Le Mouvement autonome en France

Le Mouvement autonome en France

Messagede Pia » 24 Oct 2008, 20:23

Sébastien Schifres, « Le Mouvement autonome en Italie et en France (1973-1984) », mémoire de master II de sociologie politique sous la direction de Daniel Lindenberg (Université Paris VIII).

Ce second texte fait suite à un mémoire de maîtrise d’histoire-sociologie déjà publié en 2004 (« La Mouvance autonome en France de 1976 à 1984 ») et se distingue donc du précédent par une extension à l’Italie et une approche plus sociologique.

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SOMMAIRE

INTRODUCTION

I L’AUTONOMIE ITALIENNE (1973-1979)

1/ FONDEMENTS
Dimension historique et structure politique de l’Italie
Les collectifs de quartier
Les comités ouvriers
Les opéraïstes

2/ DYNAMIQUE
Le pouvoir ouvrier
Les squats
Les autoréductions

3/ ORGANISATION
Niveau national
Niveau local

4/ EXTENSION
Les « Cercles de jeunes prolétaires
Le mouvement étudiant de 1977

5/ LIMITES
L’abandon des lieux de travail
Caractère minoritaire et dimension générationnelle

6/ MILITARISATION
L’option militaire
L’héritage insurrectionaliste
Le processus de militarisation

II L’AUTONOMIE FRANCAISE (1976-1984)

1/ FONDEMENTS
La culture soixante-huitarde
La crise de l’extrême-gauche
L’importation idéologique
La radicalisation
L’émergence de nouveaux terrains de lutte

2/ DYNAMIQUE
La montée en puissance
L’identité autonome
La dimension communautaire

3/ LIMITES
La marginalisation
La structure politique de l’extrême-gauche
Les divergences
L’explosion
La militarisation

4/ DECOMPOSITION
L’effondrement
L’autodestruction
Teppisme et dépolitisation

CONCLUSION

ENTRETIENS

UGO TASSINARI (Collectif Autonome Universitaire de Naples)

VINCENZO MILIUCCI (Comités Autonomes Ouvriers de Rome)

VALERIO MONTEVENTI (Comités Ouvriers autonomes de Bologne)

FRANCO BERARDI, dit « BIFO » (Radio Alice, Bologne)

BIBLIOGRAPHIE

:arrow: http://sebastien.schifres.free.fr/
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Re: Le Mouvement autonome en Italie et en France (1973-1984)

Messagede Pia » 24 Oct 2008, 20:24

le premier volet est dispo là: http://infokiosques.net/spip.php?article291
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Le Mouvement autonome en Italie et en France

Messagede L'autre facteur » 27 Oct 2008, 19:51

J'en avais parlé dans un topic précedant ici viewtopic.php?f=14&t=449#p7943
en donnant le lien vers le texte intégral : http://sebastien.schifres.free.fr/
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Re: Le Mouvement autonome en Italie et en France (1973-1984)

Messagede Vilaine bureaucrate » 29 Oct 2008, 22:51

Hyper interessant. Je l'ai imprimé aujourd'hui. Merci.
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Autonomie (ouvrière) et luttes sociales

Messagede leo » 17 Aoû 2009, 12:00

Deux réflexions sur les luttes autonomes (et pas lutte des autonomes) de la fin des années 70.


Les voies de l’autonomie dans la lutte de classe sont impénétrables, tout au moins pour ceux qui ne veulent pas la voir là où elle se trouve. On pourrait dire que cette autonomie, c’est-à-dire ce qui se dégage comme tel de la lutte de classe et non ce qui est préconçu dans la tête de quelque idéologue, est protéiforme - changeant constamment de forme, de registre et de niveau d’attaque, car elle trouve en face d’elle, selon les nécessités du capital, des constructions répressives et/ou intégrantes tendant à empêcher et/ou dévier le cours qu’elle tendrait à prendre naturellement.

Voici deux textes, datant respectivement de 2001 et de 1977, tentant d’analyser les possibilités d’autonomie dans la lutte de classe, en particulier au sein des mouvements de salarié-e-s et des groupes politiques révolutionnaires.


http://infokiosques.net/imprimersans2.php?id_article=638

PS : Errata : A la fin du doc, la note [50], ce n'est pas "axes de fuites immédiates" mais "axes de luttes immédiates", évidemment.
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Re: Autonomie (ouvrière) et luttes sociales

Messagede Antigone » 22 Aoû 2009, 10:58

Oops! This link appears to be broken
C'est cassé. Ca ne marche pas. Peux pas lire....
Bouhouhou !
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Re: Autonomie (ouvrière) et luttes sociales

Messagede leo » 16 Fév 2010, 14:12

La trajectoire de quelqu’un qui a toujours su rester fidèle à des idées révolutionnaires fondées sur la conviction que la capacité d’auto-organisation des exploités et l’autonomie des luttes sont les conditions sine qua non d'une émancipation sociale.

= = = = = =

Vous avez dit « ultra gauche » ? (entretien avec Henri Simon)

Interview d’Henri Simon dans les numéros de mars et d’avril 2009 de l’Emancipation syndicale et pédagogique.


Henri Simon milite depuis près de soixante ans. Depuis la Libération, il a connu de près ou de loin la plupart des groupes se réclamant du communisme révolutionnaire et il a participé à toutes les grandes luttes de ces dernières décennies, en France mais également en Angleterre. Cet engagement militant, qui se double, chez lui, d’un souci d’élaboration théorique constant à partir des luttes concrètes, ne l’a pas émoussé. Très critique à l’égard des bureaucraties syndicales, il reste aujourd’hui confiant dans les capacités d’auto-organisation du salariat et dans la nécessité de rompre avec le capitalisme pour instituer une nouvelle société.


Cette longue interview est là :
http://bataillesocialiste.wordpress.com ... nri-simon/

Henri Simon anime la revue "Echanges et Mouvements" qui est une petite revue papier trimestrielle dont quelques textes sont publiés là :
http://www.mondialisme.org/spip.php?article1463

et aussi le bulletin "Dans le monde, une classe en lutte"
http://www.mondialisme.org/spip.php?article1272
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Le Mouvement autonome en France

Messagede bipbip » 05 Fév 2017, 17:07

Lutter... Ici et maintenant !

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Re: Le Mouvement autonome en France

Messagede Pïérô » 15 Mai 2017, 01:31

Les autonomes en 1978 (OCL)

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Re: Le Mouvement autonome en France

Messagede Pïérô » 07 Juil 2017, 00:13

Paris, samedi 8 juillet 2017

Projection du reportage-documentaire
« Lutter, ici et maintenant »
Documentaire de Philippe Roizès

à 15h, Librairie du Monde libertaire - Publico, 145 rue Amelot, Paris 11e

Image

Le Groupe Anarchiste Alhambra vous invite à la projection du reportage-documentaire « Lutter, ici et maintenant » (Un documentaire réalisé par Philippe Roizès) qui revient sur l'histoire des mouvements autonomes depuis les révoltes étudiantes de Mai 68 en France. Ce sera l'occasion de nous intéresser aux luttes contre le mal-logement avec les occupations de squatts dans l'est parisien, à l'anarcho-syndicalisme dans les usines et les facs, en passant par le militantisme contre les prisons, les violences policières et le racisme. Le débat qui aura lieu à l'issue de la projection doit nous permettre en tant que jeunes prolétaires de construire une véritable autonomie des luttes en région parisienne.

Entrée libre.

http://www.librairie-publico.info/?p=2609
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Re: Le Mouvement autonome en France

Messagede bipbip » 04 Aoû 2017, 11:09

Les Autonomes. Le mouvement autonome parisien de la fin des années 1970

Jean-Baptiste Casanova

Date de publication : 28 septembre 2011

Table des matières
L’Autonomie : une nouvelle radicalité ?
L’apparition de l’Autonomie en France
Une réaction à la violence d’État
Stigmatisation du mouvement
Vers la lutte armée ?


La France semble avoir été épargnée par la flambée de violence politique que connurent l’Allemagne et l’Italie durant la décennie qui suivit Mai 68. Seuls quelques incidents se sont produits et peu de groupes se sont orientés sur la voie de la lutte armée. Si la Gauche prolétarienne (GP) possédait une branche militaire (la NRP), au lendemain du choc que provoqua l’assassinat de Pierre Overney (un jeune O.S. maoïste tué à bout portant par le chef des services de sécurité Jean- Antoine Tramoni devant les usines Renault), la GP se dissout au lieu d’engager une riposte armée. Il semble donc que le pire ait été évité.

Mais quelques années après, au moment même où l’Allemagne et l’Italie connaissent l’apogée de la guerre que se mènent États et groupes armés, l’actualité française voit apparaître une nouvelle mouvance à l’extrême gauche qui semble ne vouloir que l’affrontement violent : les "Autonomes".

