Chiapas (Mexique)

Re: Chiapas (Mexique)

Messagede bipbip » 03 Nov 2013, 01:40

Le professeur indigène tzotzil est sorti de prison ce jeudi 31 octobre 2013.

Alberto Patishtán Gómez sort de prison. Au terme de ces longues années d’enfermement, il laisse toute une vie de lutte qui a permis la création de plusieurs organisations de prisonniers adhérentes à la Sexta zapatiste, telles que La Voix de L’Amate et les Solidaires de la Voix de L’Amate. Ces deux organisations dénoncent le fonctionnement arbitraire du système judiciaire mexicain, la torture physique et psychologique que les matons font subir aux détenus, et la corruption qui sévit dans les prisons de l’État du Chiapas.

Patishtan a été arrêté le 19 juin 2000 dans sa municipalité d’origine, El Bosque, et accusé d’embuscade, de port d’armes et d’homicide qualifié d’agents de la police d’État. Une fois jugé, son cas est resté dans l’oubli. Il n’a fait l’objet d’une enquête ni pendant l’arrestation, ni après. Le professeur indigène tzotzil est passé par cinq prisons différentes, dont une de haute sécurité dans l’État de Sinaloa. C’est grâce à la forte mobilisation des organisations, des centres de droits de l’homme, des adhérent-e-s à la Sexta, collectifs, individus, avocats solidaires entre autres, que son cas est sorti du placard.

Après treize longues années d’enfermement mais aussi de résistance et de lutte, le professeur Alberto Patishtán Gómez a enfin obtenu sa liberté, en raison d’une grâce accordée par le président mexicain Peña Nieto. En effet, jeudi dernier, c’est la modification par le sénat du Code Pénal Fédéral, qui donne désormais au président la faculté de gracier des prisonniers quand il existe des preuves de violations des droits de l’Homme lors de leurs arrestations ou de leurs procès, qui a permis la libération de Patishtán.

Bien que dans les derniers communiqués, Patishtán ait souligné que la grâce présidentielle n’était pas la meilleure voie pour obtenir sa libération, toutes les possibilités juridiques étaient épuisées. La Cour Suprême de Justice de la Nation (SCJN) avait refusé d’assumer sa compétence et ses responsabilités en se déclarant incompétente sur le cas du professeur Alberto. Elle l’avait renvoyé vers le tribunal de Tuxtla Gutierrez au Chiapas qui, à son tour, s’était prononcé contre sa remise en liberté et avait confirmé sa condamnation à soixante ans de prison. L’un des chemins pour obtenir sa libération à long terme était de recourir à la Cour Interaméricaine de Droits de l’Homme, ou bien de promulguer une loi autorisant le président de la République à exercer le droit de grâce.

Le 24 octobre dernier, le professeur déclarait : « Il est venu à ma connaissance que les députés et les sénateurs cherchent des solutions concernant mon cas. Indépendamment de ce qu’ils veulent ou peuvent faire, ce qui m’intéresse, c’est qu’il soit bien clair que je suis innocent. Ils doivent me libérer, un point c’est tout. » C’est ainsi qu’il s’exprimait depuis une maison de la ville de Mexico, où il était assigné à résidence alors qu’il recevait des soins pour sa tumeur au cerveau.

L’après-midi du 31 octobre 2013, jour de sa libération, le professeur Patishtán a donné une conférence de presse. Visiblement ému, l’indigène tzotzil a rappelé sa lutte contre l’esclavage et la marginalisation auxquels sont soumis les plus pauvres au Chiapas. « Je suis sorti pour défendre mon peuple, lever la main. C’est la cause pour laquelle ils m’ont envoyé en prison en me condamnant à mort. Ils ont voulu achever ma lutte, ils ont voulu la faire tomber, mais ce qui s’est véritablement passé, c’est que la lutte s’est multipliée. Ils ont voulu la cacher mais elle n’a fait que resplendir », a souligné le professeur Patishtán entre des applaudissements et des acclamations approbatrices.

« Dès le premier jour de ma captivité , je me suis senti libre. Quelques personnes me demandent : Qu’est-ce qui fait que tu ne cesses pas de rire ?, et je leur dis : C’est que j’ai la conscience tranquille. Si je cesse de rire un jour, je sens que c’est un jour perdu pour moi. Si vous me voyez très souriant, ne vous préoccupez pas, c’est ma profession », a-t-il dit au milieu des éclats de rire de l’assistance.

Ainsi au milieu des cris, des embrassades, et des visages heureux, le public criait enthousiaste : « Liberté, liberté, vive Alberto Patishtán ! Le prof, personne ne l’a gracié, la liberté, c’est grâce au peuple organisé qu’il l’a gagnée ! »

Dans une déclaration, des organisations membres du Réseau National « Tous les droits pour toutes et tous » signalent à propos de la libération d’Alberto que, malgré cette bonne nouvelle, la préoccupation persiste autour des fautes graves commises par le système judiciaire mexicain. L’application de la grâce (indulto) confirme qu’au Mexique la justice est totalement absente, dans ce procès comme dans tant d’autres. Le Réseau signale également : « Un des sujets sur lesquels l’État mexicain ne s’est pas encore exprimé, dans ce cas, est la reconnaissance publique de l’innocence de Patishtán. Il est nécessaire de rappeler que l’État mexicain doit réparer le dommage causé à Alberto et à sa famille, après avoir violé ses droits humains ».

Nous partageons la joie de cette libération sans oublier que, pendant ces dernières années, une mobilisation forte, solidaire, infatigable et très diverse s’est amplifiée comme le vent partout dans le monde à travers des actions, des événements, des festivals, des performances, des émissions de radio, des vidéos, des anifestations… Cette résistance créative et déterminée nous a réunis, avec nos différentes formes de lutte, autour de la liberté non seulement de Patishtán mais de tous ceux et celles qui résistent encore et qui se battent toujours à l’intérieur des geôles.

Notre justice, celle qui se construit en bas et à gauche reste à faire, le chemin parcouru est déjà tracé mais il n’est pas fini. Nous ne sommes pas toutes et tous là, il manque les prisonniers et les prisonnières !

La lutte continue ! Liberté aux prisonniers et prisonnières ! À bas tous les murs des prisons !

Les trois passants Pour plus d’infos : [http://liberonsles.wordpress.com]

http://www.cnt-f.org/international/?afficher_texte=oui
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Re: Chiapas (Mexique)

Messagede bipbip » 17 Mar 2014, 09:48

Dossier sur les zapatistes dans CQFD, mis en ligne et à lire sur le site :
http://cqfd-journal.org/On-n-a-pas-a-demander-la
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Re: Chiapas (Mexique)

Messagede Pïérô » 28 Mar 2014, 02:20

La « Escuelita » zapatiste, symbole d’un nouveau virage dans la lutte des indigènes du Chiapas
http://cspcl.ouvaton.org/spip.php?article979
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Re: Chiapas (Mexique)

Messagede bipbip » 13 Mai 2014, 10:33

Solidarité avec L’EZLN

Lettre depuis plusieurs endroits du monde en solidarité avec L’EZLN

De nos compañeros zapatistes, nous avons toujours appris, de leur cheminement, de l’histoire qu’ils ont changée, des cours qu’ils nous ont donnés et des enseignements de liberté. Aujourd’hui nous partageons leur rage et leur douleur.

Certains parmi nous, signataires de cette lettre, avons été des élèves de la petite École Zapatiste, d’autres non, mais nous savons que les maîtres et maîtresses d’école, les votanes, gardiens, gardiennes, sont des êtres humains exemplaires qui, avec dignité, ont enseigné et partagé leur vie quotidienne et ce monde qui se construit depuis en bas, dans les montagnes du sud-est mexicain. Nous savons que la lutte zapatiste a été une école de dignité qui a semé la révolte et l’espoir partout dans le monde.

L’agression du 2 mai contre le Caracol I de La Realidad n’a fait qu’indigner profondément tous ceux qui voient dans la lutte zapatiste quelque chose de très profond : un référent, un chemin, une inspiration, une façon de voir, de vivre, de résister, qui nous anime.

L’assassinat de notre compañero Galeano, d’un votán, d’un professeur, de l’une de ces nombreuses voix qui sont aujourd’hui la voix par laquelle l’EZLN parle et partage avec le monde, cet autre monde qui grandit en toute autonomie, cet assassinat est une agression contre nous tous qui avons appris et qui continuons d’apprendre de ces nombreux votanes, qui nous ont enseigné et continuent à nous enseigner le visage de la liberté.

Que pouvons-nous comprendre de cette agression paramilitaire qui est arrivée au centre du Caracol de La Realidad ? Que visent ces balles, ces coups, cet assassinat ? Que cherchent les gouvernements de Manuel Velasco et de Enrique Peña Nieto ?

S’ils cherchent à voir jusqu’où ils peuvent agresser, jusqu’où ils peuvent continuer à agresser, jusqu’où ils peuvent intensifier la guerre contre les zapatistes, qu’ils sachent que le monde est en train de regarder, que ni un autre mensonge dans la presse sur les « conflits entre communautés ou organisations », ni les vielles versions qui disent que les zapatistes sont les agresseurs, ni tout le venin et la violence lancés depuis le pouvoir, ne pourront arrêter tant de rage, de révolte et de solidarité qui débordent de partout.

L’assassinat du compañero Galeano, la façon dont il a été tué, est la preuve de la lâcheté du pouvoir, de ceux qui se cachent derrière les balles, de ceux qui veulent taper et mutiler la justice, de ceux qui veulent assener le coup de grâce à la liberté.

Nous réclamons l’arrêt de la stratégie de guerre et de para-militarisation à l’encontre des communautés Zapatistes.

Kristinn Hrafnsson, Wikileaks, Naomi Klein, Avi Lewis, Manuel Castells, Arundhati Roy, Noam Chomsky, Yvon Le Bot, Michael Hardt, Greg Grandin, Department of History, NYU, Eduardo Almeida Acosta, Ma. Eugenia Sánchez Díaz de Rivera, José Luis San Miguel Espejel, Oscar Soto Badillo, Ana Lidya Flores, Pablo Reyna Esteves, Francisco Valverde Díaz de León, Guiomar Rovira, Raquel Gutiérrez Aguilar, Guillermo Briceño, Aurora Berlanga, Daniel Mato, Buenos Aires, Argentina, Pierre Beaucage Montreal, Canadá, Dario Azzellini profesor asistente, Universidad Johannes Kepler Linz,, Patricia Benítez Muro, Comité Civil de Diálogo ESPACIO CIUDADANO, Dra. Dianne Rocheleau, Clark University, Worcester MA USA, Nuria Ciófalo California EUA, Gustavo Esteva Figueroa, Fernando Matamoros, José Günther Petrak Romero, Raúl Nezahuacoyotzin, Axel Didriksson, Sara Andrade Narváez, Esperanza Terrón Amigón, Anahí Espíndola Pérez, Luis Mauro Izazaga Carrillo UIA Puebla, Claudia Magallanes Blanco, UIA Puebla, Ariadna Flores Hernández, Eréndira Dérbez, Alfonso Flores., Guadalupe López Nava, Vicente Carrera Alvarez, Daniela Parra Hinojosa, Iliana Galilea Cariño Cepeda, Guadalupe Chávez Ortiz., Alejandro Ortiz Cotte., José Cervantes Sánchez., Norma Ramírez Alpírez, Teresa Yurén, José Antonio Arnaz, Jorge Basaldúa Silva, Lourdes Pérez Oseguera, Marcela Ibarra Mateos, Judith Chaffee, José Cervantes Sánchez, Teresita Sevilla Zapata, Daniel Jiménez García, Héctor Bernal Mendoza, Carlos Ocaña Parada, Miriam Gamez Cabanzos, Úrsula Guadalupe Torres Rosales, Vicente Alcazar Arzate, Isabel Lozano Maurer, Lucía Elena Rodríguez Mc Keon, Paloma Galeana Barranco, Norberto Castillo González, Eduardo Ulises Ortíz Pino, Vicenta Cuaya Cuaya, Rocío Huanetl Cuaya, Alberto González Tlacotla, Erick González Mejía, Perla Barreto Sánchez, Maria del Pilar López Pereyra, Verónica Dávila Velasco, César Francisco Barranco Cacique, Isidro Martínez García, Antonio Gama Muñoz, Juan Manuel Soto Blanco, Araceli López Varela, Martín Navarrete García, Beatriz López Marín, Ramón Cruz Angulo, Marco Antonio Sandoval Elías, Belem Nepomuceno Moreno, Ángeles Cebada Alonso, Israel García Plata, Juan Carlos Flores Caballero, Miguel Ángel Sánchez Rodríguez, Marco Delgado Martínez, Marco Antonio Palomeque Tapia, Alexia de la Cruz Aguilar, Miguel Ángel Gómez Albores, Andrea Sheila Gallo Zapata, Mario Andrés León Ojeda, Adrián Maldonado Aragón, Laura Ríos Díaz, Javier Suárez Montiel, Pedro Calderón Martínez, Daniel Arellano Vázquez, Daniela Guzmán Guzmán, Fabiola Monterrubio Ruíz, Gabriela Moreno Subiaur, Andrés Peláez Montaño, Itzel del Carmen Peña Quevedo, Alberto Salado Mellado, Jorge Alejandro García Rodríguez, Roberto Alejandro Carrillo Padrón, María Fernanda Díaz Cortés, Nayeli Galindo Briones, María Fernanda Limón Merlo, Melissa Nataly Franco Lujan, María Fernanda Proal Sánchez, Arantxa Ricardez Pérez, Carolina González Barranco, Manuel Martínez, Bermary García, Natalia de Bengoechea, María de la Paz Angélica Cuahutle Gaytan, Laura Yolanda Rodríguez Matamoros, Jose Alejandro Fernandez Diaz, Antonio Kuri Breña, Jesús Antonio Rojas, Carolina González Barranco, Jorge Rodríguez., Sara Alicia Andrade Narváez (UPN Ajusco)., José Andrés Fuentes, Eugenia Legorreta Maldonado, María Ignacia Ibarra, Raúl Romero Lara, Elisa Gutiérrez Díaz, Oscar Gonzalo Hernández Valdez, Guillermo Alfaro Telpalo, Carlos A. Ventura Callejas, Lorena Álvarez Moreno, Rosario Ton Lugo, Juan Pablo Vázquez Gutiérrez, Eugenia Legorreta Maldonado, Elena Luengas Dondé, Francisco Javier Bautista de la Torre, Javier Urbano Reyes, Julio César Colín, Conrado Zepeda Miramontes SJ, Gisela Martínez, Sandra Pätargo, Erika Lozano, Aldabi Olvera, Tania Gómez, Ignacio Martínez, Eduardo Velasco, Aicia Patricia Balderas Romero, Luis Mauro Izazaga Carrillo, Miriam Carrillo Ruiz., Erick Ramírez Medina, Samuel Barroeta Valderrrama, Laura Durán Fernández, Adriana Paola Palacios Luna, Gabriela Farías Islas, Jorge Jiménez Gómez, Cecilia Zeledón, Universidad de la Tierra en Puebla, Luis Maralet, Jimena Morales, Jacinto Victoria Rojas, María Guadalupe Velázquez Guzmán, Daniela Lechuga Herrero, Inti Barrios Hernández, Concepción Hernández, Noe Arteaga, Martin Barrios, Homero Mendoza, Viviana Medina, Karina Castro, Carmelo Monge, Melina Gómez, Tamara San Miguel Suárez, Eduardo Almeida Sánchez

