Les conseils ouvriers en Allemagne 1918

Les conseils ouvriers en Allemagne 1918

Messagede bipbip » 24 Nov 2014, 03:50

1918 : Les conseils ouvriers en Allemagne

1918 : Les conseils ouvriers en Allemagne

En hommage à notre ami, poète, écrivain et bon vivant Arthur (dit Mahatma Kane, dit Jean-Paul Musigny, dit Adèle Zwicker, etc...) qui nous a récemment quitté, CQFD met en ligne ce "Vieux dossier" exclusif en français. Il fut publié en espagnol sous le titre « 1918. Alemania. La revolución de los consejos » dans l’ouvrage DÍAS REBELDES, Octaedro, 2009.


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Jamais peut-être n’a-t-on menti de façon aussi éhontée à propos d’événements historiques qu’au sujet de la révolution allemande qui éclata dans les premiers jours de novembre 1918 et emporta en moins d’une semaine la monarchie bavaroise et le IIe Reich allemand. Autant dans l’histoire enseignée en Allemagne qu’ailleurs, ce mensonge délibéré et ce silence intéressé servent évidemment à masquer les enjeux d’un assaut central mené contre ce vieux monde qui venait de montrer ce dont il était capable : quatre ans et demi d’une hécatombe mondiale sans précédent. La révolution en Allemagne, qui était en 1913 la puissance industrielle dominante, menaçait d’être le pivot d’un bouleversement radical de l’hégémonie du capital.

Kiel, dimanche 3 novembre 1918. Les marins de la 3e escadre de la flotte de la Baltique, qui comptaient comme la veille se réunir à la maison syndicale, la trouvent fermée. Ils tiennent un meeting sur la grande place d’exercice, derrière la Waldwiese, où ils sont rejoints par des ouvriers. Et c’est une imposante manifestation qui s’ébranle maintenant à travers la ville. A un coin de rue, elle se trouve nez à nez avec une patrouille, commandée par un lieutenant, qui les somme de se disperser. Personne ne bouge. Un ordre sec : « Feu ! » Les salves couchent neuf morts et vingt-neuf blessés sur la chaussée. Mais tandis que la foule s’éparpille, un matelot épaule son arme et tue le lieutenant Steinhäuser. Cette riposte claque comme le coup d’envoi de la révolution en Allemagne.

Au matin du 4 novembre, les matelots savent qu’il n’y a plus pour eux de retour en arrière possible. Ils élisent des conseils de soldats, désarment leurs officiers et hissent le drapeau rouge sur leurs navires. Puis ils descendent à terre armés, sous l’égide de leurs conseils, dont un certain Artelt, quartier-maître, a pris la tête ; ils occupent sans résistance la prison militaire et en délivrent leurs camarades, les mutin du Thuringe et de l’Héligoland – plus d’un millier – qu’ils avaient transportés depuis Wilhelmshaven trois jours auparavant. D’autres s’emparent des bâtiments publics, et d’autres encore de la gare, faisant ainsi mentir Lénine qui aimait à railler les révolutionnaires allemands en prétendant qu’ils ne sauraient occuper une gare avant l’ouverture des guichets – pour y acheter un billet.

L’après-midi, un détachement de l’armée, envoyé pour réduire le soulèvement des marins, fraternise. Le commandant de la place doit s’incliner devant les conseils de soldats. L’infanterie de marine se solidarise ; les dockers décrètent la grève générale. Le soir même, Kiel est aux mains de 40 000 matelots et soldats insurgés.

Le 9 novembre, Berlin est aux mains des conseils d’ouvriers et de soldats. En cinq jours, du 5 au 9 novembre, les conseils ouvriers se sont étendus à toute l’Allemagne. Le Kaiser Guillaume II est forcé à l’exil.

En novembre 1918, Munich est l’une des places fortes de la Révolution allemande. Le jeudi 7 novembre, un grand rassemblement de masse a lieu dans la Theresienwise. Les orateurs socialistes se succèdent à la tribune et le journaliste Kurt Eisner appelle les soldats à se mutiner et à s’emparer des casernes, ce qu’ils font sans tarder ; ils prennent aussi la rue et les bâtiments publics. La Diète accueille la première séance des conseils, au cours de laquelle la République est proclamée et Eisner est nommé président du Conseil.

C’est en se rendant le 21 février à la séance d’ouverture de la Diète qu’Eisner tomba sous les balles du comte Arco-Valley, qui avait été exclu de la société de Thulé pour avoir caché que sa mère était juive et tenait à « prouver que même un demi-juif est capable d’une action héroïque », comme devait plus tard l’écrire le fondateur de cette officine raciste, Rudolf von Sebottendorff. Eisner succomba aussitôt. Sous l’effet de la panique, la Diète se dispersa. La Bavière se retrouvait sans gouvernement. Grève générale, état de siège. Il n’ y avait plus d’autorité constituée en-dehors des conseils. Le Conseil central, présidé par Ernst Niekisch, tenta de trouver un compromis entre le système des conseils, les partis socialistes et la Diète. Or tout poussait à la constitution d’une république des conseils, qui se vit encouragée par la proclamation le 21 mars de la République des conseils de Hongrie.

On trouvait au sein du mouvement révolutionnaire un groupe d’intellectuels, hommes d’une grande probité, des poètes expressionnistes comme Erich Mühsam et Ernst Toller, des théoriciens universitaires tel l’historien de la littérature Gustav Landauer, auxquels on peut ajouter les économistes Otto Neurath et Silvio Gesell. Mais également Ret Marut, l’agitateur des cahiers antimilitaristes Der Ziegelbrenner (« le fondeur de briques »), dont le premier numéro avait éclaté comme une bombe le 1er septembre 1917 ; revue qui avait le format et l’aspect d’une brique sous une couverture d’un rouge incandescent.

Dans la nuit 13 avril, un putsch militaire, qui échoua, parvint à arrêter une douzaine des conseillistes les plus en vue, dont Mühsam et Max Levien. Au cours d’une sanglante bataille de rues qui débuta sur la Marienplatz et s’acheva cinq heures plus tard par la prise d’assaut de la gare, les troupes de Schneppenhorst furent battues par des forces rouges improvisées, commandées par le matelot Rudolf Eglhofer. Les putschistes s’enfuirent par le train. Une autre tentative de prendre Munich se solda trois jours plus tard par une défaite : le 16 avril, l’« Armée rouge » commandée par le poète Ernst Toller défit ses adversaires « blancs » à Dachau et occupa la ville.

Hoffmann fit appel à Noske. On lui envoya 20 000 hommes des corps francs prussiens et wurtembourgeois qui firent irruption en Bavière par l’ouest et le nord, et s’y comportèrent comme des troupes d’occupation en pays conquis. Le territoire contrôlé par Munich isolé, soumis au blocus, fut rapidement au bord de la famine. Devant la pénurie de réserves monétaires, le communiste Eugen Léviné dut réquisitionner les comptes bancaires et les stocks de vivres ; des mesures désespérées. Le 30 avril, les troupes de Noske s’engouffrèrent dans Munich de trois côtés à la fois. La dernière résistance cessa dans l’après-midi du 2 mai. Alors s’ensuivit une « terreur blanche » telle qu’aucune ville d’Allemagne n’en avait encore connue. La chasse aux « spartakistes » se prolongea une semaine entière. Les tribunaux militaires et spéciaux prirent le relève : les condamnations à mort y tombaient comme grêle.

L’explosion des masses à Berlin le 5 janvier fut spontanée, sous un prétexte des plus triviaux : Eichhorn, révoqué de la préfecture de police, refusait d’obtempérer. Le samedi 4 au soir, à la préfecture, une réunion entre Eichhorn, Georg Ledebour (président de l’USPD), des délégués révolutionnaires et Liebknecht et Wilhelm Pieck (du Parti communiste qui venait de se constituer le 30 décembre) appelèrent à « un imposant meeting dans la Siegesallee » pour le lendemain 14 heures. Ce dimanche, dès la matinée, d’énormes foules, souvent armées, convergèrent vers le centre de Berlin, résolues à l’action. Le quartier de la presse fut investi, les principaux éditeurs (Scherl, Ullstein, Mosse, le Vorwärts) occupés, les rotatives réduites au silence ; d’autres groupes s’emparèrent des grandes gares. Les organisateurs furent les premiers surpris de cette avalanche. Le soir, 86 personnes se retrouvèrent à la Préfecture (dont 70 délégués révolutionnaires et dix dirigeants de l’aile gauche de l’USPD) pour mettre sur pied un « comité révolutionnaire provisoire » de cinquante-trois membres. Une proclamation est lancée dans la nuit :

« Ouvriers ! Soldats ! Camarades !

« Vous avez montré dimanche avec la dernière énergie votre volonté de ne pas laisser impuni le dernier mauvais coup du gouvernement Ebert-Scheidemann couvert de sang. Il s’agit désormais d’aller plus loin. Il faut mettre un frein à toutes les menées contre-révolutionnaires ! Sortez des usines ! Venez en masse aujourd’hui à 11 heures dans la Siegesallee ! Il s’agit de raffermir la révolution et de la mener jusqu’au bout. En avant pour le socialisme ! Luttons pour le pouvoir du prolétariat révolutionnaire ! A bas le gouvernement Ebert-Scheidemann ! »

Les masses ouvrières descendirent dans la rue mais, à part quelques nouvelles occupations qui furent le fait de groupes isolés, rien ne se passa. Les garnisons hésitaient à se lancer dans la bataille. La Division populaire de Marine elle-même se prononça pour la neutralité. Le Comité révolutionnaire, qui s’était transporté au Marstall, fut invité à décamper. Les rassemblements se dispersèrent peu à peu. Le soir du 6 janvier, quoiqu’on n’en sût encore rien, la révolution était morte. Les jours suivants, la situation pourrit lentement. Les commissaires indépendants exclus s’offrirent pour une médiation, ce qu’Ebert accepta bien volontiers, ce qui permit au SPD de relever la tête. La bataille décisive fait rage du 9 au 12 janvier 1919. Dans les rues de Berlin, les troupes de la répression, assez disparates – il s’agit des fameux « Hannetons », ainsi qu’on surnomme les fusiliers de la Garde, du nouveau « régiment Reichstag » assermenté à Ebert, du régiment de volontaires d’extrême droite de Reinhard constitué à l’occasion des troubles de Noël et enfin des bataillons de Potsdam, réorganisés après l’attaque faillie du Château sous les ordres du major von Stephani –, se battent maison par maison pour reprendre l’un après l’autre les bâtiments occupés. Le choc le plus meurtrier fut la reconquête du Vorwärts le 11 qui s’acheva dans un bain de sang. La Préfecture fut la dernière place à tomber le dimanche 12.

Le soulèvement écrasé, les corps francs de Maercker et l’état-major de Lüttwitz firent sans coup férir une entrée fracassante dans Berlin sous les vivats de la populace des bourgeois. On remit à plus tard l’occupation des quartiers ouvriers du nord et de l’est de la ville, mais cette démonstration n’était qu’un prélude. La Division des cavaliers de la Garde du capitaine Waldemar Pabst établit son quartier général à l’Hôtel Eden, promettant par affiches de « ne pas quitter la capitale jusqu’à ce que l’ordre soit définitivement rétabli ». Dès son installation le 15 janvier, elle présenta sa carte de visite : le meurtre de Karl Liebknecht et de Rosa Luxemburg.

La dernière heure de la révolution avait sonné. L’un des hommes les plus courageux du mouvement révolutionnaire et la théoricienne la plus lucide de sa génération, la seule à être capable de critiquer à la fois Bebel et Kautsky, Lénine et Trotski, Jaurès et Pilsudski, furent jetés en pâture à la soldatesque et abattus comme des chiens.

Leur assassinat signifiait celui du courage supérieur, de l’intelligence supérieure, et en fin de compte l’assassinat de l’irréfutable vérité. Mais il constitua encore et surtout le coup d’envoi des milliers d’assassinats qui suivirent et soulignèrent l’ère de Noske de leur trace sanglante, annonçant les meurtres en série par lesquels devait bientôt se signaler l’ère de Hitler. Les sociaux-démocrates venaient de démontrer qu’ils n’avaient rien à envier à la férocité des Versaillais.


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Re: Les conseils ouvriers en Allemagne 1918

Messagede Pïérô » 29 Oct 2015, 18:15

Toulouse, vendredi 30 octobre 2015

Rencontre autour du livre de S. Buggen: La Révolution allemande 1918-1923

à 19h, Librairie Terra Nova, 18 rue Gambetta, 31000 Toulouse

Rencontre avec Sebastian Budgen, préfacier du livre La Révolution allemande 1918-1923 de Chris Harman, paru aux éditions La Fabrique. En partenariat avec le collectif Smolny.

Novembre 1918 : à Kiel, les équipages des cuirassés hissent le drapeau rouge et de là, une vague révolutionnaire balaye l'Allemagne. Divisée dans ses organisations, la classe ouvrière est unanime sur un point : l'heure du socialisme est venue. Commence alors un dur apprentissage : cinq années de crise révolutionnaire, de grèves et d'affrontements armés. Les révolutionnaires tardent à se détacher d'un parti socialiste puissant qui s'engage immédiatement dans la voie du maintien de l'ordre. En janvier 1919, Liebknecht et Rosa Luxemburg sont assassinés. La révolution allemande va néanmoins se poursuivre pendant plus de trois ans. Chris Harman retrace cette bataille charnière du XXe siècle avec la lucidité du militant révolutionnaire, acceptant l'héritage des vaincus dont les combats éclairent encore les nôtres.
Image------------ Demain Le Grand Soir --------- --------- C’est dans la rue qu'çà s'passe --------
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Re: Les conseils ouvriers en Allemagne 1918

Messagede bipbip » 04 Avr 2016, 10:39

Le 3 avril 1919 : à Augsbourg et Münich, le peuple exige la République des Conseils

La "République des conseils de Bavière" n’a duré que trois semaines, mais l’existence des Conseils munichois s’étend sur une durée de six mois, de novembre 1918 au 1er mai 1919. Cet épisode riche en expériences et en leçons à tirer, fait partie de l’histoire allemande bien refoulée.

La révolution des conseils de Bavière 1918/1919
La république des conseils de Bavière


GUERRE DES SOCIALISMES

L’épisode des conseils de Bavière nous apporte, avec le recul, plusieurs enseignements à propos de la valeur de l’expérience et de l’attitude possible des différentes « familles » du socialisme devant une situation révolutionnaire. En ce qui concerne ce dernier point, les faits se sont montrés accablants. Lorsque se produit la révolution bavaroise, les 7 et 8 novembre 1918, la direction sociale-démocrate (S.P.D.), débordée, feint de pactiser avec le mouvement révolutionnaire pour mieux le canaliser.

Elle constitue un gouvernement provisoire avec un séparatiste minoritaire : Kurt Eisner. Celui-ci fera la balance entre la voie réformiste (S.P.D.) et bureaucratique syndicale et celle, révolutionnaire, issue des conseils. Cela le conduira à faire arrêter l’anarchiste Erich Mùhsam et d’autres militants qui poussaient vers cette dernière solution.

Désavoué par des élections, Eisner se couvre ensuite de ridicule en manifestant avec les conseils contre son propre gouvernement ! Cette cohabitation ne pouvait durer très longtemps.

La mort d’Eisner, puis la proclamation de la République des conseils le 7 avril 1919 dévoile le vrai visage des socialistes. Ils prennent alors la fuite et recrutent des troupes et des corps-francs.

Ceux-ci écraseront la révolution en mai. Mais cela leur sera difficile.

Il faudra que le gouvernement central de Berlin mobilise de nombreux renforts. Car, contrairement à ce qui s’est passé dans le reste de l’Allemagne, la révolution fut plus solide en Bavière, du moins en ce qui concernait sa défense. Cela justifia un châtiment exceptionnel : plus de sept cents exécutions sommaires et l’activité militante détruite à Munich pour tout l’entre-deux-guerres. Il faut signaler que, parmi les troupes qui écrasèrent la République des conseils se trouvaient de futurs nazis (Rudolf Hess, Himmler, Roehm,...) et que le point de départ de cette doctrine fut Munich, nettoyée de toute contestation ouvrière.