Leur apparition et leur essor sont contemporains des enlèvements d’Hans Martin Schleyer et d’Aldo Moro, de l’affaire de Mogadiscio et de la mort de Baader. Cependant, en dépit de la prose alarmiste de la presse, les autonomes et l’État français vont s’affronter sans aller jusqu’aux extrêmes atteints en Allemagne et en Italie.

Pour étudier le mouvement autonome, diverses sources sont disponibles. La presse quotidienne dans un premier temps, et tout particulièrement des reportages de Laurent Greilsamer parus dans Le Monde1 et du courrier de Libération où les autonomes prennent la parole. Sont également utiles les principaux journaux publiés au sein de la mouvance autonome : Marge, Matin d’un blues et Camarades, sans négliger les divers tracts, brochures et publications de l’Autonomie. D’autre part, un dossier des renseignements généraux s’est intéressé à l’Assemblée parisienne des groupes autonomes2 et un rapport est consacré à l’Autonomie3. Enfin, pour ce type de sujet, les témoignages d’acteurs restent particulièrement précieux pour cerner ce que fut le quotidien de cette mouvance.

Nous verrons que si la violence est intimement liée à l’Autonomie, pourquoi ne se sont pas développés plus largement en son sein des groupes s’engageant dans la lutte armée.

L’Autonomie : une nouvelle radicalité ?

La notion d’Autonomie est une notion récurrente dans la pensée de gauche et dans l’histoire du mouvement ouvrier. Déjà au XIXe siècle, l’Autonomie ouvrière pose deux impératifs, seuls moyens de faire naître une volonté révolutionnaire au sein de la classe ouvrière. C’est tout d’abord l’autonomie de cette classe par rapport à la sphère du capital, et c'est aussi l’autonomie vis-à-vis des syndicats et des partis politiques. Le premier de ces impératifs a pour conséquence la volonté de créer une sphère autonome de la classe ouvrière non régie par les lois du marché, en développant par exemple de nouvelles formes de sociabilités et de solidarité. Il en découle le second impératif, les syndicats soumis à l’économie ne permettant pas l’émancipation du mouvement ouvrier du capital, et les partis étant nécessairement voués à une certaine compromission dans la mesure où ils acceptent le jeu politique.

L’application de ces principes donne naissance à une pratique nouvelle : l’action directe. Elle élimine toute instance intermédiaire dans la lutte des classes sans emprunter "les voies normales de la démocratie, en faisant appel au parlementarisme, mais à une action qui aura recours à la violence" 4.

Ces idées apparaissent autour du syndicalisme d’action directe de Fernand Pelloutier à la fin du XIXe siècle. Mais l’Autonomie ouvrière connaît une résurgence après Mai 68. En 1970, par exemple, une brochure publiée en 1970 par le groupe Vive la révolution (VLR) se termine par le slogan "Vive l’autonomie prolétarienne". De même, des étudiants de l’Université de Vincennes constituent au lendemain de Mai 68 "des groupes autonomes qui se retrouvaient dans les manifestations avec barres de fer et des cocktails Molotov. Ils s'intitulaient « Groupes autonomes libertaires » ou « Groupes autonomes d'action »5".

Mais la véritable renaissance de l’Autonomie ouvrière se fait alors en Italie. Ce pays connaît une situation particulière puisque avec "l’automne chaud" de 1969, le mois de mai dure et devient un "mai rampant". De plus, les attentats fascistes comme celui de la piazza Fontana à Milan le 12 décembre 1969 contribuent à radicaliser les acteurs sociaux mais aussi la répression. D’autant qu’un nouveau prolétariat s’était constitué depuis les années 1950-60 : l’énorme masse de jeunes ouvriers originaires des régions du Sud, venue travailler dans les usines du Nord. Ils adoptent de nouvelles pratiques comme la grève sauvage, l’absentéisme ou le sabotage, en se détachant des syndicats peu à l’écoute de leurs revendications.

"Cette masse en colère de jeunes méridionaux soustrait au contrôle que l’Église exerçait traditionnellement dans les campagnes, rencontra dans les usines du nord l’école de la lutte de classe et la tradition de subversion révolutionnaire issue de la Résistance"6.

Durant la première moitié des années 1970, ce type de mobilisation s’étend à de plus en plus d’usines, mais aussi "sort des usines" vers la lutte des prisonniers, des femmes ou encore des mal-logés. Sur le même modèle, apparaissent alors la grève de loyer ou les "auto-réductions" (une "nouvelle forme de désobéissance civile consistant à refuser les augmentations des services [qui] se propagera aux tarifs de l’électricité et du téléphone" et qui est légitimée comme une forme "d’illégalisme populaire"7).

Or, à partir de 1973, les principaux groupes politiques, dont les militants animaient ces mouvements, Potere Operaio et Lotta Continua, disparaissent. Depuis quelques années, des théoriciens et des universitaires avaient pourtant vu dans ces nouveaux mouvements sociaux, la renaissance du mouvement ouvrier. Le "compromis historique" entre les différents partis politiques, dont le PCI, avait annoncé la fin de la classe ouvrière. En réaction l’opéraisme, qui est né au début des années soixante autour de l’École Opéraista puis de Mario Tronti8, veut alors recomposer une classe ouvrière révolutionnaire. Les principaux animateurs de ce courant sont Oreste Scalzone, Mario Tronti et Toni Negri. Ce dernier, exclu de Potere Operaio, constitue avec le groupe Gramsci de Rome un pôle de l’Autonomie autour du journal Rosso. Il forge alors des concepts théoriques nouveaux pour expliquer et organiser le phénomène social et politique que connaît l’Italie. Selon lui "l’ouvrier social" succède à "l’ouvrier-masse". Il n’est plus cantonné dans les usines mais présent dans toute la société. Il s’agit de jeunes citadins, étudiants prolétarisés, chômeurs, exclus du travail et indifférents vis-à-vis du travail et de la lutte syndicale. Il est défini comme rejetant les valeurs de la civilisation industrielle, de la culture du travail et du progrès par l’industrie. Il veut satisfaire ses besoins immédiatement et ne croit plus à l’effort qui lui assurerait plus tard cette satisfaction, pas plus qu’au militantisme vers les "lendemains qui chantent"9. Il est l’acteur central des luttes de demain car il est plus que tout autre exploité.

Le concept d’Autonomia Operaia apparaît en 1973 au Congrès de Bologne alors que toute une partie de la jeunesse, après les dissolutions de Potere Operaio et de Lotta Continua, se reconnaît dans l’ouvrier-social de Negri. Pour ce "prolétariat juvénile", la libération ne passe plus par la conquête du pouvoir mais par le développement d’une "aire sociale capable d’incarner l’utopie d’une communauté qui se réveille et s’organise en dehors du modèle économique, du travail et du salaire10" et donc par la mise en place d’un "communisme immédiat". La politique devient "libidinale", dictée et soumise au désir et aux besoins. Articulé autour des Centres sociaux où se rassemblent les jeunes des quartiers populaires et où s’improvisent autodéfense et démocratie directe, ce "communisme immédiat" se traduit, sur le plan pratique, par la diffusion sans précédent d’actions directes. Il s’agit des "réappropriations" (vols, hold-up…), qui sont pensées comme le prélèvement d’un "salaire social", des auto-réductions, des occupations illégales de logements, les squatts, qui sont une expérience d’autogestion et de vie alternative, mais aussi des "marchés politiques" (pillage de grandes surfaces).

L’apparition de l’Autonomie en France

En France aussi, l’entrée en lutte de groupes sociaux tels que les travailleurs immigrés (Mouvement des Travailleurs Arabes ou grève des foyers Sonacotra), mais aussi des prisonniers, des prostituées, des homosexuels ou encore les féministes et le développement de l’écologie développent de nouvelles conceptions à l’extrême gauche. Déçus par l’échec de la fusion des masses que souhaitaient susciter les "établis" maoïstes, certains militants voient dans ces mouvements les nouvelles forces révolutionnaires dont il faut construire la convergence. Une des premières expériences dans cette optique est la création de la revue Marge en 1974. Née au sein des milieux libertaires, fortement influencée par les intellectuels de l’Université de Vincennes Gilles Deleuze et Félix Guattari, la revue est fondée par Gérald Dittmar et le psychologue Jacques Lesage de La Haye.

Dans l’éditorial, ils écrivent :

"L’initiative de créer un journal qui serait celui de tous les nomades, de tous les révoltés, de tous les réprimés de cette terre — que sont les marginaux — de tous ceux enfin qui n’ont jamais le droit que de se taire, a été prise par un tel groupe qui a trouvé là une réponse à la question «que peut-on faire ?»11."

