et international — de vigueur du nationalisme arabe et de « guerre froide » entre les USA et l’URSS — dans lequel cette guerre a été menée ; évoquer une série de ses aspects restés à ce jour peu connus ou évoqués, comme l’expulsion par Israël de centaines de milliers de civils de Cisjordanie et du Golan dès les lendemains de la guerre, ou encore analyser son impact sur les sociétés des pays concernés (et aussi sur le sort des communautés juives du Maghreb).

Nous publierons un ou deux articles par semaine pendant quelques semaines. Le premier de notre série est une interview d’Henry Laurens, titulaire de la chaire d’histoire contemporaine du monde arabe au Collège de France et auteur de La Question de Palestine, en cinq volumes, chez Fayard.

... http://orientxxi.info/dossiers/juin-196 ... t-pas,1873
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Re: Palestine / Israël

Messagede Pïérô » 07 Juil 2017, 00:30

Infographie : 50 ans d’occupation militaire en Palestine

Depuis sa victoire lors de la guerre des Six Jours en 1967, Israël maintient le Territoire palestinien ainsi que le plateau du Golan sous occupation militaire. Cette occupation, devenue permanente, dure aujourd’hui depuis un demi siècle au mépris du droit international.

... https://plateforme-palestine.org/Infogr ... -Palestine
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Re: Palestine / Israël

Messagede bipbip » 16 Juil 2017, 17:05

Comment l’occupation a fini d’imposer la mentalité coloniale à la société israélienne

Juin 1967, une guerre de six jours qui n’en finit pas

En 1967, le rêve sioniste d’une « société juive » régnant exclusivement sur une terre qui n’appartient qu’à elle s’est évanoui, avec la conquête de nouveaux territoires qui bouleversent le rapport démographique entre juifs et Palestiniens. En cinquante ans d’occupation, la culpabilité qui fondait autrefois le déni israélien de la Nakba a peu à peu cédé la place à une mentalité coloniale et à une indifférence quasi générale aux souffrances infligées aux Palestiniens, au plus grand bénéfice des partis d’extrême droite.

La réalisatrice israélienne Anat Even vient de terminer un documentaire sur un quartier de la ville de Jaffa nommé Manshiyah. Une scène montre un urbaniste expliquant à un groupe d’étudiants l’histoire du lieu, dont les résidents, pour beaucoup des juifs orientaux, ont été expulsés à la charnière des années 1960-1970 pour faire place à un complexe commercial. Le professeur qui accompagne les étudiants lui demande alors pourquoi il ne rappelle pas qu’auparavant, ce quartier avait été habité par des Palestiniens expulsés de force en 1948. « Ce sont des faits historiques », dit-il. Réponse de l’urbaniste, rigolard : « Fuck history » — j’emmerde l’histoire... Et d’ajouter que, de tout temps, ce sont les vainqueurs qui font l’histoire. L’anecdote peut servir de métaphore à une évolution essentielle qu’a connue la société juive israélienne en cinquante ans. Car l’urbaniste ne cherche pas à nier la réalité de ce qui est advenu en 1948 à Jaffa, dont 90 % des habitants furent expulsés ou s’enfuirent durant l’offensive des forces juives dans les semaines précédant la création d’Israël. Au contraire, il assume. Au diable l’histoire.

Son attitude est emblématique parce qu’elle est contemporaine et s’oppose à celle longtemps entretenue dans le discours public. Après l’établissement d’Israël, en effet, le déni de l’expulsion des Palestiniens était constitutif de l’argumentaire sioniste. Comme l’a martelé David Ben Gourion, le fondateur de l’État : « nous n’avons pas expulsé un seul Arabe ». Le récit national israélien voulait que les Palestiniens soient tous partis volontairement. Mais aujourd’hui, même si le déni reste très vivace, reconnaître leur expulsion est communément beaucoup plus accepté. Pour une raison simple : expulser à nouveau les Palestiniens vivant sous autorité israélienne est une idée devenue plus légitime. Pour une grande part de l’opinion publique, c’est « la solution ». On sait la chose irréaliste actuellement, pourtant le souhait reste ardent. Et depuis maintenant deux décennies, l’opinion est régulièrement interrogée par les sondeurs pour connaître son rapport au « transfert », version politiquement correcte du mot « expulsion ». Être pour le transfert signifie vouloir se débarrasser de la population arabe. Que dirait-on, en France, si un institut décidait de sonder l’opinion quant à son désir de voir expulser les Arabes, les musulmans, les noirs, les juifs ou les bossus du territoire national ? En Israël, très peu jugent illégitime le principe même de poser la question.

