Histoire du M.C.L.

Histoire du M.C.L.

Messagede vroum » 19 Fév 2009, 09:33

Le Mouvement Communiste Libertaire

Histoire du mouvement anarchiste 1945-1975 de Roland Biard
Editions Galilée pages 203-205


Les 17 et 18 mai 1969 se réunissent à Paris quelques dizaines de militants et ex-militants communistes libertaires ou se référant à cette étiquette. Sont présents des membres de la Jeunesse Anarchiste Communiste, de la Tribune Anarchiste Communiste, des militants de l'ex-Fédération Communiste Libertaire et des isolés. À l'origine de cette initiative, nous retrouvons l'ancien secrétaire de la F.C.L. : Georges Fontenis. Cette « réapparition » publique de celui qui fut l'un des militants les plus contestés des années 1950 n'allait pas sans provoquer quelques remous. Bien qu'ayant pris soin de s'adresser uniquement à des jeunes militants – issus de 1968 – Fontenis dut répondre à des séries de mises en demeure d'explication. Sa présence hypothéquait d'ailleurs jusqu'à l'existence même du M.C.L. La T.A.C. décida de se retirer très rapidement, préférant adhérer au Comité d'Initiative pour un Mouvement Révolutionnaire. D'autres militants s'abstinrent d'y participer pour n'avoir pas à rompre avec le mouvement traditionnel.

En dehors de l'hypothèque que représentait la personne même de son initiateur, le M.C.L. Ne put se développer. En effet, dés l'origine, des tendances spontanéistes et conseillistes (ou considérées comme telles) se firent jour. Les structures organisationnelles furent limitées à leur plus simple expression : assemblées générales et « comité de liaison » sans pouvoir quelconques.

Mais contrairement à l'O.R.A., le M.C.L. dès son origine fit une large place à la recherche théorique et à l'analyse. Nous en voudrons pour témoin l'édition en 1969 d'un « Texte de base théorique ».

le M.C.L. met l'accent dans ses différents textes sur la rupture nécessaire avec le mouvement traditionnel, ainsi que sur la nécessité d'une approche des réalités qui emprunte au marxisme un certain nombre d'instruments d'analyse (cette restriction et la non-adoption du marxisme comme principes de base provoquèrent les premiers départs du M.C.L. : les néo-situationnistes). Le but assigné au projet révolutionnaire communiste libertaire est la REVOLUTION TOTALE. Celle-ci doit nécessairement, au niveau infrastructurel, reposer sur le principe de l'AUTOGESTION GENERALISEE et le POUVOIR DES CONSEILS. L'organisation « spécifique » des communistes libertaires doit permettre l'action d'ensemble contre les forces de répression, lutter contre les récupérations bureaucratiques. Mais cette organisation n'a pas un rôle directeur (l'« avant-garde »). tout au contraire, elle doit se garder des déformations bureaucratiques et la tendance à l'« avant-gardisme ». aussi, l'organisation doit-elle inspirer dans ses principes mêmes des principes autogestionnaires. Ceux-ci ne sont d'ailleurs pas une « vue de l'esprit ». La pratique ouvrière quand elle n'est pas hypothéquée par les syndicats par les syndicats et partis réformistes, doit servir de modèle. Les « Comités d'action », les « Comités de grèves »... sont l'expression authentique des formes de luttes prolétariennes. L'Organisation, tout en s'inspirant à l'intérieur d'elle-même de ceux-ci, doit avoir pour but de favoriser et de coordonner toutes les luttes qui se déroulent sur ces bases, combattre leur détournement et susciter, chaque fois que cela est possible, leur mise en place.

Les principales thèses défendues par le M.C.L. à son origine sont donc d'origines multiples. En défendant des principes organisationnels relativement étoffés, sans être bureaucratiques, il s'inspire de la Plate-Forme d'Archinoff. Le reste des considérants (analyse du capitalisme...) semblent, eux; fortement s'inspirer du luxembourgisme.

L'ambiguïté au départ n'est pas telle qu'elle nuise à la construction du M.C.L. Mais très rapidement, des divergences vont surgir au fur et à mesure que les notions vont s'affiner.

Dès la fin de 1969, le M.C.L. peut être considéré comme un échec, si ce n'est par le fait que, comme l'O.R.A., il n'a pas su attirer à lui les nombreux jeunes militants issus de mai 1968, ni provoquer une prise de conscience du reste du Mouvement.
Modifié en dernier par vroum le 29 Mai 2009, 11:49, modifié 1 fois.
vroum
 

Re: Biard : Histoire du M.C.L.

Messagede vroum » 24 Fév 2009, 11:20

GUÉRIN, Cédric. Anarchisme français de 1950 à 1970

Mémoire de Maitrise

Mémoire de Maîtrise : Histoire contemporaine : Lille 3 : 2000, sous la direction de Mr Vandenbussche. Villeneuve d’Ascq : Dactylogramme, 2000. 188 p. ; 30 cm. Bibliogr. p. 181-186

LILLE 3 : Bibliothèque Georges Lefebvre

Le Mouvement révolutionnaire et le Mouvement communiste libertaire


Depuis 1968, un petit groupe issu de l’UGAC édite Tribune anarchiste communiste. Pour Roland Biard, la prise de position originale de ce groupe par rapport au reste du mouvement est “ en définitive la seule qui rompt avec les pratiques traditionnelles et tente de tirer les conclusions de Mai 68. ” On a vu la position particulière de l’UGAC après 1964 qui, dans sa Lettre au mouvement anarchiste international, réclamait la jonction du courant anarchiste-communiste avec l’ensemble des forces révolutionnaires. L’UGAC nie la nécessité d’une organisation spécifique, le groupe n’étant conçu que comme une tendance. Le groupe “Action-Tours ”, auquel appartient Georges Fontenis, adhère à l’UGAC mais estime que “ la présence au sein de l’ensemble du courant révolutionnaire nécessite l’existence d’une véritable structure communiste libertaire ayant ses propres prises de position, sa propagande, son affirmation extérieure spécifique. ” Très
vite, l’UGAC va considérer qu’elle ne doit être qu’une tendance et non vraiment une union de groupes. C’est dans ce sens qu’il faut envisager la nouvelle appellation de l’Union : la Tendance
anarchiste-communiste (TAC).