Leur volonté est de rassembler tous les marginaux et tous les inorganisés car le but est de "faire de la marginalité une conscience politique nouvelle12" tout en se souvenant qu’"aucune classe n’est porteuse du futur ni d’une quelconque vérité historique". Leur orientation politique est principalement caractérisée par la lutte contre la psychiatrie et contre les prisons. Avec certains numéros tirés à 10 000 exemplaires et la participation de personnalités comme Félix Guattari, Daniel Guérin ou Serge Livrozet, la revue Marge apparaît, ainsi que l’analyse Laurent Chollet, comme "l’un des pôles les plus attractifs de la scène radicale13".

À peu près au même moment, autour de la rue d’Ulm à Paris, l’opéraisme italien fait ses premiers adeptes français. Yann Moulier, étudiant à l’École Normale Supérieure, y organise des conférences sur l’Autonomie et devient le traducteur de Negri. Il réunit un noyau qui publie à partir de 1976 le journal Camarades qui se fixe comme objectif de "faire circuler l’information" c’est-à-dire de constituer un pôle qui rassemble et redistribue les informations concernant les différentes luttes et ainsi d’en favoriser la convergence politique14". Le but est donc de lire la situation française et de développer de nouvelles formes de luttes au regard des idées venues d’Italie. Parallèlement, Yann Moulier met en place un projet éditorial chez Christian Bourgois en y lançant la collection Cible, où il publie le livre de Mario Tronti Ouvrier et Capital 15 puis Marx au-delà de Marx de Negri16.

Le groupe Camarades affiche lui aussi la volonté de réunir les différents collectifs inorganisés qui sont apparus depuis 1973. Il lance un appel dans ce sens à la rentrée 1976 qui se traduit par la mise en place d’un Collectif d’agitation. Ce collectif se met en rapport avec les grévistes des foyers Sonacotra mais aussi avec le Mouvement des Travailleurs Mauriciens. Il est rejoint par des groupes étudiants comme le Collectif étudiant autonome de Tolbiac, qui pratiquaient les auto-réductions dans les restaurants universitaires, et par les grévistes de la BNP Barbès qui, délaissés par les syndicats, sont sensibles aux idées de l’Autonomie ouvrière.

Une réaction à la violence d’État

L’été 1977 est marqué par la manifestation des 30 et 31 juillet contre le surrégénérateur Super

Phénix de Creys Malville. Théâtre de violents affrontements avec les forces de l’ordre, la manifestation est ensanglantée par la mort d’un militant écologiste Vital Michalon. Le choc est grand et contribue à renforcer l’audience des autonomes, qui bénéficient de l’écho du "Mouvement de 1977" italien. Ils sont les seuls à promettre la riposte et à parler encore d’autodéfense. Ils voient dans la manifestation de Malville "le degré de militarisation que l’État est prêt à atteindre lorsqu’il veut défendre une «question d'intérêt national»17". Ils appellent dans Libération à "se donner les moyens de frapper sur les terrains qui nous conviennent, sur le terrain de nos besoins, qu’ils soient liés au nucléaire, au chômage, à la question des femmes, des travailleurs immigrés, des jeunes prolétaires…".

Or en octobre 1977, l’actualité est marquée par "l’affaire Allemande" et l’emballement de la guerre qui oppose la Fraction Armée Rouge et l’État fédéral. Le premier octobre Klaus Croissant, l’avocat de Baader et de la RAF, est arrêté en France en vue de son extradition. Le 13 octobre, un avion de la Lufthansa qui assurait la liaison Palma de Majorque-Francfort est détourné vers Mogadiscio par un commando proche de la RAF. Dans la nuit du 17 au 18 octobre, peu après l’intervention antiterroriste à Mogadiscio, Jan-Karl Raspe, Gudrun Ensslin et Andreas Baader meurent dans leurs cellules, dans la prison haute sécurité de Stammheim. Là encore les autonomes sont les seuls à appeler à une réaction radicale par des manifestations "offensives", comme le 21 octobre dans le quartier de Saint-Lazare ou le 18 novembre lors de la manifestation contre l’expulsion de Klaus Croissant.

Il en résulte que de plus en plus de jeunes se reconnaissent dans l’Autonomie et se joignent aux actions de l’Assemblée parisienne des groupes autonomes qui se réunit à Jussieu depuis le 20 octobre. Un mouvement autonome s’organise autour de Camarades qui en représente la branche "organisée". Ils sont rejoints par des "inorganisés venus des facs et des banlieues, des libertaires et les militants de Marge. Le succès de cette assemblée s’explique, selon les Renseignements Généraux, par son rôle de "pôle attractif qui manquait pour laisser éclater une violence et un ressentiment souvent mal contenus18". L’Assemblée prend alors des initiatives. Elle organise un rassemblement avorté à Saint-Lazare, mais surtout occupe les locaux de Libération le 24 octobre en réaction à la façon dont le quotidien traite l’affaire Allemande (renvoyant dos-à-dos l’État allemand et la RAF).

Pourtant, si la mouvance autonome semble apporter un soutien à la RAF, des militants expriment quelques doutes à propos de la lutte armée. Ainsi Bob Nadoulek écrit dans Camarades que "La RAF est le fruit de la militarisation du vieux mouvement révolutionnaire, la violence doit être différente19" et il qualifie le terrorisme de "logique autiste du désespoir 20".

Stigmatisation du mouvement

Malgré ces doutes exprimés à l’égard du terrorisme, les autonomes, lors des manifestations, apparaissent à la presse comme une véritable menace. Le Figaro met en garde contre "les durs plusieurs milliers — prêts à en découdre, casqués avec matraques ou cocktails Molotov à la main, sont-ils prêts à franchir le pas et à aller jusqu’au crime ? 21".

Il en va de même pour les organisations d’extrême gauche. La Ligue Communiste Révolutionnaire (LCR) est alors le plus virulent adversaire des autonomes. Jugeant leurs comportements en manifestation de "comportements fascistes", les militants trotskistes ont promis qu’avec eux, "ça se réglera à coup de barre de fer22". Du coup, les heurts sont fréquents, le siège de la Ligue est attaqué à plusieurs reprises et le cortège autonome manifeste aux cris de "Rendez-nous Croissant, on vous refile Krivine !".

La violence mise en œuvre par les autonomes inquiète aussi les forces de l’ordre d’autant plus

qu’apparaît une véritable société parallèle de l’Autonomie autour des squatts et des universités. Les squatts se multiplient dans le XIXe arrondissement près de Belleville autour de la Villa Faucheur, dans le XIIIe vers la rue Nationale et dans le XIVe dans le quartier Alésia. Ils fréquentent les concerts de rock. A l’occasion d’un concert gratuit à La Villette, "Serge", un jeune autonome est assassiné. Or, les renseignements généraux, en s’interrogeant sur la façon dont contrôler et encadrer l’essor de la mouvance, s’alarment des conditions dans lesquelles vivent ces jeunes marginalisés.

"Ainsi la fermeture de la Maison pour tous23, la destruction de l’immeuble rue Lahire, l’arrestation de certains membres biens connus […], la mort de [Serge], poignardé à l’hippodrome de Pantin, ont engendré un éclatement et une certaine lassitude psychologique.

À ce propos, il ne faut pas négliger qu’il existe chez les autonomes une certaine "misère psychologique". Vivant sans hygiène, sans ressources définies, dans une promiscuité voulue mais pesante et grosse de heurts, n’ayant pas de certitude du lendemain, les autonomes sont soumis à des déséquilibres mentaux que seuls les caractères très trempés pourraient subir sans dommages24."

Vers la lutte armée ?

De cette situation résulte une radicalisation croissante des comportements des jeunes proches de l’Autonomie. Ainsi la marginalité pousse une partie d’entre eux vers la délinquance revendiquée comme pratique révolutionnaire. Il s’agit des "opérations basket" qui consistent à partir sans payer des restaurants, mais aussi le vol et la "fauche" ou la délinquance astucieuse (arnaque aux assurances…). D’autres vont un peu plus loin par des actions de plus grande ampleur comme la vaste opération de "récupération" que lance un groupe contre une grande surface parisienne lors des fêtes de fin d’année de 1977 ou comme l’attaque d'une banque du XVIe arrondissement de Paris le 30 mai 1980, où un autonome est tué par la police.

De même, la manifestation "offensive" est optimisée, comme le révèle la manifestation des sidérurgistes lorrains du 23 mars 1979, où du matériel offensif est dissimulé tout le long du parcours dans des voitures, des camionnettes ou des consignes de gare. Cette manifestation est l’occasion d’une tentative répressive de la part des forces de l’ordre. Le matin même une vaste rafle est organisée, en vue d’éviter que le défilé ne dégénère, conduisant à l’arrestation de 82 supposés leaders autonomes. La manifestation est malgré tout le théâtre de violents affrontements au terme desquels on compte 116 blessés parmi les forces de l’ordre, 54 magasins "cassés", 121 vitrines brisées, et 131 arrestations.