ORGANISATIONS :

Les trois passants, París (Francia) Secrétariat international de la CNT (Francia) Comite de solidaridad con los Pueblos de Chiapas en Lucha –CSPCL (Francia) Union Syndicale Solidaires (Francia) Fédération SUD éducation (Francia) Mut Vitz 13 de Marseille (Francia) Comité Tierra y Libertad, Lille (Francia) Caracol Solidario, Besançon (Francia) Confederación General del Trabajo –CGT (Estado Español) Plataforma de Solidaridad con Chiapas y Guatemala de Madrid (Estado Español) Caracol Zaragoza (Estado español) Centro de Documentación sobre Zapatismo –CEDOZ (Estado Español) Uniòn Mexicana Suiza -UMES (Suiza) Red-Latino americana de Zürich –RLZ (Suiza) Dorset Chiapas Solidarity Group (Reino Unido) Gruppe B.A.S.T.A., Munster (Alemania) LaPirata :
- Nodo Solidale, México y Roma (Italia y México)
- Colectivo Zapatista Lugano (Suiza)
- Nomads, Bologna, Berlin (Alemania)
- Adherentes individuales

Enlace Urbano de Dignidad (Puebla) Nodo de Derechos Humanos (Puebla) Proyecto de Animación y Desarrollo – PRADE (Puebla) Comisión Takachiualis de Derechos Humanos (Puebla) Casa Sin Puertas (Ciudad de México) Más de 131 (Ciudad de México) Centro de Derechos Humanos Miguel Agustín Pro Juárez (Ciudad de México) Programa de Interculturalidad y Asuntos Indígenas, Ibero Cd. deMéxico Colectivo Obreras Insumisas (Puebla) Asociación Tetela Hacia el Futuro (Puebla) Costureras de Sueños, grupo de teatro independiente (Ciudad de México) Colectivo de Trabajadores Democráticos de Puebla (Puebla)

http://cspcl.ouvaton.org/spip.php?article983
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Re: Chiapas (Mexique)

Messagede Pïérô » 14 Mai 2014, 00:46

Manifestation, Paris 18 mai : viewtopic.php?f=79&t=4090&p=153929#p153929
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Re: Chiapas (Mexique)

Messagede Béatrice » 23 Mai 2014, 16:26

Rassemblement samedi 24 mai 11 heures place de l’Opéra (prés Vieux Port Marseille) :
viewtopic.php?f=79&p=154475#p154475
« Simple, forte, aimant l'art et l'idéal, brave et libre aussi, la femme de demain ne voudra ni dominer, ni être dominée. »
Louise Michel
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Re: Chiapas (Mexique)

Messagede Pïérô » 31 Mai 2014, 13:45

Alternative libertaire réaffirme son soutien à la lutte de libération menée par les zapatistes au Chiapas

Avec le peuple zapatiste, pour Galeano assassiné

Le 2 mai, un groupe paramilitaire a attaque le Caracol de la Realidad, un des cœurs de l’organisation zapatiste, tuant le compagnon Galeano. Alternative libertaire réaffirme son soutien à la lutte de libération menée par les zapatistes au Chiapas (Mexique).

Alors même que nous célébrons partout dans le monde les 20 ans du soulèvement zapatiste, alors même que — et justement pour cette raison — les communautés viennent d’ouvrir un espace d’échanges unique en son genre, l’Escuelita, qui a accueilli près de 6.000 sympathisant-e-s internationaux dans l’optique de partager l’expérience des luttes et de la construction de l’autonomie zapatiste, alors même que la lutte zapatiste connaît un nouveau tournant, le 2 mai dernier le groupe de paramilitaires désignés sous le nom de CIOAC attaque le Caracol de la Realidad, un des centres de décision et d’organisation zapatistes.

Vérité et justice pour Galeano

Alors que le Conseil de Bon Gouvernement de La Realidad avait convoqué une réunion pour tenter d’apaiser les tensions existantes avec des membres de la CIOAC, les paramilitaires en ont profité pour saccager l’école autonome et la clinique du caracol. Ils ont ensuite pris en embuscade un groupe de personnes revenant de travaux à l’extérieur de La Realidad et les ont attaquées à coups de machette et de fusil. Le compagnon Galeano, Votán et professeur de l’Escuelita, y a laissé la vie, assassiné.

Cette attaque est l’aboutissement de semaines de tensions provoquées par ce groupe paramilitaire, mais aussi d’années d’intimidations et d’agressions qui, si elles sont perpétrées par des groupes paramilitaires, sont planifiées et organisées par les partis au pouvoir, en particulier le PRI mais aussi le PAN et le parti vert écologiste qui servent les intérêts capitalistes des grands propriétaires terriens et des multinationales.

Toutes nos pensées vont à la famille de Galeano et à sa communauté, ainsi qu’au mouvement zapatiste qu’il est impératif de soutenir face à cette agression qui marque une nouvelle phase de répression du mouvement. Cette attaque est significative de la volonté de l’État mexicain de mettre fin de manière frontale à cette expérience d’autonomie. Conscient-e-s de la gravité de la situation, les zapatistes ont décidé de faire appel à l’EZLN (Armée Zapatiste de Libération Nationale) pour se défendre contre cette politique de la terreur, digne des stratégies déployées lors du massacre d’Actéal commis par des paramilitaires en 1997. Cette décision prise sous la contrainte augure une période bien dure pour la résistance chiapanèque.

Nous dénonçons l’État mexicain, les partis au pouvoir et les capitalistes qui écrasent les luttes pour l’autonomie des peuples et nous appelons à soutenir le mouvement zapatiste dans la construction d’ « un monde où plusieurs mondes sont possibles ».

Alternative libertaire affirme son soutien inconditionnel au peuple zapatiste et à tous les peuples luttant pour leur émancipation, leur dignité, leur liberté.

Partout dans le monde, les États, bras armés des capitalistes, répriment les peuples et les personnes qui ne veulent pas se laisser diriger par un néolibéralisme mortifère.

Contre toutes les formes d’oppressions que génèrent les États et le capitalisme, Solidarité internationale !



Alternative Libertaire adhère à la Sexta [1]

L’EZLN et le mouvement zapatiste ont montré au cours de ces dernières décennies qu’il n’y avait pas de fatalité dans ce monde dominé par le néolibéralisme, les injustices et les gouvernements à la botte des capitalistes. Même les plus pauvres, les plus oublié-e-s, peuvent se lever et crier Ya Basta ! Assez ! Et choisir une autre voie, basée sur la justice, la démocratie, la dignité, la solidarité, l’égalité.

Ce qu’ont réussi à construire les zapatistes depuis la création de l’EZLN représente une source d’optimisme et d’inspiration pour tous ceux et toutes celles qui luttent pour un monde meilleur. Les conditions politiques, sociales, culturelles, ne sont pas les mêmes en France et au Chiapas, et n’appellent pas les mêmes réponses, mais un désir commun doit nous animer, comme partout sur cette planète : reprendre le contrôle de nos vies. Et sur ce plan là, les zapatistes sont un exemple.

Alternative Libertaire lutte depuis longtemps contre toutes les oppressions : capitaliste, étatique, patriarcale, raciste. Nous participons dans la mesure de nos capacités aux mouvements sociaux et aux luttes sur nos lieux de travail, et diffusons autant que possible nos idées communistes libertaires pour créer une société libre de toute forme de domination.

Depuis le soulèvement zapatiste, nous avons suivi avec intérêt et solidarité l’évolution de cette lutte, et l’avons diffusée dans les pages de notre journal. Mais nous n’avons jamais formalisé notre solidarité, ni n’avons participé aux rencontres et activités organisées par les zapatistes ou les mouvements de solidarité. Il est malheureusement difficile de s’engager sur tous les fronts. Mais aujourd’hui, alors que les conséquences économiques, sociales et écologiques du néolibéralisme se font de plus en plus dramatiques et irréversibles, il nous semble important de participer à la nouvelle dynamique que les zapatistes essayent d’impulser. C’est pourquoi nous avons décidé de rejoindre la Sexta Declaración de la Selva Lacandona.

Ces derniers mois, à l’occasion des 20 ans du soulèvement, nous avons participé dans différentes villes de France à des activités de solidarité en commun avec d’autres groupes et collectifs de soutien aux zapatistes, avec des débats publics, des repas de solidarité, et la participation à des rassemblements de soutien. Avec ces collectifs, nous tentons tant bien que mal d’apporter notre aide. Nous souhaitons ainsi diffuser la lutte zapatiste et les revendications d’autonomie des peuples indigènes du Chiapas et d’ailleurs, et exiger l’application des accords de San Andres, la libération des prisonniers politiques et la fin du harcèlement militaire et de la violence politique dont sont trop souvent victimes les peuples du Chiapas et du reste du Mexique.

En attendant l’occasion de rencontrer nos camarades zapatistes et de la Sexta, nous resterons attentifs à l’évolution de la situation dans les communautés zapatistes, et continuerons à nous mobiliser en solidarité.

Alternative libertaire, le 26 mai 2014

[1] Sixième Déclaration de la Forêt Lacandone, lançant l’Autre Campagne, appelant à l’échange et la solidarité entre les luttes


http://alternativelibertaire.org/?Avec- ... tiste-pour
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Re: Chiapas (Mexique)

Messagede Pïérô » 04 Juin 2014, 01:07

Entre ombre et lumière : Dernier communiqué de Subcomandante Insurgente Marcos avant de disparaitre

Traduction du communiqué de l’EZLN, annonçant la décision de faire disparaître le Sous-commandant Insurgé Marcos, publié sur le site enlacezapatista le 25 mai


Entre ombre et lumière

À La Realidad, Planète Terre.
Mai 2014.

Compañera, compañeroa, compañero :

Bonsoir, bonjour, quelque soit votre géographie, votre temps et vos us.
Bon levé du jour.