Les sociaux-démocrates ont, à cet égard, une lourde responsabilité historique. Dans un premier temps, les communistes (K.P.D.) furent à la remorque des anarchistes. C’est Erich Mùhsam qui pousse à une série d’actions menant à la République des conseils. La direction du K.P.D. envoie alors de Berlin un responsable « orthodoxe », Eugen Levine, plus, habile à manoeuvrer contre Mùhsam. Les communistes appliquent aussitôt une tactique visant à leur donner le pouvoir comme en Russie. Ils boycottent la République lors de sa proclamation et noyautent entre-temps les comités. Lorsque les circonstances leur furent favorables, ils prirent pour eux seuls la direction des affaires (ce qui n’empêcha pas la répression de s’abattre sur la Bavière). Les justifications fournies quant à leur attitude ne tiennent pas : si la révolution n’était pas mûre en Bavière, pourquoi le serait-elle devenue après les magouilles du K.P.D. dans les comités de base ?

C’est, en fait, leur tendance totalitaire qui a dicté leur conduite et précipité l’effondrement de la République. En effet, il faut mettre à leur passif d’avoir exacerbé les divisions internes au sein des conseils. Les assemblées d’usine n’étaient plus que le lieu d’affrontements où ils lançaient leur tentative d’hégémonie.

Notons que, quelques jours avant l’effondrement (26 avril 1919), les ouvriers de Munich avaient tenu une assemblée des conseils d’entreprises où ils désavouèrent à une large majorité le comportement du K.P.D. Il était trop tard, hélas !

Quant aux anarchistes, qui furent influents, nous devons reconnaître qu’ils ont fait preuve, parfois, d’une grande naïveté. Parmi les responsables désignés par les conseils le 7 avril, se trouvaient Erich Mùhsam, Gustav Landauer, Silvio Gsell. De nombreuses propositions furent formulées, dans le domaine de l’éducation ou celui du logement notamment, mais il n’y eut pas de réquisitions, de réel démantèlement des anciennes structures. Les conseils manquèrent de coordination et d’expérience pour appliquer les nouvelles mesures.

Il ne suffit pas de proclamer la fin de l’appareil étatique, il faut le détruire et le remplacer, de même pour toutes les anciennes institutions. On ne peut pour cela faire abstraction, à un certain moment, de la violence révolutionnaire, comme ce fut le cas en Bavière. Lorsque la révolution fut en passe d’être écrasée, ex-policiers, juges et bourgeois n’ont eu qu’à ressortir de chez eux, parfois même en participant à la répression ! Sans compter les sabotages et les provocations dont fut victime la République des conseils pendant sa brève existence.

Un manque de fermeté pendant les événements paraît aujourd’hui évident. Autre erreur : on ne se lance pas dans une révolution si ses acteurs n’en ont pas la capacité ! Passé le stade de l’insurrection, paysans et ouvriers de Bavière s’avérèrent incapables de définir leurs objectifs. Ernst Toner, un des protagonistes écrivit : « Le peuple savait ce qu’il ne voulait pas, mais pas ce qu’il voulait ».

Sans pessimisme, nous devons savoir que l’échec est avant tout une leçon.

Les anarchistes doivent être conscients que la véritable révolution est le fruit d’une préparation et qu’à la révolte doit succéder la pratique, amorce d’une autre société.

Yves - C.L.E.A.
tiré de Increvables Anarchistes.

NB : Le jour de Kurt Eisner, « les députés élus au Landtag s’enfuirent de la ville, mais leurs mandats ne furent pas annulés, si bien que, lors de leur retour, ils purent en faire confirmer l’usage » (W. Hang, E. Mùhsam : Schrift steller der Revolution).

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Re: Les conseils ouvriers en Allemagne 1918

Messagede bipbip » 19 Jan 2017, 16:09

De l’opposition contre la guerre à la Révolution allemande

Quand on parle de révolution, on pense à la Révolution française, à la Révolution russe : très rarement à celle qui s’est produite en Allemagne en 1918-1919. Les révolutions victorieuses sont connues, beaucoup moins celles qui ont été défaites. Pourtant, l’expérience de la Révolution allemande est un fait historique majeur pour comprendre comment changer cette société et quel rôle la classe ouvrière doit jouer dans ce projet.

L’Allemagne du début du XXème siècle était bien différente de la Russie tsariste : c’était un pays capitaliste avancé, où la classe ouvrière était la couche sociale la plus nombreuse, avec une concentration très importante dans les villes et ses cœurs industriels. C’était un terrain propice à l’essor des idées socialistes. Le Parti social-démocrate allemand (SPD), avec plus d’un million de membres et plus de quatre millions d’abonnés à sa presse, était traversé par des débats importants, face à l’augmentation constante de son poids électoral et militant ; des théoriciens commencèrent à expliquer qu’une victoire électorale pouvait amener au socialisme et, peu à peu, les activités du parti se recentrèrent sur les institutions. Le 12 juillet 1914, dans le Nord de la France, les socialistes français et allemands organisèrent un grand meeting international en opposition à la guerre, que l’on savait proche. Pourtant, le 4 août au Reichstag, le SPD vota les crédits de guerre au nom du maintien des institutions et de la lutte contre le tsarisme russe, soi-disant moins « progressiste » que l’Empire allemand. Au prétexte de son poids politique, le SPD cautionna l’Union sacrée et le départ de millions de travailleurs vers la grande boucherie qu’allait être cette guerre.

La guerre et les premiers signes d’opposition

L’horreur de la Première Guerre mondiale est connue : des millions de morts, de mutilés, des villes et villages dévastés, la famine et la maladie. Ce désastre toucha de plein fouet la classe ouvrière allemande. Durant les premiers mois, malgré la haute conscience socialiste de celle-ci, il n’y eut pas d’opposition structurée à la guerre : aucun signe ne transparut et les ouvriers quittèrent les usines pour partir au front. Le SPD restait le parti de la classe ouvrière, qu’il formait et organisait dans presque tous les aspects de sa vie : sa direction avait trahi mais elle n’était pas contestée.

Dès le vote des crédits de guerre, des révolutionnaires comme Rosa Luxemburg et Clara Zetkin voulurent organiser une opposition dans la social-démocratie allemande. Dans un premier temps, cette opposition resta très minoritaire, s’incarnant à partir de 1915 dans un petit groupe révolutionnaire, la Ligue spartakiste (Spartakusbund). La première manifestation massive contre la guerre fut une grève d’ouvrières berlinoises en avril 1915, et en 1916, le dirigeant spartakiste Karl Liebknecht put prendre la parole devant 2 000 ouvriers. La Révolution russe de 1917 bouleversa la situation politique en Allemagne : en montrant la voie du socialisme et la façon de l’atteindre, elle eut une incidence sur le poids de l’opposition à la guerre au sein des masses allemandes. Les grèves se multiplièrent et des mutineries éclatèrent dans la marine. Une organisation dissidente du SPD vit le jour, le Parti social-démocrate indépendant d’Allemagne (USPD), auquel participèrent les spartakistes. Alors que la défaite de l’Allemagne était de plus en plus certaine, l’aggravation des conditions de vie et les espoirs nés de la Révolution russe suscitèrent des remous et une envie d’en découdre chez beaucoup de travailleurs/euses allemands, et même parmi les soldats.

L’étincelle venue du Nord

A l’automne 1918, l’explosion révolutionnaire ne débuta pas dans la classe ouvrière, mais d’abord dans la marine, en mer du Nord. C’était un secteur de l’armée qui avait connu des révoltes quelques mois auparavant. L’insurrection fut préparée par deux groupes : les marins révolutionnaires de la mer du Nord, qui s’étaient illustrés lors des mutineries de 1917, et des militants spartakistes. La consigne était que l’insurrection devait commencer quand l’Etat-major donnerait l’ordre d’un assaut-suicide contre la marine anglaise. Les révolutionnaires furent arrêtés, mais ils furent libérés par les ouvriers et les marins du port de Kiel, qui prirent le contrôle des navires et y hissèrent le drapeau rouge. L’insurrection était lancée : sans extension du mouvement, la seule issue était le peloton d’exécution…

Dans tout le pays, les spartakistes, les marins et divers groupes révolutionnaires diffusèrent la nouvelle et favorisèrent la création de conseils d’ouvriers et de soldats – sur le modèle des soviets russes – pour propager l’insurrection et organiser la gestion de la vie quotidienne. Les revendications étaient la paix immédiate, la fin de la misère, mais au sein des conseils émergeaient aussi des revendications propres à chaque usine. A travers des grèves de masse, ces cadres du pouvoir prolétarien se développèrent partout en Allemagne.

Tout le pouvoir aux conseils

Mais la révolution n’avait pas encore atteint Berlin, où étaient concentrés le pouvoir d’État et l’armée. Les spartakistes appelèrent les travailleurs à préparer l’insurrection, en s’appuyant sur les 300 « délégués révolutionnaires » des usines berlinoises, représentant 300 000 ouvriers. La préparation fut minutieuse, avec des tournées d’ateliers et d’usines. Le 9 novembre 1918, le mot d’ordre des spartakistes et des délégués révolutionnaires fut clair : la grève générale, pour renverser l’Empereur et établir une République des conseils. Ce mot d’ordre se propagea tôt le matin, et dès 5 heures, la grève s’étendit et s’organisa à travers des conseils d’usines. A 11 heures, Berlin était paralysée : des masses de prolétaires déferlèrent dans les rues, rejoints par les soldats, et toutes et tous se dirigèrent vers le Reichstag et le palais impérial.

Les manifestants/es qui suivaient les spartakistes s’emparèrent du palais, et Karl Liebknecht, exprimant la volonté des ouvriers, proclama la « République socialiste libre d’Allemagne ». L’ordre ancien n’existait plus, les travailleurs avaient leurs propres organes de pouvoir où ils décidaient d’une orientation et l’appliquaient ! Mais un peu plus tôt au Reichstag, un dirigeant du SPD, Philipp Scheidemann, avait lui-même proclamé la « République allemande »… L’Empereur avait abdiqué, et pourtant, l’incertitude demeurait quant à l’issue de la révolution : allait-elle donner naissance à une république démocratique bourgeoise, ou à une république socialiste dirigée par les travailleuses et travailleurs ?

La difficile question du pouvoir

Les ouvriers/ères et les soldats avaient renversé en quelques jours les structures politiques de l’Empire, faisant jaillir leurs propres organes de pouvoir. Au soir du 9 novembre, le sentiment qui dominait était l’euphorie ; la victoire était là : les prolétaires dirigeaient la société. Pourtant, les chefs du SPD se lançaient déjà dans une bataille politique pour empêcher cette révolution de mener au socialisme. Le 10 novembre, deux pouvoirs furent reconnus : d’un côté, celui des conseils d’ouvriers et de soldats, et de l’autre, un gouvernement provisoire qui n’était pas issu des conseils, mais créé sur la base d’une coalition entre le SPD et l’USPD. Dès le début, ces deux pouvoirs s’opposèrent l’un à l’autre. Le gouvernement provisoire allait être l’instrument de la contre-révolution, du rétablissement de la paix sociale et du pouvoir bourgeois.

Dans cet objectif, le SPD imposa à l’USPD de respecter une parité entre les deux partis dans les conseils ouvriers, comme c’était déjà le cas au sein du gouvernement. Mais comme le SPD était par ailleurs largement majoritaire dans les conseils de soldats, le résultat fut qu’il détint également la majorité au sein du pouvoir exécutif des conseils.

Cette situation parut normale aux travailleurs, peu informés des divergences au sein du mouvement ouvrier : pour la plupart d’entre eux, il n’y avait pas de différences entre le SPD, l’USPD et les spartakistes. L’USPD était une jeune organisation, et les orientations des uns et des autres n’avaient pas été expérimentées dans la pratique par la majorité des travailleurs/euses. Le gouvernement provisoire fut mis en place avec six « commissaires du peuple », titres pompeux censés évoquer la Russie soviétique, mais devant surtout servir d’écran de fumée pour laisser agir les acteurs de la contre-révolution. Que voyait la classe ouvrière ? Une Allemagne couverte de conseils ouvriers, des socialistes au pouvoir, l’Empereur destitué… Pourtant, le SPD et la bourgeoisie s’affairaient pour rétablir les anciennes institutions et organiser des élections destinées à arracher le pouvoir des mains des conseils.

Seuls les spartakistes et quelques militants révolutionnaires étaient conscients des manoeuvres en cours. Le 11 décembre, dans le journal Die Rote Fahne, Rosa Luxemburg écrivit : « Il est clair que c’était dans le conseil exécutif, dans les conseils d’ouvriers et de soldats, que les masses devaient se retrouver. Or leur organe, l’organe de la révolution prolétarienne, est réduit à un état d’impuissance totale ; le pouvoir lui a glissé des mains pour passer dans celles de la bourgeoisie. Aucun organe de pouvoir politique ne laisse de son plein gré échapper le pouvoir, à moins d’avoir commis quelque faute. Ce sont la passivité et même l’indolence du conseil exécutif qui ont rendu possible le jeu d’Ebert-Scheidemann ».

Le 15 décembre, une Assemblée des conseils entérina un retour à la situation « normale », sans empereur certes, mais avec un pouvoir politique appartenant à la bourgeoisie. Des élections furent convoquées, ce qui raffermit les institutions bourgeoises et entraîna une diminution du poids des spartakistes, qui n’étaient pas à ce moment-là organisés de façon autonome à l’échelle nationale.

La Révolution allemande représenta l’espoir d’une extension de la Révolution russe à l’échelle européenne. Les travailleurs/euses montrèrent leur force, leur capacité à faire voler en éclat les cadres des vieilles sociétés pourrissantes. A travers les conseils ouvriers, le prolétariat frappa à la porte du pouvoir : celui qu’il exerça ne fut pas total mais à certains endroits, ce sont les ouvriers et les soldats qui contrôlèrent l’économie et la vie politique. Cependant, la conscience politique des tâches, de ce que signifiait la prise du pouvoir, n’était pas présente. Bien des raisons expliquent cela, et la première fut le manque d’un parti révolutionnaire assez implanté et influent pour amener les travailleurs/euses à renverser le capitalisme. Si les spartakistes furent le noyau le plus conscient de la Révolution allemande, ils souffrirent de l’absence d’un parti autonome, ayant des relais dans toute la classe ouvrière ; ils tentèrent de mener à bien cette tâche en fondant le Parti communiste allemand en décembre 1918.

Malgré le retour à la normale, l’expérience de novembre et la volonté d’en finir avec cette société entraînèrent une explosion révolutionnaire en janvier 1919 : les travailleuses et travailleurs berlinois, descendus en masse dans la rue, voulurent prendre le pouvoir. Cette situation resta circonscrite à la capitale, et le tout jeune Parti communiste fut incapable de l’étendre à une échelle nationale. Le gouvernement social-démocrate déclencha une répression féroce, à l’aide de troupes de choc d’extrême droite, les Corps francs. Des dirigeants comme Luxemburg et Liebknecht furent arrêtés et assassinés.

Cet écrasement meurtrier du prolétariat berlinois mit fin à l’épisode révolutionnaire de 1918-1919, qui ouvrit cependant une période d’intense luttes de classe. Le nouvel échec de la tentative révolutionnaire de 1923 eut des conséquences dramatiques et marqua la fin des possibilités d’extension de la Révolution russe. L’isolement de la Russie soviétique contribua à sa dégénérescence bureaucratique ainsi qu’à celle des partis communistes du monde entier. Et faute d’avoir pu triompher, le prolétariat allemand – le plus puissant d’Europe – allait subir quelques années plus tard le talon de fer du nazisme…

Hermann


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Re: Les conseils ouvriers en Allemagne 1918

Messagede bipbip » 26 Jan 2017, 13:50

5 janvier 1919 : Début de la révolte Spartakiste - Twhistoire par Mathilde Larrère

Ces Twhistoires ont été écrits et publiés initialement sur le réseau social Twitter par Mathilde Larrère, maître de conférence en histoire contemporaine et historienne des révolutions et de la citoyenneté (UPEM), dans le format contraint de Twitter : 140 signes maxi + une éventuelle iconographie.

Il nous a semblé important de diffuser régulièrement ce travail de vulgarisation sous une forme aussi proche que possible des twits originaux réunis ici dans un seul post. (Nous n’avons pas modifié la graphie des twits.)