Face à cette violence croissante, d’anciens militants issus de Marge et de Camarades se regroupent autour de Bob Nadoulek pour fonder en 1978 Matin d’un blues. Le journal se définit comme l’aire désirante de l’Autonomie et veut renouveler le mouvement en le dégageant de la suprématie de la violence par la contre-culture et l’alternative.

"On se battra sur tous les fronts : sur la musique, sur les bouquins, sur la politique, sur nos rapports quotidiens, sur la répression, avec des dessins, des concepts, des caresses, à coup de dents s’il le faut, mais on réinventera la vie, la nôtre au moins25."

Cependant, la constitution de ce pôle contre-culturel ne détourne pas les plus radicaux de la logique d’affrontement à outrance et de l’engagement dans la voie de la lutte armée. Déjà aux origines du mouvement, la question de la lutte armée était au cœur des débats, tout particulièrement après l’exécution de J.-A. Tramoni, par les Noyaux Armés Pour l’Autonomie Populaire (NAPAP) le 23 mars 1977. De même, la construction de Super Phénix suscita des attentats comme celui du 8 juillet 1977 contre le directeur d’EDF, M. Boiteux, revendiqué par le CACCA (Comité d’action contre les crapules atomiques) ou bien encore les 23 attentats commis sur tout le territoire, revendiqués par une Coordination Autonome Radicalement en Lutte Ouverte contre la Société (CARLOS). Car dès 1977, des gens se sont rencontrés au sein de l’Autonomie pour former une coordination politique et militaire clandestine, interne au mouvement. On compte parmi eux des militants venus des Brigades Internationales (BI), des NAPAP, des anti-franquistes des Groupes d’Action Révolutionnaires Internationalistes (GARI), et du Mouvement Ibérique de Libération (MIL) dont Jean-Marc Rouillan.

Ce dernier rassemble autour de lui quelques personnes issues de l’Autonomie pour fonder l’Organisation Action Directe (OAD) qui, le 1er mai 1979, mitraille la façade du siège du CNPF. A l’automne, l’OAD devient Action Directe.

La violence politique joue donc un rôle moteur dans la constitution du mouvement autonome en attirant vers lui les inorganisés en promettant la riposte face à l’État. Mais l’arrivée massive de jeunes toujours plus radicaux inquiète les plus anciens. Yann Moulier expliquera que "l’arrivée de zombies dans le mouvement, qui furent assez vite catalogués comme proches des BI et des GARI, fout la trouille26". Ce point de vue est à mettre en rapport avec la tentative de développer une aire contre-culturelle de Bob Nadoulek, qui était pourtant le théoricien de la violence au sein de Camarades durant les premiers numéros. Cette rupture est sans doute une des raisons du rejet de la lutte armée. En dehors des quelques personnes qui passent à Action Directe, peu entameront une guerre avec l’État français par d’autres moyens que l’émeute. De même l’État ne met pas en place de vastes politiques répressives contre les autonomes en dehors de la rafle du 23 mars 1979. Il en résulte que la France ne connaît pas de flambée de violence comme dans les pays voisins durant les années 1977-79, comme si de part et d’autre une certaine retenue fut entretenue. Il n’en demeure pas moins que l’Autonomie apparaît encore aujourd’hui comme une des expériences politiques les plus radicales à l’extrême gauche. C’est ce qui en a assuré la postérité parmi certains jeunes (squatters, punks, "casseurs" ou "Black Block"…), y compris plus de vingt ans après.



Liste des références bibliographiques

Bibliographie sélective

Action directe, éléments chronologiques, brochure, printemps 1997.

Arcole, La diagonale des Autonomies, Paris, Éditions Périscope, 1990.

Y. COLLONGES, P. RANDAL, Les Autoréductions, Christian-Bourgois, 1976.

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M. WIEVIORKA, Société et terrorisme, Paris, Fayard, 1988.


Notes de bas de page

1 L. Greisalmer, "La galaxie des autonomes", Le Monde, 25 janvier 1977, p. 13

2 BA 2332 : Anarchistes, groupes autonomes, mouvements 1955-1987 qui contient plusieurs chemises concernant notre sujet : Les désirants et surtout Assemblée générale des groupes autonomes.

3 Ga br 7 : Mouvements gauchistes, anarchiste : rapport, Les Autonomes à Paris, avril 1979.

4 Définition de l’action directe dans H. Avron, L’anarchisme, Paris, PUF, 1951, p. 115.

5 Rapport des R.G., Ibid., p. 13.

6 P. Persichetti, O. Scalzone, La révolution et l’État, Paris, Dagorno, 2000, p.32

7 I. Sommier, "Un nouvel ordre de vie par le désordre : histoire inachevée des luttes urbaines en Italie", dans CURAPP, Ibid. , p.149.

8 M. Tronti, Ouvriers et capital, Paris, Bourgois, 1977.

9 Cité dans A. Touraine, M. Wieviorka, F. Dubet, Le mouvement ouvrier, Paris, Fayard, 1984

10 N. Balestrini, P. Moroni, L’orda d’oro, Milano, SugarCo Edizioni, 1988, p.334, cité dans I. Sommier, "Un nouvel ordre de vie par le désordre : histoire inachevée des luttes urbaines en Italie", dans CURAPP, Ibid. , p. 154.

11 G. Dittmar, "Pourquoi «Marge»", dans Marge, n° 1, juin 1974, p. 1.

12 Anonyme, "Pourriture de psychiatrie", dans Cahiers Marge, n°1, 1977.

13 L. Chollet, Ibid., p. 204

14 Camarades, nouvelle série, n°1, avril/mai 1976, page 2.

15 M. TRONTI, Ouvriers et capital, préface Y. MOULIER-BOUTANG, Paris, Christian-

16 A. NEGRI, Marx au-delà de Marx, cahier de travail sur les "Grundrisse", préface Y.

17 "Les autonomes après Malville", dans "Courier", Libération du mercredi 21 septembre 1977.

18 Rapport des RG, op. cit.., p. 15.

19 B. Nadoulek, "Sur la violence (encore et toujours…)", dans Camarades, n° 6, novembre 1977, p. 9.

20 B. Nadoulek, L'iceberg des autonomes, Paris, Kesselring éditeur, 1979, p. 186.

21 J.-L. Météyé, "Les terroristes ouest-allemands disposent d’un réseau de sympathisants en France", dans Le Figaro, 24 octobre 1977, p. 10.

22 Rapport des RG, op. cit., p. 6 et 7.

23 Lieu associatif dans le quartier de Mouffetard, dans le Ve arrondissement de Paris.

24 Note des RG, 9 juin 1978.

25 B. Nadoulek, L'iceberg des autonomes, Paris, Kesselring Éditeur, 1979, p. 194.

26 Entretien cité dans le reportage de J. C. Deniau, Action directe, la révolution à tout prix, 2000.


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Re: Le Mouvement autonome en France