Dès juin 1968 est lancée l’idée d’un mouvement révolutionnaire unitaire et pluri-idéologique. Les militants de la TAC sont dans les premiers à se rallier à cette initiative. Se constitue alors le CIMR (Comité d’initiative pour un mouvement révolutionnaire) qui regroupe une partie des “ gauchistes français ”. Parmi les participants aux premières assemblées, on peut noter les militants de l’ex-JCR et ses leaders (Krivine, Ben Saïd, Weber), les militants du courant trotskiste (pabliste), des dissidents du PCF comme JP Vigier ou Depaquit, les militants de la TAC, des communistes libertaires regroupés autours du groupe de Tours et de Fontenis et enfin des militants isolés sans attaches spécifiques mais qui sont les plus nombreux. Très tôt, il apparaît que Mouvement Révolutionnaire est un champ clos où s’affrontent les appareils politiques groupusculaires : “ Nous nous retrouvons bien peu au sein de CIMR où, très vite, les luttes d’influence vont détruire l’atmosphère d’unité. ” Le MR se réduit rapidement à trois groupes de militants : trotskistes, dissidents du PCF et dans un même groupe les communistes libertaires et la TAC.

En 1969, le mouvement éclate et les militants de la TAC restent le seul bastion anarchiste du MR. La TAC poursuit en quelque sorte le “ front commun ” de 1968, seule possibilité de la révolution : “ Nous sommes persuadés que la révolution ne sera pas le fait d’un groupe particulier et qu’il faut donc toujours tendre à un regroupement des révolutionnaires. ” Les deux principaux buts que se fixe la TAC se résume dans la formule “ Pour l’autogestion et l’unité des révolutionnaires. ” En outre, il apparaît de plus en plus que le mouvement révolutionnaire dans son ensemble se divise, comme à Carrare, en deux pôles : un organisationnel et un spontanéiste. Quant à la TAC, elle se refuse “ à croire qu’il ne peut exister de solution autre que l’ultraspontanéisme ou l’ultrabolchévisme. C’est dans la recherche de cette autre voie qu’est engagé le Mouvement révolutionnaire” .

Deux ans après l’éclatement du mouvement, la TAC considère ce rassemblement comme la preuve du nécessaire dépassement des clivages rigides des mouvements révolutionnaires : “ Au cours des deux années de pratique militante, nous avoir fait la preuve qu’en sortant résolument des schémas consacrés et des “ idées reçues ”, il est possible que des militants anarchistes-communistes et des militants marxistes puissent cohabiter dans la même organisation, non seulement sur le plan de l’action concertée, mais aussi sur le plan de la recherche théorique commune sans que les uns et les autres ne se sentent aliénés. ” La Tac se situe dans la perspective du regroupement futur du mouvement révolutionnaire en définissant les conditions premières : “ Mise en question de tous les schémas anciens, confrontation permanentes des expériences, remise en cause des groupes existants, refus du choix sommaire que certains voudraient nous imposer entre le spontanéisme et l’ultrabolchévisme. ”

Ces réflexions témoignent d’une évolution importante pour le mouvement anarchiste, non seulement dans la remise en cause des rapports entre marxistes et anarchistes, mais aussi dans la volonté de dépasser les traditionnels clivages. Mais cette évolution semble logique en ce qui concerne la TAC et les positions de l’UGAC dès 1966. L’heure n’est plus, comme avait pu le dire Cohn-Bendit, à une opposition entre les deux théories révolutionnaires, mais à une recherche d’unité pour découvrir les meilleures formes d’action : “ L’évolution du mouvement révolutionnaire dans le monde, et surtout en Mai 68 chez nous, doit nous obliger à remettre en question les idées les plus consacrées. Qu’est-ce que cela veut dire aujourd’hui : être marxiste ou être anarchiste tout court alors qu’il existe nombre de conceptions opposées parmi ceux qui se réclament de l’une ou de l’autre position ? ” Les révolutions récentes condamnent les formes d’organisation des révolutionnaires et leur division en groupes ou groupuscules : “ Le maintien de notre adhésion du CIMR est dicté par le fait qu’il pose seul le problème du dépassement des groupuscules et de la construction de l’Organisation révolutionnaire dans la pratique et par une pratique. ”

Dans une polémique qui l’opposera à l’ORA, il sera reproché à la TAC sa tendance à pratiquer des alliances avec des groupes structurés, aspirant à l’hégémonie. Le MR se dissout en 1971 et ce qui reste de militants adhère aux Centres d’initiatives communistes (CIC), crée par la revue oppositionnelle du PCF Unir-Débat. Le MR n’a pu déboucher sur un véritable mouvement révolutionnaire unifié, en acceptant de se placer sur le terrain des groupes politiques, tout en ne se reconnaissant pas comme partie intégrante du mouvement de Mai et en gardant l’idée de tendance de la revue.