Nous remercions chaleureusement Mathilde Larrère de nous permettre de faire connaitre son travail proche de démarches amies : Laurence de Cock, les auteurs des Historiens de garde et d’autres.

Mathilde Larrère a coordonné Révolutions ! Quand les peuples font l’histoire, Paris, 2013.

1) En nov 1918 une révolution avait, en Allemagne, renversé le régime impérial. Les socialistes (SPD) parvenus au pouvoir entendent limiter cette révolution.

2) Une partie des ouvriers, des marins, des soldats, et la frange plus révolutionnaire du SPD (Spartakiste) souhaitent à l’inverse de plus amples mesures sociales.

3) Il faut savoir que l’Allemagne était un pays très industrialisé, avec une forte classe ouv, politisée et organisée

4) Le mouvement ouvrier, parti comme syndicat, y était particulièrement puissant, mais majoritairement réformiste

5) Une minorité marxiste et révolutionnaire s’était, dès le début de la guerre, opposé à la direction du SPD et à son choix de rejoindre l’Union Sacrée

6) EN 1916 en all, une feuille pacifiste est diffusée clandestinement. Elle est signée d’un nom, Spartakus, le gladiateur révolté contre Rome au 1er sc av JC

7) Les lettres de Spartakus paraissent ainsi de 1916 à 1919, et viennent donc de cette frange radicale, révolutionnaire du socialisme allemand

8) Ils appellent, sur le modèle russe clairement revendiqué, à donner tout le pouvoir aux conseils d’ouv et de soldats.

9) Les figures de proue de ces socialistes révolutionnaires étaient Karl Liebknecht et Rosa Luxemburg

10) . Il y a au cœur du Luxemburgisme (seule femme qui a donné son nom à une théorie politique et révo) une confiance dans les masses

11) Rosa reprochait x choses à Lénine. Pour elle il fallait élever la cs des ouv et non les armer et les diriger pour une révolte.

12) En nov, les spartakistes avaient déjà tenté de donner une orientation plus radicale à la chute de l’Empire allemand

13) Le 9 nov, Liebknecht faisait planter un drapeau rouge au balcon du château royal et annonçait la création d’un futur état prolétarien

14) Mais la direction du SPD avait repris les choses en main, proclamé la république, brandi le drapeau national et annoncé l’élection d’une constituante

15) Les spartakistes défendent la poursuite de la révo, refusent la constituante, sont pour le pouvoir au soviet et la dictature du prolétariat.

16) Les spartakistes, derrière Rosa Luxemburg et Karl Liebknecht font scission du SPD et crée le parti communiste allemand (KPD).

17) Les Spartakiste fondent alors un journal, Die Rothe Fahne, le drapeau rouge.

18) La situation reste révolutionnaire : grève, conseils d’ouvrier et de soldats, ce qui inquiète grandement le SPD

19) Il cherche à arrêter la dynamique révolutionnaire par une série de mesures sociales avancées qui ont pour but de détourner les ouv de la propagande spartakiste

20) journée de 8 h, convention collectives par branches d’industrie, reconnaissance off des syndicats.

21) Mesures bien accueillies mais qui ne mettent pas fin aux revendications communistes

22) Le SPD devient alors de plus en plus répressif : critiques ouvertes, interdiction du journal communiste, et répression sanglante d’une manifestation à Noel.

23) le 4 janvier 1919, le chancelier social démocrate Ebert renvoie le chef de la police Emil Eichhorn qui était proche des milieux plus radicaux

24) le 5, de nombreux travailleurs prennent alors spontanément le contrôle du siège d’un journal très anticommuniste à Berlin

25) Ils montent avec les ramettes de papiers du journal des barricades. Les meneurs du KPD décident de soutenir la révolte

26) Le gouvernement socialiste du président Ebert conclut un accord avec l’armée pour mater dans le sang la révolte

27) Le SPD a même engagé les Freikorps (Corps francs), milice paramilitaire contre-révolutionnaire, pour contrer la révolte ouvrière

28) Malheureusement pour les spartakistes les marins qui les auraient soutenus avaient quitté Berlin à la fin de décembre

29) Le rapport de force est donc en leur défaveur

30) Le 6 janvier, 500 000 ouvriers étaient en grève et manifestèrent en masse. Plusieurs lieux étaient occupés par les ouvriers

31) le siège du Vorwärts, le journal du SPD, le siège social des chemins de fer, les centres commerciaux, etc

32) Un comité révolutionnaire tentait de diriger le mouvement, mais se divisait sur la stratégie à adopter : prise du pouv par la force ou négociation avec Ebert

33) La semaine sanglante commence le 6 janvier 1919. Je vous la raconterai plus tard…


http://www.questionsdeclasses.org/?5-ja ... de-Larrere
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Re: Les conseils ouvriers en Allemagne 1918

Messagede bipbip » 23 Fév 2017, 17:57

Le 15 janvier 1919, Rosa Luxemburg et Karl Liebknecht sont assassinés, Twhistoire par Mathilde Larrère

1) pour rappel, Berlin était en insurrection depuis le 5 janvier
[Pour ce rappel, commencez votre lecture par le post précédent
5 janvier 1919 : Début de la révolte Spartakiste - Twhistoire par Mathilde Larrère]
http://www.questionsdeclasses.org/?5-ja ... de-Larrere

2) Le gouvernement social démocrate engageait le 6 une répression sévère, faisant même appel aux Freikorps pour contrer la révolte ouvrière

3) Les Freikorps reconquièrent donc rapidement les rues bloquées par des barricades et les bâtiments occupés.

4) Beaucoup de travailleurs se rendent, ce qui n’empêche pas les soldats de tuer plusieurs centaines d’entre eux

5) Rosa Luxemburg fait paraître le 14 janvier 1919 son dernier article, amèrement intitulé L’Ordre règne à Berlin
https://www.marxists.org/francais/luxem ... 190114.htm

6) le 15 janvier au matin, Karl comme Rosa sont arrêtés

7) sur le trajet qui les conduisait en prison ils sont chacun, séparément, assassinés par les militaires qui les accompagnaient

8) Le corps de Rosa est jeté dans un canal. Son corps n’est pas retrouvé dans un premier temps

9) C’est un cercueil vide qui accompagne celui de Karl Liebknecht lors des funérailles du 25 janvier.

10) Un corps identifié comme celui de Rosa Luxemburg est finalement repêché le 31 mai

11) Rosa Luxemburg est enterrée le 13 juin, à côté de Liebknecht au cimetière central de Friedrichsfelde de Berlin

12) Les militaires responsables de la mort de Rosa Luxemburg et de Karl Liebknecht sont ensuite traduits en justice pour « maltraitances »

13) Le procureur Paul Jorns plaide les circonstances atténuantes en raison de leurs excellents états de service

14) Le soldat Runge, qui avait frappé Rosa Luxemburg à la tête, est condamné à deux ans et deux semaines de prison pour « tentative de meurtre »

15) il demandera par la suite à Hitler une compensation pour sa condamnation et se verra accorder par le régime nazi la somme de 6 000 marks

16) le KPD s’est longtemps battu pour que la vérité sur les assassinats de Rosa Luxemburg et Karl Liebknecht soit faite

17) Un hommage est rendu chaque 2e dimanche de janvier à Karl Liebknecht et Rosa Luxemburg

18) Dans son dernier article Rosa écrivait

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19) Et concluait ainsi… faisant presque écho aux mots de Louise Michel…
J’espère y être aussi !

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http://www.questionsdeclasses.org/?Le-1 ... Twhistoire
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Re: Les conseils ouvriers en Allemagne 1918

Messagede Pïérô » 01 Mai 2017, 12:51

René Furth
Les Conseils ouvriers en Bavière

La "République des conseils de Bavière" n'a dure que trois semaines, et sa zone d'influence effective n'a pas dépassé la région comprise entre Munich, Augsbourg et Rosenheim. Mais l'existence des Conseils munichois s'étend sur une durée de six mois, de novembre 1918 au 1er mai 1919. Aucun ouvrage d'ensemble n'a été consacré a leur histoire, qui fait partie encore du "refoulé" allemand. Les historiens de la "Révolution Allemande" n'évoquent que très accessoirement la tentative bavaroise, ou les Spartakistes ne jouent qu'au tout dernier moment un rôle prédominant.
Deux facteurs particuliers caractérisent la situation en Bavière : une population rurale plus importante que dans le reste de l'Empire (51 % contre une moyenne générale de 34 %, selon les statistiques de 1907) un séparatisme commun à toute la population, le militarisme prussien étant considéré à la fois comme le principal responsable de la guerre et comme l'incarnation parfaite d'un centralisme autoritaire et envahissant. Le séparatisme bavarois s'est cependant révélé comme une arme à double tranchant la bourgeoisie ne tardera pas à l'utiliser contre les "étrangers" (juifs de surcroît) qui sont venus semer la pagaille en Bavière.

LE DOUBLE POUVOlR

Dans la nuit du 7 au 8 novembre 1918, après une manifestation de masse organisés dans l'après-midi par le parti social-démocrate indépendant, la République est proclamée. Un Conseil provisoire des ouvriers, des soldats et des paysans est constitué. Le roi, Louis III de Bavière, apprenant qu'aucun régiment ne tirera sur les rebelles, a quitté Munich.

Le président du Conseil provisoire, Kurt EISNER, est un journaliste et écrivain originaire de Berlin, animateur du Parti social-démocrate indépendant (U. S. P. D.) de Bavière. En février 1918, il a été condamné à la prison comme principal instigateur de la grève de la métallurgie (fin janvier). L'espoir d'EISNER, c'est qu'une Bavière démocratique subira moins durement les exigences de l'Entente victorieuse.

EISNER forme un nouveau gouvernement comprenant quatre social-démocrates "majoritaires" (S.P.D.), deux indépendants, un non-affilié. Il annonce en même temps la convocation d'une Assemblés constituante. Fonctionnaires et employés, à la demande du nouveau gouvernement; se mettent à sa disposition. D'emblée, EISNER proclame le respect de la propriété privée et refuse toute socialisation. Il se montre préoccupé surtout du rôle respectif de l'Assemblée qu'il veut susciter et des Conseils, dans lesquels il voit essentiellement un organe de contrôle et une école de démocratie active. La ligne de partage se fera bientôt entre partisans du parlementarisme et partisans des conseils, le refus de l'Assemblée devenant un des principaux mots d'ordre des éléments les plus radicaux. En fait, il n'y aura jamais coexistence réelle des deux pouvoirs. L'alternative, Conseils ou Parlement, se pose d'ailleurs dans tout l'Empire. Le premier congrès des Conseils d'ouvriers et de soldats (du 16 au 21 décembre i918 à Berlin), à forte majorité S. P. D. se prononce pour une Assemblée nationale. En Bavière, EISNER cherche à mettre sur pied une formule de synthèse, "Conseils et Parlement". Il juge qu'il n'a pas derrière lui des forces populaires suffisantes pour imposer les Conseils, et il sait en même temps qu'un régime strictement parlementaire l'éliminerait du pouvoir. Les élections sont fixées au 12 janvier 1919 (l'Assemblée nationale de Weimar doit être élue le 19); Le parti d'EISNER ne recueille que 3 mandats sur 156 (S.P.D. et Ligue paysanne 68; Parti démocrate 27; Parti populaire bavarois, le plus réactionnaire 38). Les communistes (un groupe Spartakiste s'est formé le 6 décembre) se prononcent pour le boycottage des élections, de même que le Conseil ouvrier révolutionnaire, dont un des animateurs est l'anarchiste Erich MUHSAM. Le 10 janvier, EISNER fait d'ailleurs arrêter douze membres du Parti communiste et du Conseil révolutionnaire, dont Max LEVIEN et MUHSAM. Une manifestation spontanée les fait libérer.

Dès que les résultats des élections sont connus, le S.P.D. et les partis de droite demandent à EISNER de se retirer.

Le 16 février, une nouvelle manifestation de masse, préparée. sur l'initiative du Conseil ouvrier révolutionnaire, exige tout le pou-voir pour les conseils. Le 21, EISNER se rend à la première réunion du Landtag (le Parlement de Bavière) pour présenter se démission de président du ministère. Il est assassiné à coups de revolver dans la rue par un jeune aristocrate. Le lendemain, l'état de siège est décrété à Munich les journaux sont occupés et suspendus pendant dix jours, La situation devient de plus en plus confuse au niveau des institutions qui sont censées exercer le pouvoir. Le landtag se disperse. Un Conseil révolutionnaire central se constitue : il est composé de représentants des conseils et du Conseil ouvrier révolutionnaire, d'un représentant des syndicats et d'un représentant du S.P.D. Le congrès des Conseils bavarois continue de fonctionner parallèlement à ce Conseil central ; il élit le 5 mars un nouveau gouvernement qui n'aura pas l'occasion de se manifester. De plus, à la suite d'un accord intervenu entre social-démocrates majoritaires et indépendants, le Congrès décide de remettre ses pouvoirs au Landtag, qui doit se réunir à nouveau la 17 mars. Cette réunion peut avoir lieu, et le Landtag met en place un ministère présidé par le social-démocrate HOFFMANN, dont la tâche essentielle sera par la suite la liquidation et la répression de la République des conseils.

En fait, pendant 45 jours, aucun pouvoir n'arrive à se faire reconnaître ni à se donner les moyens d'agir. C'est le Conseil central qui s'oppose le plus résolument au gouvernement HOFFMMAN, dénoncé dès sa formation comme un instrument de la réaction. Les communistes, représentés au Conseil central, restent dans l'expectative et s'opposent à ceux qui réclament la proclamation d'une République des conseils (Max LEVIEN, pourtant, s'était prononcé en ce sens après l'assassinat d'EISNER). Les liens des communistes munichois avec les instances centrales à Berlin semblent avoir été lâches. Leurs principaux représentants sont Max LEVIEN et Eugen LEVINE, deux émigrés russes, anciens socialistes révolutionnaires qui ont quitté leur pays après la révolution da 1905. LEVINE, un des fondateurs du K. P, D., est venu de Berlin à Munich début mars pour réorganiser la rédaction du "Drapeau Rouge" et le parti. C'est sous son influence que les communistes munichois renonceront à réclamer comme premier objectif l'instauration d'une République des conseils,

L'armée reste la force la plus stable. Le 1er mars, une "résolution des délégués des casernes munichoises" a assuré le commandant militaire de la ville de la confiance des différents corps de troupe. Le S.P.D. fait bloc avec l'autorité militaire (qui proclame son attachement au "vrai socialisme") en attendant qu'une solution parlementaire redevienne possible. La seule opposition organisée contre les conseils est menée par la "société Thule", groupement d'extrême droite où militent de futurs chefs de file nazis.

"LES REPUBLIQUES DES CONSEILS"

La stagnation devient de plus en plus manifeste. Depuis les élections, plus aucun passage "légal" au socialisme n'est envisageable ; la République déçoit le prolétariat munichois, qui commence à exiger qu'à la révolution politique suive la révolution sociale. L'idée d'une République des conseils se répand. Dans les premiers jours d'avril, les conseils empêchent le Landtag de se réunir. Le 5, les différentes assemblées prennent des résolutions en faveur de la République des conseils.

Elle est proclamée dans la nuit du 6 au 7 par le Conseil central, avec l'accord du S. P. D., des indépendants, des syndicats et de la Ligue paysanne. Les atermoiements du S. P. D. ont sérieusement entamé sa base ouvrière il ne prend pas le risque de se prononcer contre la République des conseils, mais ne fera rien pour la soutenir. La décision, proposée au Conseil central par l'anarchiste Gustav LANDAUER, est donc adoptée à l'unanimité. Une proclamation au peuple de Bavière, signée par le Conseil central révolutionnaire et le Conseil révolutionnaire des soldats annonce que la dictature du prolétariat est entrée dans les faits, et, comme décisions immédiates, la dissolution du Landtag et de la bureaucratie, la socialisation de la presse, la formation d'une armée rouge. "La République des conseils de Bavière suit l'exemple des peuples russes et hongrois".

Les communistes, invités à cette réunion, n'y participent pas. LEVIWE fait une apparition au milieu Des débats, pour déclarer que le K. P. D. refuse de s'associer à toute initiative à laquelle participerait le S. P. D., compromis par sa politique de guerre, que le prolétariat n'est pas mûr pour une République des conseils qui de toute façon ne pourrait pas tenir sans l'appui de l'Allemagne du nord.