Ce qui fondait le déni de l’expulsion des Arabes de Palestine, c’était la conscience que cet acte n’était pas conforme à l’éthique dont le sionisme entendait se parer. Le sujet du « transfert » de la population palestinienne hors du futur État juif avait été longuement débattu au Congrès sioniste de Zurich en 1937(1), or ces débats furent maintenus secrets (ils le sont restés jusqu’aux années 1990). Et lorsque l’épuration ethnique fut mise en œuvre en 1948-1950, elle apparut suffisamment déshonorante aux yeux des dirigeants sionistes pour qu’ils la nient (en accusant les victimes d’être la cause de leur propre malheur). C’est une culpabilité inavouable qui fondait ce déni ; c’est elle qui a progressivement disparu en Israël avec la légitimation croissante de l’idée du « transfert ». Expulser les Arabes pour s’approprier exclusivement la terre d’Israël parce qu’on ne veut vivre qu’entre soi, on savait depuis toujours que c’était ardemment souhaitable. On avait toutefois aussi conscience que l’acte était moralement indéfendable. D’où son déni. C’est cette barrière-là qui s’est effondrée en cinquante ans d’occupation : ce sens de commettre à l’égard de l’autre un crime impardonnable.

Cela a été rendu possible dès lors que les mentalités moyennes des juifs israéliens, en cinquante ans, ont progressivement dérivé dans un sens où l’esprit colonial et la déshumanisation de l’adversaire sont devenus ultra-dominants. L’évolution du parti sioniste-religieux (appelé Mizrahi puis Mafdal) symbolise ce bouleversement. Historiquement, ses élus faisaient figure de « colombes ». Ce fut encore vrai en juin 1967 et jusqu’en juin 1982, où ses ministres furent les plus réticents à l’invasion du Liban. Aujourd’hui, leurs héritiers regroupés dans le parti Le Foyer juif réunissent la frange la plus mystico-nationaliste du pays, la plus colonialiste aussi.

Ce basculement, avec le discours et la modification des repères qui l’accompagnent, s’est diffusé très au-delà du Foyer juif. S’il ne s’est pas réalisé d’un coup, le processus a été relativement rapide.

Le retour de la « question palestinienne »

Cinq jours avant le déclenchement de la guerre de juin 1967, le chef du Herout (la fraction ultranationaliste du sionisme), Menahem Begin, jusque là paria absolu de la politique israélienne, entre dans un gouvernement travailliste d’union nationale. Après la victoire, il participera amplement à l’atmosphère de poussée mystique due à la réémergence de l’idée du « Grand Israël ». La décision de préserver les territoires conquis, même si peu d’Israéliens en ont alors conscience, modifie radicalement le rapport entre eux et le peuple qu’ils soumettent désormais. Avant 1967, les Israéliens pouvaient se leurrer et croire que la « question palestinienne » n’existait plus. Le rêve sioniste d’une « société juive » intrinsèque régnant exclusivement sur une terre qui n’appartient qu’à elle avait presque été accompli en totalité en 1948. Les Arabes restés en Israël ne constituaient pas plus de 10 % de la population. Mais en 1967, le rapport démographique sur la nouvelle « terre commune » est bouleversé. Pris tous ensemble, les Palestiniens, occupés ou citoyens israéliens, y sont presque aussi nombreux que les juifs, et la démographie est tellement en leur faveur que l’immigration juive ne suffit pas à la compenser (aujourd’hui, leur nombre dépasse celui des juifs sur le territoire dominé par Israël).

Dès la fin de la guerre de juin 1967, un débat sur le possible « transfert » de ces populations s’engage. Lors de la première réunion du gouvernement, le premier ministre (travailliste) Levi Eshkol déclare : « Si ça ne tenait qu’à nous, on enverrait tous ces Arabes au Brésil »(2)… Immédiatement est formé un comité de coordination des ministères avec l’armée pour la gestion de l’occupation. Premier souci : comment faire partir le maximum possible d’autochtones des territoires conquis ?(3) Eshkol veut envoyer tous les réfugiés de Gaza en Irak, ou à défaut en Cisjordanie ; Begin, lui, veut les déplacer à Al-Arish, dans le Sinaï(4) ; d’autres options sont émises. Les Arabes, ça se déplace à volonté…

Las ! Malgré 300 000 à 400 000 personnes évacuées de force en juin 1967 durant et dans l’immédiat après-guerre et les multiples débats secrets sur un possible « déplacement des Arabes », les Israéliens comprennent rapidement qu’une nouvelle épuration ethnique de très grande envergure n’est pas réaliste. Comme il n’est pas question de restituer les territoires, il reste à faire comme s’ils étaient vides d’habitants.