Lorsqu’en 1969 éclate le MR, la tendance communiste libertaire, regroupée autour de Fontenis, ne disparaît pas pour autant. Les 10 et 11 mai se tient le congrès constitutif du Mouvement communiste libertaire. Sont présents des membres de la JAC, de la TAC, des militants de l’ex-FCL et des isolés. La présence de Georges Fontenis, le militant le plus contesté des années cinquante, provoque des remous et hypothèque dès sa naissance l’existence même du mouvement. En effet, il est avec Daniel Guérin le principal initiateur, et nombre de militant se voient contraint de ne pas adhérer pour ne pas se couper du mouvement traditionnel. Le MCL, dès son origine, fait une large place à la recherche théorique et à l’analyse. Dès 1969, un Texte de base théorique est adopté ; il sera suivi d’un Appel. Le MCL met l’accent dans le premier texte sur la rupture nécessaire avec le mouvement traditionnel, ainsi que sur la nécessité d’une approche détaillée des réalités qui emprunt au marxisme un certain nombre d’instruments d’analyse . Le but assigné au projet communiste libertaire est “ la révolution totale ”. Celle-ci doit
nécessairement, au niveau infrastructurel, reposer sur le principe de “ l’autogestion généralisée et le pouvoir des conseils ” . Le primat accordé à l’organisation, aux structures, témoigne d’un certain état d’esprit, et d’une volonté d’action contre les forces de répression et les bureaucraties. Le rôle des avant-gardes se détermine par rapport à des pratiques autogestionnaires pour éviter toute bureaucratisation. L’influence des événements est palpable dans cette tactique. La pratique ouvrière doit servir de modèle, quand elle n’est pas hypothéquée par les syndicats et partis réformistes. Le Mouvement accorde une place de choix aux Comités d’action, Comités de base, Comité de grèves : “ Il existe aujourd’hui, dans les entreprises, des organisations autonomes de luttes : Comités d’Action, Comités de base… dont les orientations fondamentales sont les suivantes :
• Réaction anti-bureaucratique vers le pouvoir aux assemblées générales,
• Dépassement des structures syndicales,
• Action directe (grèves sauvages, sabotage des cadences, séquestration de patrons, etc..),
• Refus de la distinction “ économique ” et “ politique ”,
• Rejet de tout monopole d’un groupe quelconque. ”

Les Comités d’action tels qu’ils sont décrits s’apparentent à un avant-garde, dont le but est de faire prendre conscience aux masses de leur aliénation économique et politique. Néanmoins, le Mouvement leur refusent tout rôle dirigiste. Cette éventuelle déviation est empêchée par l’autogestion qui doit permettre l’action commune et donner la parole à tous.

Les thèses du MCL apparaissent à leur origine extrêmement diverses. Il s’inspire en matière organisationnelle de la plate-forme d’Archinoff. La critique du capitalisme rejoint dans une certaine mesure celle de Rosa Luxemburg, mais le Mouvement n’accorde pas la primauté à la “ spontanéité révolutionnaire”. L’autogestion généralisée, la tendance profonde à l’autonomie et l’auto-organisation des travailleurs, le pouvoir des conseils, l’exigence d’une cohérence théorique symbolisent les réflexions et les références du Mouvement communiste libertaire. Pourtant, dès la fin 1969, le MCL peut être considéré comme un semi-échec, notamment parce qu’il n’a pas su attirer à lui les nombreux jeunes militants issus de Mai 68, ni provoquer une prise de conscience du mouvement. “ Logiquement ”, le MCL trouve un terrain de rapprochement avec l’ORA, basée elle aussi sur la nécessité de l’organisation et sur la lutte des classes.

Pourtant, l’échec de cette relation survient assez rapidement, pour des questions idéologiques mais aussi affinitaires selon Fontenis : “ Malheureusement, notre orientation plus “ conseilliste ” qu’anarchiste traditionnelle, notre conception dite abusivement “ marxiste ”, mon passé “ autoritaire ” à la FCL, mon passage personnel à la franc-maçonnerie vont servir de prétexte à quelques leaders de l’ORA pour ralentir le rapprochement. ” Face à la FA, le MCL apparaît, au même titre que l’UGAC, l’ORA, l’OCL, (la FCL et les GAAR dans le passé), comme une autre face de l’anarchisme français au carrefour des années soixante et soixante-dix.

Dans une certaine mesure, ce “ groupe ” rassemble tous ceux qui, constatant le malaise actuel des
organisations anarchistes (et donc de leurs possibilités d’action), en cherchent la solution, qu’ils soient plateformistes ou non. Et la plupart d’ailleurs le sont. Ils mettent l’accent sur l’organisation, estimant que doter le mouvement d’une structure et d’une tactique communes à tous, est bien la condition première et sine qua none du renouveau.
vroum
 

Re: Biard : Histoire du M.C.L.

Messagede Alayn » 25 Fév 2009, 01:21

Bonsoir ! On voit bien dans tout çà le rôle néfaste du marxisantisme pourrissant l'anarchisme.

Je le redis comme je le pense: l'anarchisme n'a pas besoin du communisme et encore moins de Marx.

Merci pour ces documents vroum.
Salutations Anarchistes !

EDIT: je viens d'éditer une partie de ce message pour ne pas pourrir les excellents sujets de vroum.
Modifié en dernier par Alayn le 25 Fév 2009, 20:26, modifié 1 fois.
Alayn
 

Re: Biard : Histoire du M.C.L.

Messagede RickRoll » 25 Fév 2009, 10:59

Encore le complot marxiste. Le disque est rayé ?
RickRoll
 

Re: Biard : Histoire du M.C.L.

Messagede arvn d » 25 Fév 2009, 11:15

Quel dogmatisme! Et vive la sainte trinité!
arvn d
 
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Re: Biard : Histoire du M.C.L.

Messagede vroum » 25 Fév 2009, 13:17

De qui parles tu arvn d ?

Commencez pas à me pourrir mon topic, j'ai fait l'effort de trouver et de recopier des textes plus ou moins connus mais peu diffusés et ceci dans le souci d'avoir des points de vue neutres sur notre histoire commune, donc exit les mémoires de Joyeux et Fontenis, trop orientées et trop arrangeantes avec la réalité.

C'est pourquoi j'utilise d'autres points de vue, Biard est un pur communiste libertaire mais son bouquin est assez honnête, Cédric Guérin et Fabrice Magnone apportent également un point de vue assez objectif.