D'autres villes de Bavière proclament la République des conseils. A Munich, de pleine pouvoirs sont conférés à des "délégués du peuple". Parmi d'autres, LANIDAUER est chargé de l'éducation, Sivio CESELL (théoricien de "l'économie libre" et de la "monnaie libre") des finances. Un certain Dr. LIPP, chargé des affaires étrangères, devra vite être suspendu pour troubles mentaux. Mais ces "délégués" ne disposent d'aucun moyen d'action, sinon de leur éloquence dans les réunions qui se succèdent. Pour l'opinion publique, trois hommes représentent la République des conseils ; LANDAUER, orateur entraînant, qui a une certaine influence auprès du prolétariat politisé, MUHSAM, connu comme poète et comme agitateur, le poète Ernst TOLLER, (affilié à l'U.S.P.D.), nommé président du Conseil central. Pour la bourgeoisie et pour une partie de la population bavaroise, ils incarnent la "bohême littéraire juive".

Ce sont des hommes qui comptent moins sur leurs "pleins pouvoirs" que sur l'initiative créatrice et l'action autonome des masses. La suppression de l'ancien pouvoir doit laisser le champ libre à la reconstruction sociale. Mais l'annonce de la libération ne suffit pas à déclencher le processus qu'ils attendent. De toute façon, leur temps est mesuré.

Dès le 13 avril, sur l'incitation du gouvernement H0FFMAN, réfugié à Bamberg, les "troupes de sécurité républicaines" tentent un putsch contre les conseils. Certains membres du Conseil central, dont MUHSAM, sont arrêtés. L'armée rouge résiste, soutenue par les ouvriers acquis aux conseils. Le putsch est vaincu, mais il y a déjà deja victimes : 20 morts, plus de 100 blessés.

Les communistes, qui ont jusque là concrétisé leur opposition à la "pseudo-République des conseils" (Scheinräterepublick) en regroupant dans un nouveau Conseil central des "hommes de confiance" révolutionnaires élus dans les entreprises et les casernes, affirment à présent que la classe ouvrière a montre sa maturité en s'opposant au putsch et déclarent à leur tour la République des conseils. Ils ne se font sans doute guère d'illusions. Au moins, veulent-ils saisir une chance de galvaniser les forces révolutionnaires dans le reste de l'Allemagne, et laisser un exemple qui puisse stimuler les luttes dans l'avenir, C'est une illustration de ce que les Prudhommeaux appellent la "tragédie spartakiste".

Le pouvoir, désormais, est représenté par le Conseil des "hommes de confiance" auquel participent des Indépendants et des social-démocrates ralliés au programme communiste. Il forme un comité d'action avec un exécutif de quatre hommes : LEVIEN, LEVINE, TOLLER et un troisième russe, AXELROD. Une série de décisions est prise pour radicaliser la situation, grève générale (elle durera jusqu'au 22), confiscation du ravitaillement et des armes, socialisation du logement, arrestation d'otages. La situation devient de plus en plus difficile. Les vivres et le charbon manquent, les paysans s'opposent aux commandos de réquisition. Le manque d'informations aussi commence à ce faire sentir (les journaux ne paraissent plus). Les rumeurs les plus insensées circulent en Allemagne sur la terreur à Munich. L'antisémitisme, cette fois-ci, s'en prend aux "juifs russes". Des corps-francs se rassemblent dans le Nord et en Haute-Bavière à partir du 20 avril, les troupes gouvernementales se mettent un marche vers Munich.

Au sein du comité d'action, les tensions se font de plus en plus vives. Le 27, l'assemblée des conseils d'entreprise rejette la politique des communistes, et élit un nouveau comité d'action, où se retrouve TULLER (qui avait été promu commandant de l'armée rouge pour le secteur nord de Munich). Les communistes se retirent du Conseil, et demandent aux travailleurs de ne pas suivre le nouveau comité d'action. EGELHOFER, un marin de Kiel, est à la tête de l'armée rouge. Le 30 avril, il fait fusiller 10 otages, dont 6 en fait sont des membres de la Société Thulé qui ont pratiqué la réquisition pour leur propre compte... avec des tampons de l'armée rouge.

Le 1er mai, les troupes gouvernementales et les corps-francs entrent dans la ville. Les combats durent plusieurs jours. Il y aura 600 morts. La répression dépasse en sauvagerie celle qui a sévi ailleurs dans la même période. LANDAUER est frappé à mort, EGELHOFER fusillé sans jugement, LEVINE est condamné à mort et fusillé. TOLLER (sauvé par un mouvement de protestation international) s'en tire avec cinq ans de forteresse. LEWIEN parvient à s'enfuir, mais disparaît en 1937 dans les purges staliniennes. Plus de 4000 peines sont prononcées. En septembre 1919 encore tombent des condamnations à mort.


http://kropot.free.fr/Furth-conseilsbaviere.htm
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Re: Les conseils ouvriers en Allemagne 1918

Messagede Pïérô » 15 Mai 2017, 01:35

Le mouvement des conseils en Allemagne

L’article décrit minutieusement les brusques changements de la situation politique et le développement d’une prise de conscience chez les marins, les soldats et les ouvriers de la nécessité de passer à une autre société organisée par eux-mêmes.

Les critiques des interprétations sont nécessaires, voire excellentes.

Il est dommage que deux aspects ne soient pas convaincants :

- l’allusion à l’Espagne de 1936 et un rapport avec les conseils est très maladroite.

- La longue citation finale d’Hanna Arendt lui donne une sorte de "brevet" de révolutionnaire, alors que le texte est inclus dans un livre d’Arendt publié aux USA, sans aucune allusion au putsch de la CIA (donc du président en place à Washington) en Iran en 1953 et au Guatemala en 1954 !

Frank 13.05.17

Doc PDF : http://www.fondation-besnard.org/IMG/pd ... rozza_.pdf

http://www.fondation-besnard.org/spip.php?article2909
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Re: Les conseils ouvriers en Allemagne 1918

Messagede bipbip » 27 Sep 2017, 19:37

Rennes vendredi 29 septembre et samedi 30 septembre 2017

Conférence sur la révolution allemande 1918-1923

Université Rennes 2, métro villejean université, Amphi L1

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« La bataille qui a été livrée en Allemagne entre 1918 et 1923 a façonné notre passé et pèse sans doute sur notre présent.

Elle concerne aussi notre avenir. De 1918 à 1923, dans l'Allemagne des révolutions, la lutte n'est pas tous les jours combat de rues, assaut de barricades, ne se mène pas seulement à la mitrailleuse, au mortier et au lance-flamme. Elle est aussi et surtout le combat obscur dans les usines, les mines, les maisons du peuple, dans les syndicats et dans les partis, dans les meetings publics et les réunions de comités, dans les grèves, politiques et économiques, dans les manifestations de rue, la polémique, les débats théoriques. Elle est un combat de classe, et d'abord un combat au sein de la classe ouvrière, dont l'enjeu est la construction en Allemagne, et dans le monde, d'un parti révolutionnaire bien décidé à transformer le monde. La route qui conduit à cet objectif n'est ni rectiligne, ni facile, ni même aisément discernable. Entre ''gauchisme'' et ''opportunisme'', ''sectarisme'' et ''révisionnisme'', ''activisme'' et ''passivité'', les révolutionnaires allemands auront beaucoup peiné, en vain, pour tracer leur voie vers l'avenir, pour découvrir, tant au travers de leurs propres expériences, négatives, que dans l'exemple victorieux de leurs camarades russes, les moyens d'assurer la prise du pouvoir par la classe ouvrière dans leur pays ».

Pierre BROUÉ, La révolution en Allemagne 1917-1923, 1971, p.5

On aurait pu attendre un an, pour le centenaire. On aurait pu commencer par le début, enfin par ce qui vient chronologiquement avant, la révolution russe de 1917. Mais on ne tient pas trop à ces choses bien réglées, ces commémorations mécaniques qui s'imposent à chaque anniversaire à chiffre rond. On veut parler de la révolution allemande, alors on le fait à l'occasion des 98 ans et 10 mois de son commencement.

On pourrait dire de nous que nous sommes une sorte de génération perdue, arrivée alors que la défaite du mouvement révolutionnaire paraît insurmontable. Nous sommes arrivés dans ce monde alors que l'imaginaire même d'une révolution émancipatrice mettant à bas le pouvoir semblait rangé dans les archives du XXe siècle. Une époque où même les mots du combat révolutionnaire sont tellement meurtris qu'il nous paraît difficile de les réutiliser. Pourtant, ce que l'on appelait autrefois la « Question Révolutionnaire » n'a pas perdu de son actualité. Alors que le sentiment d'asphyxie des espoirs d'émancipation se fait de plus en plus pressant, il nous paraît crucial de revenir sur ces quelques expériences de révolution qui ont allumé au cours du XXe siècle des lueurs d'espoir aussi éphémères que salutaires.Un historien allemand, Dan Diner écrivait « La conscience de l'époque est forgée par une mémoire marquée du sceau des cataclysmes du siècle […] Pour ceux qui n'ont pas choisi le désenchantement résigné ou la réconciliation avec l'ordre dominant, le malaise est inévitable. C'est probablement sous le signe d'un tel malaise que se place aujourd'hui l'historiographie critique. Il faut essayer de le rendre fructueux ». Pour nous ce malaise se ressenten ce sens que, même si nous ne nous réclamons pas les enfants du mouvement ouvrier et que nous affirmons que la gauche est morte, il nous faut revenir sur l'héritage des aspirations révolutionnaires du XXe siècle, que nous portons en nous, bon gré mal gré. Nous devons revenir sur ces mythes, avec le double regard de l'historien critique et celui du révolutionnaire qui cherche dans le passé une inspirationpour les combats présents, selon une approche inspirée par ce qu'Enzo Traverso proposait : « Pour historiciser la révolution, il faut sortir des mythes. Mais il ne suffit pas non plus de les évacuer. Il faudrait plutôt les étudier, les analyser et les expliquer, car ils peuvent aussi se charger d'une force extraordinaire ». Enfin, pour « larguer les amarres » et en finir avec « la rivalité entre les révolutionnaires et la gauche », nous avons donc besoin de comprendre les raisons de la défaite ouvrière, d'en tirer des enseignements pour aujourd'hui, de saisir les lignes de force de ces moments où le monde est sur le point de se renverser et d'en retrouver le souffle pour sortir de l'isolement et la sensation d'égarement qui nous pèse.

La révolution allemande de 1918 à 1923 figure au sein de ce panthéon restreint des révolutions dont nous tirons un héritage constitutif de notre pensée. Elle fait partie de ces quelques moments où la possibilité de pouvoir reprendre en main soi-même son existence en dehors du règne de l'économie et du pouvoir constitué était devenu tangible. Inclassable selon cette différenciation bancale entre révolutions spontanées (dont l'archétype est la révolution française) et les révolutions préparées qui s'apparentent très fortement à des coups d'état (révolution d'octobre 1917 par exemple), elle vient donner un nouveau souffle à la question des formes de la révolution sociale à travers l'organisation en conseils d'ouvriers, de soldats, de paysans ou de marins et celle de l'armée rouge des chômeurs, formes qui laissent imaginer autre chose que le modèle du parti centralisé et hiérarchisé d'inspiration bolchevique. Mais peut-être plus encore, cette tentative révolutionnaire est une de ces bifurcations clés qui aurait pu changer le cours de l'histoire. Le moment où la révolution commencée en Russie en 1917 aurait pu s'étendre à l'Europe entière, abolir les classes et donner au communisme un autre visage que celui de la tyrannie stalinienne. Daniel Bensaïd, dans un entretien sur l'URSS rappelle parfaitement cette importance de la révolution allemande dans la détermination de la direction que le mouvement révolutionnaire prit après 1917 : « après les journées de juillet, quand on regarde ce qu'était la situation en 1917, finalement on n'imagine pas une solution du genre démocratie tranquille à l'anglaise entre gens bien élevés. Mais c'était ou la révolution ou la contre-révolution. L'idée c'était ''on peut tenir, notamment s'il y a un relais de la révolution'', notamment en Allemagne. Et la crise révolutionnaire en Europe a lieu, si on regarde les conseils ouvriers en Italie entre 1918 et 1920, les conseils ouvriers de Bavière, la révolution hongroise… Cette opportunité a existé en gros dans la séquence 1918-1923, jusqu'à l'échec de l'insurrection de Hambourg et la fin de la vague révolutionnaire en Allemagne. D'où une des clés finalement qui n'est pas en Union Soviétique, elle est dans l'examen critique de la révolution allemande elle-même, de ce qu'ont été ses possibles à tel moment etc ».

Comme beaucoup d'autres avant nous, et notamment au sein des courants dits « d'ultragauche » ou la relecture critique de la révolution allemande est une discipline imposée, c'est à cet exercice que nous nous sommes livrés. Nous souhaiterions aujourd'hui en partager les résultats partiels au cours de 2 séances

*Vendredi 29 septembre , 18h :
Séance introductive : Finir la guerre, prendre les armes

*Samedi 30 septembre 14h :
1 - 1918-1919 : SPARTAKISTES DANS LES RUES DE BERLIN
2 - 1920-1921 : L'ALLEMAGNE S'EMBRASE
3 - La Révolution en cavale : autour de Max Holz
Conclusion et discussion

https://rennes.demosphere.eu/rv/12884
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Re: Les conseils ouvriers en Allemagne 1918

Messagede bipbip » 08 Oct 2017, 17:22

Henk Canne-Meijer : LE MOUVEMENT DES CONSEILS EN ALLEMAGNE

En novembre 1918, le front allemand s’effondra. Les soldats désertèrent par milliers. Toute la machine de guerre craquait. Néanmoins, à Kiel, les officiers de la flotte décidèrent de livrer une dernière bataille : pour sauver l’honneur. Alors, les marins refusèrent de servir. Ce n’était pas leur premier soulèvement, mais les tentatives précédentes avaient été réprimées par les balles et les bonnes paroles. Cette fois-ci, il n’y avait plus d’obstacle immédiat ; le drapeau rouge monta sur un navire de guerre, puis sur les autres. Les marins élurent des délégués qui formèrent un Conseil.
Désormais les marins étaient obligés de tout faire pour généraliser le mouvement. Ils n’avaient pas voulu mourir au combat contre l’ennemi ; mais ils demeuraient dans l’isolement, les troupes dites loyales interviendraient et, de nouveau, ce serait le combat, la répression. Aussi les matelots débarquèrent et gagnèrent Hambourg ; de là, par le train ou par tout autre moyen, ils se répandirent dans toute l’Allemagne. Le geste libérateur était accompli. Les événements s’enchaînaient maintenant rigoureusement. Hambourg accueillit les marins avec enthousiasme ; soldats et ouvriers se solidarisaient avec eux, ils élirent eux aussi des Conseils. Bien que cette forme d’organisation ait été jusque-là inconnue dans la pratique, un vaste réseau de Conseils ouvriers et de Conseils de soldats couvrit promptement, en quatre jours, le pays. Peut-être avait-on entendu parler des Soviets russes de 1917, mais alors très peu : la censure veillait. En tout cas, aucun parti, aucune organisation n’avait jamais proposé cette nouvelle forme de lutte.

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bipbip
 
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Re: Les conseils ouvriers en Allemagne 1918

Messagede bipbip » 03 Mar 2018, 15:45

Histoire politique du courant des Conseils Ouvriers en Allemagne

PRECURSEURS DES CONSEILS.

Les Conseils Ouvriers avaient eu pourtant leurs antécédents. Déjà pendant la guerre cette manière spontanée de lutter était en germe dans les usines. Comme on le sait existent dans les syndicats allemands des "hommes de confiance" chargés de menues fonctions, et assurant un lien entre les syndiqués et leur direction. Les "hommes de confiance" faisaient connaître à la direction des Syndicats les divers griefs des ouvriers. Ces griefs, durant la guerre, étaient nombreux (les principaux portaient sur l’intensification du travail et 11 augmentation des prix). Mais comme les Syndicats avaient fait front unique avec le gouvernement impérial pour gagner la guerre, les "hommes de confiance" frappaient à la mauvaise porte. Un ouvrier "facheux" ne tardait jamais à être appelé aux armées, et vis-à-vis de la direction syndicale, il apparut vite meilleur de n’avoir aucun grief.