Crispation nationaliste et colonisation

Begin, lui, retourne dans l’opposition, où il se fait le chantre de la colonisation. Il est le meilleur ami d’un nouveau groupement politique d’un dynamisme fou, le Gouch Emounim (Bloc de la foi), qui réunit la fine fleur des jeunes du parti sioniste-religieux, emportés par la mystique raciste de leur idole, le rabbin Zvi Yehouda Kook. Ce mouvement se présente comme celui des nouveaux « pionniers », vrais héritiers du sionisme. En dix ans, la carte politique bascule. Begin l’ex-paria emporte les élections en 1977 et devient premier ministre. La colonisation, d’objectif amplement masqué, est désormais ouvertement revendiquée. Quand, lors d’un bref intermède travailliste, est annoncé en 1993 l’accord d’Oslo de reconnaissance mutuelle entre Israël et l’Organisation de libération de la Palestine (OLP), le successeur de Begin à la tête du grand parti nationaliste (devenu le Likoud), Benyamin Nétanyahou, proclame que le premier ministre israélien Yitzhak Rabin n’a « pas de majorité chez les juifs ». Car il n’est majoritaire à la Knesset que grâce aux voix des partis arabes. Thèse scandaleuse par la propension ouvertement raciste qu’elle exprime (imaginons Marine le Pen dénonçant une loi passée au Parlement grâce aux voix d’élus non « Français de souche »…). Thèse raciste, mais cependant exacte. La suite allait le montrer.

Dix ans après la victoire de Begin, un pas supplémentaire est franchi. En 1986 un nouveau parti est créé. Son nom : Moledet (Patrie). Ses dirigeants sont le général Rehavam Zeevi, un laïque ultranationaliste, et Benny Elon, un fidèle du rabbin Kook. Pour la première fois, une formation se fait connaître comme le « parti du transfert ». En 1988, un autre parti, le Kach, prônait déjà l’expulsion des Palestiniens. Il avait été interdit de participation aux élections pour racisme. Cette fois, plus aucun problème, Moledet remporte deux sièges (sept en 2003). L’essentiel n’est pas dans les chiffres, mais dans le fait que l’expulsion des Palestiniens est devenue une « opinion » légitime. La population bascule progressivement, d’une élection à l’autre, dans la crispation nationaliste et un racisme assumé.

La seconde Intifada, en 2001, marquera une nouvelle étape forte. La répression des populations civiles palestiniennes atteint des degrés jamais connus auparavant : aucun char israélien n’avait jamais frappé une ville palestinienne lors de la première Intifada (1987-1993) ; là, au cinquième jour, l’armée tire un missile sur un centre de jeunes du Fatah à Ramallah. La population israélienne s’habitue à valider une répression de plus en plus féroce, et avec la construction du mur en Cisjordanie elle s’habitue à la ségrégation manifeste qui l’accompagne.

La « villa dans la jungle »

Depuis 1977, la droite nationaliste, emmenée par le Likoud, a détenu le pouvoir en Israël durant plus de 33 ans sur 40. Héritiers des signataires des accords d’Oslo, les travaillistes n’ont plus dirigé le pays depuis l’automne 2001, soit près de seize ans – et ils sont désormais déliquescents. L’extrême droite, en revanche, fleurit au point que Nétanyahou se présente comme un politicien « au centre de l’échiquier ». Son principal concurrent politique se nomme Naftali Bennett, chef du premier parti d’extrême droite, Le Foyer juif, dont les membres affichent un racisme à frémir. Son député Bezalel Smotrich a récemment exposé en public le sort qu’il réserve aux Palestiniens vivant sous contrôle israélien. Il leur offre trois options. La première consiste à partir, la seconde à rester sans droits politiques, la troisième à continuer de résister, auquel cas « les Forces de défense d’Israël sauront quoi faire ». À la question : entend-il les expulser ?, il répond : « À la guerre comme à la guerre »(5). Il est vice-président du Parlement.

Smotrich incarne le nouvel Israël. Car sur les 69 années d’existence de l’« État juif », cinquante ont vu l’occupation d’un autre territoire et d’un autre peuple. Si l’on compte ceux qui n’étaient qu’enfants ou pas nés en 1967, environ 90 % de la population israélienne actuelle a vécu dans un État où l’occupation fait partie de la « normalité » quotidienne, où la « ligne verte » (les frontières de 1967) n’apparait plus sur aucune carte, ni scolaire ni routière. De leur côté, reclus derrière un mur ou des barbelés à Gaza comme en Cisjordanie, les Palestiniens sous occupation ne connaissent plus d’autre Israélien que le soldat ou le colon – leurs maîtres, également armés. Le nombre de colons installés à Jérusalem-Est et en Cisjordanie atteint 650 000, soit 10 % de la population juive du pays. En d’autres termes, statistiquement, il n’existe quasiment pas de famille israélienne où on ne connaisse un frère, une belle-sœur ou un cousin installé en territoire occupé — quand ils ont conscience qu’il s’agit de territoires occupés ! Le principal résultat de ces cinquante années est qu’un état d’esprit colonial s’est enraciné en profondeur dans la société. Cette mentalité existait auparavant. Un premier ministre, Ehoud Barak, l’avait résumée par une métaphore célèbre, présentant Israël comme « une villa dans la jungle », autrement dit la civilisation au cœur de la barbarie. Désormais, son ampleur et ses conséquences sont si atterrantes que beaucoup préfèrent détourner pudiquement les yeux des réalités quotidiennes.