Je vais pas tarder à créer un topic (ou plutôt plusieurs topics pour découper le sujet en plusieurs périodes) sur l'histoire de la FA, mais bon ça fait du gros boulot, restera à traiter l'OCL2 et l'UTCL...
vroum
 

Re: Biard : Histoire du M.C.L.

Messagede arvn d » 25 Fév 2009, 15:03

Mais je ne parle pas de ton travail, je trouve cela très bien. Je parle du dogmatisme de sieur Alayn. Alors cesse la parano.
arvn d
 
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Re: Biard : Histoire du M.C.L.

Messagede Alayn » 25 Fév 2009, 20:38

Bonsoir ! Bon, pour éviter les anciennes polémiques (Fontenis/Joyeux, etc...), j'ai éditer mon message précédent.

Par contre, il va falloir qu'on m'explique en quoi c'est dogmatique d'être anti-marxiste ! ?

Désolé, dans toute l'histoire des mouvements présentés par vroum, on voit bien ce qu'à fait l'introduction du marxisme dans des orgas censées être anarchistes.
Est-ce dogmatique d'oser dire ou de penser que çà a été plutôt néfaste ?

Je sais parfaitement que ce point de vue n'est pas partagé par tout le monde. Est-ce pour autant que je dois dire Amen ?
Non, en fait, on préfèrerait que je me la fermes.

Salutations Anarchistes et anti-Marxistes dogmatiques ! Pfiou...
(et encore un grand merci à vroum pour ses documents hautement éclairants)
Alayn
 

Re: Biard : Histoire du M.C.L.

Messagede arvn d » 25 Fév 2009, 23:46

Ben voila, t'arrives à t'exprimer correctement quand tu veux.
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Re: Biard : Histoire du M.C.L.

Messagede Pïérô » 26 Fév 2009, 01:37

Il y avait, et il y a encore, et on va dire pour être cool, juste une toute petite confusion entre communisme et marxisme, entre anarchistes-communistes et marxistes... Cette toute toute petite confusion ne paraît pas vraiment complètement involontaire, et elle est un tout tout petit peu choquante. Mais c'est rien, rien du tout, çà passera... :(
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Re: Biard : Histoire du M.C.L.

Messagede Alayn » 26 Fév 2009, 20:46

Bonsoir ! C'est bien pourquoi je dis "marxisme" et non pas "communisme" (je fais gaffe maintenant-arf !)

Salutations Anarchistes !
Alayn
 

Re: Histoire du M.C.L.

Messagede vroum » 29 Mai 2009, 11:53

encore quelques documents pour relancer le topic :

Alexandre SKIRDA

AUTONOMIE INDIVIDUELLE ET FORCE COLLECTIVE

Les anarchistes et l’organisation de Proudhon à nos jours


Au même moment, un groupe autonome, le groupe Kronstadt (rien à voir avec celui du Mémorandum), publie un Projet de principes organisationnels ( Texte ronéoté de 6 pages, publié début 1971. Le groupe Kronstadt a existé de 1969 à 1971, comptant une dizaine de membres dont, à divers moments, Daniel Guérin, Roland Biard et le signataire de ces lignes, par ailleurs principal rédacteur de ce Projet. ) d'une organisation communiste libertaire. C'est le fruit d'une dizaine d'années d'expérience et en tant que tel essaie de tenir compte de ses enseignements. Après une déclaration liminaire sur la nature et le rôle d'une organisation révolutionnaire, il y est affirmé la pluralité de telles organisations, à savoir qu'il peut en exister plusieurs se qualifiant de révolutionnaires, mais «aucune ne peut prétendre au monopole», toutes «doivent tendre à s'unifier dans le fait révolutionnaire, se fondant alors dans les organismes unitaires de base des luttes, embryons des Conseils des travailleurs». C'est une rupture avec le patriotisme organisationnel si répandu jusque-là, ainsi que le refus de tout avant-gardisme. Il est précisé ensuite qu'une telle organisation, «en tant que moyen, doit correspondre au but fixé, à savoir dès sa constitution et dans son développement, elle doit abolir en elle les séparations et divisions mentales et sociales dirigeants-exécutants, ne pas se laisser reproduire les rapports pyramidaux existant dans la société dominante. Ne pas combattre l'aliénation sous des formes aliénantes».

Ce projet spécifie qu'il «va de soi que l'adhésion à une organisation révolutionnaire est incompatible avec l'appartenance à une autre organisation, dont la nature et les moyens ne correspondraient pas aux objectifs révolutionnaires». La pratique organisationnelle s'inspire directement de la Plate-forme, remise à jour dans sa formulation. Il est fait mention d'une ligne politique qui fonde la démarche collective de l'organisation. Par ligne politique, il faut comprendre un ensemble de prises de positions générales et particulières sur les questions de fond et d'actualité ; elle n'est pas figée car soumise à la «confrontation permanente des analyses et expériences de l'ensemble des militants». Un point-limite fondamental est constitué par l'application obligatoire par tous les adhérents des décisions prises collectivement. La pratique organisationnelle est très détaillée ; en fait, elle récapitule tous les acquis des pratiques organisationnelles précédentes : les Statuts de l'Alliance bakouninienne, la quintessence des textes plateformistes et l'expérience des années 1960 (cf. texte en partie reproduit en annexe). Ce projet est à la base de la création du Mouvement communiste libertaire, rassemblement d'une centaine de militants, dont Georges Fontenis, réapparu en mai 1968 au sein du Comité d'Action de Tours, qui est d'ailleurs chargé de rédiger le texte de base de l'organisation. Peu après, des négociations sont entamées avec l'Organisation Révolutionnaire Anarchiste (ORA), fondée à partir des réflexions de Maurice Fayolle, d'abord à la FA puis, à la suite d'un désaccord sur l'organisation du Congrès anarchiste international prévu en 1971, à Paris, devenue autonome.