Messagede bipbip » 24 Aoû 2017, 11:50

Sur la manifestation des sidérurgistes en mars 1979

Supplément à {Front Libertaire des Lutte de classe}, n°107, 24 Mars 1979

Ce qui s’est passé ce jour-là

La fête du matin a commencé par un beau soleil, côté de Pantin. Lassé de poireauter les sidérurgistes de Longwy ont démarré la marche sans attendre le discours minable du secrétaire national métallo CGT éberlué. Quelques milliers de "Longwy" prennent la tête du défilé derrière la Sono CFDT SOS Emploi. De toute évidence, cette manière de faire ne plaît pas du tout au S.O. (service d’ordre) cégétiste. Déjà éméchés par la vinasse, le pif aussi rose que le brassard, les "S.O." essaient de rétablir l’ordre prévu et la frite commence. Jusqu’à la porte de Pantin, les sidérurgistes déterminés et regroupés autour de la voiture sono-radio, reçoivent le renfort de banlieusards travailleurs, lycéens, chômeurs etc... autonomes.
À la porte de Pantin, nouveaux heurts. Coups de poings dans la gueule, coups de pieds dans les couilles, il y en a pour tout le monde. Les CFDT, mais bien d’autres Longwy aussi, sont visiblement éceourés de voir les méthodes fascistes des gros bras parisiens CGT, surtout quand ces derniers essayent de les pousser vers quelques centaines de CRS pour se faire massacrer. L’atmosphère est à l’orage. Le problème est réglé provisoirement par la scission en deux cortège : CFDT, sidérurgistes en colère, inorganisés et autonomes se dirigent vers la gare de l’Est, les gros bataillons CGT pépères vers le siège national de la CGT et la gare du Nord. Regroupement avant la République, le pôle offensif est toujours en te mais le comité d’accueil CGT est en place à République pour recevoir à sa manière ces troublions provinciaux et banlieusards. Les trois cordons de S.O. sont quand même franchis... non sans bagarre : démocratie stalinienne oblige. Les cogneurs CGT se retrouvent tout cons face aux sidérurgistes et autres incontrôlés.
15 h : pas mal de monde à la Répu et tout autour. Les gars de Lorraine et du Nord surtout, qui sont en masse et assez échauffés. Chez les provinciaux les sentiments sont assez mélangés, ils sont en pétard, ça c’est clair et beaucoup n’ont pas l’air de vouloir se contenter de la promenade prévue jusqu’à l’Opéra. Ils vont montrer aux parigots et au pouvoir qu’ils en veulent vraiment. En même temps c’est la fête, le nombre et le beau-temps y sont pour beaucoup mais dans les bataillons cégétistes il y en a pas mal qui confondent les grands boulevards et es Folies Bergères et qui sont plutôt bourrés. Les parisiens eux sont pas très nombreux 30 000 peut-être sur les 80 000 manifestants, c’est vrai que dans la capitale les manifs syndicales ne font plus tellement recette, voir le 1er Mai où il n’y avait que 15 000 personnes dont seulement la moitié dans le cortège syndical, mais y’a peut-être une autre raison, c’est pas par hasard si la manif se fait vendredi, les gars qui bossent ne sont pas là à part les communaux et les purs et durs du P.C., un samedi après-midi il est probable que pas mal de gars seraient venus pour soutenir ces sidérurgistes qui n’hésitent pas à attaquer les commissariats et à tirer sur les flics, mais cette solidarité là la C.G.T. n’en veut pas car c’est sa manif et elle veut tout contrôler, pour ça elle a mobilisé un S.O. record de 3 500 types.
Mais il y a un os, c’est ce pôle offensif qui s’est formé depuis Pantin, il occupe le début du boulevard St Martin à peine 100 mètres derrière Séguy, derrière les sidérurgistes de Longwy banderoles autonomes et communistes libertaires et drapeaux noir et rouge rassemblent un petit millier de personnes.
Les S.O. n’arrivant pas à vider ces indésirables ils appellent les flics à la rescousse, vers 15 h 10 une compagnie de gardes mobiles longe la manif sous les huées et les sifflets et charge au pas de course et à la matraque sur l’os en question histoire de prendre la température. Vers 15 h 30, les flics rescapés sont évacués en catastrophe par leurs collègues du S.O. CGT sous une pluie d’objets volants non identifiés (pierres, boulons, bouteilles, cocktails molotov et ras-le-bol, ces derniers étant de petits objets très utiles à ceux qui en ont précisément ras le bol car ils font autant d’effet que les offensives des flics). Pendant ce temps la CGT fait passer ces troupes devant par une rue latérale pour noyer les sidérugistes en colère dans la masse et ils profitent de l’éclatement du cortège autonome et communiste libertaire pour rétablir l’ordre.
Le cortège s’ébranle, soigneusement encadré par les chiens de garde du PC-CGT. Puisque les flics n’y suffisent pas le S.O. syndical y pourvoira efficacement ; rien n’y manque : injures racistes et sexistes, chasse au chevelus, tabassages d’éléments "incontrôlés" et livraison de ces mêmes éléments aux flics légaux. Certains gauchistes en particulier UTCL jouent aux indicateurs (Antoine de Nancy pour ne pas le nommer).
Vers 16 h 30 les incorruptibles se regroupent à nouveau autour du fourgon radio de Longwy, drapeaux rouge et noir en tête. Les mots d’ordre sont clairs : "Longwy, Denain nous montre le chemin". Même que des cégétistes nombreux ont l’air d’apprécier.
Au passage, on injurie copieusement un groupe de gros sacs ventrus, communistes et socialistes, enrubannés de leurs écharpes tricolores.
À 17 h on arrive à l’Opéra. Apparemment la dispersion se fait mal malgré les hurlements des sonos CGT, autour de drapeaux rouge et noir mille puis deux mille personnes se regroupent et gueulent en coeur avec les gars de Longwy qui sont encore sur le boulevard. Puis on se dirige vers les flics qui sont en nombre au pied de l’Opéra comme d’ailleurs tout autour de la place. Ils sont nombreux alors quelques uns se rattrapent sur les vitrines du café de la Paix, puis c’est la chargé sur les flics à l’aide des même O.V.N.I. qu’au début, pendant ce temps du toit de l’Opéra un groupe de cégétistes de Denain bombardent les flics. Paniqéus les flics dégagent la place à coup de grenades offensives et au chlore. On se replie sur le boulevard vers le gros de la manif. Devant le S.O. CGT et autour de la sono Longwy on est un sacré paquet à vouloir en découdre, mille, deux mille trois mille, dans la fumée des lacrymos c’est difficile à dire. En tout cas, le S.O. est dérbodé, il a bien du mal à empêcher les gars de sortir de la manif pour rejoindre la bagarre. On se dit que les flics vont en prendre pour leur matricule. Les incontrôlés voient leur nombre s’accroître en permanence, aux autonomes, communistes libertaires et sidérurgistes de Longwy viennent s’ajouter des tas de gars de la CGT, et même des gauchistes de l’O.C.T. qui font de la figuration en formant une chaîne. C’est alors que des gars commencent à casser et à piller les vitrines de luxe. Les gars de Longwy gueulent : "PAs les vitrines", ils ont pas l’air d’accord. Bref, charges et contre charges continuent jusqu’à la hauteur du siège de l’Huma. 18 h Bld Montmartre : une quinzaine de CRS dopés à l’héroïsme nationaliste super se sont montrés zélés... et se retrouvent isolés un peu trop près d’un tas d’irréductibles "incontrôlés". C’est la contre attaque. Chacun veut son flic. Mais faut être rapide, un flic qui flippe, ça court vite. Quatre de ces choses ont la gueule défoncée. Un pistolet réglementaire change de main illégalement. À voir les bouilles hilares aux alentours, le spectacle est très apprecié. Un peu plus loin, un chantier RATP offre complaisamment ses madriers, arbres de fers et autres matériaux aux nostalgiques de barricades. Ça dépave sec, des chaînes se forment. Ça y est c’est 68. 500 mètres devant la barricade, un CRS étendu raide au milieu du boulevard, c’est l’émeute. Derrière la barricade le siège de l’Huma est entouré par un bon milliers de manifestants qui sifflent et insultent le PC-CGT qui ferme porte et volets devant les premières bouteilles lancées, devant la barricade mais sur le même trottoirs que l’Huma, un mec se fait tabasser, on croit que c’est les cégétistes qui tapent un copain mais non c’est un flic en civil qui en prend plein la gueule et que les "S.O." sauvent du lynchage.
Derrière, la CGT n’arrive pas à disperser, car beaucoup de manifestants même s’ils ne participent pas à la bagarre sympathisent avec ceux qui la font.
Vers 18 h 15 les flics déboulent des rues transversales au coin de l’Huma et coupent l’élément dur de la bagarre du reste de la manif. Le rapport de force n’étant pas favorable, une magnifique barricade est abandonnée. On respire à l’Huma.
18 h 30. C’est la course sur le Sébasto. Plusieurs milliers de manifestants se sauvent paniqués par 200 CRS. C’est triste à voir. "Déprime". Bld de Strasbourg, des voitures sont retournées et incendiées pour ralentir les flics.
19 h. La gare de l’Est se transforme en bastion révolutionnaire ou presque. Les flics assiègent. Des copains restés dehors assiègent les flics qui assiègent. Les bourrés reçoivent des boulons dans les meules et des pavés sur la gueule, même qu’il y en a un qui flambe. Ils courent de tous les côtés, grenadent au hasard, à coups de lacrymos, des vieux, des femmes et des gosses. L’héroïsme n’a pas de limite chez les idiots. Mais les autonomes restent insaisissables. Dans la gare, y’a de bons prolos qui tuent le temps à leur manière en attendant le train ; c’est fou ce qu’on peut faire avec des barres de fer, des vitrines, des consignes automatiques et des machines à vendre les billets.
20 h. Les flics donnent l’assaut final... Sur les quais vides, c’est fou ce qu’ils ont l’air véxés.
Ça continue jusqu’aux portes de Paris jusque vers 23 h mais avec moins de monde.


http://archivesautonomies.org/spip.php?article914

Notre point de vue sur la chose

Depuis le début de la crise et jusqu’en mars 1978, l’échéance institutionnelle que représentaient les élections et une éventuelle victoire du Programme commun avait permis aux syndicats et aux partis d’organiser la passivité et la résignation chez les travailleurs en leur faisant miroiter des lendemains qui chantent. Les luttes étaient bloquées, freinées ou menées à l’impasse. De ce point de vue la liquidation des grandes grèves des banques et des P.T.T. en 1974 est caractéristique, comme l’est l’enterrement des luttes dans les entreprises condamnées par la restructuration capitaliste, dans des occupations sans fin qui ne gêne en rien le patronat qui de toute manière souhaitait voir ces usines fermer.