La répression israélienne des Palestiniens n’est pas l’horreur syrienne. Mais, dans une indifférence quasi générale, se poursuit depuis cinquante ans une oppression multiforme, pensée avec méthode, appliquée avec détermination par des administrations « coordonnées » entre elles et qui a pour objectif principal ce que David Shulman, le correspondant israélien de la New York Review of Books nomme « le vol ininterrompu, littéralement heure après heure, de la terre palestinienne », un vol accompagné d’« une cruauté systémique infligée depuis des générations à une population innocente »(6). Cette évolution terrifiante d’une société basculant dans la haine de la victime rappelle des sociétés comme l’apartheid sud-africain, la colonie européenne dans la phase ultime de la guerre d’Algérie ou les images de foules blanches assistant au spectacle de pendaisons de Noirs dans le sud des États-Unis (un film, War Matador, des cinéastes Avner Faingulernt et Macabit Abramson, montre des Israéliens installés en janvier 2009 sur des collines près de Gaza applaudissant en s’esclaffant de joie à chaque bombardement de la population palestinienne durant l’attaque israélienne).

Insupportable défense des droits humains

Des organisations comme B’Tselem, Breaking the Silence, le comité israélien contre les démolitions de maisons palestiniennes, Machsom Watch et de nombreuses autres s’emploient à en rendre publics les détails. Des journalistes comme Amira Hass ou Gideon Levy, et d’autres encore, recensent quotidiennement depuis des décennies les crimes des soldats et les brutalités des colons contre les civils palestiniens commis en toute impunité, et plus encore les mille et un petits méfaits constants mis en œuvre pour rendre la vie des Palestiniens occupés insupportable. Le dernier article en date de Hass porte sur la confiscation par l’armée d’unités de production d’énergie solaire à domicile offerte par le gouvernement néerlandais à des bergers palestiniens. Un autre, de Levy, évoquait une vidéo montrant l’assassinat d’une Palestinienne de seize ans par des soldats israéliens, ceux-ci s’approchant du corps inanimé en hurlant « crève, fille de pute », ou « meurs, souffre, espèce de pute ».

Des associations ou de rares journalistes mènent ce travail harassant dans un environnement de plus en plus hostile. Leur activité, utilisée hier par les autorités israéliennes pour montrer combien leur pays était « démocratique », est désormais perçue comme insupportable par ses dirigeants et une partie croissante de la société juive. Le 5 juin 1969, la première manifestation sous la bannière « À bas l’occupation » avait réuni 70 à 80 personnes seulement devant le Parlement israélien. Aujourd’hui, les activistes israéliens mobilisés contre l’occupation se comptent par milliers. Pourtant, ils apparaissent peut-être plus isolés que ne le furent leurs prédécesseurs. Car les menaces contre les ONG de défense des droits humains se multiplient. Des lois ont été votées pour brider leur activité et les assimiler à des « agents de l’étranger ».

Pour avoir témoigné à l’ONU, des députés ont demandé que le directeur actuel de B’Tselem soit déchu de la nationalité israélienne. Cette ONG a d’ailleurs pris en 2016 une décision d’une gravité exceptionnelle. Elle a annoncé qu’après trois décennies d’activité elle cessait de fournir ses informations au département juridique de l’armée israélienne à fins de vérification concernant des civils palestiniens « tués, blessés, battus ou utilisés comme boucliers humains, et contre les destructions illégales de propriétés ». Selon ses estimations, seuls 3 % des cas sont suivis d’enquête aboutissant à une mise en examen. L’ONG concluait qu’il était « devenu dénué de sens de défendre les droits de l’homme en travaillant avec un système dont le fonctionnement réel est mesuré par sa capacité à continuer de couvrir les faits avec succès »(7).

Un échec moral

En 1967, au lendemain de la conquête de Jérusalem, le grand rabbin de l’armée Shlomo Goren avait appelé à faire sauter le Dôme du Rocher, sur l’Esplanade des Mosquées, pour y reconstruire à sa place le troisième temple. La classe politique israélienne l’avait pris pour ce qu’il était : un fou dangereux. Moshe Dayan, le vainqueur de la guerre, avait répliqué : « Mais qu’avons-nous besoin d’un Vatican juif ? » En 2017, les partisans de la « reconstruction du Temple » comptent des députés, des associations grassement financées, des propagandistes écoutés. Une organisation appartenant à cette mouvance, El-Ad, a été officiellement chargée par le gouvernement israélien de fouilles archéologiques près de l’Esplanade des Mosquées. Ces faits, entre mille autres, incarnent la dérive d’une société qui, au fil de la domination militaire sur une autre population, s’est enfoncée profondément dans une mentalité coloniale et dans le déni de l’humanité de l’adversaire.