Groupe Kronstadt
Paris

Projet de Principes organisationnels communistes libertaires




1 — L'Organisation Communiste libertaire se caractérise par la démarche collective de la pratique militante de ses membres, laquelle se fonde sur la ligne politique de l'organisation, soumise au principe de la confrontation permanente des analyses et expériences de l'ensemble de ses militants.

2 — La ligne politique de l'OCL se définit par les principes suivants :

a. Cohérence théorique. C'est-à-dire homogénéité rigoureuse de l'ensemble des positions prises par l'organisation, amendée en fonction de l'analyse permanente de l'évolution de la réalité politique, ce qui annihile le danger d'un monolithisme de positions figées et accentue l'efficacité des actions entreprises.

b. Cohésion pratique. L'OCL tend à l'unité tactique par l'application militante de la ligne politique générale adoptée par les groupes et les régions aux Congrès.

c. Responsabilité collective et permanente. Sur le plan de l'expression extérieure, chaque membre est responsable de la ligne de l'organisation.

De même l'organisation est responsable et revendique les positions et actions engagées par chacun de ses membres, en accord cependant avec la ligne générale de l'OCL.

d. Fédéralisme. L'organisation n'est que l'émanation de ses groupes constituants — le groupe est le noyau impulsateur de toute l'organisation. Toutefois, le militant ou le groupe ne peuvent prendre des positions contraires à la ligne de l'organisation.

e. Éthique fraternelle. L'organisation réalise en son sein la conception éthique du communisme libertaire. Des rapports fraternels — basés sur la confiance, l'estime et le respect mutuels — lient l'ensemble de ses militants.



3 — Plan de travail militant.

Le Congrès est souverain pour la définition de la ligne de l'organisation. Il établit le plan de l'activité militante, délègue et désigne les commissions et les responsabilités, met à jour la Déclaration de principes politiques et organisationnels de l'OCL.

Certaines responsabilités sont désignées lors du congrès: Commission Presse et propagande : elle est chargée de l'édition et de la diffusion de toutes les formes d'expression publique de l'OCL : journal, revue, brochures, affiches, tracts, sur le plan fédéral. Elle agit en étroite relation avec le trésorier.

Le Secrétariat a pour tâche d'assurer les liaisons internes, extérieures et internationales de l'organisation. Il édite le Bulletin Intérieur. Il comprend un trésorier.

Son rôle est donc simplement technique et administratif.

Le BI contient les compte rendus des réunions des diverses responsabilités, commissions et du Conseil de liaison ; y figurent aussi les rapports d'activité des groupes et des régions, des motions ou des textes d'orientation de l'organisation, des informations intérieures ou militantes, et une tribune de discussion. Réservé uniquement aux membres de l'OCL, son contenu est confidentiel.

Trésorerie. Elle est alimentée par les cotisations obligatoires (fixées par le congrès) des militants, les souscriptions et le produit des ventes des publications.


Le travail des commissions est contrôlé par le congrès. Les membres des commissions sont proposés par leur groupe au congrès et élus par celui-ci.

Les commissions peuvent exclure ou s'adjoindre des membres, sous contrôle du Conseil de Liaison. Le Congrès se réunit au minimum une fois par an. Des congrès extraordinaires peuvent se réunir sur référendum des groupes.

Entre deux congrès, l'OCL est représentée par le Conseil de Liaison, chargé d'appliquer la ligne politique définie par le congrès, et de contrôler le travail des commissions et responsabilités. Il se prononce sur les propositions des groupes engageant toute l'organisation.

Le Conseil de Liaison est composé de délégués de groupes ou de régions — mais il n'est pas nécessaire pour un groupe d'y avoir 1 délégué, si son fonctionnement, son activité ou sa situation géographique ne le lui permettent pas.

Le C de L se réunit régulièrement — chaque mois — ou exceptionnellement sur référendum des groupes. Seuls les délégués de groupes ou de régions peuvent prendre part aux réunions ; les membres des commissions sont aussi tenus d'y assister.

4— Organigramme

Le groupe. C'est l'unité de base, le nerf moteur de l'organisation. Il compte au minimum 5 membres et au maximum 15. Il réunit des militants sur une base locale, professionnelle, scolaire ou pratique. L'organisation du groupe est libre, elle doit cependant comporter un secrétaire-coordinateur et un trésorier. Les responsabilités doivent circuler par rotation parmi les militants. Le groupe participe à la vie interne de l'organisation, à la discussion et à la confrontation permanentes, aboutissant à l'élaboration du plan de travail militant de l'OCL. Le groupe est tenu de mener son action dans le cadre de ce plan.

Toute action du groupe en dehors des objectifs du plan est libre, et peut se faire au nom de l'OCL, pour autant qu'elle n'est pas contraire à sa ligne, et que le groupe s'engage à faire part de son expérience et de ses résultats au reste de l'organisation.

Le groupe organise autour de son activité extérieure ses sympathisants, entretient des relations avec des membres isolés de l'organisation, les plus proches géographiquement. Il coordonne leur activité au sein de l'OCL et en est responsable.

Des commissions intergroupes peuvent être mises sur pied sur un travail précis.

Cercle. Le groupe peut susciter la formation de cercles, regroupant des sympathisants actifs, qui se consacrent à des activités spécifiques : travail de propagande, expression extérieure, animation d'un cercle d'études et de discussions.

Plusieurs groupes constituent un secteur, ou sur une échelle plus large une région. Mais le secteur et la région ne sont qu'un lien interne de travail militant — ils ne sont pas souverains au sein de l'organisation, uniquement fondée sur le groupe.

L'organisation des secteurs et régions est libre.

L'ensemble des groupes, secteurs et régions constituent la Fédération. L'OCL est donc, dans son fonctionnement, un organisme coordinateur et planificateur de la pratique des groupes constituants.

L'OCL n'a pas de limitation internationale, les fédérations peuvent s'organiser en une Fédération Internationale Communiste Libertaire.