Je voudrais demander aux compañeras, compañeros et compañeroas de la Sexta qui viennent d’ailleurs, spécialement aux compagnons des médias libres, de la patience, de la tolérance et de la compréhension concernant ce que je vais dire, car ce seront mes derniers mots en public avant de cesser d’exister.



Je m’adresse à vous et à ceux qui à travers vous, nous écoute et nous regardent.
Peut-être qu’au début, ou au long de cette parole grandira dans vos cœurs l’impression que quelque chose est hors de propos, que quelque chose ne cadre pas, comme s’il vous manquait une ou plusieurs pièces pour donner sens au puzzle que nous allons vous exposer. Il est bien évident que manque toujours ce qui manque.
Peut-être qu’après, des jours, des semaines, des mois, des années, des décennies, ce que nous disons maintenant sera compris.
Mes compañeras et compañeros de l’EZLN, à tout niveau, ne me préoccupent pas, parce qu’ici c’est évidemment notre façon de faire : avancer, lutter, en sachant toujours qu’il manque encore quelque chose.
En plus, que personne ne s’offense, l’intelligence des compas zapatistes est très au-dessus de la moyenne.
Pour le reste, ça nous satisfait et nous enorgueilli que ce soit devant les compañeras,compañeros et compañeroas, de l’EZLN, comme de la Sexta, que cette décision collective soit communiquée.

Et tant mieux que ce soit par les médias libres, alternatifs, indépendants, que cet archipel de douleur, de rage et de lutte digne que nous appelons « la Sexta », prenne connaissance de ce que je vais vous dire, où que vous vous trouviez.
Si quelqu’un d’autre souhaite savoir ce qui se passe en ce jour, il devra consulter les médias libres pour le savoir.
Bon, allez. Bienvenues et bienvenus dans la réalité zapatiste.


I.- Une décision difficile.

Lorsque nous avons fait irruption et interruption en 1994 par le sang et le feu, la guerre pour nous, nous les zapatistes, ne commençait pas.
La guerre d’en-haut, avec la mort et la destruction, la spoliation et l’humiliation, l’exploitation et le silence imposé au vaincu, nous la subissions depuis les siècles précédents.
Ce qui a commencé pour nous en 1994, c’est l’un des nombreux moments de la guerre de celles et ceux d’en-bas contre celles et ceux d’en-haut, contre leur monde.
Cette guerre de résistance qui jour après jour ferraille dans les rues de chaque recoin des cinq continents, dans les champs et dans les montagnes.
Elle était et est la nôtre, comme celle des nombreux hommes et nombreuses femmes d’en-bas, une guerre pour l’humanité et contre le néolibéralisme.
Face à la mort, nous revendiquons la vie.
Face au silence, nous exigeons la parole et le respect.
Face à l’oubli, la mémoire.
Face à l’humiliation et le mépris, la dignité.
Face à l’oppression, la révolte.
Face à l’esclavage, la liberté.
Face à la contrainte, la démocratie.
Face au crime, la justice.
Qui pourrait, ayant un tant soit peu d’humanité dans les veines, remettre en question ces revendications ?
Et en cela, beaucoup nous ont écouté.
La guerre que nous menons nous a donné le privilège de parvenir jusqu’aux oreilles et aux cœurs attentifs et généreux, et jusqu’à des géographies proches et lointaines.
Il nous manquait et nous manque encore et toujours quelque chose, mais nous étions alors parvenus à accrocher le regard de l’autre, son écoute, son cœur.
Nous nous sommes alors retrouvés face à la nécessité de répondre à une question décisive :
On fait quoi maintenant ?
Au milieu des sombres comptes du passé, il n’y avait pas de place pour nous poser de question. Cette question nous en a alors amené bien d’autres :
Préparer ceux qui vont suivre sur la voie de la mort ?
Former plus et de meilleurs soldats ?
Investir nos ressources dans l’amélioration de notre piteuse machine de guerre ?
Simuler le dialogue et les dispositions à la paix, mais continuer de préparer de nouveaux coups ?
Tuer ou mourir, comme unique destinée ?
Ou devions-nous reconstruire le chemin de la vie, celui qu’ils avaient détruit et qu’ils continuent d’abîmer depuis en-haut ?
Le chemin non seulement des peuples originaires, mais aussi des travailleurs, des étudiants, des professeurs, des jeunes, des paysans, en plus de toutes les différences qui sont célébrées en-haut, et qui en-bas sont poursuivies et punies.
Devions-nous inscrire notre sang sur le chemin que d’autres dirigent depuis le Pouvoir, ou devions-nous tourner le cœur et le regard vers ce que nous sommes et vers ceux qui sont ce que nous sommes, c’est à dire les peuples originaires, gardiens de la terre et de la mémoire ?

Personne ne l’a alors entendu, mais dans les premiers balbutiements que fut notre parole, nous avertissions que notre dilemme n’était pas négocier ou combattre, mais bien vivre ou mourir.
Celui qui aurait alors été averti que ce dilemme précoce n’était pas individuel, aurait peut-être mieux compris ce qui s’est passé dans la réalité zapatiste ces 20 dernières années.
Mais je vous disais, moi, que nous nous heurtions à cette question et ce dilemme.
Et nous avons choisi.
Et au lieu de nous dédier à la formation de guérilleros, de soldats et d’escadrons, nous avons préparé des promoteurs d’éducation, de santé, et ils ont bâti les bases de l’autonomie qui aujourd’hui émerveille le monde.

Au lieu de construire des casernes, d’améliorer notre armement, bâtir des murs et des tranchées, nous avons bâti des écoles, des hôpitaux et des centres de santé ont été construits, nous avons amélioré nos conditions de vie.
Au lieu de lutter pour avoir une place au Panthéon des morts individualisés d’en-bas, nous avons choisi de construire la vie.
Et cela au milieu d’une guerre qui, bien que sourde, n’en était pas moins meurtrière.
Parce que, camarade, c’est une chose de crier « vous n’êtes pas seuls » et c’en est une autre d’affronter avec son seul corps une colonne blindée de troupes fédérales, comme c’est arrivé dans la zone de Los Altos du Chiapas. On verra alors si avec un peu de chance quelqu’un s’en rend compte, si avec un peu plus de chance celui qui sait s’indigne, et si avec un peu plus de chance encore celui qui s’indigne fait quelque chose.
Pendant ce temps, les chars sont freinés par les femmes zapatistes, et à défaut de matériel ce fut sous les insultes à leurs mères et des pierres que le serpent d’acier a du battre en retraite.
Et dans la zone nord du Chiapas, subir la naissance et le développement des gardes blanches, recyclées désormais en paramilitaires ; et dans la zone Tzotz Choj les agressions continues des organisations paysannes qui « d’indépendant » n’ont parfois même pas le nom ; et dans la zone de la Forêt Tzeltal le cocktail de paramilitaires etcontras.
Et c’est une chose de crier « nous sommes tous Marcos » ou « nous ne sommes pas tous Marcos », selon le cas ou la cause, et la répression en est une autre, accompagnée de toute la machinerie de guerre, l’invasion des villages, le « ratissage » des montagnes, l’utilisation de chiens dressés, les pales des hélicoptères armés qui chahutent la houppe des érythrimes, le « mort ou vif » né dans les premiers jours de janvier 1994 et ayant atteint sont paroxysme en 1995 et le reste du sextennat du dorénavant employé d’une multinationale, et que cette zone de la Forêt Fronteriza subissait depuis 1995 et à laquelle s’ajouta par la suite la même séquence d’agressions d’organisations paysannes, utilisation de paramilitaires, militarisation, harcèlement.
S’il y a un mythe dans tout cela ce n’est pas le passe-montagnes, mais bien le mensonge qui se répète depuis ces jours-là, repris même par des personnes ayant fait de longues études, qui dit que la guerre contre les zapatistes n’a duré que 12 jours.
Je ne ferais pas de décompte détaillé. Quelqu’un avec un peu d’esprit critique et de sérieux peut reconstituer l’histoire, et ajouter et soustraire pour faire l’addition, et dire si les reporters étaient et sont plus nombreux que les policiers et les soldats, si les flatteries étaient plus nombreuses que les menaces et les insultes, si le prix qui était mis l’était pour voir le passe-montagnes ou pour la capture « mort ou vif ».
Dans ces conditions, quelques fois avec nos seuls forces et d’autres avec l’appui généreux et inconditionnel de bonnes personnes du monde entier, la construction toujours inachevée, c’est vrai, mais pourtant définie, de ce que nous sommes, a avancé.
Ce n’est pas alors une phrase, heureuse ou malheureuse, selon qu’on regarde d’en-haut ou d’en-bas, celle de « nous sommes ici les morts de toujours, mourant à nouveau, mais maintenant pour vivre ». C’est la réalité.
Et presque 20 ans après…
Le 21 décembre 2012, alors que coïncidaient la politique et l’ésotérisme, comme d’autres fois, pour prédire des catastrophes qui sont toujours pour les mêmes qu’à chaque fois, ceux d’en-bas, nous avons répété le coup du 1er janvier 94 et, sans faire feu ni un seul tir, sans armes, avec notre seul silence, nous avons abattu une nouvelle fois la superbe des villes, berceau et nid du racisme et du mépris.

Si le premier janvier 1994 des milliers d’hommes et de femmes sans visage ont attaqué et soumis les garnisons qui protégeaient les villes, le 21 décembre 2012 ce furent des dizaines de milliers qui prirent sans paroles les édifices d’où se célébrait notre disparition.
Le simple fait imparable que l’EZLN non seulement n’était pas affaiblie, et avait encore moins disparue, mais plutôt qu’elle avait grandie quantitativement et qualitativement aurait suffi à quelque esprit moyennement intelligent pour se rendre compte que, durant ces 20 années, quelque chose avait changé à l’intérieur de l’EZLN et des communautés.
Plus d’un pense peut-être que nous nous sommes trompés dans notre choix, qu’une armée ne peut ni ne doit s’enrôler dans la paix.
Pour bien des raisons, c’est sûr, mais la principale était et est que de cette manière nous finirions par disparaître.
Peut-être est-ce vrai. Peut-être nous trompons-nous en choisissant de cultiver la vie plutôt que d’adorer la mort.
Mais nous avons fait notre choix sans écouter ceux de l’extérieur. Non à ceux qui toujours réclament et exigent la lutte à mort, alors que ce sont d’autres qui fournissent les morts.
Nous avons choisi en nous regardant et en nous écoutant, devenant le Votán collectif que nous sommes.
Nous avons choisi la révolte, c’est à dire la vie.
Cela ne veut pas dire que nous ne savions pas que la guerre d’en-haut essaierait et essaye d’imposer encore sa domination sur nous.
Nous savions et nous savons qu’il nous faudrait encore et encore défendre ce que nous sommes et comment nous sommes.
Nous savions et nous savons qu’il continuerait d’y avoir des morts pour qu’il y ait la vie.
Nous savions et nous savons que pour vivre, nous mourons.

II.- Un échec ?

Il se dit ici ou là que nous n’avons rien obtenu pour nous.
Il est surprenant de voir cette position maniée avec si peu de gêne.
Ils pensent que les fils et les filles des commandants et commandantes devraient profiter de voyages à l’étranger, d’études dans des écoles privées et ensuite de hauts postes dans des entreprises ou la politique. Qu’au lieu de travailler la terre pour en arracher de leur sueur et de leur engagement de quoi se nourrir, ils devraient se distinguer sur les réseaux sociaux, se divertissant en boîte, exhibant leur luxe.
Peut-être les sous-commandants devraient-ils procréer et laisser en héritage à leurs descendants les charges, les revenus, les baraques, comme le font les politiciens de tout l’éventail ?
Peut-être devrions-nous, comme les dirigeants de la CIOAC-H et d’autres organisations paysannes, recevoir des privilèges et des paiements en projets et soutien, en garder la plus grande partie et ne laisser aux bases que des miettes, en échange de l’accomplissement d’ordres criminels venant de plus haut ?
Mais c’est bien vrai, nous n’avons rien obtenu de ça pour nous.
Il est difficile de croire, 20 ans après, que le « rien pour nous », n’ait finalement pas été une consigne, une belle phrase pour les banderoles et les chansons, mais une réalité, la réalité.
Si être conséquent est un échec, alors l’incohérence est le chemin de la réussite, la route du Pouvoir.
Mais nous, nous ne voulons pas aller par là.
Ça ne nous intéresse pas.
Suivant ces paramètres nous préférons échouer que triompher.

III.- La relève.

