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LE PÈRE PEINARD
AU POPULO
Les amis, je me fous candidat. Mais je ne vous prends pas en traître : ne votez pas pour moi ; élu je serais aussi
salop que le premier venu. Ce que j’en fais c’est pour engueuler un brin toute la bande de légumeux, et jaspiner
quelques vérités aux bons bougres.
Nous ne sommes pas heureux ; nous avions compté sur le suffrage universel pour changer un peu notre sort, il
faut en rabattre, nom de dieu ! Plus on fait d’élections, moins ça change.
Les richards et les gouvernants se servent du truc électoral pour nous rouler ; à notre honte, mille bombes, faut
avouer que jusqu’ici, ils ont bougrement réussi : ils nous appellent PEUPLE SOUVERAIN, – cochonne de
souveraineté que la nôtre ! Trimer comme des forçats, bouffer de la vache enragée, et en fin de compte crever à
l’hôpital, c’est notre vie !
Faut mettre ordre à ça, nom de dieu ! Mais ne croyez pas qu’en nommant un copain on arriverait à quelque
chose : une fois élu c’est plus un copain, c’est un supérieur. Je l’ai déjà dit : à l’atelier, le camaro qui passe
contremaître devient mufle ; à la caserne le griffeton qui monte en grade devient rosse.
Qu’ils soient bourgeois ou ouvriers, socialistes ou réacs, une fois élus, les types se foutent de nous. Autant ils
sont peloteurs avant, autant ils sont arrogants après. Dam, y’a rien de drôle, ils sont nos maîtres, c’est pourquoi,
nom de dieu, torchons-nous le cul des bulletins de vote !
Envoyons dinguer tous ces chameaux ! Ceux qui aujourd’hui veulent être conseillers généraux, et ceux qui
voudront être députés demain.
A quoi servent les conseillers généraux ? A nous faire cracher la belle galette pour engraisser les budgétivores.
-De ça nous avons soupé !
Ce que nous voulons, nom de dieu, c’est qu’il n’y ait plus de feignants qui vivent de notre travail ; de gros
richards qui gaspillent la boustifaille de cent familles. Ce que nous voulons c’est foutre dehors cette racaille
d’employés et de gouvernants que nous gobergeons bêtement.
Nous sommes assez grands pour faire nos affaires nous-mêmes : à bas les patrons et les gouvernants !
Mais ça ne viendra pas tout seul. Foutons les pieds dans le plat ! Ce n’est qu’un chambardement complet qui
donnera au populo les trois choses indispensables à l’existence : le logement, le vêtement et la boustifaille.
Pour ça, tonnerre, ne votons plus ! Foutons les richards en l’air, et que les paysans prennent la terre, les ouvriers
l’usine, les mineurs la mine !
Vive la Sociale, nom de dieu ! »
Le blog d'histoire sociale angevine, animé par des militants libertaires, vous présente un extrait du Père Peinard n°23,
du dimanche 28 Juillet 1889. « Un journal farci de riches tartines et de galbeuses images », « un journal qui fait le poil
de toutes les couillonnades des politicards ». Puisse-t-il, avec plus d'un siècle de retard, «vous décrassez les boyaux de
la tête » afin de comprendre que hier comme aujourd'hui toute la clique des politicienNEs ne veulent que devenir des
chefEs, des guides mais qu'à part se mettre pour elles et eux du beurre dans leurs épinards, nous, ça changera pas grand
chose ! Et puis, à bien réfléchir qui comprend grand chose à ses élections cantonales, rebaptisées départementales, où
l'on va voter pour une paire d'homme/femme qui feront ce qu'ils et elles veulent une fois élu ? Sauf que même ça, ça va
être compliqué puisqu'on sait pas trop quels seront les pouvoirs de futurs départements qui sont voués à disparaître !
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