5— Modalités de fonctionnement

Pour toutes les questions et décisions, sur lesquelles il n'y aurait pas unanimité, à tous les niveaux de l'organisation : groupe, région, secteur, et fédération (congrès) et au Conseil de Liaison, après discussion, il y a recours au vote. Le point de vue majoritaire l'emporte pour les questions tactiques et pratiques ; pour les questions théoriques et stratégiques, et autres décisions importantes (exclusion, adhésion,...) la majorité doit être des 3/4.

Lorsqu'il y a désaccord profond entre 2 positions sur un point fondamental, la seule solution est la scission.

Les décisions prises sont applicables par tous les adhérents.

Le vote a lieu par mandats, au Conseil de liaison et au congrès, chaque groupe dispose de 3 mandats, ce qui permet de représenter les diverses positions : 1 pour, 1 contre, 1 nul. Au niveau du groupe, du secteur, de la région, le vote est individuel.

6 — Contrôle.

L'OCL fonctionne d'après les principes de délégation et révocabilité permanentes.

Les diverses responsabilités assumées sont contrôlées continuellement par les groupes. Toute responsabilité peut être retirée, en dehors du congrès, sur référendum des groupes, concluant à une majorité hostile.

Les compte rendus des responsabilités doivent se faire constamment dans le BI, afin que l'information circule le plus rapidement et régulièrement possible.

7 — Règlement interne.

La participation à l'OCL passe nécessairement par un groupe.

Le sympathisant: il est intéressé par les positions de l'OCL, et participe aux actions pratiques de l'organisation, par l'intermédiaire du groupe auquel il se rattache. Il est informé régulièrement des expériences militantes et de la ligne de l'organisation par tous les documents extérieurs de l'OCL. Mais il n'assume aucune responsabilité et ne participe pas aux activités internes du groupe et de l'OCL.

En principe, après une certaine période, une décision mutuelle du sympathisant et du groupe doit intervenir au sujet de son adhésion, car il n'est pas possible pour une organisation d'avoir d'éternels sympathisants.

Le membre correspondant. Il souscrit entièrement aux positions et à la ligne de l'OCL, mais ne peut participer régulièrement à l'activité d'un groupe, soit parce qu'il est géographiquement isolé, soit pour des raisons personnelles. Il cotise et participe selon ses possibilités au groupe le plus proche de son domicile.

Toutefois, les militants isolés doivent tendre à susciter un groupe local.

Le militant. Il est affilié à un groupe. Son adhésion n'est pas un acte de foi, mais un engagement important, qui entraîne pour lui l'obligation de participer aux activités de son groupe et de toute l'organisation, c'est-à-dire d'y assurer des responsabilités et d'en rendre compte, puis de contrôler l'activité et les responsabilités de son groupe et de l'OCL.

Adhésion. L'admission d'un sympathisant ou d'un militant est placée exclusivement sous la responsabilité du groupe. Elle a lieu par cooptation.

Un groupe qui demande son adhésion à l'OCL, prend contact avec le Secrétariat et le groupe le plus proche, prend connaissance de la Déclaration de Principes politiques et organisationnels ainsi que de la ligne du moment, puis adresse obligatoirement un commentaire sur l'ensemble, et un compte rendu de sa pratique passée et présente au secrétariat, qui le diffuse dans les groupes. Ceux-ci donnent leur avis et leur conclusion : pour ou contre.

Après acceptation à l'unanimité, le groupe postulant devient adhérent de plein droit ; en cas d'hostilité d'un ou de plusieurs groupes de l'OCL, le cas est débattu lors du congrès suivant.

Exclusion. En cas de manquement grave aux principes politiques et organisationnels de l'OCL, un militant ou un groupe sont exclus de l'organisation.

Pour un militant, il est suspendu par son groupe, qui communique les motifs au Conseil de Liaison, ceci, s'il y a contestation, jusqu'au congrès suivant qui entérine ou non la décision par un vote, le groupe concerné ne prenant pas part au vote.

Pour un groupe, c'est le même processus, sauf que la suspension est décidée par le Conseil de Liaison.
Modifié en dernier par vroum le 29 Mai 2009, 12:07, modifié 1 fois.
vroum
 

Re: Histoire du M.C.L.

Messagede vroum » 29 Mai 2009, 12:06

La plate-forme communiste libertaire de 1971

I — Les révoltes individuelles et collectives jalonnent une histoire de l'humanité qui est une succession de sociétés d'exploitation. A toute époque, des penseurs ont abouti à une réflexion remettant en cause la société. Mais c'est avec l'avènement de la société capitaliste moderne que la division de la société en deux classes antagonistes fondamentales apparaît clairement, et c'est à travers la lutte des classes, moteur de l'évolution de la société capitaliste, que le chemin se fait qui conduit de la révolte à la prise de conscience révolutionnaire.

Aujourd'hui, parce qu'elle a changé de forme, la lutte des classes est parfois niée et l'on invoque, soit l'embourgeoisement et l'intégration de la classe ouvrière, soit la naissance d'une nouvelle classe ouvrière qui s'insérerait pour ainsi dire naturellement dans les centres de décision de la société capitaliste. En fait, les anciennes couches sociales disparaissent, la polarisation des classes en deux classes fondamentales s'accentue, et il y a toujours quelque part dans le monde un point où la guerre des classes se rallume.

Quelles que soient les formes idéologiques qu'il revêt, le mode de production capitaliste est mondialement un. Que ce soit sous la forme qui, partie du «libéralisme», s'achemine vers le capitalisme monopoliste d'État, ou sous celle du capitalisme bureaucratique d'État, le capitalisme ne peut qu'accroître l'exploitation du travail pour tenter d'échapper à la crise mortelle qui le menace. Les massacres, la ruine générale des conditions de vie, de même que toutes les exploitations et aliénations plus particulières à tel ou tel groupe humain (femmes, jeunes, minorités raciales ou sexuelles, etc.) sont des manifestations que l'on ne peut séparer de la division de la société en deux classes : celle qui dispose des richesses, de la vie des travailleurs et qui crée ou perpétue les superstructures (mœurs, valeurs morales, droit, culture en général), et celle qui produit les richesses.