Au cours de ces 20 années il y a eu une relève multiple et complexe au sein de l’EZLN.
Certains n’ont noté que le plus évident : la générationnelle.
Aujourd’hui font la lutte et dirigent la résistance, celles et ceux qui étaient petit.e.s ou n’étaient pas né.e.s au début du soulèvement.
Mais certaines études n’ont pas pris conscience d’autres relèves :
Celle de classe : de l’origine classe moyenne instruite, à indigène paysanne.
Celle de race : de la direction métisse à la direction nettement indigène.
Et le plus important : la relève de la pensée : de l’avant-gardisme révolutionnaire au commander en obéissant ; de la prise du Pouvoir d’en-haut à la création du pouvoir d’en-bas ; de la politique professionnelle à la politique quotidienne ; des leaders aux peuples ; de la marginalisation de genre à la participation directe des femmes ; des quolibets pour l’autre à la célébration de la différence.

Je ne m’étendrai pas plus là-dessus, parce que le cours « La Liberté selon les zapatistes »était précisément la possibilité de constater si en territoire organisé le personnage vaut plus que la communauté.
Personnellement je ne comprends pas pourquoi des gens réfléchis affirmant que l’histoire est faite par les peuples, sont si surpris face à l’existence d’un gouvernement du peuple où n’apparaissent pas les « spécialistes » en gouvernance.
Pourquoi ont-ils si peur que ce soit le peuple qui commande, qui donne la direction à ses propres pas ?
Pourquoi hochent-ils la tête avec désapprobation face au commander en obéissant ?
Le culte de l’individualisme trouve dans le culte de l’avant-gardisme son extrême le plus fanatique.
Et c’est précisément ça, que les indigènes commandent et que maintenant un indigène soit le porte-parole et le chef, ce qui les terrifie, les éloigne, et finalement ils s’en vont poursuivant leur recherche de quelqu’un nécessitant des avant-garde, des tribuns et des chefs. Parce qu’il y a du racisme à gauche, surtout au sein de celle qui se prétend révolutionnaire.
L’ezetaelene (prononciation de ezln en espagnol, ndt) n’est pas de ceux-là. C’est pourquoi tout le monde ne peut pas être zapatiste.

IV.- Un hologramme changeant et à la guise. Ce que ce ne sera pas.

Avant le lever du jour de 1994, j’ai passé 10 années dans ces montagnes. J’ai connu et fréquenté personnellement certains de ceux dont la mort nous fait mourir beaucoup. Je connais et fréquente depuis lors d’autres hommes et femmes qui sont aujourd’hui ici tels que nous sommes.

Bien des matins je me suis retrouvé face à moi, essayant de digérer les histoires qu’ils me contaient, les mondes qu’ils dessinaient par leur silence, leurs mains et leurs regards, leur insistance à montrer quelque chose par-delà.

Ce monde-là, si autre, si loin, si étranger, était-il un rêve ?
Parfois j’ai pensé qu’ils s’étaient avancés, que les mots qui nous guidaient et qui nous guident venaient de temps pour ceux qui n’avaient encore pas de calendriers, perdus comme ils l’étaient dans des géographies imprécises : toujours le sud digne omniprésent à chaque point cardinal.
Puis j’ai su qu’ils ne me parlaient pas d’un monde inexact, et pour autant, improbable.
Ce monde marchait à son rythme.
Vous, ne l’avez-vous pas vu ? Ne le voyez-vous pas ?
Nous n’avons trompé personne d’en-bas. Nous ne cachons pas être une armée, avec sa structure pyramidale, son centre de commandement, ses décisions du haut vers le bas. Ni pour le plaisir des libertaires ni par mode nous ne nions ce que nous sommes.
Mais tous peuvent voir aujourd’hui si la nôtre est une armée qui évince ou impose.
Et je dois dire, maintenant que j’ai demandé l’autorisation au compagnon Sous-commandant Insurgé Moisés de le faire :
Rien de ce que nous avons fait, en bien ou en mal, n’aurait été possible si une troupe en armes, celle zapatiste de libération nationale, ne s’était pas levée contre le mauvais gouvernement, exerçant le droit à la violence légitime. La violence de celle d’en-bas face à la violence de celle d’en-haut.
Nous sommes des guerriers et en tant que tels nous connaissons notre rôle et notre heure.
À l’aube du premier jour du premier mois de l’année 1994, une armée de géants, c’est à dire d’indigènes rebelles, est descendue dans les villes pour, de son pas, secouer le monde.
À peine quelques jours plus tard, le sang de nos tombés encore frais dans les rues citadines, nous nous sommes rendus compte que ceux de l’extérieur ne nous voyaient pas.
Habitués à regarder de haut les indigènes, ils n’ont pas levé les yeux pour nous voir.
Habitués à nous voir humiliés, leur cœur ne comprenait pas notre digne révolte.
Leur regard s’était arrêté sur le seul métis qu’ils voyaient avec un passe-montagnes, ça signifie qu’ils ne regardaient pas.
Nos chefs, femmes et hommes, ont alors dit ceci :
« Ils ne voient que le petit qu’ils sont, faisons quelqu’un d’aussi petit qu’eux, qu’ils le voient et qu’à travers lui ils nous voient. »
A alors commencé une complexe manœuvre de diversion, un truc de magie terrible et merveilleux, un tour malicieux du cœur indigène que nous sommes, le savoir indigène défiant la modernité dans l’un de ses bastions : les médias de communication.
A alors commencé la construction du personnage appelé « Marcos ».
Je vous demande de bien suivre le raisonnement :
Supposons qu’il est possible de neutraliser un criminel d’une autre façon. Par exemple, en lui créant son arme meurtrière, en lui faisant croire qu’elle est réelle, en le sommant de construire, sur la base de cette réalité, tout son plan, pour, qu’au moment où il s’apprête à faire feu, « l’arme » redevienne ce qu’elle a toujours été : une illusion.

Le système tout entier, mais surtout ses médias de communications, jouent à bâtir des renommées pour ensuite les détruire si elles ne se plient pas à leurs desseins.

Leur pouvoir résidait (plus maintenant, ils ont été supplantés par les réseaux sociaux) dans le fait de dire qui et quoi existait au moment où ils avaient choisi de qui parler et qui taire.
Enfin, ne me prêtait pas tant attention, comme je l’ai démontré au cours de ces 20 années, moi je ne sais rien des médias de communication de masse.

Le fait est que le SupMarcos a cessé d’être un porte-parole pour devenir un distracteur.
Si le chemin de la guerre, c’est à dire de la mort, nous avait pris 10 ans, celui de la vie prenait plus de temps et requérait plus d’efforts, pour ne pas dire de sang.

Parce que, même si vous ne le croyez pas, il est plus facile de mourir que de vivre.
Nous avions besoin de temps pour être et pour rencontrer ceux qui ont su nous voir tels que nous sommes.
Nous avions besoin de temps pour rencontrer ceux qui nous voyaient non de haut, ni d’en-bas, mais qui nous voyaient de face, qui nous voyaient avec le regard d’un compagnon.
Je vous disais qu’avait alors commencé la construction du personnage.
Marcos avait un jour les yeux bleus, un autre jour il les avait verts, ou café ou miel, ou noir, selon qui faisait l’interview et qui prenait la photo. Il a ainsi été remplaçant d’une équipe de foot professionnelle, employé de magasins départementaux, chauffeur, philosophe, cinéaste, et tous les et cetera que vous pouvez trouver dans la presse à gages de ces calendriers et diverses géographies. Il y avait un Marcos pour chaque occasion, c’est à dire pour chaque interview. Et ça n’a pas été facile, croyez-moi, il n’y avait pas alors de wikipedia et s’ils venaient de l’État Espagnol il fallait enquêter pour savoir si la coupe anglaise, par exemple, était une coupe de costume typique d’Angleterre, une épicerie, ou un magasin départemental.

Si vous me permettez de définir le personnage Marcos alors je dirais sans bafouiller qu’il fut un bouffon.
Disons que, pour que vous me compreniez, Marcos était un Média Non Libre (attention : ce qui n’est pas la même chose que d’être un média à gages).

Au cours de la construction et de la maintenance du personnage nous avons fait quelques erreurs.
« Forger est humain », dit le forgeron.
Au cours de la première année, nous avons épuisé, comme qui dirait, le répertoire des « Marcos » possibles. Ainsi, au début de 1995 nous avions des problèmes, et le processus des peuples en était à ses premiers pas.
Et donc en 1995, nous ne savions pas quoi faire de lui. Mais c’est alors que Zedillo, avec l’aide du PAN, « démasque » Marcos avec la même méthode scientifique que celle dont ils usent pour trouver des ossements, c’est à dire, par délation ésotérique.
L’histoire du tampiqueño (Tampico serait le lieu de naissance de Marcos, ndt) nous a donné de l’air, bien que la fraude ultérieure de la Paca de Lozano nous fit craindre que la presse à gages n’interroge également le « démasquage » de Marcos et ne découvre que c’était une fraude de plus. Heureusement il n’en fut rien. Comme celle-ci, les médias continuèrent à avaler d’autres couleuvres semblables.
Quelques temps après le tampiqueño vint sur ces terres. Avec le Sous-commandant Insurgé Moisés, nous avons parlé avec lui. Nous lui avons alors proposé de donner une conférence de presse commune, ainsi pourrait-il se libérer de la persécution en montrant qu’il était évident que Marcos et lui n’étaient pas la même personne. Il n’a pas voulu. Il est venu vivre ici. Il est sorti quelques fois et on peut voir son visage sur les photos des veillés funèbres de ses parents. Si vous voulez, vous pouvez l’interviewer. Maintenant il vit dans une communauté, à… Ah, il ne veut pas qu’on sache où il vit exactement. Nous n’avons rien dit de plus pour que lui, si il le souhaite un jour, puisse conter l’histoire qu’il a vécu depuis le 9 février 1995. De notre côté il ne nous reste qu’à le remercier pour nous avoir fourni des données que chacun de nous utilisons afin d’alimenter le « certitude » que le SupMarcos n’est pas ce qu’il est en réalité, c’est à dire un bouffon ou un hologramme, mais bien un universitaire, originaire du désormais malheureux Tamaulipas.
Pendant ce temps-là nous continuions à chercher, à vous chercher, vous qui êtes maintenant ici et vous qui n’êtes pas là mais qui l’êtes.
Nous avons lancé l’une ou l’autre initiatives pour rencontrer l’autre, hommes, femmes, et compagnon autre. Différentes initiatives, en essayant de trouver le regard et l’écoute dont nous avons besoin et que nous méritons.

Pendant ce temps-là, l’avancée des peuples se poursuivait ainsi que la relève de laquelle on parle tant ou peu, mais qui peut être observée directement, sans intermédiaires.
Dans cette recherche de l’autre, nous avons échoué l’une ou l’autre fois.
Ceux que nous rencontrions soit voulaient nous diriger ou voulaient que nous les dirigions.
Il y avait ceux qui se rapprochaient et qui le faisaient avec l’envie de nous utiliser, ou pour regarder en arrière, que ce soit par nostalgie anthropologique, ou que ce soit par nostalgie militante.
Ainsi pour quelques-uns nous étions communistes, pour d’autres trotskistes, pour d’autres anarchistes, pour d’autres maoïstes, pour d’autres millénaristes, et je vous laisse ici quelques « istes » pour que vous mettiez ceux de votre connaissance que vous voulez.
Il en fut ainsi jusqu’à la Sixième Déclaration de la Forêt Lacandona (appelée la Sexta, ndt), la plus audacieuse et la plus zapatiste des initiatives que nous ayons lancé jusque là.
Avec la Sexta nous avons enfin rencontré ceux qui nous regardaient en face, nous saluaient et nous embrassaient, et comme ça on se salue et on s’embrasse.
Avec la Sexta nous vous avons enfin rencontrer, vous.
Enfin, quelqu’un qui comprenait que nous ne cherchions ni bergé pour nous mener, ni troupeaux à conduire en terre promise. Ni maîtres ni esclaves. Ni tribuns ni foules sans tête.
Mais encore fallait-il voir s’il était possible que vous regardiez et écoutiez ce que nous sommes.
À l’intérieur, l’avancée des peuples avait été impressionnante.
Alors vint le cours « La Liberté selon les zapatistes ».
En 3 sessions, nous nous sommes rendus compte qu’il y avait une génération qui pouvait nous regarder en face, qui pouvait nous écouter et nous parler sans attendre de guide ou de leadership, et ne prétendait ni à la soumission ni au suivisme.
Marcos, le personnage, n’était alors plus nécessaire.