Les "hommes de confiance" cessèrent de conseiller la direction de leurs Syndicats, mais délibérèrent secrètement dans les usines et devinrent ce qu’on peut considérer comme des pôles d’attraction pour les aspirations de tous les travailleurs. En 1917, brusquement, un flot de grèves sauvages déferla sur le pays. En apparence, ces mouvements "spontanés" n’étaient virtuellement pas organisés : mais ils étaient précédés de discussions et d’accords communs entre usines, au cours desquelles les "hommes de confiance" avaient servi de lien.

Dans de tels mouvements les conceptions particulières des ouvriers, social-démocrate, anarchiste, libérale, religieuse, etc...devaient s’effacer devant la nécessité du moment. La masse en tant que classe était obligée d’agir sous sa propre direction, sur la base organisationnelle de l’usine, rejetant toutes les organisations de différentes "couleurs".

Dans les centres industriels importants les Conseils Ouvriers prenaient le pouvoir à Berlin, à Hambourg, dans la Rhur et le centre de l’Allemagne, en Saxe. Quel usage ont-ils fait de ce pouvoir ?

FACILITE DE LA VICTOIRE.

Les résultats étaient pauvres. Les masses n’avaient pas une conscience suffisante des relations sociales. La cause de cette carence était à chercher dans la facilité avec laquelle se formèrent les Conseils Ouvriers. L’ancien régime n’était pas supprimé par une lutte sévère, mais l’appareil de l’Etat avait perdu toute autorité et s’écroulait de lui-même faute d’appui. La victoire était trop facile, ce n’était virtuellement pas une victoire, mais plut6t la situation faite au mouvement par le manque de résistance adverse La paix, voeu de toute la population, suivait immédiatement la "révolution".

Importante différence d’avec la Révolution Russe de 1917. En Russie, la l ère Révolution, en mars, balayait le régime tzariste, mais la guerre continuait et le gouvernement Kérensky ne voulait pas d’une paix séparée. La question restait brûlante dans son indécision ; la révolution trouvait souvent dans ces obstacles des condition déterminantes pour son développement. Tandis qu’avec 1’effondrement de l’empire allemand l’aspiration première de la population, c’est à dire la paix, était comblée. L’Allemagne, transformée en République, serait rebatie sur des assises nouvelles. Lesquelles ?

Avant la guerre, il n’était pas question de divergence sur ce point parmi les travailleurs. La politique ouvrière, en pratique comme en théorie, était faîte par le parti social-démocrate et les syndicats, reconnus et approuvés par la majorité des travailleurs. Pour les tenants de ce mouvement socialiste, épanoui dans la lutte pour la démocratie parlementaire et les réformes sociales, l’Etat démocratique bourgeois devait être le levier du Socialisme. Il suffisait, pour les ouvriers, d’assurer une majorité socialiste dans le Parlement, et les ministres socialistes prendraient soin de nationaliser la vie économique pas à pas, pour réaliser ainsi le Socialisme.

Il y avait aussi, à la vérité, un courant révolutionnaire, dont par exemple K.Liebknecht et R.Luxemburg étaient des représentants connus, mais qui ne développèrent jamais des conceptions propres destinées à combattre l’idée d’un Socialisme d’Etat. On comprend par là qu’ils n’aient plus été qu’une "opposition" au sein de la social-démocratie même.

NOUVELLES CONCEPTIONS.

Pourtant de nouvelles conceptions virent le jour pendant les grands mouvements de masses de 1918-1923.

Elles n’étaient pas le fait d’une "avant-garde", mais bien celui des masses elles-mêmes. Sur le terrain pratique, l’activité indépendante des ouvriers et des soldats avait reçu sa forme organisationnelle : ces nouveaux organes agissaient dans un sens de classe. Et parce qu’il y a une liaison étroite entre les formes de la lutte de classe et les conceptions de l’avenir, il va sans dire que çà et là les vieilles conceptions commençaient de s’ébranler. De même que les ouvriers dirigeaient leur propre lutte, dans l’appareil du Parti ou du Syndicat, de même en ce qui concerne la vie sociale, l’idée prenait corps selon laquelle les masses devaient y exercer une influence directe par le moyen des Conseils. Cela devait être une "dictature du prolétariat" exécutée non par un parti mais par l’unité de toute la population travailleuse. Il est certain qu’une telle organisation sociale ne devait pas être démocratique dans le sens bourgeois du mot, puisque la partie de la population qui ne participait pas de la nouvelle organisation de la vie sociale n’aurait pas voix dans les discussions ni dans les décisions.

Nous disions que les vieilles conceptions commençaient à s’ébranlé. Mais il devint vite évident que les traditions parlementaires et syndicales étaient trop enracinées dans les masses pour être extirpées à bref délai. La bourgeoisie, le parti social-démocrate et les syndicats appelèrent très habilement à ces traditions pour faire du tort à la nouvelle conception d’organisation indépendante. Le parti social-démocrate, en particulier, se félicitait en paroles de cette nouvelle façon que les masses avaient eue de s’imposer dans la vie sociale. Il allait jusqu’à exiger que cette forme de pouvoir directe soit approuvée et conservée par une loi qui serait votée à bref délai dans un nouveau parlement. Mais en même temps qu’il leur témoignait de "l’amour", l’ancien mouvement ouvrier reprochait aux Conseils un manque total des usages démocratiques, tout en les excusant partiellement par leur formation spontanée. C’est à dire qu’il leur reprochait le fait que les organisations de l’ancien mouvement ouvrier comme telles n’y étaient pas représentées. Ces organisations considéraient comme une exigence de la démocratie ouvrière que tous les courants du mouvement ouvrier eussent leurs députés dans les Conseils proportionnellement à leur importance respective.

LE PIEGE TENDU

La majorité des travailleurs était incapable de réfuter cet argument. Dans ces conditions les Conseils se composaient de représentants du parti social-démocrate, des syndicats, des social-démocrates de gauche, des communistes, des coopératives de consommation ainsi que des délégués d’usines. Il est évident que de tels Conseils n’étaient plus les organes des équipes d’usines réunies, mais une formation issue de l’ancien mouvement ouvrier oeuvrant à la réinstauration du capitalisme sur la base du Capitalisme d’Etat démocratique.

C’était la ruine de la force ouvrière. Les dirigeants des Conseils ne recevaient plus leurs directives de la masse, mais de leurs différentes organisations. Ils adjuraient les travailleurs d’assurer "l’ordre", et proclamaient que "dans le désordre pas de socialisme". Dans de telles conditions, les Conseils perdirent rapidement toute signification réelle pour la classe ouvrière, les institutions législatives bourgeoises fonctionnèrent en se passant de l’avis des Conseils : là était précisément le but de lvancien mouvement ouvrier.

Malgré cette "révolution échouée, on ne peut dire que la victoire des pouvoirs conservateurs ait été simple. Cette nouvelle orientation des esprits était tout de même assez accusée pour que des centaines de milliers d’ouvriers luttent avec acharnement afin de garder aux Conseils leur caractère de nouvelles unités de classe. Il fallut cinq ans de gros efforts, et le massacre de 35.000 ouvriers révolutionnaires, pour que le mouvement des Conseils fut définitivement battu par le front unique de la ,bourgeoisie, l’ancien mouvement ouvrier et les gardes blanches des hoberaux prussiens.

COURANTS POLITIQUES.

Dans cette mêlée se heurtaient en général du côté ouvrier 4 courants politiques :

I- Les Sociaux-Démocrates voulaient nationaliser les grandes industries pas à pas et par voies parlementaires. et tendaient à ne conserver que les syndicats comme intermédiaires entre les travailleurs et le capital d’Etat.

2- Le courant Communiste, s’inspirant plus ou moins de l’exemple russe exigeait une expropriation directe des capitaux par les masses. Il était selon lui du devoir des ouvriers révolutionnaires de "conquérir" les syndicats et les rendre révolutionnaires.

3- Le courant Anarcho-Syndicaliste s’opposait à la conquête du pouvoir politique et tout Etat. Elargissement des syndicats, jusqu’à telle ampleur qu’ils soient capables de reprendre à leur compte la vie économique : tel était l’essentiel de leur pensée. En 1920, le syndicaliste révolutionnaire connu R.Rocker écrivait dans sa "Déclaration des principes du Syndicalisme-révolutionnaire" que les syndicats ne sont pas à considérer comme des produits passagers du capitalisme, mais comme les germes d’une organisation socialiste ultérieure. Il sembla d’abord, en 1919, que la chance de ce mouvement fut venue. Dès l’écroulement de l’Empire, des masses révolutionnaires affluaient dans ces syndicats. Pour l’année 1920, on comptait 200 à 300 000 adhérents.

4- Toutefois, les syndicalistes-révolutionnaires virent avec étonnement le mouvement syndical tomber en décomposition en 1920. Des masses d’adhérents quittaient les syndicats pour une autre forme d’organisation, mieux adaptée aux conditions de lutte : l’organisation révolutionnaire d’usine. Chaque usine avait sa propre organisation, agissant indépendamment des autres et qui même tout d’abord n’était pas reliée aux autres. Chaque usine faisait figure de "République indépendante" repliée sur elle-même.

Bien que des organismes d’usines fussent une acquisition du mouvement de masses, il faut tout de même remarquer qu’ils n’étaient que le fruit d’une révolution échouée ou au moins une révolution stagnante. Il s’ avèra vite impossible aux ouvriers de conquérir le pouvoir économique et politique par le moyen des Conseils, et qu’il y aurait tout d’abord à soutenir une lutte difficile contre les forces qui s’opposaient aux Conseils. Ainsi les ouvriers révolutionnaires commençaient à rassembler leurs forces dans toutes les usines pour maintenir un pouvoir direct sur la vie sociale. Par leur propagande, ils éveillaient les ouvriers, les persuadaient de quitter les syndicats et d’adhérer à l’organisation révolutionnaire d’usine, pour diriger eux-mêmes leur propre lutte, et conquérir le pouvoir économique et politique sur toute la société.

En apparence la classe ouvrière faisait un grand pas en arrière sur le terrain du pouvoir organisé. Tandis qu’auparavant le pouvoir des ouvriers était concentré dans quelques puissantes organisations centrales, maintenant il se désagrégeait en centaines de petites organisations, groupant quelques centaines ou quelques milliers d’adhérents, selon l’importance de l’usine. Mais en réalité il apparaissait que cette forme était la seule oÙ put se déployer un véritable pouvoir ouvrier, de sorte que ces organisations étaient la terreur de la bourgeoisie, de la social-démocratie et des syndicats.

CONSOLIDATION DES ORGANISATIONS D’USINE.

Cependant cette séparation de toutes ces organisations d’usine n’était pas une question de principe ; ces organisations étaient nées isolément. On tenta de les rassembler dans une organisation générale afin d’opposer un front serré à la bourgeoisie et à ses acolytes. L’initiative partit de Hambourg, et en avril. 1920, le premier rassemblement pour toute l’Allemagne eut lieu secrètement à Hanovre. Il y avait des délégués de Hambourg, Brême, Bremerhafen, Hanovre, Berlin, l’Allemagne centrale, la Silésie et la Rhur. Malheureusement, la police de la "République la plus démocratique du monde" flairait ce Congrès et le dispersa. Elle venait tout de même trop tard, car l’organisation générale était déjà fondée, et les plus importants de ses principes provisoires concernant l’organisation, l’action et la politique, étaient arrêtés.

Cette union se nommait A.A.U.D (Allgemeine Arbeiter Union Deutschlands) ou Union Générale des Travailleurs d’Allemagne.

Les principes prévoyaient la lutte contre les syndicats et les Conseils d’usine légaux et le refus du parlementarisme.

L’indépendance et la mobilité de chacune des organisations participantes étaient assurées au maximum.

Dès ce moment, il apparut impossible de rassembler toutes les organisations d’usine existantes. Certaines préféraient I’isolement, de autres se liaient aux syndicats révolutionnaires et d’autres à l’internationale Syndicale Rouge (Moscou). Au total la nouvelle forme d’organisation comptait environ un demi-million d’adhérents. Tout d’abord l’A.A.U.D ne rassembla que 80 000 travailleurs (avril 1920). Sa croissance fut rapide, et à la fin de 1920 ce nombre passa à 300.000. Mais dès décembre 1920, des divergences politiques provoquèrent une grande scission au sein de l’organisation et la moitié des adhérents la quittait pour former une autre organisation l’A.A.U.D.E ( Nous reviendrons sur ces divergences dans la suite de notre exposé). Après cette rupture 1#A.A.U.D. ne compta plus que 200 000 adhérents au moment de son 4ème Congrès de juin 21.

LE PARTI COMMUNISTE ALLEMAND (K.P.D.).

Avant d’examiner les diverses scissions dans le mouvement des organisations d’ usines, il est nécessaire de

parler du nouveau Parti Communiste (K.P.D.) fondé en novembre 18, C’ est à dire sitôt après l’effondrement de 1#Empire. Pendant la guerre, le parti social-démocrate resta fidèle à la bourgeoisie allemande, à l’exception de quelques uns de ses membres, comme Luxemburg et Liebknecht. Ces derniers s’opposaient à la guerre et faisaient propagande pour une insurrection socialiste contre les massacreurs. Naturellement il s’agissait d’une opposition illégale, animant quelques groupes, dont le ’"Spartacusbund", les "Internationalistes" de Dresden et les "Radicaux de Gauche"’ de Hambourg, pour citer les plus connus. Ces groupes, de l’école social-démocrate, s’unifièrent en novembre 1918 en K.P.D. s’orientant sur la Révolution Russe. Ce parti devint Immédiatement lieu de rassemblement pour nombre d’ouvriers révolutionnaires, qui exigeaient "Tout le pouvoir pour les Conseils Ouvriers"

Il est important de remarquer que les fondateurs du K.P.D., vieux militants de l’école social-démocrate, constituaient par "droit de naissance" les cadres du parti. Mais les masses d’ouvriers qui y affluèrent, et que préoccupaient en pratique de nouvelles formes de lutte, se laissèrent influencer par mainte perception désuète. Car le nom d’organisation d’usine" n’est qu’un mot, et peut se prononcer sans réflexion. De plus ce mot est trompeur, dans la mesure ou il incline à penser qu’il ne s’agit que d’un problème uniquement organisationnel. En réalité, Il s’agit d’’un ensemble tout différent de conceptions sociales. Le mot "organisation d’usine" renferme une révolution dans les conceptions de :
1. l’unité de la classe ouvrière
1. la tactique de lutte
1. la relation des masses et sa direction
1. la dictature du prolétariat
1. la relation de l’Etat et de la Société
1. le communisme en tant que système économico-polîtique.

Face à ces problèmes, les ouvriers en lutte sentaient le besoin de nombreux renouvellements idéologiques. En effet ces problèmes se posaient conséquement à leur lutte pratique, la nécessité se faisant jour d’un renouvellement du prolétariat d’usine, renouvellement dont 11 idée sembla suspecte aux vieux militants des cadres syndicalistes et parlementaristes grisonnants. Il va sans dire, d’ ailleurs, que ces renouvellements n’apparurent pas subitement comme objectifs d’un système déjà achevé, ces idées naissantes cotoyaient ou se mêlaient à des acquis du vieux monde idéologique. Ainsi les travailleurs du K.P.D. ne s’ opposaient pas de façon massive et déterminée aux l’internationalistes" de la direction, mais ils étaient faibles et divisés sur bien des questions.

LE PARLEMENTARISME.

Dès la fondation du K.P.D, l’ensemble des conceptions que nous comprenons sous l’ex pression d’organisation d’usine" y devint le sujet de discorde. Le gouvernement provisoire, dirigé par le social-démocrate Ebert avait annoncé des élections pour une Constituante. Le jeune K.P.D. devait-il participer à ces élections en les combattant ? Cette question provoqua des heurts violents. La grande majorité des ouvriers exigeaient qu’on se dresse contre les élections, au contraire de la direction du Parti, Luxemburg et Liebknecht compris, qui avait décidé d’y participer. Les discussions virent la défaite de la direction. Il faut dire qu’à l’époque le KPD était un parti antiparlementaire. Cet antiparlementarisme s’appuyait sur une conviction, que la Constituante n’avait d9autre sens que de consolider, en lui donnant une assise "légale", le pouvoir de la bourgeoisie. Mais la situation donnait à réfléchir Conseils d’usine et Conseils d’Ouvriers généraux surgissaient de toutes parts dans les régions industrielles, et l’élément prolétarien du K.P.D. tenait à montrer la différence de la démocratie parlementaire et la démocratie ouvrière par le mot d’ordre "Tout le pouvoir aux Conseils Ouvriers".