Aujourd'hui le prolétariat peut être défini par la notion élargie suivante : ceux qui, à un niveau ou à un autre, créent de la plus-value, ou contribuent à sa réalisation. Viennent s'adjoindre au prolétariat ceux qui, appartenant à des couches non prolétariennes, se rallient aux objectifs prolétariens (intellectuels, étudiants...).

II — La lutte des classes et la révolution ne sont pas des processus purement objectifs, ne sont pas les résultats de nécessités mécaniques indépendantes de l'activité des exploités. La lutte des classes n'est pas un simple phénomène que l'on constate, elle est le moteur qui modifie sans cesse la situation et les données de la société capitaliste. La révolution en est l'aboutissement. Elle est la prise en main, par les exploités, des instruments de production et d'échange, des armes, la destruction des centres et des moyens du pouvoir d'État.

Certes, la guerre de classe est jalonnée de difficultés, d'échecs, de défaites sanglantes, mais l'action du prolétariat resurgit périodiquement, plus puissante et plus étendue.

1. Elle se manifeste d'abord sur le plan de l'affrontement direct sur les lieux de travail ; elle se manifeste aussi sur le plan des problèmes de la vie quotidienne, sur le plan des luttes contre l'oppression des femmes, des jeunes, des minorités, sur le plan de la mise en cause de l'école, de la culture, de l'art, des valeurs, etc. Mais jamais ces luttes ne doivent être séparées de la lutte de classe. Attaquer l'État, les superstructures, c'est aussi attaquer la domination capitaliste. Lutter pour des conditions de travail ou pour des augmentations de salaire, c'est mener la même lutte. Mais il est clair que poser le problème du genre de vie plus que du niveau salarial peut donner à la lutte une allure plus radicale quand elle signifie une mise en mouvement des masses pour toute une conception de la vie, et non plus seulement pour des améliorations quantitatives.

2. L'analyse historique met en évidence une tendance profonde, manifestée par les travailleurs à travers leurs luttes directes contre le capital et l'État, à l'auto-organisation, et dans les formes prises par l'action révolutionnaire, apparaissent de façon embryonnaire les structures de la société sans classes. Au cours des luttes les plus quotidiennes, la tendance à l'action autonome se manifeste : grèves sauvages, séquestrations, formes diverses d'action directe s'opposant aux directions bureaucratiques, comités d'action, comités de base, etc. Avec la revendication du pouvoir aux assemblées générales de travailleurs et le refus de la permanence des délégués, c'est une véritable autogestion des luttes qui est à l'ordre du jour.

Il n'y a pas pour nous de coupure historique et formelle entre l'émergence du prolétariat au pouvoir et ses luttes pour réaliser cette émergence, mais un développement continu et dialectique des pratiques autogestionnaires depuis la lutte des classes, jusqu'à la victoire du prolétariat et l'instauration de la société sans classes.

Un mode d'organisation spécifiquement prolétarien, le «pouvoir des conseils», surgit à travers des périodes révolutionnaires comme la Commune de Paris (1871), l'Ukraine makhnoviste (1918-1921), les conseils ouvriers d'Italie (1918-1922), la république des conseils de Bavière (1918-1919), la Commune de Budapest (1919), la Commune de Kronstadt (1921), la Révolution espagnole (1936-1937), les révoltes hongroise (1956) et tchèque (1968), Mai 68.

Le pouvoir des conseils réalisant l'autogestion généralisée à tous les domaines de l'activité humaine, ne peut être précisé dans ses formes organisationnelles que par la pratique historique elle-même, et toute tentative de définition du monde nouveau ne peut être qu'une approche, un projet, une recherche.

L'apparition et la généralisation des formes directes du pouvoir ouvrier impliquent que le processus révolutionnaire est déjà fortement avancé. Cependant, il est à présumer qu'à ce niveau-là, le pouvoir bourgeois est encore loin d'être totalement liquidé. Il s'installe donc provisoirement une dualité entre les structures révolutionnaires et socialistes mises en place par la classe ouvrière et les forces contre-révolutionnaires.

A cette période, la lutte des classes, loin d'être en voie d'atténuation, atteint son paroxysme, et c'est là même que les termes de guerre des classes prennent toute leur acuité ; de l'issue de cette guerre dépend l'avenir de la révolution. Cependant, il serait dangereux de concevoir le processus selon des normes bien définies. En effet, la nature du pouvoir d'État, c'est-à-dire contre-révolutionnaire, en lutte contre les conseils, peut prendre différentes formes. Ce qui est fondamental, c'est que le pouvoir des conseils est antagoniste de tout pouvoir d'État puisqu'il s'exprime au sein même de la société par les assemblées générales dont les délégués, dans les divers organismes mis en place, ne sont que l'émanation, et restent révocables en permanence.

Pouvoir et société ne sont plus alors séparés, les conditions maximales étant réalisées pour la satisfaction des besoins, tendances, aspirations des individus et des groupes sociaux, l'homme échappant à sa condition d'objet pour devenir le sujet créateur de sa propre vie.

Il est donc évident que la révolution ne peut pas être faite par personnes interposées, elle est le produit de l'action spontanée du mouvement des masses et non d'un état-major de spécialistes, ou d'une avant-garde prétendument seule consciente et chargée de la direction et de l'orientation des luttes. Lorsque le mot «spontané» est employé ici, son usage ne doit absolument pas être interprété comme une adhésion à une conception dite «spontanéiste» privilégiant la spontanéité des masses aux dépens de la conscience révolutionnaire qui en est le complément et le dépassement indispensables. En d'autres termes, un mauvais emploi de la notion de spontanéité consisterait à l'assimiler une activité «désordonnée», «instinctuelle», qui serait incapable d'engendrer la conscience révolutionnaire comme l'ont prétendu Kautsky et, à sa suite, Lénine dans Que faire ?