La nouvelle étape de la lutte zapatiste était prête.
Il s’est alors passé ce qui s’est passé et beaucoup d’entre-vous, compañeras etcompañeros de la Sexta, le savent de façon directe.
On pourrait dire après coup que ce truc du personnage fut de la paresse. Mais un examen honnête de ces jours nous dira combien d’hommes et de femmes se sont tournés pour nous voir, avec plaisir ou déplaisir, à cause des cicatrices d’un bouffon.
La relève du commandement n’est donc pas causé par la maladie ou la mort, ni par réorganisation interne, purge ou épuration.
Ça se fait en accord avec les changements internes qui ont eu et on lieu au sein de l’EZLN.
Je sais bien que cela ne cadre pas avec les schémas carrés qu’il y a dans les différents en-haut, mais la vérité nous tombe dessus sans prévenir.
Et tout cela ruine les pauvres et paresseuses élucubrations des rumeurologues etzapatologues de Jovel, et bien tant pis.
Je ne suis pas ni n’ai été malade, et je ne suis pas ni n’ai été mort.
Ou plutôt, bien qu’ils m’aient tué tant de fois, que je sois mort tant de fois, je suis encore là.
Si nous avons encouragé ces rumeurs c’est que cela nous convenait.
Le dernier grand truc de l’hologramme fut de simuler une maladie au stade terminal, en y incluant toutes les morts dont j’ai souffert.
Bien sûr, le « si sa santé le lui permet », que le Sous-commandant Insurgé Moisés a utilisé dans le communiqué annonçant l’échange avec le CNI, était un équivalent du « si le peuple le souhaite » ou « si les sondages me donnent favori » ou « si Dieu m’en donne le temps »et autres lieux communs qui ont été les éléments de langages de la classe politique ces derniers temps.
Si vous permettez un conseil : vous devriez cultiver un tant soit peu le sens de l’humour, non seulement pour la santé mentale et physique, mais aussi parce que sans sens de l’humour vous ne comprendrez pas le zapatisme. Et ce lui qui ne comprend pas, juge ; et celui qui juge, condamne.
En réalité tout cela fut la partie la plus facile du personnage. Afin d’alimenter la rumeur il n’y avait besoin de rien de plus que de la dire à quelques personnes en particulier : « je vais te dire un secret mais promets-moi que tu ne le diras à personne ».
Bien sûr ils l’ont dit.
Les principaux collaborateurs involontaires de la rumeur de la maladie et la mort ont été ces « experts en zapatologie » qui depuis la superbe Jovel et la chaotique Ville de Mexico se vantent de leur proximité avec le zapatisme et la connaissance profonde qu’ils en ont, en plus, bien sûr, des policiers payés aussi en tant que journalistes, des journalistes payés en tant que policiers, et des journalistes seulement payés – mal – en tant que journalistes.
Merci à eux tous et à elles toutes. Merci pour leur discrétion. Ils ont fait exactement ce que nous pensions qu’ils feraient. Le seul point négatif de tout ça, c’est que je doute que quiconque ne leur confie un secret désormais.

Notre conviction et notre pratique nous disent que pour se révolter et lutter il n’y a nul besoin de leader, de tribun, de messie, de sauveur. Pour lutter vous n’avez besoin que d’un peu de fierté, une pincée de dignité et beaucoup d’organisation.

Le reste sert à la collectivité ou ne sert à rien.
Ce fut particulièrement comique ce qu’a provoqué le culte de l’individu chez les politologues et analystes d’en-haut. Hier il disaient que le future de ce peuple mexicain dépendait de l’alliance de 2 personnalités. Avant-hier ils disaient que Peña Nieto prenait son indépendance vis à vis de Salinas de Gotari, sans se rendre compte qu’alors, s’ils critiquaient Peña Nieto, ils se mettaient du côté de Salinas de Gotari ; et que s’ils critiquaient ce dernier, ils soutenaient Peña Nieto. Aujourd’hui ils disent qu’il faut choisir un camp dans la lutte pour le contrôle des télécommunications, et que donc tu es avec Slim ou tu es avec Azcárraga-Salinas. Et plus en-haut, ou avec Obama ou avec Poutine.
Ceux qui depuis en-haut soupirent et regardent peuvent continuer à chercher leur leader ; ils peuvent continuer de penser qu’enfin seront respectés les résultats des élections ; que maintenant enfin Slim va appuyer la solution électorale de gauche ; que maintenant enfin dans Game of Thrones vont apparaître les dragons et les batailles ; que maintenant enfin dans la série télé The Walking Dead, Kirkman va s’attacher au comique ; que maintenant enfin les outils fabriqués en Chine ne vont pas se casser à la première occasion ; que maintenant enfin le football va devenir un sport et non un business.
Et oui, il se peut que dans certain cas ils voient juste, mais il ne faut pas oublier que eux tous ne sont que de simples spectateurs, c’est à dire des consommateurs passifs.
Ceux qui ont aimé ou détesté le SupMarcos savent maintenant qu’ils ont haï ou aimé un hologramme. Leurs amours et haines ont été, disons, inutiles, stériles, vides, creux.
Il n’y aura donc pas de maison-musée ou de plaques de métal là où je suis né et où j’ai grandi. Il n’y aura pas non plus quelqu’un vivant d’avoir été le sous-commandant Marcos. Son nom et sa charge ne seront pas donnés en héritage. Il n’y aura pas de voyages tout frais payés pour donner des conférences à l’étranger. Il n’y aura pas de transfert, ni de soins dans des hôpitaux luxueux. Il n’y aura ni veuve ni héritiers ou héritières. Il n’y aura pas de funérailles, ni d’honneurs, ni de statues, ni de musées, ni de prix, ni rien de ce que le système fait pour promouvoir le culte de l’individu et pour déprécier le collectif.
Le personnage a été créé, et maintenant ses créateurs, hommes et femmes zapatistes, nous le détruisons.
Celui qui comprend cette leçon donnée par nos compañeras et compañeros, aura compris l’un des fondements du zapatisme.
Et ce qui ces dernières années devait arriver arriva.
Nous avons alors vu que le bouffon, le personnage, l’hologramme donc, n’était plus nécessaire.
Nous avions prévu l’une ou l’autre fois, et l’une ou l’autre fois nous attendions le moment adéquat : le calendrier et la géographie précis pour montrer ce que nous sommes en vérité à ceux que vous êtes en vérité.
Est alors arrivé Galeano et sa mort pour marquer la géographie et le calendrier : « ici, à La Realidad ; maintenant, dans la douleur et dans la rage ».

V.- La douleur et la rage. Chuchotements et cris.

Lorsque nous sommes arrivés au caracol, ici à La Realidad, sans que personne ne nous le dise nous avons commencé à parler en chuchotant.
Notre douleur parlait bas, tout bas notre rage.
Comme si nous essayions d’éviter que Galeano ne soit mis en fuite par les bruits, les sons qui lui étaient étrangers.
Comme si nos voix et nos pas l’appelaient.
« Attends compa », disait notre silence.
« Ne pars pas », chuchotait les mots.
Mais il est d’autres douleurs et d’autres rages.
En ce moment-même, dans d’autres coins du Mexique et du monde, un homme, une femme, un.e autre, un petit garçon, une petite fille, un petit vieux, une petite vieille, une mémoire est frappée à bout portant, encerclée par le système fait crime vorace, est bastonnée, frappée à coups de machettes, criblée de balles, achevée, rendue honteuse par les moqueries, abandonnée, son corps récupéré et veillé, sa vie enterrée.
Juste quelques noms :
Alexis Benhumea, assassiné dans l’État de Mexico.
Francisco Javier Cortés, assassiné dans l’État de Mexico.
Juan Vázquez Guzmán, assassiné au Chiapas.
Juan Carlos Gómez Silvano, assassiné au Chiapas.
Le compa Kuy, assassiné dans le DF.
Carlo Giuliani, assassiné en Italie.
Aléxis Grigoropoulos, assassiné en Grèce.
Wajih Wajdi al-Ramahi, assassiné dans un Camp de réfugiés dans la ville cisjordanienne de Ramala. 14 ans, assassiné d’un tir dans le dos depuis un poste d’observation de l’armée israélienne, il n’y avait ni marche, ni manifestation, ni rien dans la rue.
Matías Valentín Catrileo Quezada, mapuche assassiné au Chile.
Teodulfo Torres Soriano, compa de la Sexta disparu dans la Ville de Mexico.
Guadalupe Jerónimo et Urbano Macías, habitants de Cherán, assassinés au Michoacán.
Francisco de Asís Manuel, disparu à Santa María Ostula
Javier Martínes Robles, disparu à Santa María Ostula
Gerardo Vera Orcino, disparu à Santa María Ostula
Enrique Domínguez Macías, disparu à Santa María Ostula
Martín Santos Luna, disparu à Santa María Ostula
Pedro Leyva Domínguez, assassiné à Santa María Ostula.
Diego Ramírez Domínguez, assassiné à Santa María Ostula.
Trinidad de la Cruz Crisóstomo, assassiné à Santa María Ostula.
Crisóforo Sánchez Reyes, assassiné à Santa María Ostula.
Teódulo Santos Girón, disparu à Santa María Ostula.
Longino Vicente Morales, disparu au Guerrero.
Víctor Ayala Tapia, disparu au Guerrero.
Jacinto López Díaz “Le Jazzi”, assassiné à Puebla.
Bernardo Vázquez Sánchez, assassiné à Oaxaca
Jorge Alexis Herrera, assassiné au Guerrero.
Gabriel Echeverría, assassiné au Guerrero.
Edmundo Reyes Amaya, disparu à Oaxaca.
Gabriel Alberto Cruz Sánchez, disparu à Oaxaca.
Juan Francisco Sicilia Ortega, assassiné au Morelos.
Ernesto Méndez Salinas, assassiné au Morelos.
Alejandro Chao Barona, assassiné au Morelos.
Sara Robledo, assassiné au Morelos.
Juventina Villa Mojica, assassiné au Guerrero.
Reynaldo Santana Villa, asesinado en Guerrero.
Catarino Torres Pereda, assassiné à Oaxaca.
Bety Cariño, assassiné à Oaxaca.
Jyri Jaakkola, assassiné à Oaxaca.
Sandra Luz Hernández, assassinée au Sinaloa.
Marisela Escobedo Ortíz, assassinée au Chihuahua.
Celedonio Monroy Prudencio, disparu au Jalisco.
Nepomuceno Moreno Nuñez, assassiné au Sonora.
Les migrants et migrantes disparues de force et probablement assassinées dans tous les recoins du territoire mexicain.
Les prisonniers qu’ils veulent tuer de leur vivant : Mumia Abu Jamal, Leonard Peltier, les Mapuche, Mario González, Juan Carlos Flores.
L’enterrement continu de voix qui furent vie, contraintes au silence par la chute de la terre et la fermeture des verrous.
Et le plus drôle c’est que, à chaque pelletée de terre que jette le sbire de service, le système dit : « tu ne vaux rien, tu n’as aucune importance, personne ne te pleure, ta mort ne donne la rage à personne, personne ne poursuit ton chemin, personne ne relève ta vie ».
Et de conclure avec le dernier coup de pelle : « même s’ils arrêtent et châtient ceux d’entre-nous qui t’ont tué, j’en trouverai un autre, une autre, d’autres qui te tendront une embuscade et répéteront la danse macabre qui a mis un terme à ta vie ».
Et il dit « Ta petite justice, naine, fabriquée pour que les médias à gages simulent et obtiennent un peu de calme pour freiner le chaos qui leur tombe dessus, ne m’effraie pas, ne me fait aucun mal, ne me puni pas ».
Que disons-nous au cadavre qui, dans tous les coins du monde d’en-bas, est enterré dans l’oubli ?
Que seul notre douleur et notre rage comptent ?
Que seul importe notre colère ?
Que pendant que nous chuchotons notre histoire, nous n’écoutons pas son cri, son hurlement ?
L’injustice porte tant de noms et si nombreux sont les cris qu’elle fait naître.
Mais notre douleur et notre rage ne nous empêchent pas d’écouter.
Et nos chuchotements ne sont pas là uniquement pour pleurer la chute des nôtres, morts injustement.
C’est pour ainsi pouvoir écouter d’autres douleurs, faire nôtres d’autres rages et continuer comme ça sur le complexe, long et tortueux chemin, faisant de tout ça un hurlement qui se transforme en une lutte libératrice.
Et ne pas oublier que, tandis que quelqu’un chuchote, quelqu’un crie.
Et seul l’oreille attentive peut entendre.
Pendant que nous parlons et écoutons en ce moment, quelqu’un crie de douleur, de rage.
Et tout comme il faut apprendre à diriger le regard, l’écoute doit trouver le cap qui la rend fertile.
Parce que pendant que l’un se repose, il y en a un autre qui poursuit l’ascension.
Pour voir cet acharnement, il suffit de baisser les yeux et d’élever le cœur.
Vous pouvez ?
Vous pourrez ?
La petite justice ressemble tant à la vengeance. La petite justice est celle qui distribue l’impunité, enfin qui en en punissant un, en absout d’autres.
Celle que nous voulons, celle pour laquelle nous luttons, n’est pas fatiguée de chercher les assassins du compa Galeano et de voir qu’ils purgent leur peines (il en sera ainsi, personne n’a fait appel à la triche).
La recherche patiente et la disputée quête de la vérité, pas le soulagement de la résignation.
La grande justice a quelque chose à voir avec le compagnon Galeano enterré.
Parce que nous, nous nous demandons non pas quoi faire de sa mort, mais plutôt ce qu’on doit faire de sa vie.
Veuillez m’excuser si je vais sur le terrain marécageux des lieux communs, mais ce compagnon ne méritait pas de mourir, pas comme ça.
Tout son engagement, ses sacrifices quotidiens, ponctuels, invisibles pour qui n’est pas des nôtres, fut pour la vie.
Et je peux vous dire qu’il fut un être extraordinaire et plus encore, et ça c’est ce qui est merveilleux, qu’il y a des milliers de compañeras et compañeros comme lui dans les communautés indigènes zapatistes, avec le même investissement, un même engagement, une même limpidité et une seule destinée : la liberté.
Et parlant de comptes macabres : si quelqu’un mérite la mort c’est celui n’existe pas ni n’a existé, comme en n’étant pas dans la fugacité des médias de communication à gages.
Notre compagnon chef et porte-parole de l’EZLN, le Sous-commandant Insurgé Moisés nous a dit qu’en assassinant Galeano, ou n’importe quel zapatiste, ceux d’en-haut veulent assassiner l’EZLN.
Pas en tant qu’armée, mais comme rebelle idiot qui construit et élève la vie là où eux, ceux d’en-haut, désirent le désert des industries minières, pétrolières, touristiques, la mort de la terre et de ceux qui l’habitent et la travaillent.
Et il a dit que nous étions venus, en tant que Commandement Général de l’Armée Zapatiste de Libération nationale, pour exhumer Galeano.
Nous pensons qu’il faut que l’un de nous meurt pour que vive Galeano.
Et pour que cette impertinente qu’est la mort soit satisfaite, à la place de Galeano nous mettons un autre nom pour que Galeano vive et que la mort n’emporte pas une vie, mais seulement un nom, quelques lettres vides de tous sens, sans histoire propre, sans vie.
Nous avons donc décidé que Marcos cesse d’exister aujourd’hui.
Ils le conduiront avec l’arme à gauche le guerrier et une petite lumière pour ne pas perdre le chemin, Don Durito s’en ira avec lui, de même que le Vieil Antonio.
Il ne manquera pas aux petites filles et petits garçons qui avant se réunissaient pour entendre ses contes, car bon ils sont grands, ils ont leur propre jugement, et ils luttent maintenant comme lui pour plus de liberté, de démocratie et de justice, ce qui est la tâche de chaque zapatiste.
Le chat-chien, et non un cygne, entonnera alors le chant d’adieux.
Et finalement, ceux qui comprennent, sauront que celui qui n’a jamais été là ne part pas, pas plus que ne meure celui qui n’a pas vécu.
Et la mort se retirera, trompée par un indigène du nom de Galeano dans la lutte, et sur les pierres déposées sur sa tombe il reviendra marcher et enseigner, à qui le veut, la base du zapatisme, c’est à dire, ne pas se vendre, ne pas se rendre, ne pas céder.
Ah la mort ! Comme s’il n’était pas évident qu’elle libère ceux d’en-haut de toute co-responsabilité, au-delà de l’oraison funèbre, de l’hommage gris, la statue stérile, du musée censeur.
Et nous ? Et bien, nous, ben, la mort nous implique par ce qu’elle a de vie en elle.
Et nous sommes donc ici, nous moquant de la mort dans la réalité.
Compas :

