les passages marqués XXXXXXXXXXXXXX sont illisibles, mon exemplaire #104 du Libertaire ayant très mal vieilli
Résolution sur les perspectives et les tâches
In Le Libertaire # 104 du 20 novembre 1947
1. Formes nouvelles de la société autoritaire
Au cours de la période connue de l'histoire de l'humanité, la domination et l'exploitation se sont manifestées, à chaque époque, sous plusieurs formes : politique, économique, culturelle, etc... et d'une époque à l'autre ont varié dans leur aspect et leur importance : l'État moderne et le capitalisme ne sont donc que des aboutissants et ne sont pas définitifs.
Par ailleurs, les formes nouvelles peuvent se développer alors que les formes périmées se survivent un certain temps et d'autres formes d'exploitation et de domination se manifestent alors que l'État du type démocratique et le capitalisme libéral continuent à exister.
Les groupes et castes tenant le pouvoir et détenteurs des capitaux et monopoles se sont, suivant les moments, alliés ou combattus.
Il est certain que dans la première moitié du 19ième siècle, l'État s'est révélé comme « instrument » du capitalisme, en particulier de la Haute-banque.
En est-il encore ainsi ?
Nous constatons que le capitalisme privé proprement dit et l'État simple gendarme ne sont plus que des survivances.
Il semble que l'État ne soit plus le serviteur du capitalisme mais déjà l'appareil d'autres classes ou castes.
Nous assistons à la naissance d'une nouvelle forme de société autoritaire.
Capitalisme et État semblent devoir se résoudre en une seule forme, et la suprématie à la fois politique et économique est recherchée par des formations que nous appellons castes technobureaucratiques, tendant vers « l'ère des Directeurs ».
Le phénomène se traduit partout, mais avec des nuances :
a)les castes en question sont de composition variable (tantôt états-majors politique dominant les techniciens; tantôt alliance étroite, tantôt suprématie de l'élément technocratique). Bien des éléments de même origine que ces castes demeurent inconscient de leur montée au pouvoir. Ils restent simplement les salariés serviteurs du capitalisme ou de l'État classique : c'est le cas en france de nombreux fonctionnaires, même de haut-grade.
b)le phénomène est plus ou moins net : dans les pays dits démocratiques où le capitalisme privé reste puissant, il n'est qu'une tendance. Mais il s'exprime déjà aux U.S.A. En France, il se révèle au travers de la dictature des partis, des nationalisations, dela création du Statut des fonctionnaires, de la sécurité sociale. Dans les pays à forme totalitaire, l'ère des « managers » s'ouvre nettement : déjà, en Italie fasciste, et plus encore en Allemagne nazie, mais avec une quasi-perfection en U.R.S.S.
Ces régimes technobureaucratiques se manifestent – comme les États et capitalismes classiques – par le colonialisme et l'impérialisme.
Ils s'appuient sur la puissance militaire et policière, alourdissent les codes et passent des alliances avec les églises.
Pour l'expolité, les tendances vers le nouveau stade dela société autoritaire signifient la militarisation économique dépassant le salariat par toute une série de lois sociales et de « statuts », tous liant en fait le travailleur à l'État capitaliste et faisant des syndicats les appendices XXXXXXXXXXXXXXXXXXXXXXXXXXXXXXXXXXXXXXXXXXXXXXXXXXXXXXXplus ou moins consciente et il est ainsi la forme achevée du fascisme se manifestant dans le domaine culturel par l'esprit religieux, la soumission à des credos politiques et moraux et même scientifiques et littéraires.
Le schéma – en vogue chez les marxistes n'envisageant que les deux termes capitalisme et socialisme - est faux et dangereux : les formes d'oppression et d'exploitation sont diverses, et le socialisme ne peut venir que d'une prise de conscience par les masses ; il ne peutêtre que le fait que d'une volonté lucide.
2.Perspectives immédiates
Il faut considérer que le développement de antagonismes entre les États et les capitalismes, sous les formes anciennes ou nouvelles, crée une situation favorable à une troisième guerre mondiale préparée par les expéditions partielles actuelles et faisant se heurter en premier lieu U.S.A. Et U.R.S.S. Ces deux impérialismes cherchent aujourd'hui en Europe, en Asie, dans les pays coloniaux, des clients, des alliés, des bases militaires, de la main d'oeuvre à bon marché.