Lorsqu’éclata la seconde Intifada, en septembre 2001, Ami Ayalon, un ancien chef du Shin Beth, le service de sécurité intérieure israélien, me déclara dans une conversation privée : « Je préfèrerais cent fois un retrait des territoires palestiniens dans le cadre d’un accord de paix. Mais si c’est impossible, alors nous devons nous retirer unilatéralement. Le motif est simple : chaque jour qui passe sans que nous nous retirions rend plus difficile la perspective d’un retrait. Or sans fin de l’occupation, il n’y aura jamais de paix ». Je ne l’ai pas revu depuis et je ne sais pas s’il tiendrait toujours ces propos. Mais je sais qu’au-delà des ONG militantes, une minorité d’Israéliens, effarés, abattus et silencieux estiment, comme David Shulman, vivre dans un pays caractérisé par son « échec moral continu »(8). Ceux-là savent que toutes les initiatives pour avancer vers « la paix » ne sont désormais qu’un leurre. Cinquante ans après la guerre de juin 1967, avec ou sans paix, le seul enjeu réel est la fin de l’occupation. Pour les Palestiniens évidemment, mais aussi pour les Israéliens.

Sylvain Cypel


(1)Cf. Benny Morris, Tikkoun Taout - Yehoudim VeAravim BeEretz Israel 1936-1956, Am Oved, 2000.

(2)Ofer Aderet, « Israeli cabinet minutes from Six-Day War : from fear to euphoria to arrogance », Haaretz, 18 mai 2017.

(3)Yotam Berger, « Bribing Palestinians and Censoring Textbooks : An Inside Look at the Israeli occupation’s Early Years », Haaretz, 29 mai 2017.

(4)Tom Segev, 1967, Denoël, 2007.

(5)Cité par Richard Silverstein, « Israel’s Final Solution to the Palestine problem », Tikkun Olam, 10 mai 2017.

(6)David Shulman, « Israel’s irrational rationality », New York Review of Books, 22 juin 2017.

(7)« B’Tselem to Stop Referring Complaints to the Military Law Enforcement System », communiqué, 26 mai 2016

(8)Shulman, op. cit.


http://orientxxi.info/magazine/comment- ... ciete,1944
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Re: Palestine / Israël

Messagede bipbip » 16 Aoû 2017, 19:02

Témoignages sur le massacre censuré de Deir Yassin : « ils ont empilé les corps et les ont brûlés »

Par Ofer Aderet – Publié dans Haaretz, le 16 juillet 2017 (Traduction SF et J Ch pour l’UJFP).

Un jeune attaché à un arbre et mis en feu. Une femme et un vieil homme touchés par tes tirs dans le dos. Des filles alignées le long d’un mur et mitraillées. Les témoignages collectés par Neta Shoshani sur le massacre de Deir Yassine sont insoutenables, même 70 ans après les faits.

Depuis deux ans maintenant, un document difficile à lire se trouve dans les archives de l’association pour la commémoration de l’héritage de Lehi, la milice clandestine pré-étatique des Combattants pour la Liberté d’Israël. Il a été écrit par un membre de l’organe clandestin il y a 70 ans. Sa lecture pourrait ré ouvrir une blessure encore saignante des jours de la guerre d’Indépendance qui, jusqu’à aujourd’hui provoque beaucoup d’émotion dans la société israélienne.

« Vendredi dernier avec Etzel » - l’acronyme de l’organisation militaire nationale connue également sous le nom d’Irgoun, une autre milice pré-étatique dirigée par Menahem Begin - « notre mouvement, a mené une opération énorme pour occuper le village arabe sur la route de Jérusalem à Tel Aviv, Deir Yassine ». « J’ai participé très activement à cette opération » a écrit Yehouda Feder, dont le nom de guerre dans Lehi (également connu sous le nom de Groupe Stern) était « Giora ».

Dans la suite de la lettre, il décrit en détails le rôle qu’il a joué dans le massacre qui a eu lieu à cet endroit. « C’était la première fois de ma vie que des Arabes tombaient de mes mains et devant mes yeux. Dans le village j’ai tué un Arabe armé et deux filles arabes de 16 ou17 ans qui venaient en aide à l’Arabe que je mettais en joue. Je les ai fait mettre contre un mur et les ai démolies en deux rafales de mitraillette, a-t-il écrit, en décrivant comment il a procédé à l’exécution des jeunes filles à la mitraillette.