Tout ceci étant dit, étant 0208 le 25 mai de 2014 sur le front sud-est de combat de l’EZLN, je déclare que cesse d’exister celui connu comme Sous-commandant Insurgé Marcos, l’autoproclamé « sous-commandant d’acier inoxydable ».
Voilà.

Par ma voix ne parlera plus la voix de l’Armée Zapatiste de Libération Nationale.
Allez. Santé et à jamais… ou à toujours, celui qui a compris saura que tout cela n’a pas d’importance, que ça n’a jamais importé.

Depuis la réalité zapatiste.
Sous-commandant Insurgé Marcos.
Mexique, le 24 mai 2014.
P.S.1.- Game over ?
P.S.2.- Échec et mat ?
P.S.3.- Touché ? (en français dans le texte, ndt)
P.S.4.- Je vous vois, les gens, et envoyez du tabac.
P.S.5.- Mmh… c’est donc ça l’enfer… Et voilà Piporro, Pedro, José Alfredo ! Quoi ? Par des machistes ? Nan, je crois pas, non moi jamais…
P.S.6.- Tu veux dire, comme on dit, sans bouffonnerie. Je peux avancer nu ?
P.S.7.- Écoutez, c’est très sombre ici, j’ai besoin d’une petite lumière.
(…)

(on entend une voix off)
Que vos matinées soient bonnes compañeras et compañeros. Mon nom est Galeano, Sous-commandant Insurgé Galeano.

Quelqu’un d’autre s’appelle Galeano ?

(on entend des voix et des cris)
Ah, voilà pourquoi ils m’avaient dit que lorsque je renaîtrai, je le ferai collectivement.
Très bien.
Bon voyage. Prenez soin de vous, prenez soin de nous.
Depuis les montagnes du Sud-est Mexicain.
Sous-commandant Insurgé Galeano.
Mexique, mai 2014.

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Re: Chiapas (Mexique)

Messagede Pïérô » 09 Juil 2014, 23:56

Le ¡Ya basta ! latino-américain

Les vingt ans qui ont suivi le soulèvement zapatiste du 1er janvier 1994 ont représenté pour les mouvements latino-américains l’un des cycles de luttes à la fois des plus intenses et des plus étendus qu’ils aient connus depuis longtemps. À partir du caracazo de 1989, les soulèvements et les insurrections se sont succédé, les mobilisations ont concerné tout le continent et elles ont largement décrédibilisé le modèle néolibéral. Ceux d’en bas se sont imposés en s’organisant dans des mouvements en tant qu’acteurs centraux de changement.

Le zapatisme est très vite devenu un référent incontournable de cette vague des années 1990, même pour ceux qui ne partagent pas leurs propositions et leurs formes d’action. Il serait presque impossible d’énumérer tout ce que les mouvements de ces deux dernières décennies ont réalisé. Considérons brièvement quelques faits significatifs : le cycle piquetero en Argentine (1997-2002), les soulèvements indigènes et populaires en Équateur, les mobilisations péruviennes qui ont forcé Fujimori à démissionner, ou encore le Mars paraguayen, en 1999, qui s’est conclu par l’exil du militaire putschiste Lino Oviedo.

Lors de la décennie suivante, on a connu la formidable réponse du peuple vénézuélien au coup d’État réactionnaire de 2002, les trois « guerres » boliviennes de 2000 à 2005 (celle de l’eau et celles du gaz) qui ont balayé la droite néolibérale de l’échiquier politique, l’incroyable lutte des Indiens d’Amazonie à Bagua (Péru) en 2009, la résistance des communautés du Guatemala contre les mines, la commune d’Oaxaca en 2006 et la mobilisation des paysans paraguayens en 2002 contre les privatisations.

Ces trois dernières années, une nouvelle série de mouvements est apparue, ouvrant un nouveau cycle de protestations, avec la mobilisation des élèves du secondaire chiliens, la résistance communautaire contre le projet minier Conga au nord du Pérou, la résistance croissante contre les mines, les fumigations et Monsanto en Argentine, la défense des TIPNIS (Territoires indigènes du Parc national Isiboro Sécure) en Bolivie et la résistance au projet de barrage de Belo Monte au Brésil.

L’année 2013 à elle seule a connu deux mouvements d’ampleur : la grève agraire colombienne, capable d’unir tous les secteurs ruraux (paysans, indigènes et coupeurs de canne à sucre) avec une partie des mouvements urbains, contre le traité de libre-échange avec les États-Unis, ainsi que les mouvements de juin au Brésil contre la féroce exploitation urbaine de main-d’œuvre pour la Coupe du monde 2014 et les jeux Olympiques de 2016 à Rio.

Cet ensemble d’actions durant ces deux décennies nous prouve que les mouvements de ceux d’en bas fleurissent dans toute la région. Beaucoup d’entre eux portent aussi une nouvelle culture politique et se manifestent de façon tout aussi diversifiée que le sont les organisations, tout en constituant des pratiques différentes de celles qu’on a connues dans les années 1960 et 1970.

Une partie de ces mouvements, des lycéens chiliens aux communautés zapatistes, en passant par les Gardiens de la lagune de Conga, le mouvement des Pobladores y Pobladoras du Venezuela et le Movimento Passe Livre du Brésil (MPL) parmi les plus remarquables, nous offrent quelques caractéristiques communes intéressantes à relever.

Tout d’abord, il faut noter la participation massive des jeunes et des femmes. Cette présence ravive les luttes anticapitalistes car elles sont portées par les personnes les plus directement touchées par le capitalisme, celles qui n’ont pas de place dans le monde encore hégémonique. Cette présence majoritaire est celle de ceux qui n’ont rien à perdre, car ce sont principalement les femmes et les jeunes de la base qui donnent aux mouvements leur caractère d’intransigeance radicale.

En second lieu, la culture politique que les zapatistes ont synthétisée avec l’expression « mandar obedeciendo », gagne du terrain bien que de manière encore diffuse. Ceux qui préserve les lagunes au Pérou, héritiers des Rondes paysannes, obéissent aux communautés. Les jeunes du MPL prennent leurs décisions par consensus afin d’éviter de renforcer des majorités et rejettent explicitement les « chars de son » imposés par les bureaucraties syndicales pour contrôler les manifestations durant la période précédente.

Le troisième point commun est lié à l’autonomie et à l’horizontalité, expressions qu’on a commencé à utiliser il y a vingt ans à peine, et qui se trouvent aujourd’hui pleinement intégrées à la culture politique de ceux qui luttent.

Ils se réclament en effet de l’autonomie vis-à-vis de l’État et des partis, considérant l’horizontalité comme principe dans la direction non pas individuelle mais collective des mouvements.

Les membres des ACES (assemblées coordinatrices des élèves du secondaire) au Chili fonctionnent sur un mode horizontal, avec une direction collective en assemblée.

La quatrième caractéristique commune que je perçois est la prédominance des flux sur les structures. L’organisation s’adapte et se soumet au mouvement, elle ne se fige pas dans une structure qui conditionnerait le collectif en fonction de ses propres intérêts, séparés du mouvement. Les collectifs qui luttent sont semblables à des communautés de résistance, dans lesquelles toutes et tous courent les mêmes risques et où la division du travail s’adapte aux objectifs que trace à chaque instant l’ensemble des participants.

Dans ce nouvel ensemble d’organisations, il n’est pas aisé de distinguer les dirigeants, car s’il existe des délégués et des porte-parole, la différence entre dirigeants et dirigés s’atténue d’autant plus que la participation de la base s’étend. C’est peut-être l’un des aspects les plus importants de la nouvelle culture politique qui s’est développée ces vingt dernières années.

Pour finir, je voudrais faire remarquer que le zapatisme est certes une référence politique et éthique, mais qu’il ne dirige pas ces mouvements et n’a ni la prétention ni la possibilité de le faire. Il peut être une inspiration, une référence, un exemple si l’on veut. Je pense que de multiples dialogues se tissent entre toutes ces expériences, non pas sous forme de rencontres formelles et structurées, mais sous forme d’échanges directs entre militants, capillaires et non contrôlés, sous forme d’échanges de savoirs et d’expériences dont nous avons besoin pour renforcer notre combat contre ce système.

Raúl Zibechi

http://www.cetri.be/spip.php?article3521

Vidéo, Le Zapatisme en 15 questions

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Re: Chiapas (Mexique)

Messagede Lila » 12 Aoû 2014, 17:57

Traduction d’un article paru dans le N° spécial de rojo y negro, journal de la CGT espagnole.