Mais la direction du KPD voyait dans cet antiparlementarisme non un renouvellement, mais une régression vers les conceptions syndicalistes et anarchistes telles qu’elles se firent jour au début du capitalisme industriel. En réalité l’antiparlementarisme du nouveau courant n’avait rien à faire avec le "syndicalisme-révolutionnaire" et l’anarchisme" et représentait même virtuellement sa contradiction. Tandis que l’anti-parlementarisme des libertaires s’appuyait sur le refus du pouvoir politique, et en particulier de la dictature du prolétariat, le nouveau courant considérait l’anti-parlementarisme comme une condition nécessaire à la prise du pouvoir politique dans la société. Comme tel il s’agissait d’un anti-parlementarisme "marxiste".

LES SYNDICATS

La direction du KPD naturellement, avait aussi, quant au problème des syndicats, une façon de voir différente de celle du courant "organisation d’usine", et cela donna lieu à des discussions, peu de temps après. Nous savons que les propagandistes des Conseils mettaient en avant le mot d’ordre "Quittez les syndicats- Adhérez aux Organisations d’usine- Formez des Conseils Ouvriers"

Mais la direction du KPD proclamait "Adhérez aux syndicats". Elle ne croyait pas, il est vrai, "conquérir" les Centrales des syndicats, mais elle croyait possible de "conquérir" la direction dans quelques branches locales. Cette tactique ayant abouti, ces branches devaient alors se détacher de la Centrale des Syndicats, et se réunir en Centrale Syndicale Révolutionnaire.

Là encore la direction du KPD essuya une défaite. La plupart des membres se retirèrent hostiles cette tactique syndicale qui était en contradiction avec le mot d’ordre "Tout le pouvoir aux Conseils Ouvriers !,,

LE CONGRES DE HEIDELBERG

Mais la direction, soutenue par la Russie, avait décidé de maintenir ses conceptions, fut-ce au prix de l’exclusion de la plupart des adhérents. Cette opération se fit en 1919 au congrès de Heidelberg, de malheureuse et suspecte mémoire. Cet exposé n’a guère de raisons pour retracer les machinations organisationnelles qui rendirent possible "démocratiquement" l’exclusion de 50% des adhérents. Du point de vue des roublards politiques, ce fut sans doute un travail intelligent : pour nous, cette procédure a été la plus basse manoeuvre du vieux parti social-démocrate allemande Seul le

résultat nous intéresse : ce fut l’exclusion des révolutionnaires qui permit au KPD de mener sa politique réformiste russe, parlementariste et syndicale, et par la suite, de st unir avec les social-démocrates de gauche, les soi-disants "Indépendants"

LE K.A.P.D.

Quelque temps après, les exclus formèrent un nouveau parti nommé KAPD (Kommunistiche Arbeiter Partei Deutschlands) avec comme mots d’ordre : "Quittez les syndicats Tout le pouvoir aux Conseils". Et il était en relation étroite avec l’A.A.U.D. Dans les mouvements de masses qui eurent lieu les années suivantes le K.A.P.D. fut une force qui compta. On redoutait autant sa volonté et sa pratique d’actions directes et violentes que sa critique des partis et des syndicats et de la politique étrangère rus se. Le journal du K.A.P.D. appartenait à la meilleure littérature marxiste à cette époque de décadence du mouvement ouvrier marxiste, et ceci bien qu’il s’embarrassat de vieilles traditions.

LE K.A.P.D. ET LA DISCORDE AU SEIN DE l’A.A.U.D.

Quittons maintenant les partis et revenons au mouvement des "organisations d’usine". Ce jeune mouvement indiquait que d’importants changements Idéologiques s’étaient produits dans la conscience du monde ouvrier. Mais ces transformations avaient eu des résultats variés, et différents courants de pensée apparaissaient distinctement au sein de l’A.A.U.D. Tout le monde s’accordait sur les points suivants :
1. la nouvelle organisation devait croitre jusqu’à compter quelques millions d’adhérents.
1. la structure devait être conçue de façon à éviter l’apparition possible d’une nouvelle "clique de dirigeants".
1. Cette organisation (AAUD) devait réaliser la dictature du prolétariat.

Mais deux points provoquaient des antinomies insurmontables :
1. la nécessité d’un parti politique aux cotés de l’AAUD
1. la gestion de la vie économique et sociale.

Au début, l’AAUD.n’ayant aucun rapport avec le K.P.D., ces divergences n’avaient pas de portée pratique. Mais dès la fondation du KAPD. le problème devint urgent.

L’AAUD. coopéra très étroitement avec le KAPD., et ceci contre la volonté de la moitié de ses adhérents. Les adversaires du KAPD. dénoncèrent la formation d’une nouvelle clique de dirigeants" et en décembre ’1920, ils quittèrent 1’AAUD. pour constituer une organisation indépendante de tout parti politique, l’AAUDE (Einheîte-organisation : organisation unitaire) ce qui signifiait qu’on était contre la séparation d’une partie du prolétariat dans une organisation spéciale, dans un parti politique.

On peut mesurer l’envergure de la nouvelle organisation au nombre de ses adhérents, et à ses publications. Elle comptait 212 000 membres en 1922, et se déclarait déjà capable de gérer 6% des usines. Elle publiait alors :

"Die Einheitsfront" à Berlin

"Der Weltkampf" en Saxe

"Der Unionist" à Hambourg

"Die Revolutiont" en Saxe orientale

"Die Aktion" à Berlin.

"Die, Aktion", important hebdomadaire dirigé par M.Pfemfert, défendait les points de vue de l’AAUDE., bien qu’étant indépendant de l’organisation.

LES ARGUMENTS.

Quels étaient les arguments des deux courants en présence ? Ceux de l’AAUD. sont mis bien en évidence dans trois brochures de H.Gorter :

"Organisation des Klassenkamps"

"Lettre ouverte au camarade Lénine"

" Allgemeine Arbeiter Union"

Dans la "Lettre Ouverte" il déclare : "Parce que la Révolution s’avère difficile dans l’Europe de l’ouest, et par conséquent très lente, une longue période de transition se prépare, dans laquelle les syndicats n’auront plus d’utilité et les Conseils n’existeront pas encore. Durant cette période de transition, il y aura lieu de lutter contre les syndicats, de les changer, de les remplacer par de meilleures organisations. Ne craignez rien nous avons tout le temps voulu"

"Une fois de plus, cela n’arrivera pas parce que nous autres de la gauche le voulons, mais parce que la Révolution exige cette nouvelle organisation. Sans elle la R évolution ne peut triompher-"

Et dans "Organisation des Klassenkamps" nous lisons ceci :

"Une organisation groupant des millions et des millions de communistes conscients est nécessaire. Sans elle, nous ne pourrons vaincre."

Donc cette organisation destinée compter "des millions et des millions" de membres devait se construire tout en luttant. Et une fois parvenue à embrasser la plus grande partie des ouvriers, elle serait l’organe de la dictature du prolétariat. Cette dictature soutenue par une telle majorité aurait un véritable caractère de classe.

Toutefois dans l’AAUD. et le KAPD., on pensait que les organisations d’usine avaient avant tout autre but celui de la lutte pratique, de la grève et de l’insurrection, et malheureusement la force des travailleurs résidait beaucoup plus dans leur volonté révolutionnaire que dans leur connaissance de la vie sociale. Un travail d’enseignement soutenu était nécessaire. Gorter déclare dans l’Organisation de la lutte des classes" :

"La plupart des prolétaires sont dans l’ignorance. Ils ont de faibles notions d’économie et de politique, ne savent pas grand chose des événements nationaux et Internationaux, de leur connexion et de leur influence sur la révolution. Ils agissent quand ils ne devraient pas, n’agissent pas quand ils devraient. Ils se tromperont très souvent".

C’est pourquoi ce courant estimait nécessaire que le révolutionnaire conscient s’organisait de deux côtés la fois : dans le parti politique KAPD et dans l’organisation d’usine AAUD.Voici comment Gorter essayait de donner une idée de ce parti :

"On pourrait dire : il est le cerveau du prolétariat, son oeil, son pilote. Mais ce n’est pas tout à fait exact, car de cette façon le parti ne serait qu’une partie d’un tout. Il ne l’est pas et ne veut pas l’être. En Europe occidentale et en Amérique du Nord, i’L veut imbiber le prolétariat, le pénétrer comme un levain, Il tend à être le prolétariat lui-méme, à être la totalité. Il veut devenir l’unité par sa jonction avec les organisations d’usines et le pro1étariat- (Organisation,p.16)

On voit que les deux organismes se conjugeraient pour réaliser la Révolution. Après la victoire ces 2 organismes devraient exercer de concert la dictature du prolétariat, se partageant le pouvoir à égalité.

"Il est évident que l’organisation d’usine ne peut triompher d’elle-même. Le parti à lui seul ne le peut pas non plus. Mais les deux ensemble le peuvent. Les organisations d’usine et le parti, c’est le prolétariat.... Le parti détiendra-t-il la plus grande part du pouvoir, ou bien les organisations d’usine seront-elles devenues si solides que la suprématie leur revienne ? Nous ne le savons pas. Cela dépend du cours de la Révolution." (Organisat.p98)

LES ARGUMENTS DE L’A.A.U.D.E.

Selon les adversaires du parti politique séparé des organisations d’usine, le AAUDE voulait bâtir une grande organisation pour la lutte pratique directe et pour la gestion future de la vie économique. Le caractère en serait économico-politique. A cet égard, cette conception différait du vieux "syndicalisme-révolutionnaire" qui s’affirmait hostile au pouvoir politique et à la dictature du prolétariat. Pourquoi une organisation politique séparée Il est vrai que le prolétariat est faible et ignorant, et qu’un enseignement continu est nécessaire.

Mais cela n’est-il pas possible dans les organisations d’usine puisque la liberté de parole y est assurée. L’opinion que le parti est le "cerveau" ou le "pilote du prolétariat nous amène à envisager la mise en tutelle du prolétariat, à provoquer une dictature sur le prolétariat par une nouvelle clique de dirigeants. C’lest pourquoi le parti séparé est plus un frein qu’un stimulant pour le développement de la classe ouvrière. Quand le prolétariat est trop faible ou trop aveugle lors d’une résolution à prendre pour la lutte, ces défauts ne seront pas supprimés par une décision de parti. Personne ne peut reprendre la tache du prolétariat, et il doit lui-même surmonter ses propres défauts. La double organisation est une conception désuéte héritière de la vieille tradition : parti politique et syndicat

QUI AVAIT RAISON ?

Tels étaient donc les deux courants issus du développement de la lutte de classe au sein du mouvement d’organisation d’usine". Qui avait raison ? Se trompait-on des deux côtés ? En d’autres termes, en quoi cette épreuve a-t-elle enrichi notre connaissance de la lutte pour le pouvoir ouvrier ?

LE MECOMPTE

Avec 25 ans de recul, nous pouvons voir que l’AAUD et l’AAUDE. se sont trompé également. On avaitcru que la soudaine croissance des organisations d’usine en 1919 et en 1920 continuerait à peu près à la même cadence au cours de la lutte. On avait cru que les organisations d’usine deviendraient un grand mouvement de masse, groupant des "millions et des millions de communistes conscients", qui contrebalanceraient le pouvoir des syndicats capitalistes. Partant de la supposition juste que le prolétariat ne peut lutter et triompher que comme classe organisée, on croyait que les travailleurs élaboreraient chemin faisant une nouvelle et toujours croissante organisation permanente. C’est à la croissance de l’AAUD. et de 1’AAUDE. qu’on pouvait mesurer le développement de la combattivité et de la conscience de classe.

Une lutte acharnée avait lieu en Allemagne, et celle-ci devait aboutir au fascisme en 1933, mais le AAUD, le AAUDE, et le KAPD se repliaient de plus en plus sur eux-mêmes malgré la lutte. A la fin il ne restait plus que quelques centaines d’adhérents, vestiges des grandes organisations d’usine d’antan, ce qui signifiait quelque noyaux çà et là sur un total de 20 millions de prolétaires. Les organisations d’usine n’étaient plus des organisations "gé,n6rales" des travailleurs, mais des noyaux de communistes de Conseils conscients, et de cette façon 1’AAUD. et l’AAUDE. même revêtaient le caractère d’un parti politique. L’organisation de "millions et de millions" s’était avérée illusoire

LES FONCTIONS

Est-ce spécialement le petit nombre d’adhérents qui transforme les organisations d’usine en un parti politique. Non. C’était un changement de fonction. Quoique les organisations d’usine n’eussent jamais pour tâche de proclamer une grève, de négocier avec les entrepreneurs, de poser des revendications (c’était l’affaire des grévistes), 1’AAUD et l’AAUDE étaient des organisations de lutte pratique. Ils excitaient la combattivité des ouvriers, et dans ce sens avaient une tâche de propagande. Mais quand une grève était éclatée, les organisation— d’usine s’occupaient en grande partie de l’organisation de la grève. La presse de 1’organisation était la presse de la grève, les rassemblements de grévistes étaient organisés par elles, les orateurs étaient souvent les propagandistes de l’AAUD. et de l’AAUDE. Mais des pourparlers avec les entrepreneurs revenaient au Comité des grévistes, dans lesquels étaient en général des adhérents de l’AAUD et de l’AAUDE. Dans le Comité, ils ne représentaient pas leur organisation, mais les grévistes qui les avaient élus, et devant qui ils étaient responsables.

Le parti politique KAPD avait une autre fonction. Sa tâche consistait surtout en propagande, en analyse économique et politique. Aux moments d’élection, il faisait une propagande antiparlementaire, et des événements politiques donnaient lieu à des meetings pour dénoncer la politique bourgeoise des différents partis. Et parce que les sociaux-démocrates et les communistes officiels avaient une grande influence en Allemagne, la critique sur le KPD et la Russie prenait une grande place dans l’activité.

CHANGEMENT DE FONCTION.

Mais la tache pratique de l’AAUD. et de 1’AAUDE était accomplie dès la défaite définitive de la classe ouvrière dans l’insurrection de 2l en Allemagne centrale. Cette défaite était aussi celle des organisations qui ne pouvaient guère vivre qu’en tant qu’organes de mouvements indépendants, c’est à dire l’AAUD et l’ AAUDE.

Dans de telles circonstances, le travail des organisations d’usine était réduit à la propagande et l’analyse, comme celui du parti politique. La plupart des adhérents, découragés par l’absence de perspective révolutionnaire, quittait l’organisation, mais les adhérents se réunissaient selon l’arrondissement de leur domicile ainsi qu’il se pratique dans les partis. Il n’y avait plus grande différence entre le KAPD, l’AAUD et l’AAUDE. Ils formaient pratiquement trois partis politiques de même couleur : c’était à déplorer pour l’AAUDE qui estimait le parti politique superflu et fatal.

FUSION.

Trois partis politiques de la même couleur, certain deux de trop. Et en décembre 1931, les conclusions tirées de la situation déterminèrent l’AAUD à se détacher du KAPD et à fusionner avec l’AAUDE, ce qui signifiait la mort certaine du KAPD. La nouvelle organisation s’appelait K.A.U.D. (Kommunistiche Arbeiter Union Deutschlands) exprimant ainsi l’idée que la nouvelle organisation n’était pas une organisation "générale" pour tous les travailleurs de volonté révolutionnaire, mais groupait les travailleurs communistes conscients.

LA CLASSE ORGANISEE

Dans ce nouveau KAUD. s’exprimait a aussi un lent changement dans les principes des organisations. Ce changement avait un sens ; il faut se souvenir de ce que signifie la "classe organisée". L’AAUD jet J’AAIJDE avaient cru tout d’abord que c’étaient eux qui . organiseraient la classe ouvrière, que des milliers d’ouvriers adhéreraient à leurs organisations. C’est au fond la même conception que celle des vieux syndicalistes quand tous les ouvriers sont adhérents à leurs syndicats, la classe ouvrière est organisée. Ainsi en allait-il pour l’organisation d’usine. Une vieille tradition s’y perpétuait, celle de la "classe organisée".