Et avec ça, il raconte comment lui et ses copains ont pillé le village quand ils l’ont occupé. « Nous avons confisqué pas mal d’argent et des bijoux d’argent et d’or nous sont tombés dans les mains » écrivait-il. Il conclut la lettre par ces mots : « C’était vraiment une super opération et c’est pour cette raison que la gauche nous dénigre encore.

Cette lettre est un des documents historiques apparaissant dans un nouveau documentaire titré « Nés à Deir Yassin », réalisé par Neta Shoshani, qui a récemment consacré plusieurs années à une recherche historique exhaustive sur le massacre de Deir Yassin, qui a été un des événements constitutifs de la guerre d’indépendance qui entachent Israël jusqu’à aujourd’hui.

Avant la première projection du film au Festival du Film de Jérusalem, Shoshani a montré à Haaretz les témoignages qu’elle a rassemblés sur cet événement, en se plongeant profondément dans les archives et en conduisant des interviews des derniers participants vivants à cette action. Certains d’entre eux ont rompu un silence de dizaines d’années en s’adressant à elle, étant souvent pour la première fois face à une caméra.

L’assaut sur le village de Deir Yassine a commencé le matin du 9 avril 1948, intégré dans l’opération Nachson destinée à rompre le blocus de la route vers Jérusalem, avec la participation de 130 combattants de Lehi et de l’Irgoun qui ont reçu l’appui de la Haganah – l’armée d’avant l’indépendance. Les combattants ont eu affaire à une dure résistance et à des tirs de snipers et ont avancé lentement dans les rues du village en lançant des grenades et en faisant sauter des maisons.

Quatre combattants furent tués et des dizaines blessés. Le nombre d’habitants arabes tués et les circonstances de leur mort ont fait l’objet de débats depuis de nombreuses années, mais la plupart des chercheurs établissent que 110 habitants du village, dont des femmes, des enfants et des personnes âgées ont été tuées là.

« Ils couraient comme des rats » a rapporté le commandant de l’opération, Yehoshua Zettler, le commandant de Lehi pour Jérusalem, en décrivant les Arabes fuyant leurs maisons. Shoshani l’a interviewé en 2009, quelques semaines avant sa mort. Zettler a nié que ses troupes aient perpétré un massacre dans le village mais il n’a pas mâché ses mots pour décrire comment ses habitants étaient morts. « Je ne te dirai pas que nous avons pris des gants. Maison après maison… on mettait des explosifs et ils fichaient le camp. Un explosion et on bouge, une explosion et on bouge et en quelques heures, la moitié du village n’a plus existé » a-t-il dit.

Zettler a aussi apporté un compte rendu sévère sur le brûlage des corps des tués, après l’occupation du village. « Nos gars ont fait là-bas un certain nombre d’erreurs qui m’ont mis en colère. Pourquoi ont-ils fait cela ? » a-t-il dit. « Ils ont pris des morts, les ont empilés et ont mis le feu. Ça a commencé à puer. Ce n’est pas si simple ».

Un autre rapport sévère a été fait par le Professeur Mordechai Gichon, un lieutenant colonel des forces de réserve de l’armée d’Israël, qui était un espion de la Haganah envoyé à Deir Yassine à la fin de la bataille. « À mes yeux c’était un peu comme un pogrome » a dit Grichon, qui est mort il y a environ un an. « Si vous occupez une position militaire - ce n’est pas un pogrome même si cent personnes sont tuées. Mais si vous arrivez dans une localité civile et que des morts y sont répandus, alors ça ressemble à un pogrome. Quand les Cosaques faisaient irruption dans des quartiers juifs, ça a du ressembler à quelque chose comme ça. »

Selon Grichon, « il y avait un sentiment que c’était une véritable boucherie et il m’a été difficile de m’expliquer à moi-même que cela avait été fait en autodéfense. Mon impression était plus celle d’un massacre que de quoi que ce soit d’autre. Si on tue des civils innocents, alors on peut appeler ça un massacre ».

Yaïr Tsaban, un ancien député du Meretz et ministre du gouvernement, a raconté dans l’interview qu’il a donné à Shoshani qu’après le massacre, auquel il n’a pas participé, il avait été envoyé avec des collègues de la Brigade des Jeunes, pour enterrer les cadavres des morts. « La raison était que la Croix Rouge était susceptible de se montrer à tout moment et qu’il fallait effacer les traces (des meurtres) parce que la publication d’images et de témoignages de ce qu’il s’était passé dans le village seraient très dommageables à l’image de notre guerre d’indépendance » a-t-il dit.