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La loi révolutionnaire des femmes de l’EZLN. Actualité et quotidienneté

Nous savons que la loi révolutionnaire des femmes de l’EZLN fut adoptée par consensus au sein des rangs de l’EZLN plusieurs mois avant l’émergence politique de ce mouvement (le 10-01-1994). Nous savons par une lettre du Sous-commandant Marcos que les réactions furent multiples et que son acceptation dut être défendue avec acharnement comme un des objectifs centraux de l’EZLN dans sa lutte pour la justice.
Nous savons que la Commandante Ramona et la Commandante Susana passèrent toutes deux plus de quatre mois à parcourir les zones sous contrôle zapatiste. Elles les parcoururent toutes, une par une, et dialoguèrent avec les zapatistes hommes et femmes, collectivement et dans les assemblées communautaires en usage dans les villages de la région. Une fois acceptée dans chaque communauté et village zapatiste, on proposa que la loi soit publiée dans Le Réveil Mexicain, organe d’information de l’EZLN, dans son no 1, paru à Mexico, en décembre 1993.
Je me rappelle la nouveauté que constitua, en ce mois de décembre 1993, le fait de trouver une publication, la première dans un mouvement socialiste révolutionnaire ou une guérilla, qui inclue, lors de sa première apparition publique -sa lettre d’introduction- l’exigence des droits des femmes. A cette époque, c’était une véritable innovation. Il était presque incroyable que cela ait une réalité, tant s’en faut, lorsqu’apparurent les premiers symboles de la présence incontestable de femmes à des postes d’autorité et de direction. C’était une femme, une aînée, qui dirigea la prise de San Cristobal de las Casas, au Chiapas et la Commandante Ramona était au centre des Dialogues pour la Paix qui eurent lieu dans la Cathédrale par la suite.
Depuis, cette loi manifeste ses effets dans les pratiques zapatistes. Si quelque chose a donné au zapatisme sa particularité, sa couleur et sa saveur, c’est bien cette position d’inclusion et de défense des droits des femmes, comme la définit la Loi sur les Femmes.
Qu’est devenue cette loi au cours des vingt années passées ? Comment est-elle vécue aujourd’hui dans le quotidien de l’autonomie zapatiste ?
Pendant les cours de l’Ecole primaire, en août 1993, dans les communautés qui hébergèrent 1 700 invitées, nous écoutâmes et nous constatâmes les possibilités et les progrès, mais aussi les difficultés de la mise en oeuvre de cette loi dans toutes ses dimensions.
Dans chacun des 5 « caracoles » (unités civiles d’autogouvernement), leurs expériences ont émergé, relatées en détail. Quatre livres furent distribués, élaborés par chaque caracol, pour nous présenter leur travail dont le titre général était « La liberté d’après les femmes zapatistes » et répartis ainsi :
• I. Gouvernement autonome
• II. Gouvernement autonome
• III. La participation des femmes au gouvernement autonome
• IV. Résistance autonome


Dans ces livres, les droits des femmes ont à nouveau la priorité. On pourrait penser que, comme dans d’autres luttes révolutionnaires, le « problème » des femmes reste implicite et/ou marginal. Mais il n’en est pas ainsi. Le zapatisme a défini son identité comme un mouvement politique radical en mettant les femmes au centre de son action et en les faisant devenir visibles. Dans le volume qui leur est consacré (III), on passe en revue les 10 paragraphes de la Loi sur les femmes, comment ils ont été vécus et comment ils sont vécus aujourd’hui. Chaque paragraphe est énuméré et les expériences quotidiennes sont relatées, avec les difficultés (rencontrées) comme les progrès (réalisés).
Avec leur propre voix, les femmes zapatistes et indigènes nous décrivent leurs expériences, leurs priorités, leurs difficultés pour prendre le commandement, leurs désirs de changement. Ces voix sont tout à fait remarquables pour comprendre au fond le processus par lequel les femmes indigènes mayas cheminent, émergent, acceptent et collaborent avec la proposition zapatiste. Ce processus est actuellement la proposition la plus aboutie de construire un autre monde possible, un monde plus juste pour toutes et pour tous et mis concrètement en pratique.
« Nous ne nous occupons pas seulement de la maison, du repas...nous travaillons avec les compagnons hommes, ensemble ». « Nous avançons peu à peu dans ce travail de l’autonomie et nous encourageons d’autres femmes qui ne veulent pas encore sortir de chez elles... », affirmait une compagne, « jeune » de 17 ans, et maitresse à l’Ecole primaire. Elle démontrait par sa voix, sa force et par la place qu’elle occupait dans cet espace pédagogique, que déjà beaucoup d’entre elles ont avancé au-delà de ce que beaucoup d’entre nous, féministes « extérieures » au zapatisme, avons atteint.
« Comme on le sait, on a fait cette Loi sur les femmes à cause justement de la situation que vivaient les compagnes, c’est pour cela que cette loi fut initiée, parce que, auparavant, elles souffraient assez. Cette loi nous l’avons maintenant sur le papier, nous l’avons en oeuvre dans les cinq « Caracoles ». Ce problème (que nous avons ) n’est pas seulement celui des compagnes, il concerne aussi les compagnons, parce que quand on donne une responsabilité à une compagne, quelquefois les compagnons ne laissent pas sortir leur épouse ou leurs filles, il y a des cas où ils ne leur accordent pas de liberté, c’est pour cela que le problème concerne aussi les hommes ». « Nous analyserons peu à peu jusqu’où nous, en tant que femmes, nous avons pu appliquer cette loi. » (La liberté d’après les Zapatistes, volume III, page 24, Caracol II, Oventik).




Les dix points de la Loi révolutionnaire sur les femmes :

1 : Les femmes, sans distinction de race, de croyance, de couleur ou de filiation politique ont le droit de participer à la lutte révolutionnaire sur le lieu et avec le grade que leur volonté et leurs capacités déterminent.
• Dans le Caracol II d’Oventik, dans la zone des Hauts du Chiapas : « Nous avons appliqué un peu la loi, pas à 100 pour 100...Les compagnes sont en train de prendre des responsabilités dans l’éducation, dans la santé, comme coordinatrices de zone... » (op. cit., p. 24). « Quand on a fait cette loi, ce n’était pas parce que les femmes voulaient commander...Ou voulaient dominer leur mari ou leur compagnon...Nous ne voulons pas construire quelque chose pour faire la même histoire que nous avons subie...Que les compagnons machistes commandent...Puis les compagnes...Et que maintenant les compagnons soient virés... » ( p. 24).

2 : Les femmes ont le droit de travailler et de recevoir un salaire juste.
• Dans le Caracol III, La Garrucha : « Nous les femmes nous avons le même droit que les hommes de recevoir le même salaire parce que nous avons le même sang...Il n’y a pas ici dans l’organisation de salaires pour les hommes ni pour les femmes... » (p. 40) .
•Dans l’Oventik : « il n’ y a pas de salaire au sein de l’organisation...sauf si la compagne part à la ville... (p. 25)
• Dans le Caracol V, Roberto Barrios : « ...Les femmes qui travaillent en ville méritent de recevoir leur salaire...Ce sont elles qui méritent un salaire juste. » (p. 67)

3 : Les femmes ont le droit de décider du nombre d’enfants qu’elles peuvent avoir et élever.
• Dans le Caracol III, La Garrucha : « En tant que femmes, nous avons le droit de décider comment vivre dans nos foyers et nous avons le droit de décider avec notre conjoint combien d’enfants nous voulons avoir et élever. Nous avons le droit à ce que personne ne nous oblige à avoir plus ou moins d’enfants, que personne ne nous oblige à utiliser un contraceptif si nous n’en voulons pas, nous avons le droit au respect de nos décisions et de nos opinions. Dans notre autonomie, nous voulons qu’on respecte ces droits ; avant, le mauvais gouvernement envoyait beaucoup de mauvaises idées dans nos villages, il disait que les femmes ne valent rien, qu’elles n’ont pas le droit de parler. »
• Dans le Caracol V, Roberto Barrios : « On a vu que c’est mieux quand on discute au sein d’un couple... » (p. 69)

4 : Les femmes ont le droit de participer aux affaires de la communauté et d’avoir des postes de responsabilité si elles sont élues librement et démocratiquement.
• Dans le Caracol II, Oventik : « Ici on peut dire que la Loi est en train de s’appliquer... »
• Dans le Caracol III, La Garrucha : « En tant que femmes nous avons les mêmes droits que les hommes, nous avons le droit de décider quel poste nous pouvons avoir dans la communauté comme agente, comme inspectrice, comme promotrice de santé ou d’hygiène sexuelle et reproductive...ou comme promotrice d’éducation. » (p. 41).
• Dans le Caracol V, Roberto Barrios : « Nous avons vu que cette loi est bien en application dans notre zone... » (p. 71)

5 : Les femmes et leurs enfants ont le droit de s’alimenter.
• Dans le Caracol V, Roberto Barrios : « Sur ce point nous avons vu que quelques communautés ont bien un centre de santé. Là où existe un tel centre, il n’est pas difficile que les femmes aient une bonne santé ...(et puissent) trouver des soins pour leurs enfants. Les femmes se rendent au centre de santé avec les promotrices de santé et c’est là qu’on réalise l’objet de ce point...alors que dans quelques communautés où il n’y a pas de centres, elles se rendent vers d’autres communautés voisines où il y a des maisons de santé. » (p . 71).
« Concernant l’alimentation, nous avons vu que dans notre zone, ce que nous mangeons ne vient pas de loin mais nous, compagnons et compagnes, devons suivre la coutume de nos grands-parents, comme ils vivaient à l’époque, ce qu’ils mangeaient, avec quoi ils s’alimentaient. C’est ce qui s’est vu dans notre zone, alors n’arrêtons pas de semer ce qui est à nous, le chayote, la yoca, la courge et tout ce qui existe dans notre communauté. Si nous ne faisons pas cela, nous allons mourir de faim, c’est de là que vient la dénutrition parce que nous ne mangeons pas ce que nous avons sur place. » (p.71).
• Dans le Caracol III, La Garrucha : « ...nous travaillons dans les champs, nous récoltons notre nourriture naturelle comme le maïs, le haricot, le café et d’autres produits... » (p.41)
• Dans le Caracol II, Oventik : « concernant les femmes qui nourrissent leur bébé ou qui en attendent un, il est important qu’elles s’alimentent bien, et non ce qui arrive quelquefois, qu’elles mangent à la fin, s’il reste à manger, sinon elles ne mangent pas...Nous vîmes que la loi est en train d’arriver un peu à son but. » (p.26)

6 : Les femmes ont droit à l’éducation.
• Dans le Caracol II, Oventik : « Concernant les fillettes, quand elles sont dans leur communauté, (la loi) s’applique mieux lorsqu’elles fréquentent l’école primaire autonome, les EPRAZ (p.26)
• Dans le Caracol III, La Garrucha : « Nous ne voulons plus que cela se passe comme avant lorsque nous étions très exploitées, et que nous n’avions pas une bonne éducation, comme aujourd’hui...en tant que femmes nous continuons aussi à avancer en matière d’éducation. » (p. 42)
• Dans le Caracol V, Roberto Barrios : « Dans notre zone, nous avons parlé de l’époque où les femmes n’allaient pas à l’école, on demanda aux compagnes plus âgées qui dirent ne pas être allées à l’école parce que leurs mères ne l’ont pas demandé à leurs pères. Elles ne sont pas fautives si elles n’ont pas appris à lire et à écrire, et on en est arrivé à penser que leurs mères ne sont pas coupables non plus, on leur a mis dans la tête les idées des capitalistes, comme cette histoire de la femme qui ne vaut rien, car si elle née fille, et bien, elle ne vaut rien. On a vu que les pères de familles ne sont pas coupables, la faute est à cette mauvaise idée qu’on nous met dans la tête ». (p. 72) « Par notre lutte nous avons tout, nous avons l’éducation. » (p.72)

7 : Les femmes ont le droit de choisir leur compagnon et de ne pas être obligées de se marier de force.
• Dans le Caracol V, Roberto Barrios : « Sur ce point, on voit qu’actuellement les compagnes décident avec qui se marier, mais il y a des opinions chez les plus âgées selon qui on doit respecter les coutumes anciennes, parce qu’il y a des maisons où les jeunes filles n’ont pas pu exercer ce droit...il faut l’exercer en pensant à la lutte révolutionnaire. » (p. 72)
• Dans le Caracol III, La Garrucha : « Pour nous les femmes ce n’est plus comme avant, où les parents nous obligeaient à nous marier avec celui qui leur plaisaient à eux... nous avons le droit de décider qui est notre compagnon et avec qui nous voulons nous marier. » (p.42)
• Dans le Caracol II, Oventik : « On sait qu’avant, on ne leur demandait pas leur avis... on les échangeait contre une boisson, contre des animaux, contre de l’argent... maintenant la majorité des parents demandent à leurs filles si elles veulent se marier ou avec qui elles veulent se marier, c’est pour cela que nous disons que sur ce point on a progressé. » (p.27)