Même après 1928 la lutte des classes fut importante, mais les mouvements étaient surtout inspirés et dirigés par le KPD et les "syndicats rouges" de Moscou. Et bien qu’il y eut aussi des grèves indépendantes de leurs organisations, les travailleurs ne voulaient plus lutter à outrance comme dans les années 19/23. La combativité révolutionnaire étant épuisée et on n’avait plus besoin du secours d’organismes tels que l’AAUD et ITAAUDE.

Durant les années où les organisations d’usine perdirent de plus en plus de leur influence sur les grèves et où les syndicats rouges et le KPD trompèrent les ouvriers, l’AAUD et l’AAUDE firent propagande pour que les ouvriers eux-mêmes organisent leur lutte en "Comité d’Action" et en créant un lien entre ces comités. C’est ainsi que les travailleurs purent aussi agir en tant que "classe organisée", bien que ce fut sans adhérer à l’AAUD ni à 1 ’AAUDE. Autrement dit, la lutte de "classe organisée" ne dépendait plus d’une organisation permanente, bâtie avant la lutte. Dans cette nouvelle conception, la "classe organisée, était la classe luttant sous sa propre direction.

Ce changement de conception avait des conséquences sur maint problème : la dictature du prolétariat par exemple. Parce que la "classe organise’’ était autre chose que l’AAUD -AAUDE, ceux-ci ne pouvaient plus très considérés comme organes de la dictature du prolétariat. Quant au problème posé au début du mouvement par les Conseils Ouvriers, à savoir qui du KAPD ou de l’AAUD aurait la majorité du pouvoir, il n’en était plus question. Aucun des deux n’exercerait la dictature, mais celle-ci serait entre les mains de la classe luttant, qui assumerait toutes les fonctions de la lutte. La tache du nouveau KAUD. se réduisait à une propagande communiste clarifiante, poussant la classe ouvrière à la lutte tout en lui montrant ses forces et ses faiblesses.

LA SOCIETE COMMUNISTE ET LES ORGANISATIONS D’USINE

Ce changement s’accompagnait aussi d’une révision des conceptions de la société communiste. Nous avons déjà signalé que les masses se sont déjà orientées vers le capitalisme d’Etat. L’Etat sera le levier du socialisme par les nationalisations, l’économie dirigée et les réformes sociales, tandis que le parlementarisme et les syndicats seront les moyens de lutte : les ouvriers ne luttant guère comme classe indépendante, et confient la gestion et la direction de la ’Lutte de classes à des chefs parlementaires et syndicalistes. Dans ces conditions, il va sans dire que les ouvriers voient dans le parti et les syndicats des collaborateurs de l’Etat et que ces organismes auront la direction et la gestion de la société communiste future.

Au début, cette tradition avait passé dans 1’AAUD, le KAPD. et 1’AAUDE. Tous trois souhaitaient une organisation groupant des "millions et des millions" d’adhérents pour exécuter la dictature du prolétariat politiquement et économiquement. Nous avons déjà vu que 1’ AAUD, en 23, se déclarait capable de reprendre la gestion de 6% des usines.

Mais ces conceptions chancelaient. Nous savons que les centaines d’organisations d’usine coordonnées dans l’AAUD et 1’AAUDE-, réclamaient le maximum d’indépendance quant aux décisions et faisaient de leur mieux pour éviter la formation d’une "nouvelle clique de dirigeants". Mais serait-il possible de "garder cette indépendance dans la vie sociale communiste" ? La vie économique est profondément spécialisée et toutes les usines sont interdépendantes. Comment serait-il possible de gérer la vie économique si le droit de disposition des moyens de production et la distribution de la richesse sociale ne reposait pas dans quelques noeuds centraux ? L’Etat en tant que producteur et distributeur serait-il indispensable ?

C’est l’une contradiction entre les vieilles conceptions sur la société communiste et la nouvelle forme de lutte. On redoutait la centralisation économique comme une "bête noire", mais on ne savait comment s’en garder. La discussion portait sur la nécessité plus ou moins grande de fédéralisme ou de centralisme. La tendance au fédéralisme était plus forte dans 1’AAUDE. Le KAPD et l’ AAUD tendaient au centralisme. En 1923, le KAPD oublie une brochure intitulée "Das Werden einer neuen Gesellschaft" (Le devenir d’une nouvelle société") d’ou il ressortait que le Communisme devait être centralisé, ’le plus centralisé serait le mieux."

Aussi longtemps qu’on était encore prisonnier de vieilles conceptions de "la classe organisée, cette contradiction ne pouvait être résolue. D’une part, on s’accomodait de vieilles conceptions du syndicalisme-révolutionnaire, "reprise des usines" par les syndicats. D’autre part, on pensait-comme les Bolchéviks que l’appareil central règle le processus de production et répartit le "revenu national" entre les ouvriers.

Toutefois, une discussion au sujet de la société communiste sur la base du "centralisme ou "fédéraliste" est absolument stérile. Ces problèmes sont des problèmes d’organisation, alors que la société communiste est d’abord un problème économique. Au Capitalisme doit succéder un autre système économique où les moyens de production, les denrées, la force de travail des ouvriers ne revêtent pas la forme de valeur et où l’exploitation de la population au bénéfice d’un groupe de profiteurs n’aura plus lieu. Toute discussion sur "fédéralisme" ou "centralisme" n’ a aucun sens quand on n’a pas d’abord montré la base économique de ce centralisme ou de ce fédéralisme. Donc les formes d’organisation de l’économie ne sont pas arbitraires, mais elles sont déterminées par les principes mêmes de cette économie. C’est pourquoi il est insuffisant de présenter le communisme comme un système négatif, pas d’argent, pas de capital, pas de marche,- mais nous devons le connaître en tant que système positif. Il faut savoir quelles lois économiques succéderont à celles du capitalisme. Et quand nous les aurons trouvées, sans doute que le problème "capitalisme-fédéralisme" apparaîtra comme un faux problème.

traduction H.Paulo


http://plusloin.org/plusloin/spip.php?article64
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Re: Les conseils ouvriers en Allemagne 1918

Messagede bipbip » 21 Mai 2018, 15:47

La révolution allemande de 1918

En 1918, l'Allemagne connaît une révolte spontanée. Cet épisode nourrit la réflexion sur l'auto-organisation des prolétaires et sur la répression des luttes par le pouvoir de gauche.

La révolution allemande de 1918 reste méconnue. L’assassinat de Rosa Luxemburg par la gauche au pouvoir permet d’en faire une révolte mythique. Les membres du même parti se retrouvent des deux côtés de la barricade. Pourtant, cet épisode reste mal connu. Sebastian Haffner propose une histoire de ce moment dans le livre Allemagne, 1918 : une révolution trahie.

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Social-démocratie et révolte spontanée

Le mouvement ouvrier allemand apparaît particulièrement puissant. Le parti social-démocrate (SPD) parvient à s’imposer pendant l’empire de Bismarck. Il devient progressivement une force politique incontournable. « De 1890 à 1914, il n’a plus été révolutionnaire qu’en paroles : en secret il avait commencé à se considérer comme une composante de l’Allemagne wilhelminienne », décrit Sebastian Haffner. Les sociaux-démocrates n’aspirent plus à changer l’ordre social, mais à conforter leur place dans cette société. Guillaume II favorise les libertés publiques et le mouvement ouvrier s’éloigne de l’horizon révolutionnaire. C’est le parlementarisme qui doit permettre d’améliorer la société. « Mais le SPD de 1914 n’ambitionnait plus de renverser l’Etat existant : il aspirait simplement à élargir ses propres possibilités dans le cadre de cet Etat, par le moyen d’une alliance avec les libéraux et le Centre », décrit Sebastian Haffner. La guerre renforce cette normalisation du SPD.

Le 29 septembre 1918, le parti social-démocrate accède au pouvoir. Mais il doit gérer la défaite militaire. Les chefs de l’armée allemande ne veulent pas assumer l’humiliation de la débâcle. Une Allemagne démocratique doit également favoriser une négociation avec les vainqueurs. La révolution allemande n’éclate pas contre le pouvoir social-démocrate. C’est au contraire pour prévenir une contre-révolution que des marins se révoltent. Mais leur mouvement prend de l’ampleur et ne rencontre aucune résistance.

Des conseils d’ouvriers et de soldats se multiplient. « Le spectacle était partout le même : grands cortèges dans la rue, larges assemblées sur la place du marché, scènes de fraternisation où se côtoyaient bleus de travail, uniformes et vêtements civils », décrit Sebastian Haffner. Néanmoins, les conseils ne sont pas des cadres de délibération collective. Leurs représentants sont désignés par acclamations et sont souvent des militants du SPD. Pourtant, le mouvement spontané menace les autorités. Les dirigeants allemands s’inquiètent de cette révolte. Friedrich Ebert, président du SPD, aspire au retour à l’ordre. Il s’inquiète de voir ses militants passer du côté de la révolution.

Mouvement de masse et modéré

Les dirigeants allemands ne peuvent pas écraser la révolution. Ils décident donc de l’étouffer. L’empereur proclame sa démission tandis qu’Ebert est nommé chancelier. Des révolutionnaires tentent de donner une autre tonalité au mouvement. Karl Liebknecht dirige l’USPD, une scission de gauche du SPD. Il propose une République sociale, mais son petit parti semble peu organisé. En revanche, des ouvriers révolutionnaires préparent une insurrection. Ils occupent le Reichstag et organisent un Parlement révolutionnaire. Ils nient le gouvernement légal et organisent un pouvoir des conseils ouvriers. Ils veulent désigner des représentants pour structurer un conseil des commissaires du peuple. Ebert ne peut pas réprimer ce mouvement puisque les soldats refusent de tirer. Mais il peut en prendre le contrôle. Ebert peut devenir commissaire du peuple et prendre à nouveau les commandes. « S’il voulait encore empêcher la révolution, il devait faire semblant de se mettre à sa tête », souligne Sebastian Haffner.

L’ambiance n’est plus à la révolution et à la colère. Mais plutôt à l’unité des partis de gauche. Le discours d’Ebert va dans ce sens. Il devient commissaire du peuple et accepte de gouverner avec des indépendants. Les conseils restent sous influence du SPD. Les révolutionnaires y sont largement minoritaires. Mais ce pouvoir populaire est encore jugé trop menaçant par la direction social-démocrate. Ebert accepte alors l’entrée des militaires dans Berlin pour restaurer l’ordre bourgeois. L’armée désigne Ebert président de la République allemande.

La Division de marine populaire, qui assure la fonction de garde populaire, réclame une prime de Noël. Ebert envoie les troupes du gouvernement pour réprimer les marins. Mais la Division populaire assure sa victoire au combat, malgré de nombreux morts. Cet épisode sanglant marque un tournant. Les indépendants refusent de se maintenir au gouvernement. Le groupe Spartakus sort de l’USPD pour fonder le KPD.

Écrasement social-démocrate

En janvier 1919, les ouvriers de Berlin se révoltent de manière spontanée. Ce n’est pas une insurrection spartakiste. Ce sont des ouvriers sociaux-démocrates qui se soulèvent sans perspective révolutionnaire. Néanmoins, cette révolte est écrasée dans le sang par le gouvernement. Les ouvriers sociaux-démocrates considèrent Ebert et leurs dirigeants comme des traîtres. Mais ils ne s’affichent pas pour autant spartakistes. Ebert a remporté la bataille de Berlin et Noske prépare la contre-révolution avec ses corps francs.

L’assassinat de Karl Liebknecht et Rosa Luxemburg incarne la contre-révolution. Mais ces figures politiques ne jouent pas un rôle décisif dans les événements. Ils refusent la posture de leaders révolutionnaires qui encadrent les masses, contrairement à Lénine ou Trotsky. Karl Liebknecht joue le rôle d’agitateur. Rosa Luxemburg propose des analyses critiques sur les événements dans le journal Die Rote Fahne. Mais ses idées restent peu influentes. Les corps francs permettent la répression du mouvement. Ebert, pour défendre l’ordre social fait appel à des troupes de chocs dirigées par des futurs nazis.

Les militaires veulent alors prendre le pouvoir et imposer une dictature. Ebert voit les forces contre-révolutionnaires se retourner contre lui. Il retrouve alors son discours radical et appelle à la grève générale. Mais il préfère s’exiler. Néanmoins, un mouvement de grève spontané éclate en mars 1920. Les ouvriers sociaux-démocrates s’opposent à cette menace militaire. Le mouvement ne se veut pas révolutionnaire mais vise à défendre le gouvernement civil contre le pouvoir militaire. De nouvelles élections sont organisées. Mais le SPD s’effondre. Une longue période de gouvernements du bloc bourgeois commence.

Paradoxes d’une révolution

Le livre de Sebastian Haffner permet de décrire cette révolution allemande qui reste un épisode méconnu de l’histoire du mouvement ouvrier. Le journaliste insiste sur la dimension spontanée de cette révolution. Aucun chef ou dirigeant ne se distingue. Même le rôle des révolutionnaires spartakistes doit être relativisé. Ce sont les ouvriers eux-mêmes qui décident de lancer un mouvement de révolte.

Mais cette révolution reste portée par des ouvriers sociaux-démocrates. Ils s’opposent à l’empire et au pouvoir militaire pour obtenir davantage de libertés et de démocratie. En revanche, ils ne désirent pas une révolution sociale. Ce ne sont pas les usines qui sont occupées, mais les administrations et les casernes. L’appropriation des moyens de production n’est pas mise en œuvre. Les ouvriers restent même légalistes et respectueux de la social-démocratie. Le mouvement cherche à influencer la politique de l’Etat mais pas à renverser l’ordre social.

Les conseils ouvriers permettent une auto-organisation à la base. Mais ils ne prétendent pas remplacer les structures de l’Etat. Au contraire, ces conseils désignent des dirigeants sociaux-démocrates et modérés. Ils deviennent des organes de base mais ne construisent pas leur autonomie politique. Ils n’élaborent pas eux-mêmes leurs propres perspectives et ne visent pas à réorganiser la production. Au contraire, ces conseils ouvriers ne cessent de faire confiance au pouvoir social-démocrate.

La révolution allemande montre l’importance de la spontanéité. Mais aussi sa limite. L’auto-organisation des prolétaires doit s’accompagner de perspectives révolutionnaires pour ne pas se fourvoyer. Les conseils ouvriers doivent s’inscrire dans une rupture avec le capitalisme et l’Etat. Ils doivent devenir des espaces de discussions, de réflexions et de décisions. Les conseils ouvriers doivent ainsi devenir les organes de base d’une nouvelle société, et non pas les supplétifs d’un pouvoir social-démocrate.

Source : Sebastian Haffner, Allemagne, 1918 : une révolution trahie https://agone.org/elements/allemagne191 ... iontrahie/, traduit par Rachel Bouyssou, Agone 2018 (Complexe, 2001)



http://www.zones-subversives.com/2018/0 ... -1918.html
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Re: Les conseils ouvriers en Allemagne 1918

Messagede bipbip » 13 Aoû 2018, 20:59

Socialisme et mouvement ouvrier en Allemagne depuis 1875

https://www.franceculture.fr/emissions/ ... sse-le-bac
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Re: Les conseils ouvriers en Allemagne 1918

Messagede bipbip » 10 Nov 2018, 21:46

Démocratie bourgeoise ou révolution sociale en Allemagne ?

Novembre 1918 : Démocratie bourgeoise ou révolution sociale en Allemagne ?

Kiel, Allemagne, 3 novembre 1918, l’armée tire sur les 600 manifestants exigeant la libération de marins mutinés. Le lendemain, c’est l’insurrection. Pour les révolutionnaires, l’heure a sonné de la révolution sociale. C’est compter sans le puissant Parti social-démocrate…

Dans une Allemagne acculée à la défaite, éreintée par quatre années de guerre, la misère quotidienne des soldats et des ouvriers tourne à la colère. Sur le Front Ouest, les premiers craquements face à la coalition de l’Entente [1] se font ressentir. Alors que l’Empire vacille, que les généraux cherchent à se dédouaner d’une défaite qu’ils savent certaine, les sociaux-démocrates du SPD, déjà englués dans l’union sacrée, décident le 3 octobre 1918 d’un geste follement aventurier : entrer dans le gouvernement du Prince Max de Bade pour… continuer la guerre !