Il est non moins évident que la révolution ne peut être une simple restructuration politique et économique de l'ancienne société, mais qu'elle bouleverse à la fois tous les domaines en brisant les rapports de production capitalistes, en brisant l'État, elle est non seulement politique, économique, mais culturelle, à tout instant, et c'est en ce sens que l'on peut utiliser le concept de révolution totale.

III — L'avant-garde réelle, ce n'est pas tel ou tel groupe qui se proclame la conscience historique du prolétariat, c'est effectivement ceux des travailleurs en lutte qui sont à la pointe des combats offensifs, ou ceux qui maintiennent un certain degré de conscience même dans les périodes de recul.

L'organisation des révolutionnaires est le lieu de rencontre, d'échanges, d'informations, de réflexions, permettant l'élaboration de la théorie et de la pratique révolutionnaire qui ne sont que deux aspects d'un même mouvement. Elle regroupe les militants qui se reconnaissent sur un même niveau de réflexion, d'activité, de cohésion. Elle ne peut en aucun cas se substituer au mouvement prolétarien lui-même, ni lui imposer une direction, ni prétendre en être la conscience achevée.

Elle doit en revanche tendre à synthétiser les expériences des luttes, aider à la prise de conscience révolutionnaire maximale, rechercher la cohérence la plus grande possible dans la perspective de cette prise de conscience, considérée non comme un but ou existant dans l'abstrait, mais comme une dynamique.

En résumé, son rôle est d'appuyer l'avant-garde prolétarienne, d'aider à l'auto-organisation du prolétariat en jouant soit collectivement, soit par l'intervention des militants, un rôle de diffuseur, de catalyseur, de révélateur, et en permettant aux révolutionnaires qui la composent des interventions coordonnées et convergentes, sur le plan de l'information, de la propagande, de l'appui d'actions exemplaires.

Une conséquence de cette conception de l'organisation des révolutionnaires est sa vocation à disparaître non par une décision mécanique, mais lorsqu'elle ne correspond plus aux fonctions qui la justifiaient ; elle se dissout alors dans la société sans classes.

La pratique des révolutionnaires se fait au sein des masses, et l'élaboration théorique n'a de sens que si elle est constamment liée aux luttes du prolétariat. Ainsi, la théorie révolutionnaire est à l'opposé des redites idéologiques recouvrant l'absence de toute pratique réellement prolétarienne.

Il en résulte que l'organisation des révolutionnaires se donne pour vocation de regrouper les militants qui sont en accord avec ce qui précède et indépendamment de tout «label» marxiste, anarchiste, conseilliste, communiste libertaire, le label pouvant recouvrir en fait une conception dirigiste et élitaire de l'avant-garde que l'on retrouve certes chez les léninistes, mais également chez de prétendus libertaires.

Elle ne se recommande exclusivement d'aucun théoricien particulier, ni d'aucune organisation préexistante, tout en reconnaissant les apports positifs de ceux qui ont systématisé, précisé, répandu, les idées puisées dans le mouvement même des masses, mais elle se situe comme suite des expressions du courant ouvrier anti-autoritaire de la Ière Internationale, courant qui, historiquement, est connu sous le nom d'anarchisme communiste ou communisme libertaire, courant que les organisations dites «anarchistes» ont souvent malheureusement caricaturé grossièrement.

L'organisation des révolutionnaires est autogérée. Elle doit préfigurer dans ses structures et son fonctionnement la société non bureaucratique qui voit disparaître la distinction dirigeant-exécutant, et qui instaure la délégation uniquement pour des tâches techniques et avec le correctif de la révocabilité permanente.

Les connaissances techniques et les capacités de toutes sortes doivent être généralisées au maximum, de telle sorte que l'on arrive à une rotation effective des tâches. La discussion et l'élaboration doivent être donc le fait de tous les militants et plus que les normes organisationnelles indispensables et révisables à tout instant, c'est le niveau de cohérence et de conscience des responsabilités atteint par chacun qui est le meilleur antidote de toute déviation bureaucratique.

(Cette plate-forme a été discutée et adoptée au cours d'une réunion tenue à Marseille le 11 juillet 1971. Celle-ci avait été convoquée par le Mouvement communiste libertaire [MCL], fondé par des groupes et individus pour la plupart issus de l'ex-Fédération communiste libertaire [FCL], de la Jeunesse anarchiste communiste [JAC], de l'Union des groupes anarchistes-communistes [UGAC], à la suite de Mai 68, dans le cadre d'une fusion avec plusieurs groupes locaux de l'Organisation révolutionnaire anarchiste [ORA]. Daniel Guérin a activement participé aux discussions concernant sa rédaction finale, sur la base d'un canevas proposé par Georges Fontenis. Elle a été publiée dans Guerre de classes, journal de l'OCL, en novembre 1971.

In À la recherche d'un communisme libertaire.

Auteur : GUERIN Daniel
Lieu d'édition : Paris
Editeur : Spartacus
Année d'édition : 1984 )

vroum
 

Re: Histoire du M.C.L.

Messagede bipbip » 27 Juil 2017, 21:35

Sommaires de Guerre de classes (1971-1976)

Journal du Mouvement Communiste Libertaire (MCL), né de la fusion de la Jeunesse Anarchiste-Communiste, d’ex-militants de de la Fédération Communiste-Libertaire et du groupe Action-Tours.
Après avoir entamé des discussions en vue d’une de fusion avec l’Organisation révolutionnaire anarchiste (ORA) qui échoue, le MCL se transforme en Organisation communiste libertaire en Juillet 1971 [1].
L’organisation s’autodissout en 1976.

La première série de Guerre de classes est publié par le MCL, la seconde par l’OCL.

http://archivesautonomies.org/spip.php?article759
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