Les possibilités de crise et donc de situations révolutionnaires sont marquées par les difficultés de reconstruction des pays d'Europe et d'Asie et par la surproduction déjà manifeste des U.S.A. : contradictions XXXXX du régime.
La reconstruction (en Europe en particulier) ne peut se faire qu'avec l'aide du capitalisme yankee et sur les sacrifices (sur-travail et bas niveau de vie) des masses populaires. Si la reconstruction se faisait enfin, de nouvelles crises de surproduction se déclencheraient et la guerre menacerait toujours.
On peut donc entrevoir la troisième guerre mondiale et plusieurs périodes de crise, mêmes séparées par quelques années d'accalmie.
En france, il faut considérer la situation, non isolément, mais dans l'ensemble des intérêts mondiaux. Plusieurs hypothèses se présentent :
a)Accélération du mécontentement et ds grèves vers une situation révolutionnaire, dans le cas où les révolutionnaires véritables verraint croître rapidement leur influence.
b)Affaiblissement et démoralisation de la classe ouvrière ouvrant la voie à un État totalitaire stalinien ou réactionnaire.
La prise du pouvoir peut alors être brutale ou constitutionnelle.
Avec le P.C.F. Au pouvoir, c'est l'écrasement de toute libération humaine, de toute renaissance ouvrière, et le travail forcé pour l'U.R.S.S. Dans le second cas, c'est l'entrée de la france dans le bloc occidental pour la guerre contre l'U.R.S.S. Le régime au début peut s'exercer avec une apparente démocratie ; mais qu'il soit de type travailliste ou réactionnaire-traditionnel, il évoluerait vers l'étatisme totalitaire et même le fascisme technobureaucratique. Blum, Reynaud ou Henriot en pourraient être les agents aussi bien que De Gaulle.
Un regain d'activité économique pourrait en résulter, c'est à dire une consolidation momentanée du capitalisme, avec, ensuite, surproduction et mlalthusianisme économique, donc crise... et marche vers la guerre mondiale.
3. Tâches
1) La F.A. entend, comme par le passé, lutter contre les différentes formes d'exploitation et de domination qui se survivent ou qui se créent : capitalisme, États, Églises, juridictions, militarismes, impérialismes, colonialismes, etc... Elle lutte pour la société sans castes.
Devant la montée des divers néo-fascismes, elle fera porter sa propagande et son action en particulier contre l'État et contre les tendances technobureaucratiques. Elle soulignera donc le danger des nationalisations, fera la preuve de la duperie qu'elles représentent, dénoncera l'intégration des syndicats de la C.G.T. dans l'État et le danger des systèmes de protection illusoire, genre « Sécurité sociale », qui poussent le peuple à remettre son sort dans les mains de ses dirigeants étatisés.
Parallèlement, elle fera naître dans la conscience populaire la méfiance envers le paternalisme d'État et la confiance dans les possibilités d'organisation autonome des producteurs et consommateurs.
Face au capitalisme privé décadent et au capitalisme d'État où à la technobureuacratie montante, elle combattra la préparation de la troisième guerre mondiale ; elle représentera la troisième force : le socialisme libertaire ou communisme anarchiste.
2) La F.A. doit utiliser au maximum toutes les possibilités pour développer son influence : crises économiques et sociales, tant dans les moments de paix apparente que de guerre ouverte, et aussi bien par la lutte légale que par l'action clandestine.
Pour cela, pour orienter tout proicessus social vers une révolution supprimant l'État en lui substituant le communisme libertaire, il faut que soit mené un travail éducatif – mais aussi éducatif par l'action – des nouveaux militants et du public.
La F.A., ses régions, ses groupes, ses militants, se doivent donc de manifester leur présence et leur dynamisme – quelles que soient les circonstances – et en représentant toujours les aspiration des deshérités.
En particulier, la F.A. Doit participer à toutes les luttes populaires (grèves, squatters, grève fiscale, manifestations, etc.), même si des partis essaient d'en tirer profit, même si à l'origine elle sont confuses.
Cependant, dans les cas où une modification des mouvements politisés est absolument impossible, ils devront être combattus et leur caractère politicien dénoncé. La F.A. doit être dans les luttes sociales pour leur donner une inspiration révolutionnaire et proposer les solutions libertaires.
Bien entendu, cela ne signifiera jamais une alliance avec les partis et organisations visant à la prise du pouvoir.