C’est oublier les principaux concernés. Le 30 octobre 1918, les marins refusent de laisser sortir la flotte de guerre. Le 31, furieux de s’être fait voler son ultime baroud d’honneur, l’état-major jusqu’au-boutiste, transfère 600 marins mutinés à Kiel, un des principaux ports de guerre, et met aux arrêts les meneurs.

Cette concentration de mutins dans une ville de garnison à fleur de peau, alors que des bruits de putsch militaire courent, va mettre le feu aux poudres. L’insurrection du 3 novembre est suivie le lendemain d’une grève totale à l’appel des syndicats ouvriers. Devant les usines, des soldats mutinés en armes bloquent l’accès aux quelques partisans téméraires de la « liberté du travail ». La « crosse en l’air » se retourne contre l’exploiteur criminel, qu’il soit celui du sang des soldats ou de la sueur du travailleur. Face à ce succès, ouvriers et soldats assument leur audace et mettent en place une structure de représentation démocratique autonome, le conseil, inspiré des soviets russes de 1917.

Le 5 novembre le conseil de soldats de Kiel peut proclamer : « Camarades ! La journée d’hier restera mémorable dans l’histoire de l’Allemagne. Pour la première fois le pouvoir politique est entre les mains de soldats. Il n’y aura pas de retour en arrière ! » [2]. Mais, cela va dépendre de la tenue du mouvement lui-même ainsi que de l’attitude des organisations ouvrières.

Et face au pouvoir des conseils, les sociaux démocrates du SPD s’affolent : la révolution n’est pas vraiment dans leurs plans et ce socialisme spontané des travailleurs, sous l’uniforme ou pas, n’est pas à leur goût. Avec plus de 200 000 adhérents, des rouages organisationnels huilés à l’extrême, le SPD est le premier parti ouvrier et jouit d’une réelle audience au sein des masses. Alors que faire ?

L’ordre, priorité des sociaux-démocrates

D’abord, contenir le mouvement. C’est le temps du double discours : Noske [3], un chef du SPD envoyé à Kiel pour retourner les insurgés du côté du gouvernement, change son fusil d’épaule une fois sur place et se voit nommé gouverneur de Kiel par le Conseil !

Ensuite, lorsqu’ils réalisent que le mouvement est profond, Ebert, Scheidemann [4] et les chefs du SPD n’ont qu’une boussole politique : que l’ordre soit conservé ! S’ils s’acharnent d’abord à sauver l’Empereur Guillaume II de l’abdication, ils frétilleront de joie le 10 novembre en proclamant la République au balcon du Reichstag. Ebert se serait justifié ainsi, laissant cours à ses plus bas instincts de socialiste gouvernemental : « Si l’empereur n’abdique pas, la révolution sociale est inévitable. Moi, je ne veux pas de cette révolution, je la hais comme le péché ».

Le SPD peut alors compter sur le soutien de l’armée. Dans un télégramme secret du Haut commandement aux commandants des grandes unités, daté du 10 novembre, la consigne est claire : « On peut faire savoir que le Haut Commandement est disposé à faire route commune avec le chancelier Ebert, chef du parti social-démocrate modéré, pour empêcher l’extension en Allemagne du bolchevisme terroriste ».

Alors que se constitue ce « parti de l’ordre », les mutins de Kiel exportent leur révolution dès le 6 novembre. Ils emportent l’adhésion des garnisons qui adoptent le fonctionnement en conseils de soldats à Hambourg et Brême. Le 8 novembre, c’est la Bavière qui est touchée. On y proclame même la République : « Pour la Bavière, la guerre fratricide des socialistes a pris fin. Sur la base révolutionnaire actuelle les masses ouvrières vont retrouver le chemin de l’unité. Vive la République de Bavière ! Vive la Paix ! Vive le labeur créateur de tous les ouvriers ! »

Un double pouvoir

Cette « guerre fratricide des socialistes » recoupe des divergences pourtant profondes. Aux socialistes gouvernementaux du SPD s’ajoutent, les socialistes indépendants de l’USPD. Quant aux révolutionnaires, on peut distinguer essentiellement la ligue spartakiste [5] de Rosa Luxemburg et Karl Liebknecht, tous deux récemment libérés [6], mais aussi les anarcho-syndicalistes de la FVDG entrés dans la clandestinité au début de la guerre [7]. Il faut aussi compter avec les « Revolutionäre Obleute », les délégués révolutionnaires, tendance clandestine de syndicalistes opposés à l’union sacré. Tous ces révolutionnaires s’activent à Berlin où ils ont fondé un comité d’action secret.

Le 8 novembre, pour éviter d’être arrêté par la police, le comité lance le mot d’ordre d’insurrection. Le 9 novembre, soldats et ouvriers fraternisent. Berlin a basculé dans la révolution sans coup férir. Le lendemain, la République d’Allemagne est proclamée, Ebert est nommé chancelier. Le 11 novembre, l’Armistice est signé, la guerre est finie. Mais déjà les chefs du SPD préparent une nouvelle guerre.

Car face à cette République dont le gouvernement s’organise autour de six « commissaires du peuple » va se dresser le Comité exécutif des conseils de Berlin, émanation des organismes de démocratie directe formés par les soldats et les travailleurs eux-mêmes. Mais le pouvoir des conseils, encore balbutiant, n’est pas homogène. Dans de nombreux conseils, ce sont des militants SPD qui sont élus à leurs têtes. Pour certains conseils, il faut convoquer en urgence une Assemblée constituante, pour d’autres, d’abord développer le pouvoir des conseils. Beaucoup estiment que la fin de l’Empire est l’objet de la révolution, mais d’autres souhaitent instaurer le socialisme.

Le Maréchal Von Hindenburg, chef des armées, de son côté, donne des consignes : « Dès lors que le mouvement tendant à constituer des conseils de soldats a gagné l’armée du front et qu’il ne peut plus être enrayé par la force, à ce qu’il me semble, il est nécessaire que les officiers prennent ce mouvement en main. » Cette indéniable habileté tactique des militaristes est le danger principal.

À l’alliance du SPD avec l’armée, correspond, dans le champ économique, l’alliance avec le patronat. Le gouvernement est l’artisan de l’accord syndicats-industriels du 15 novembre, qui en lâchant du lest sur le plan social veut éviter toute socialisation de l’économie.

La curée

Dès lors, tous les ingrédients d’une contre-révolution sont rassemblés. Le Comité exécutif des conseils de Berlin tente à plusieurs reprises de reprendre la main, mais sans succès. La révolution ne parvient pas à s’armer, la police reprend ses fonctions. Le 16 décembre, un Congrès national des conseils d’ouvriers et de soldats est convoqué à Berlin et se saborde au profit d’une Assemblée constituante. Mais les révolutionnaires ne sont pas disposés à abdiquer.

À Berlin ils prennent plusieurs fois la rue et occupent à deux reprises les locaux du Vorwärts, le journal du SPD, dont la seconde fois le 5 janvier 1919 après une manifestation monstre qui dégénère en combats armés. Le KPD et des socialistes de gauche mettent en place un comité d’action révolutionnaire qui envisage, sur le modèle bolchevique, de prendre le pouvoir. C’en est trop pour le SPD. Depuis presque un mois, Noske recrute des troupes de mercenaires parmi les démobilisés. Ils vont composer des corps francs aux ordres du gouvernement.

Le 11 janvier, Noske, à la tête des corps francs entre dans Berlin et procède à un véritable ratissage, massacrant les éléments révolutionnaires et membres des conseils d’ouvriers et de soldats. C’est la « semaine sanglante ». Le 15 janvier, Rosa Luxemburg et Karl Liebknecht sont assassinés. Il ne reste plus qu’à « pacifier » sur tout le territoire les velléités de pouvoir des conseils. Le 11 août, la constitution de la République de Weimar entre en vigueur : la démocratie bourgeoise a vaincu dans le sang la révolution sociale.

Théo Rival (AL Vendôme)


DU POUVOIR DES CONSEILS À LA RÉPUBLIQUE DE WEIMAR

3 octobre 1918 : le SPD participe au gouvernement « d’union sacré »

30 octobre : refus des marins de laisser sortir la flotte de guerre

3 et 4 novembre : soulèvement des marins à Kiel. Constitution d’un conseil de soldats et d’un conseil d’ouvriers

6 au 8 novembre : la révolution gagne Hambourg, Brême, Cologne, Hanovre, Brunswick et Munich où est proclamée la première République de Bavière. Partout les conseils d’ouvriers et de soldats administrent les villes

9 novembre : révolution à Berlin. Abdication de Guillaume II. Ebert du SPD nommé chancelier

10 novembre : constitution du gouvernement des « commissaires du peuple » et du Comité exécutif des conseils de Berlin

11 novembre : Armistice

16 novembre : suite à l’accord de la veille, constitution d’un comité paritaire Patrons-Ouvriers

18 novembre : la proposition d’organiser le prolétariat berlinois en armes est repoussée par les conseils

12 décembre : début de la formation des Corps francs

16 décembre : le congrès national des conseils d’ouvriers et de soldats se saborde et appelle à une Assemblée constituante

29 décembre au 1er janvier : congrès de fondation du KPD, parti communiste allemand, ex-ligue spartakiste

6 janvier 1919 : premiers combats à Berlin

11 janvier : Noske, à la tête des Corps francs, entre dans Berlin

15 janvier : assassinat de Karl Liebknecht et Rosa Luxemburg

Février à juillet : opérations de « pacification » dans toute l’Allemagne

Avril : dernier soubresaut du mouvement avec la République des conseils de Bavière, réprimée par les troupes gouvernementales

11 août : entrée en vigueur de la Constitution de Weimar


DRAPEAU ROUGE SUR LA CATHÉDRALE DE STRASBOURG

Beaucoup des 16 000 Alsaciens-Lorrains incorporés dans la Kriegsmarine avaient participé à la mutinerie de Kiel. Ils rentrent chez eux, emportant leurs espoirs révolutionnaires.

Dans la nuit du 7 au 8 novembre 1918, plusieurs trains de soldats en permission ou mutinés arrivent à Strasbourg. Les autorités allemandes, qui ont alors perdu de leur légitimité aux yeux de la population d’Alsace-Lorraine, sont inquiètes. Le 10 novembre, les premiers conseils de soldats, puis d’ouvriers, sont fondés à Strasbourg.

Ils existaient depuis la veille à Mulhouse et Haguenau. Alfred Doblin, auteur du célèbre roman Berlin Alexanderplatz, alors médecin militaire à Strasbourg, décrira en 1939, dans Novembre 1918, une séance du conseil des soldats. Une commission exécutive de 13 personnes, présidée par Rebholz, secrétaire du syndicat des ouvriers brasseurs, coordonne les conseils. Rebholz proclame la « République bolchevique allemande » devant l’Aubette, bâtiment militaire du centre-ville.

Mais le même jour, le conseil municipal élit le socialiste francophile Jacques Peirotes comme nouveau maire. Peirotes se rend aussitôt devant l’aubette, pour proclamer lui-aussi la république, sous la statue du général napoléonien Kleber, affichant clairement son choix pour la France. Il y a désormais deux pouvoirs dans la ville : un pouvoir populaire « rouge » et un pouvoir municipal « bourgeois ».

La devise des conseils met l’accent sur l’appartenance de classe et évite soigneusement les débats entre francophiles et germanophiles. Plus d’une vingtaine de villes, même très petites, sont alors dotées de conseils, dont les fonctions et les orientations politiques sont diverses. Généralement, ils font libérer les prisonniers non criminels et répondent aux urgences (ravitaillement, transports…).

Les conseils ouvriers, plus rares, se limitent aux chemins de fer, aux arsenaux et aux ateliers municipaux, la plus grande partie de l’industrie ayant disparu pendant la guerre. Les réformes sociales restent prudentes : hausse des salaires, améliorations des conditions de travail… Mais quelques grèves révolutionnaires éclatent, notamment chez les cheminots.

Ni Allemands, ni Français : le drapeau rouge a triomphé !

Alors qu’à Strasbourg le maire Jacques Peirotes écrit secrètement à l’état-major à Paris pour lui demander de hâter l’envoi de troupes françaises, les conseils ne souhaitent pas contester la légitimité du pouvoir municipal. On ne touchera donc pas à la propriété privée. Le 17 novembre, les troupes françaises arrivent à Mulhouse, mettant fin aux conseils, sans combats.

Le 22 novembre, le général Gouraud entre dans Strasbourg. L’acclamation de la foule suffira : il n’y aura jamais de référendum sur l’autodétermination. Le drapeau tricolore remplace le drapeau rouge qui flottait sur la cathédrale. L’armée française se précipite tout de suite au palais de Justice où se tenaient les réunions des conseils. Les agitateurs sont expulsés et les organisations ouvrières placées sous contrôle. Tous les décrets sociaux sont annulés : pour les autorités françaises, les conseils d’ouvriers et de soldats n’ont jamais existé.

Renaud (AL Alsace)


[1] Qui à cette date regroupe essentiellement la France, l’Angleterre, l’Italie et depuis 1917 les États-Unis.

[2] Cité in Gilbert Badia, Les spartakistes. 1918 : l’Allemagne en révolution, Aden, 2008. Sauf mention contraire, toutes les citations proviennent de cet ouvrage.

[3] Durant la guerre, Gustav Noske assure la liaison entre le quartier général et le SPD. Député social-démocrate depuis 1906, il réprimera l’insurrection spartakiste en janvier 1919 ce qui lui vaut le surnom de « chien sanglant ».

[4] Friedrich Ebert est à la tête du SPD depuis 1913. En 1917, il dirige l’exclusion des militants du SPD opposés à la guerre et il sera le premier président de la République de Weimar en février 1919. Philipp Scheidemann est un dirigeant du SPD caractéristique des déviances du socialisme gouvernemental, il sera ministre-président en 1919.

[5] Qui forme la gauche de l’USPD jusqu’en janvier 1919 où les spartakistes fondent le KPD (Parti communiste), proche des bolcheviques.

[6] Karl Liebknecht est le seul député SPD a avoir voté contre les crédits de guerre. Ses positions antimilitaristes et révolutionnaires lui vaudront, de même qu’à Rosa Luxemburg, de passer la plus grande partie de la guerre en prison.

[7] Voir Gaëtan Le Porho, « Anarcho-syndicalisme et syndicalisme révolutionnaire en Allemagne » in Les Temps maudits n°10, juin 2001, article reproduit sur pelloutier.net.
Dans / S’informer / AL, le mensuel / Numéros antérieurs / Numéros de 2008 / n°178 (novembre 2008)


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Re: Les conseils ouvriers en Allemagne 1918

Messagede bipbip » 11 Nov 2018, 17:26

1918 : la révolte des marins

En novembre 1918, alors que le gouvernement de l’Empire allemand négocie l’armistice, l’état-major de la marine veut envoyer une dernière fois sa flotte contre l’Angleterre. La mutinerie des marins de Kiel éclate et prélude à l’effondrement de l’Empire allemand...

Fin 1918, alors que le gouvernement de l’Empire allemand tente de trouver un accord pour signer l’armistice, l’état-major de la marine veut envoyer une dernière fois sa flotte contre l’Angleterre. Devant l’inutilité du combat, les marins du navire SMS König éteignent en pleine mer les chaudières du bateau et allument un autre feu : celui de la révolution. Menée notamment par le machiniste Karl Artelt, la mutinerie des marins de Kiel sera réprimée à coups d’habiles intrigues. Mais les marins rentrent chez eux l’esprit empli d’idées contestataires et propageront la flamme de la révolte dans tout l’Empire, déclenchant ensuite la révolution de novembre 1918. À l’aide d’interventions de personnalités politiques allemandes telles que le social-démocrate Björn Engholm et la députée Sahra Wagenknecht, qui vient de fonder son propre parti, ce documentaire éclairant revient sur les événements de cette période agitée en restituant leur contexte et en établissant des parallèles avec l’actualité.

vidéo https://www.arte.tv/fr/videos/060787-00 ... es-marins/
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