« J’ai vu un bon nombre de cadavres » a-t-il ajouté. « Je ne me souviens pas être tombé sur un cadavre de combattant. Pas du tout. Je me rappelle surtout des femmes et des vieillards. » Tsaban a témoigné qu’il a vu des habitants visés dans le dos et il a écarté les allégations de certains participants à l’action selon lesquels les villageois avaient été frappés dans des échanges de tirs. « Un vieil homme et une femme assis dans l’angle d’une pièce, visage tourné vers le mur, et on leur tire dans le dos » se rappelait-il. « Ça ne peut pas s’être passé dans le feu d’une bataille. Impossible. »

Le massacre de Deir Yassine a eu beaucoup de répercussions. L’Agence Juive, les Grands Rabbins et la direction de la Haganah l’ont condamné. La gauche l’a utilisé pour dénoncer la droite. À l’étranger, cela a été comparé aux crimes des Nazis. De plus, en tant qu’historien, Benny Morris note dans son livre Righteous victims, « Deir Yassine a eu un effet démographique et politique profond » : il a été suivi d’une fuite massive des Arabes de leurs localités ».

Shoshani a commencé à s’intéresser à l’histoire de Deir Yassine il y a une dizaine d’années, alors qu’elle travaillait à son projet de fin d’études à l’Académie Bezalel d’Arts et Design de Jérusalem, qui était centré sur la documentation visuelle de l’hôpital psychiatrique de Kfar Shaül construit sur les terres de Deir Yassine après la guerre. Après s’être documentée sur le lieu tel qu’il est maintenant, avec les bâtiments qui ont servi aux habitants du village dans le passé et qui font aujourd’hui partie de l’hôpital, elle a aussi voulu trouver des images historiques du massacre qui y avait eu lieu il y a 70 ans.

Elle a été surprise de découvrir que la tâche n’était pas si simple. « Sur internet, il y a des photos de cadavres légendées comme si elles avaient été prises à Deir Yassine, mais elles sont de Sabra et Chatila » dit-elle, en se référant au massacre de 1982 par des milices chrétiennes de centaines d’habitants de ces camps de réfugiés palestiniens au Liban. « Dans les archives de l’armée israélienne qu’ils m’ont sorties pour publication, voici des photos de combattants de Deir Yassine » a-t-elle continué et elle a disposé une série de photos montrant des membres armés de l’Irgoun et de du Lehi, mais pas trace des Arabes qui ont été tués.

Aux archives de la Haganah, où Shoshani a poursuivi ses recherches – « comme une enfant naïve » comme elle a dit – une autre surprise l’attendait. « Un très vieil homme est venu vers moi, très chut-chut, m’a emmenée dans une salle voisine et m’a dit qu’il avait pris des photos immédiatement après le massacre » a-t-elle dit.

Cet homme était Shagra Peled, 91 ans, qui, à l’époque du massacre, était dans le Service d’Information de la Haganah. Il a dit à Shoshani qu’après le combat, on l’avait envoyé dans le village avec un appareil photo pour rapporter des documents sur ce qu’il y aurait vu. « Quand je suis arrivé à Deir Yassine, la première chose que j’ai vue, c’était un grand arbre auquel était attaché un jeune gars arabe. Et cet arbre avait été incendié. Ils l’avaient ligoté à l’arbre et avaient mis le feu. J’ai photographié ça », a-t-il raconté. Il a aussi déclaré qu’il avait photographié de loin ce qui ressemblait à quelques dizaines de cadavres rassemblés dans une carrière attenante au village. Il a remis le film à ses supérieurs, dit-il, et depuis, il n’a pas vu les photos.

La raison en est peut-être que ces photos font partie du matériel visuel caché jusqu’à aujourd’hui dans les Archives des FDI et du Ministère de la Défense, ou dont l’État interdit la publication même 70 ans après les faits. Shoshani a envoyé il y a dix ans une requête à ce sujet à la Haute Cour de Justice comme faisant partie de son projet final à Bezalel. Haaretz s’est joint à sa requête.

L’État a expliqué que la publication de ces photos était susceptible de nuire à ses relations internationales et au « respect dû aux morts ». En 2010, après avoir visionné les photos, les juges de la Cour Suprême ont rejeté la requête, gardant ce matériel loin des yeux du public. Entre temps, Shoshani s’était arrangée pour obtenir quelques autres photos liées au massacre, parmi lesquelles une série de photos qui montraient de jeunes orphelins dont les parents avaient été tués à Deir Yassine.

Le massacre de Deir Yassine continue à bouleverser tous ceux qui s’y intéressent, même 70 ans plus tard. Tout le monde n’est pas d’accord sur la caractérisation de « massacre ». L’historien Dr. Uri Milstein, qui étudie les guerres d’Israël, se démène beaucoup pour répandre la thèse comme quoi il n’y a eu aucun massacre dans le village. Dans beaucoup d’articles qu’il a écrits, il prétend qu’il s’agit d’un « mythe mensonger »et d’un « meurtre rituel » [accusation antisémite] et que les Arabes morts ont été tués dans « des combats dans une zone urbanisée ».