Les grandes grèves bradées

À l’automne 74, les PTT connaissent une grève nationale sans précédent. Partie des centres de tri parisiens, elle s’étend très vite dans toute la France, elle durera dans certains centres plus de 7 semaines. Cependant c’est un échec, le début de la fin pour la lutte des postiers, rappelez-vous c’est la grève nationale et la grande manif parisienne du 19 novembre. Vers la fin du mouvement certains postiers proposent de nouvelles formes d’actions pour relancer la lutte, vidage des centres de tri parallèles, développement de la popularisation, les initiatives sont bloquées par les confédérations syndicales. Un exemple parmi d’autres : la CFDT PARIS 5 propose d’associer les usagers à la lutte en assurant que les postiers achemineront à la même vitesse tous les courriers quel que soit l’affranchissement, ce qui permet à l’usager une substantielle économie. Le conseil départemental CFDT PTT dénonce cette proposition et la fait avorter. Un mois après on s’aperçoit que la majorité des sections étaient pour la proposition de PARIS 5, trop tard la dynamique est tombée.

Occupations

Un exemple parmi tant d’autres, en 75 à Vitry mairie communiste de la banlieue parisienne, l’imprimerie Chauffour compte 300 employés, elle est mise en liquidation. Occupation gérée par la FF TL - CGT, sous l’étroit contrôle du PC à travers la municipalité qui s’occupe de tout : lits de camps pour les occupants, repas gratuits, etc. Les tentatives d’élargissement : reprise de la production par les travailleurs, liaison horizontale avec les autres boîtes occupées, etc. sont bloqués par les staliniens. 2 ans après ils ne sont plus que trente à occuper, à part les gars du PC tous les travailleurs sont partis écoeurés, les licenciements sont effectifs, un patron se propose et réembauche les rescapés de la lutte. Le PC peut gueuler : On a gagné.
Un autre exemple : quand en 75 toutes une série de boîtes occupées à majorité CFDT dont LIP, et qui ont repris la production cherchent à se coordonner, la confédération CFDT dénonce ces liaisons extra-syndicales et sabote le mouvement.

Le mirage de l’Union de la gauche et l’échec des élections ont entraîné à la fois une désillusion mais aussi un désarroi en l’absence de nouvelles perspectives. C’est ainsi que de nombreux travailleurs se réfugient dans les solutions de résistance individuelles, comme l’absentéisme, forme de refus du travail. Ce n’est donc pas par hasard si les seules luttes collectives importantes qui ont lieu avant et immédiatement après les élections de mars 1978 sont le fait de travailleurs immigrés (Renault en juin 1978, grève des loyers dans les foyers de travailleurs immigrés, en particulier Sonacotra) ; c’est bien parce qu’ils ne sont pas concernés par les élections (ils ne votent pas).
Il faut aussi se rappeler que dans une partie de la jeunesse, plus sensibilisée à d’autres problèmes qu’à ceux de la production, rejetant la logique institutionnelle électorale des formes de révoltes radicales étaient déjà apparues (Malville : manifestation de Croissant et l’assassinat de prisonniers politiques en Allemagne, St Lazare).

Attentats

Autonomes = Attentats = Brigades Rouges.
Le pouvoir, la presse, les partis de l’extrême gauche, y compris certains libertaires dénoncent la violence des autonomes et agitent le spectre des attentats et du terrorisme international ; (brigades rouges). Ils amalgament facilement la violence de masse et les attentats. Sur le problème des attentats il faut quand même préciser un ou deux points. C’est vrai que des gens du mouvement autonome ont pratiqué et pratique parfois l’attentat, mais pas n’importe lequel. Il est significatif de voir qu’en France, les attentats revendiqués par des groupes autonomes ne se sont jamais attaqués à des personnes mais toujours à des lieux, des instruments ou des symboles du pouvoir et du fric : Nucléaire EDF, épicerie pour milliardaires Fauchon, casernes de CRS, tribunaux, etc. Il est tout aussi significatif de voir que ces attentats sont à chaque fois revendiqués par des groupes différents non spécialisés dans ce genre de choses, groupe qui savent manier l’humour et la dérision tant dans l’explication de leurs actions que dans leur signature (smicards en pétard, Noël noir pour les riches, etc.). Rien à voir avec une organisation permanente et hiérarchisée, dont les dirigeants viennent du P.C. et reproduisent un discours stalinien comme les Brigades Rouges. L’esprit libertaire de Mai 68 à servi à quelque chose.

Depuis novembre, on assiste à l’accroissement de la résistance ouvrière face à l’offensive du patronat. Offensive qui se traduit dans les faits par une vague de licenciements sans précédent, notamment dans la sidérurgie, en Lorraine et dans le Nord, mais aussi par la refus intransigeant de répondre aux revendications pour l’emploi, la réduction du temps de travail, le maintien et l’augmentation du pouvoir d’achat. Face à cette nouvelle phase du processus de restructuration, à cette intransigeance patronale et gouvernementale, véritable provocation à l’émeute, les travailleurs réagissent.
La violence de masse réapparaît un peu partout ; ouvriers à Saint-Nazaire, à Saint-Chamond ; ouvriers et jeunes chômeurs à Caen ; sidérurgistes, chômeurs et loubards à Longwy, Denain, Sedan ; jeunes des C.E.T. et lycées à Marseille ; antifascistes à Lyon ; chômeurs et anti-nucléaires à Nantes ; pompiers à Grenoble. Dans le même temps les grèves se multiplient : P.T.T., banques, assurances, S.F.P., S.N.C.F. Dans toutes ces grèves même si elles ne débouchent pas sur la violence, les syndicats sont contestés, débordés : occupation de la Bourse par les employés de banques ; coordination extra-syndicale des centres de tri P.T.T. de la banlieue parisienne à Bobigny ; tentative d’occupation dans les sièges des compagnies d’assurance ; piratage à la télé.
C’est dans ce contexte qu’arrive l’organisation par la C.G.T. de la manif du vendredi 23 mars.
Pourquoi la C.G.T. organise-t-elle cette marche ?
Il faut bien comprendre qu’après l’échec de l’Union de la gauche, le mécontentement populaire ne pouvant plus être canalisé vers un éventuel changement de gouvernement, les partis passent au second plan et les syndicats prennent la relève. La C.F.D.T. se "recentre" vers une position "réaliste" et donc accepter de discuter la restructuration dans le cadre défini par le pouvoir à condition d’obtenir des compensations "suffisantes" au niveau social, et montrer ainsi son efficacité, elle se heurte en cela aux traditions radicales d’une bonne partie de sa base militante ce qui se traduit par une certaine volonté d’indépendance des sections, U.L., et syndicats durs, une épuration dans de nombreux secteurs ce qui ne se fait pas sans problèmes : apparitions de syndicats plus radicaux et indépendants (P.T.T. Lyon, B.N.P. et autres banques parisiennes en particulier).

Qui a oublié que le CNPF fut trop heureux de trouver en face de lui, à la fin du mois de mai 68, les représentants des organisations syndicales et de négocier sur nombre de points à propos desquels les discussions avaient parfois traîné pendant des années sans progrès réels" (Syndicalisme-Hebdo, journal de la CFDT du 12.8.76).
"Je suis le premier à reconnaître que, au mois de mai, ce sont les syndicats qui, avec un courage, un sang-froid et une détermination admirable ont empêché que les mouvements ne débouchent sur le domaine politique, et Dieu sait combien nous avons été inquiets pour ce pays au moment où nous avons cru que les troupes leur échappaient, emmenées par je ne sais quels enragés" (Daily, CNPF).