3) Actuellement dans l'agitation et les grèves, la F.A. doit être à l'avant-garde. Lorsqu'elles sont spontanées et dans l'esprit des grévistes (même lorsqu'elles ont une origine politique), les grèves visent à une défense du niveau de vie des travailleurs. Et même si les augmentations de salaires ne sont atteintes que provisoirement, elles sont ressenties comme une nécessité immédiate. D'ailleurs les prix montent même en période de blocage des salaires. S'il est vrai qu'une augmentation accordée à une seule corporation sera supportée par l'ensemble de la société, il est vrai aussi qu'alors les grèves se multiplient vers une recherche d'équilibre, chaque travailleur s'efforçant de maintenir ou de retrouver un niveau de vie le moins bas possible.
Les grèves généralisées permettent de mettre le capitalisme et l'État nationalisateur dans l'embarras et l'obligent à réduire leur appareil parasitaire et défensif.
Par contre, les mouvements partiels et isolés sont vaincus souvent, et les échecs répétés émoussent la combativité des travailleurs ; ils créent l'indifférence et l'inquiétude et font ainsi le lit des pouvoirs totalitaires. Le succès ne peut être réalisé que sur le plan international.
Il faut donc faire renaître la solidarité, et surtout la solidarité internationale (en particulier envers les peuples coloniaux ou vaincus, soumis à une exploitation maximum).
La F.A. doit, en somme, viser à la généralisation, à la simultanéité et à l'internationalisation des grèves et autres mouvements sociaux.
Elle doit agir pour détruire le caractère politique ou réformiste des mouvements actuels : les conduire à la grève générale expropriatrice et gestionnaire de la production et des services publics ; inciter à la création de syndicats et de comités de consommateurs et d'usagers, pour combattre les intermédiaires, le commerce accaparateur et entraîner les consommateurs à la répartition des produits, à l'utilisation sociale des locaux et des services publics.
Le problème de l'internationalisation des luttes pose la nécessité des relations internationales.
Enfin, l'aspect culturel, moral, de la transformation à accomplir, sont à garantir par le fédéralisme de toutes les structures.
La F.A. doit constamment défendre la liberté et la dignité de l'homme pour lequel la société doit être transformée.
4) Les anarchistes considèrent que les organismes (syndicats révolutionnaires par exemple), menant la lutte contre la société actuelle, peuvent préfigurer les organes de la société de demain, ils doivent considérer aussi que la constitution dans le cadre de la société actuelle d'îlots de société libertaire, comme les coopératives et communautés de production et de consommation, ne peuvent avoir que la valeur d'exemples et d'écoles de gestion.
En effet, de même que les grèves gestionnaires partielles, la création de ces organismes n'a en elle-mêmes pas de lendemain. Les sociétés ainsi constituées ne se maintiennent qu'au prix de compromissions ou de soumissions devant le capitalisme et l'État, c'est à dire qu'elles dégénèrent. Ou bien encore, elles sont brisées par les coalitions économiques (trusts) ou politiques (pouvoir d'État).
Toutefois, la dégénerescence est moins certaine, moins rapide dans les coopératives de consommation que dans les communautés de production. Elle n'est guère à craindre dans les organismes libres d'éducation, où les conditions économiques se posent, mais ne sont pas la raison d'être.
5) Le travail spécifique de la F.A. est l'élaboration d'accords visant à la conscience des hommes et leur volonté de lutte contre toutes les oppressions.
L'autre tâche de la F.A. est l'élaboration d'accords visant à l'accroissement de l'influence anarchiste dans les diverses organisations de lutte révolutionnaire.
Il ne peut s'agir d'imposer dans ces organisations des directives ou mot d'ordre, mais d'y proposer des idées et d'y généraliser des comportements libertaires.
Les membres de la F.A. ne doivent militer que dans des organisations dont les buts et les principes ne s'opposent pas à ceux de la F.A.
Ils militeront donc dans les syndicats révolutionnaires de la C.N.T. affiliés à l'A.I.T., mais pourront également – dans certains syndicats affiliés par pure forme ou par tradition à la C.G.T. - accomplir un travail syndicaliste-révolutionnaire vers le ralliement à la C.N.T.
Ils militeront également dans les organisations révolutionnaires de consommateurs et usagers.
Ils militeront, enfin, dans les organisations dont le fédéralisme et l'esprit sont garants du travail de libération qu'on peut y mener. En particulier, dans le mouvement laïque des Auberges de jeunesse et dans ceraines Maisons de jeunes ou groupements d'éducation physique ou artistique et dans les universités populaires.
Fédération anarchiste