« Je ne pense pas que quiconque sur place était venu avec l’intention de tuer des enfants », dit Shoshani en rassemblant les documents qu’elle avait collectés sur cet événement. Pourtant, dit-elle, « Ce ne fut pas une bataille contre des combattants, mais plutôt la brusque occupation d’un village et la confrontation avec ses habitants qui défendaient leurs maisons avec leurs maigres moyens. Il y a eu aussi des cas, apparemment isolés, où des habitants ont été fauchés, ‘exécutés’, alors que les combats étaient finis, à des fins de dissuasion ou par peur. »

Le massacre de Deir Yassine fut le premier d’un certain nombre d’événements dans lesquels des combattants juifs furent impliqués dans des tueries de civils pendant la Guerre d’Indépendance et après sa fin. Un autre incident tristement célèbre fut celui de Kafr Qasem en 1956, le jour où a commencé la bataille dans la Campagne du Sinaï. Quarante-huit citoyens arabes israéliens ont été tués sous les tirs de la Police des Frontières. Comme dans le cas de Deir Yassine, l’État censure toujours le matériel archivé sur Kafr Qasem

Traduction SF et J Ch pour l’UJFP


http://www.ujfp.org/spip.php?article5800
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Re: Palestine / Israël

Messagede Pïérô » 22 Aoû 2017, 21:06

Palestiniens à Jérusalem - rapport

Les organisations palestiniennes regroupées dans la Coalition Civique pour les droits des Palestiniens à Jérusalem publient une fiche sur la situation des Palestiniens à Jérusalem De la diversité à la ségrégation raciale et la domination à Jérusalem - Palestiniens à Jérusalem.

Du mandat britannique (1917-1948) à aujourd’hui en passant par la Nakba et l’occupation de Jérusalem-Est en 1967, elle revient sur la présence palestinienne dans cette ville et démontre comment, par le biais de lois, règlements et politiques publiques, Israël a assuré sa domination sur les Palestiniens à Jérusalem, au mépris du droit international.

à télécharger : https://plateforme-palestine.org/IMG/pd ... french.pdf

https://plateforme-palestine.org/Palest ... em-rapport
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Re: Palestine / Israël

Messagede Pïérô » 26 Sep 2017, 01:10

Il y a 35 ans, le massacre de Sabra et Chatila au Liban

LES ARCHIVES DU FIGARO - Du 16 au 18 septembre 1982 des réfugiés palestiniens étaient massacrés par des milices chrétiennes dans la banlieue de Beyrouth. Voici le récit du correspondant spécial du Figaro découvrant le camp de Sabra après la tuerie.

Tout commence par un assassinat. Le 14 septembre 1982 le président nouvellement élu, Bachir Gemayel -chef des Forces libanaises, milices chrétiennes-, est tué dans un attentat. Deux jours après, par vengeance, débute le massacre de civils palestiniens dans deux camps de réfugiés -Sabra et Chatila- dans la banlieue de Beyrouth. Il est perpétré par des miliciens chrétiens (les Phalangistes) et se poursuit jusqu’au 18 septembre au matin. Mais ce n’est que le 19 septembre que le monde apprend l’affreuse tuerie -méthodique, qui n’a épargné personne : hommes, femmes, enfants, animaux.

Dès le 17 septembre au matin des femmes palestiniennes -qui ont pu fuir les camps- alertent sur le drame en cours, dans les rues de Beyrouth-Ouest. De nombreux journalistes, qui couvrent la guerre civile au Liban, sont présents dans la capitale. Certains d’entre-eux commencent à enquêter et tentent d’entrer dans les camps de réfugiés. Mais ils sont bloqués par les troupes israéliennes qui encerclent les camps et contrôlent leur accès. Et ce n’est que le lendemain, quelques heures après la fin du carnage, que les premiers journalistes peuvent enfin pénétrer dans les camps de Sabra et Chatila. En France c’est le quotidien Libération qui annonce le massacre dans son édition du 19 septembre 1982. La première dépêche de l’AFP tombe quant à elle dans l’après-midi, ce même jour. Avec l’arrivée des photographes et médias internationaux à Sabra et Chatila, l’horreur fait le tour du monde, provoquant stupeur et indignation. En 1983 l’enquête officielle libanaise conclut à « l’entière responsabilité » des forces israéliennes. Et, en 1991, une loi d’amnistie générale est décrétée.

Voici l’intégralité du récit du correspondant spécial du Figaro de l’époque, Jean-Jacques Leblond.

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