Devant la montée des luttes, la C.G.T. quand à elle choisit une autre voie, pour éviter les débordements elle veut se donner une image plus dure et tout en développant un discours ultra nationaliste copié sur celui du P.C., laisse sa base s’exprimer : sabotage du gazoduc de Hollande à Longwy, saccage de locaux patronaux, mise en place d’une radio-libre à Longwy.
La perspective des Cantonales pousse la C.G.T. à prendre une initiative centrale sur Paris entre les deux tours, elle cherche à présenter cette marche comme le seul débouché pour les luttes dans toute la France et permet du même coup au P.C. de faire une bonne opération électorale.
Elle veut aussi montrer son efficacité et ses capacités de mobilisation.
C’est vrai que le ministre du Travail Boulin vient de rappeler que les syndicats sont là pour empêcher les débordements, ça rappelle drôlement mai 1968.
La campagne pour la marche est significative de la volonté de durcir sur les mots pour éviter le durcissement des luttes, pour cette manif promenade les affiches sont étrangement radicales, dans tout Paris sur les murs et dans le métro on voit l’affiche C.G.T. qui copie, ce n’est pas un hasard une fameuse affiche de 68 ; sur des affichettes ce slogan peu orthodoxe à la C.G.T. : "brisons les cadences pour créer des emplois".
Mais la C.G.T. s’est surestimée et elle a sousestimé le ras-le-bol. Car cette manif c’est aussi l’occasion pour toute une frange radicalisée aussi bien à Denain, Longwy qu’à Paris de se rencontrer et de s’exprimer. C’est l’occasion pour les sidérurgistes de venir à Paris montrer leur force et leur détermination, pas forcément celles de l’appareil syndical. Et de fait on peut parler de jonction sur le terrain entre toutes ces composantes radicales ce qui a permis le caractère de masse des affrontements de vendredi 23.
Pour nous l’objectif était clair : on est là, on ne déclenche rien si les sidérurgistes ne font rien, mais on est là pour les soutenir et on est prêts au cas où... Notre position là dessus est claire : personne ne doit agir à la place des premiers concernés. Et de fait dans les affrontements on a pu voir mêlés sidérurgistes, ouvriers et employés parisiens, étudiants, lycéens, apprentis, chômeurs... nous nous sommes battus côte-à-côte conte les flics et parfois le S.O. C.G.T. : autonomes, inorganisés, communistes libertaires, syndiqués C.F.D.T. ou C.G.T., non syndiqués, voire même des militants d’extrême-gauche, bref des incontrôlés unis pour manifester leur solidarité et leur haine des flics et du pouvoir.

LES FANTÔMES
Personne n’a parlé de l’extrême gauche à l’occasion de la manif du 23. Elle y était pourtant parait-il. Nous avons voulu connaître sa position ; la LCR organisait un meeting le 28, nous y fûmes. Au lieu des 5 000 participants habituels, environ 700 fantômes écoutaient la messe des orateurs ? Trois mots seulement sur les affrontements du vendredi précédent : "Autonomes = Flics = Idiots". Les fantômes ont décidément de la merde dans les yeux... C’est peut-être pour ça qu’ils sont morts.

Si nous avions choisi de nous regrouper auprès de la C.F.D.T Longwy ce n’est pas par hasard. Les militants de Longwy ont ces derniers mois montré leurs capacités de lutte et de réflexion. Face aux licenciements ils ont évité le piège de la grève et de l’occupation, quand une usine risque la fermeture ça ne sert à rien de s’enfermer soi-même dedans on ne fait que le jeu du patron. Mais ils ont trouvé d’autres formes de lutte à travers l’action directe dans la rue et en s’attaquant aux lieux du pouvoir patronal et étatique, popularisant ainsi leur action. Manifs ou occupations des locaux directoriaux d’Usinor à Longwy, Valenciennes, Paris ; attaque du commissariat de Longwy puis de Denain, occupation de l’émetteur de télé de Longwy, occupation de la sous-préfecture de Briey, occupation du siège de la Familiale filiale indirecte d’USINOR et propriétaire de la majorité des logements de Longwy, manif à la préfecture de Nancy. Quant aux actions sur le terrain de la production elles obéissaient au principe de faire payer le plus cher possible au patron pour le minimum de coût pour les ouvriers. Cependant le pouvoir à opérer une savante retraite lors de la grève de la sidérurgie du 16 février il était absent à Longwy comme à Denain, les flics étaient invisibles, c’est à Sedan que l’affrontement eu lieu. Depuis les émeutes de Denain c’est clair, les zones sidérurgiques en lutte sont laissées en paix, mais le pouvoir n’est pas là. Il est à Paris, et nous pensons que si les sidérurgistes venaient en nombre à Paris, beaucoup auraient dans l’idée de faire ici ce qu’ils faisaient chez eux c’est pourquoi nous étions à leur côtés.
L’affrontement eut lieu, avec les flics CGT qui voulaient tout décider, tout contrôler, tout réglementer, avec les flics de l’État qui provoquèrent, grenadèrent, matraquèrent. Mais au delà de la haine commune des flics et du pouvoir, au-delà du dégoût commun pour les bureaucrates et les gros bras de la CGT, les motivations ne sont pas les mêmes : sauvegarde de leur emploi et de leur région pour les sidérurgistes, ras le bol du flicage quotidien et de l’étalage du luxe des bourgeois pour les parisiens qui vivent dans une des villes les plus fliquées et les plus friquées du monde, souvenir des luttes bradées ou étouffées pour les travailleurs, misère pour les jeunes chômeurs ou lycéens.
Ces motivations différentes expliquent les comportements différents dans les affrontements, la difficulté pour les provinciaux de comprendre les cassages et les pillages des magasins de luxe du quartier de l’Opéra par les parisiens.

ÉCHOS DE LONGWY
Au téléphone des camarades de Longwy nous ont expliqué les réactions et la situation sur place après la manif : les gars sont assez découragés, ils ont été surpris par le niveau de violence des flics. Ils sont écoeurés, y compris la base cégétiste par la collaboration du S.O. CGT et des flics. Ils n’ont pas du tout apprécié les cassages de vitrines et dans ce sens ils critiquent beaucoup les autonomes en les qualifiant d’irresponsables. Quand on a appris les arrestations de gars de Longwy, la colère est montée. L’undi soir, les jeunes voulaient monter au commissariat, mais les dirigeants syndicaux les ont calmés. La CFDT a décidé le lundi d’occuper la centrale à oxygène et de bloquer l’alimentation en oxygène des aciéries. Après la libération de Mazzucatil, l’occupation a été maintenue mais la production a repris. En ce moment les gens sont assez énervés par l’hélicoptère qui brouille les émissions de la radio "Lorraine coeur d’acier". Les gars de la CGT sont montés à l’émetteur télé pour le débrancher, les jeunes cégétistes voulaient tout casser. Par rapport aux inculpations des parisiens pour le 23, y a pas de position pour l’instant.

Mais ce que nous devons affirmer c’est l’unité qui s’est réalisée sur le terrain malgré les contradictions, l’unité entre provinciaux et parisiens, entre ouvriers, chômeurs et lycéens. En eux-même ces affrontements ne sont pas un débouché, même s’ils sont les plus violents et les plus massifs que PARIS ait connu depuis 68. Mais soyons clairs, la manif traîne savate que nous promettait la CGT n’était pas non plus un débouché, nous le savons tous, nous en avons déjà trop fait des manifs de ce genre, sans lendemains. Seulement alors qu’une manif classique n’aurait fait que renforcer le contrôle syndicale sur les luttes et donc leur étouffement, les affrontements ont ouvert une autre perspective. C’est la rencontre, la coordination, l’unification de toutes les luttes qui se mènent actuellement dans tous les secteurs et qui de plus en plus n’ont pas de solution dans ce système. C’est l’échange, la confrontation, le débat entre toutes ces luttes. La solidarité effective.
Ce qu’il s’agit de construire c’est un mouvement de masse clairement anti-capitaliste et anti-autoritaire dans tout le pays. Pour celà il faut être capable de débattre entre des réaliés souvent contradictoire, mais c’est à ce prix que nous vaincrons.


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Re: Le Mouvement autonome en France

Messagede bipbip » 07 Sep 2017, 22:06

Mouvement nucléaire et autonomie

"quoi qu’il en soit, le nucléaire n’est qu’un des aspects le plus apparent de l’exploitation généralisée du capitalisme qui ne peut être mis en échec que par l’auto-organisation des individus et par la prise en mains de tous les aspects de notre vie quotidienne".

Communiqué de C.A.R.L.O.S. 2/3/77

"cinq mois après Malville et deux mois avant les élections le mouvement anti-nucléaire (écologique, etc.) se trouve à un tournant décisif. Alors que les leçons de Malville n’ont pas été totalement été tirées, certains veulent l’entraîner sur le terrain électoral". Pourquoi la lutte contre le nucléaire ?

Pourquoi la lutte contre le nucléaire ?

Tous les pays capitalistes développés de l’ouest comme de l’est ont dû adopter le nucléaire ce qui à priori n’est pas un choix idéologique mais une nécessité économique imposée par le niveau de développement technologique des forces productives. Si la plupart de ces pays ont arrêté le programme des surgénérateurs ce n’est pas pour des raisons morales mais celles purement techniques de sécurité. La France prend un grand risque en étant la seule à le garder, mais ce risque ne concerne que la population et là comme ailleurs le capital ne se soucie peu ou prou des conséquences sur l’écosystème.
Le gouvernement a fait le choix "irréversible" du tout nucléaire en 74, sous prétexte de la "crise du pétrole", mais ce choix découle logiquement de la rentabilisation de l’appareil productif du nucléaire militaire. Pour la petite histoire le programme nucléaire date de 1945 lors de la création de la CEA par un gouvernement composé de communistes, socialistes et gaullistes ! En 1952, le premier plan quinquenal décide la création du centre nucléaire de Marcoule pour la production de plutonium en vue de la fabrication de bombes A. En 56 le gouvernement français participe à la création de l’EURATOM.
Ce sont donc des gouvernements "socialistes" qui ont mis en place le programme nucléaire. Alors comment leur faire confiance aujourd’hui ? Ce programme fut mis en place sous l’égide de l’EDF, soi-disant service public alors qu’elle travaille directement pour le programme nucléaire, ce qui entraine déjà une militarisation de certains secteurs de l’EDF (voir les ordonnances du 7 janvier 59). Le programme des surgénérateurs entraine un accroissement de la production du plutonium, le transu-ranien le plus dangereux (0,7 microgrammes sont mortels). Le développement du programme nucléaire entraine de façon inéluctable des changements politicosociaux importants : renforcement du entralisme, du pouvoir, de la techno-bureaucratie, du pouvoir policier et la militarisation croissante de la société.

Pourquoi produire plus d’électricité ?

Le développement technologique du capital entraine le remplacement de la force de travail humaine par : le machinisme ; l’automatisme ; l’informatique et la cybernétique dont l’énergie principale est l’électricité. Cette technologie n’a pas pour but, dans le cadre du capitalisme de libérer l’homme des travaux pénibles mais d’éliminer de plus en plus la force de travail humaine dont le coût de production est de plus en plus élevé. La recherche de profits nouveaux entraine la production de marchandises nouvelles rapidement renouvellables : gadgets, etc... La conccurence nécessite des investissments énormes dans la publicité, la présentation (emballages perdus etc...).
Les énergies et leurs technologies sont ainsi déterminées par le niveau de développernent des forces productives : l’électricité est née avec le capitalisme au XXème siècle : énergie thermique (bois, charbon), hydraulique, le pétrole et enfin le nucléaire.
Opposer des énergies nouvells comme alternative au nuclaéaire c’est faire abstraction des forces dominantes qui "créent" des technologies nécessaires à leur domination. De nouvelles technologies énergétiques déterminent un nouveau modèle de société qui remet totalement en cause la société et même la civilisation. Le développement du nucléaire entraine une coopération mondiale entre tous les pays développés sur le dos des pays du "tiers-monde" fournisseurs d’uranium à bas prix comme pour le pétrole à l’origine, ainsi la France s’approvisionne principalement au Gabon (prix de revient de l’oxide d’U. à vingt dollars le kg au lieu de cent en France) Elle fait traiter son uranium aussi bien aux USA qu’en URSS, participe à l’eurODIF (France, Belgique, Italie, Espagne, et Iran), le programme nucléaire "français" dépend aussi de l’Allemagne, le Japon, le Canada, la Suède, etc.. L’internationale nucléaire, civile et militaire n’est que l’aspect le plus spectaculaire de la domination mondiale de la techno-bureaucratie.

Pourquoi Lutter ?

Tout le processus du nucléaire représente des dangers, la plupart irréversibles, le plus important étant la radio-activité surtout à long terme :
des mines d’uranium : destruction de l’environnement ; dégagement de gaz radio-actifs, de radon (cancers du poumon pour les mineurs ) traitements chimiques du minerai donc rejet de gaz nitreux et sulfureux ; pollution des sols et de l’eau...
raffinage du minerai, traitement chimique avec acide f luorhidrique, pollution, perte par transport etc..
enrichissement du minerai par acide, risque de fuite d’hexaf lurorée d’uranium, comme à Pierrelatte, etc..
les centrales sont le danger potentiel le plus important, surtout en ce qui concerne les surgénérateurs : risque d’excursion nucléaire, emballement et explosion, risque d’explosion par le mélange de sodium et eau ; pollution thermique de l’eau et destruction de l’aqua-système (éco-système aquatique), rejet d’eau tritiée (radioactive) etc..
le transport et le traitement des déchets représentent de nouveaux dangers : la capacité de retraitement des combustibles irradiés étant insuffisante, le stockage s’amplifie dans les centrales où les deux seuls centres de retraitement de La Hague et Marcoule, avec rejet de gaz toxique et radio actif, etc..
le stockage des déchets entraine le rejet d’effluents radio actif, la pollution de la mer, des nappes phréatiques, etc..
Et pour couronner le tout : la prolifération de l’arme nucléaire et des explosions avec tous les risques de contamination.
A court terme le nucléaire représente un danger impor tant pour tous les travailleurs : du CEA, de l’industrie nucléaire et de l’EDF ; à moyen terme pour tous ceux qui "vivent" prés des centrales, des mines et des usines et pour nous tous à long terme par la destruction des éco système. C’est pourquoi nous devons tous nous considérer en état de légitime défense contre cette nouvelle terreur d’Etat.
Comment lutter ?

A priori il n’y a pas de formule magique, c’est l’expérience collective qui nous montre les meilleurs moyens de lutte. Si les dangers du nucléaire sont parfois irréversibles notre lutte doit être efficace à très court terme pour stopper le programme avant 1980. On nous reprochera de ne pas utiliser les moyens légaux de la démocratie, mais comment y croire quand l’EDF elle-même ne respecte pas sa propre légalité ; quand les élections sont là pour entretenir la passivité et les illusions des masses. Jusqu’ici le Pouvoir a très peu reculé, il retarde certains projets ou réalisations en cours devant l’action directe des masses et des populations concernées, comme au Péllerin, les manifestations internationales comme à Malville et les multiples actes de sabotage. Si les travailleurs sont à priori les plus concernés à court terme, les syndicats ne sont pas très actifs dans la lutte, excepté pour quelques sections de la CFDT (Saclay, Marcoule et la Hague), cela tient à la nature même des syndicats : ne rien remettre radicalement en cause mais aménager la place du prolétariat au sein du capital. L’opposition politique traditionnelle, de la gauche au gauchisme ne s’intéressent que de façon opportuniste à la lutte antinucléaire dans un but souvent électoral. La lutte anti-nucléaire est menée principalement par une large fraction de la jeunesse qui refuse cette poltitique traditionnelle et aspire à un autre mode de vie pour une autre société. Notre action doit s’amplifier en se tournant de plus en plus vers les travailleurs, chose difficile quand on refuse la démagogie, et nous devons nous liei plus directement avec les populations concernées. La lutte anti-nucléaire doit renforcer son caractère antiautoritaire et anti-capitaliste, développer la démocratie directe à la base pour s’orienter vers l’action directe et le désobéissance civile pour devenir une nouvelle force au sein du nouveau mouvement révolutionnaire autonome.


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Re: Le Mouvement autonome en France

Messagede bipbip » 15 Mar 2018, 03:36

Histoire du mouvement autonome français

Paris jeudi 15 mars 2018
à 19h, École Normale Supérieure (ENS), Salle Cavaillès, 45 rue d'Ulm

Éléments pour une histoire du mouvement autonome français, entre 1968 et 1979

Si la séquence de l'autonomie italienne est désormais largement discutée et citée en référence dans les milieux militants, l'histoire du mouvement autonome français demeure encore trop méconnue. Nous nous proposons, dans le cadre du cycle entamé cette année sur l'évolution et la morphologie de la violence révolutionnaire à l'époque moderne, de contribuer à en retracer le parcours, les formes, les contenus politiques - entre 1968 et 1979. La séance sera rythmée à plusieurs voix et en plusieurs parties : d'abord un retour sur la Gauche Prolétarienne comme genèse de l'autonomie, notamment du point de vue de l'introduction de l'illégalisme, ouvert ou clandestin, en tant qu'activité permanente au sein des luttes. Puis un éclairage sur les causes de sa dissolution et la manière dont plusieurs expériences de lutte armée ont émergé dans son sillage (NAPAP, Brigades internationales, jusqu'à Action Directe, en passant par la guérilla diffuse). Il s'agira ensuite de présenter les principaux groupes du mouvement autonome à proprement parler, tels Camarades ou Marge, leurs modes d'organisation, ainsi que le contexte d'insubordination ouvrière et la multiplicité des antagonismes sociaux qui en ont formé le tissu de masse.

Enfin nous nous arrêterons sur la manifestation nationale des sidérurgistes lorrains le 23 mars 1979 qui donne lieu à une émeute de grande ampleur à laquelle participent les autonomes, et survient en même temps à un moment d'épuisement de la séquence ouverte en 1968. Nous tenterons de l'analyser à l'aide des images disponibles et de questionner sa signification historique.

https://paris.demosphere.eu/rv/60704
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