8 : Aucune femme ne pourra être battue ou maltraitée physiquement ni par des parents, ni par des étrangers. Les délits de tentative de viol ou de viol seront sévèrement punis.
• Dans le Caracol V, Roberto Barrios : « Il y a des cas qui se produisent encore dans nos communautés car c’est la mauvaise coutume qui est dans la tête (qui est) contaminée, le machisme existe encore. »... « Je suis plus fort et tu dois me respecter », ces paroles existent encore... celles d’entre nous qui ont eu des responsabilités, celles qui ont travaillé un moment, nous comprenons peut-être tous les entretiens que nous avons recueillis ...mais certaines compagnes ne comprennent pas... » (p.73)
• Dans le Caracol IV, Morelia : « Il y a aussi des choses qui ne s’appliquent pas, il y a encore des compagnes qui reçoivent des mauvais traitements,il y a encore de la peur à réclamer les droits. » (p.55)
• Dans le Caracol III , La Garrucha : « Quand nous voyageons, nous rencontrons parfois des accidents, quelquefois les hommes ne se comportent pas bien dans les transports...Ceux des autres organisations se moquent de nous quand nous arrivons à occuper un poste, quand ils entendent que nous avons un poste ils se moquent de nous...ils disent que « ce que nous faisons ne sert à rien. » C’est là qu’est le problème, mais dans ces organisations il y a beaucoup de problèmes de viols, de mauvais traitements, par contre chez nous c’est différent parce que nous expliquons sans cesse la Loi sur les femmes. » (p.42)

9 : les femmes pourront occuper des postes de direction dans l’organisation et détenir des grades dans les forces armées révolutionnaires.
• Dans le Caracol IV , Morelia : « ...Nous avons occupé en tant que femmes, des postes de direction pour des tâches dans les zones situées à l’intérieur de l’autonomie, dans la santé, dans l’éducation, dans la production. Oui, il y a parmi nous des compagnes qui se sont déjà bien tirées d’un travail malgré les obstacles qui se présentent quand on avance, mais nous avons réussi à réaliser notre effort... »(p.55)
• Dans le Caracol V, Roberto Barrios : « Là-bas dans la Zone Nord, on est bien en train de réaliser cela, comme nous l’avons dit, (quoique) nous allons lentement dans la participation. Nous avons des compagnes responsables régionales, des miliciennes aussi participent, cela est bien en train de se faire... » (p.73)
• Dans le Caracol II, Oventik : « ...Ce point, nous disons qu’il est en train de se réaliser car il y a des compagnes intégrées à tous les postes de direction. Il y a des responsables locales, régionales, dans les comités, à tous les postes il y a des compagnes qui occupent différents grades militaires...Elles ont acquis leur droit en fonction de leur volonté et de leurs capacités. » (p.27)

10 : Les femmes auront tous les droits et les obligations indiqués par les lois et les règlements révolutionnaires.
• Dans le Caracol III, La Garrucha : « Nous savons bien dans notre lutte zapatiste, non seulement que nous disons que nous avons le droit mais que dans notre lutte autonome nous avons des obligations pour que cela soit une réalité conforme à nos souhaits dans nos villages, comme nous sommes en tain de le faire dans les villages. »...« En 1994, on apprit qu’il y avait notre Loi sur les femmes, que c’était une bonne chose, et nous y avons participé...avant 1994, les compagnes avaient subi beaucoup d’humiliations, de mauvais traitements, de viols mais cela n’importait pas au gouvernement...De même, les paysans ne tenaient pas grand compte des femmes. Les paysans avaient comme valets les compagnons, les compagnes se levaient très tôt pour travailler et les pauvres femmes continuaient à travailler avec les hommes, il y avait beaucoup d’esclavage ; maintenant nous ne voulons plus cela, c’est ainsi que se manifesta notre participation en tant que compagnes...Ce que nous voulons c’est que notre autonomie fonctionne, nous voulons participer, nous, en tant que femmes, et qu’on ne nous laisse pas derrière ; nous continuerons pour que le mauvais gouvernement voit que nous ne nous laisserons plus exploiter comme il l’a fait avec nos ancêtres. » (p.38)
• Dans le Caracol II, Oventik : « Ce que l’on veut faire c’est comme construire une humanité, ...celle que nous sommes en train d’essayer de changer, c’est un autre monde que l’on veut...ce que nous sommes en train de faire c’est la lutte de tous, hommes et femmes, parce que ce n’est pas une lutte de femmes ni une lutte d’hommes. Quand on veut parler d’une révolution, c’est qu’ils marchent ensemble, cela convient à tous, hommes et femmes, la lutte est ainsi faite. » (p.25)


A travers ces citations, nous avons la trace des progrès atteints à ce jour. Nous pouvons aussi prévoir que ces luttes ne vont pas s’arrêter là. C’est un processus qui continue sans cesse. Voici un témoignage : à l’Ecole primaire, il y avait trois maîtresses et trois maîtres qui nous faisaient les cours et la garderie, il y avait des hommes et des femmes en nombre égal et à responsabilités égales. De plus, il y avait quatre commandants chargés de la réception et de l’organisation pour amener les élèves dans les communautés et il y avait quatre commandantes qui s’adressèrent formellement à l’audience lors de la fermeture de la chaire « Tata Juan Chavez » au nom du commandement de l’EZLN.
Avec ses propositions, la Loi révolutionnaire sur les femmes a fait avancer la « justice de genre » par des chemins insoupçonnés et hors d’atteinte avant l’organisation zapatiste.

Sylvia Marcos


http://www.cnt-so.org/La-loi-revolutionnaire-des-femmes
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Re: Chiapas (Mexique)

Messagede bipbip » 26 Aoû 2014, 09:41

Soutien International aux zapatist@s contre la guerre de contre-insurrection au Chiapas

A la Société Civile Nationale et Internationale,
A la Sexta Nationale et Internationale,
Aux Médias libres, autonomes, indépendants ou comme ils s’appellent,
Aux Juntas de Buen Gobierno,
A l’EZLN,
Aux Bases d’appui de l’EZLN,



Communiqué en espagnol ici.

Communiqué en anglais ici.

Compañeras, Compañeros,

Depuis chacun de nos recoins de cette planète en résistance et en rébellion contre le capitalisme, nous nous rassemblons pour dénoncer publiquement la récente agression contre nos frères et sœurs Bases d’Appui de l’Armée Zapatiste de Libération Nationale, des intégrants de l’Organisation ORCAO (Organisation Régionale de Caféiculteurs d’Ocosingo) contre les BAEZLN des villages de San Jacinto, El Egipto, Kexil et El Rosario, de la Municipalité Autonome San Manuel.

Les intégrants de l’ORCAO sont arrivés le 25 juillet, armés, pour prendre la terre récupérée en tirant en l’air, construisant leurs toits et menaçant les BAEZLN et 3 communautés. Le 30 juillet ils sont venus empoisonner les bovins collectifs de la municipalité autonome et ont blessé un petit taureau. Continuant leur agression, le groupe armé est revenu le 1er août pour agresser les BAEZLN du village El Egipto, garçons, filles et compañeras ont dut se retirer pour ne pas avoir à affronter le groupe. Quelques 5 jours plus tard, ils sont revenus pour couper un arbre, et ont tiré en l’air à côté de deux villages zapatistes.

Finalement le 14 août, au petit matin, les paramilitaires de l’ORCAO ont entouré le village de San Jacinto et ont tiré dans les maisons, réveillant les comp@s BAEZLN qui y dormaient et qui ont dut se retirer dans l’autre village zapatiste, y laissant tous leurs biens.

Nous dénonçons énergiquement cette forte violation aux droits de l’homme, agression, persécution et répression et dénonçons une stratégie directe du mauvais gouvernement contre les zapatist@s pour contrecarrer les nouvelles initiatives zapatistes proposées durant l’échange entre le Congrès National Indigène et l’EZLN. Comme l’a manifesté le CDH Fraybartolomé de Las Casas, ceci est une guerre de contre insurrection que continue le mauvais gouvernement de l’État et le gouvernement fédéral avec ses alliés entrepreneurs contre les Zapatist@s.

Nous nous rendons bien compte que cette stratégie touche diverses régions du Chiapas. N’oublions pas non plus l’attaque contre nos frères et soeurs zapatist@s de la Realidad, l’assassinat de notre compagnon Galeano, et la destruction de la clinique et l’école de la communauté le 2 mai passé, perpétrée par les paramilitaires de la CIOAC-H.

Ceci est une attaque directe contre l’autonomie zapatiste, chaque fois les zapatist@s se font plus forts, et de plus en plus nous nous rendons compte que la construction de l’autonomie zapatiste, que cet autre monde qu’ils construisent, fonctionne et marche ! Nous aussi nous nous faisons plus forts et plus organisés, et les plans du mauvais gouvernement ne seront pas suffisants pour stopper l’avancée des zapatist@s.

SOLIDARITÉ AVEC LES PEUPLES ZAPATISTES VIVE LES COMP@S DE L’EZLN S’ILS TOUCHENT A UN-E ILS NOUS TOUCHENT TOU-T-E-S

Communiqué de la JBG du Caracol de la Garrucha (es) : http://espoirchiapas.blogspot.mx/2014/0 ... rucha.html

EL OTRO MEXICO
Consejo Autónomo Regional de la Zona Costa de Chiapas
Frente Civico Tonalteco
Centro de Derechos Humanos Digna Ochoa AC
Colectivo de Mujeres « Tejiendo Resistencias en La Sexta »
Comunidad Autónoma Ernesto Guevara de la Serna, Puebla.
Sector de Trabajadores Adherentes a la Sexta
DOCTORS FOR GLOBAL HEALTH-MEXICO
Colectivo Azcapotzalco adherente a la Sexta
Kolectivo de BoCa En BoCa
Pozol Kolectivo
Colectivo Radio Zapatista, Chiapas, México
Colectivo Votán Zapata
La Sexta del totonacapan
Colectivo Autónomo de Colaboración Social, Toluca, México
Biblioteca Popular
Somos El Medio

LA OTRA EUROPA
Asociacion Espoir Chiapas/ Esperanza Chiapas (Francia)
Comitato Chiapas « Maribel » - Bergamo (Italia)
ASSI (Acción Social Sindical Internacionalista
20zln - Milano - Italia
Groupe CafeZ, Liège Belgique
Casa Nicaragua", Liège, Belgique.
Associació Solidaria Cafè Rebeldía-Infoespai, Barcelona
Rl Centro de Documentación sobre Zapatismo -CEDOZ
Caracol Zaragoza
Gruppe B.A.S.T.A., Münster, Alemania
Alternative Libertaire (France)
UK Zapatista Solidarity Network :
Dorset Chiapas Solidarity Group
Edinburgh Chiapas Solidarity Group
Kiptik (Bristol)
London Mexico Solidarity Group
Manchester Zapatista Collective
UK Zapatista Translation Service
UK Zapatista Learning and Teaching Collective
Zapatista Solidarity Group – Essex
La Adhesiva, Barcelona.
CGT Estado Español
Union syndicale Solidaires, France
Fédération SUD éducation, France
Fédération anarchiste (France)
Comité Tierra Y Libertad, Lille France
Réseau Latino de Lille, France,
Caracol Solidario, Besançon, Francia
Associazione Ya Basta NordEst
asociación Mut Viyz 13 de Marseille, Francia
Les Grains de sable, Francia
Associazione Ya Basta ! Milano
La Reus, Cultural i Solidària per la Pau (Catalunya)

LA OTRA EEUU
Colectivo de la Red de Solidaridad con México
Chicago, Illinois, EEUU
Mexico Solidarity Network collective
Chicago, Illinois, USA


Lire aussi ici http://espoirchiapas.blogspot.mx/2014/0 ... tists.html

http://alternativelibertaire.org/?Souti ... x-zapatist
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Re: Chiapas (Mexique)

Messagede Pïérô » 08 Sep 2014, 15:20

Omar Esparza Zarate. Atavisme zapatiste

PORTRAIT Ce colosse mexicain lutte dans l’Etat d’Oaxaca pour les droits de l’homme et des communautés indigènes et paysannes.

Omar Esparza Zarate n’a pas choisi le zapatisme. Il en a hérité. De ses grands-pères, d’abord. Un révolutionnaire de la première heure d’un côté, un paysan mort assassiné de l’autre. D’Emiliano Zapata, bien sûr, et de son projet de réforme agraire visant l’expropriation des grandes exploitations et la restitution des champs aux populations indiennes. «Un symbole de la terre et de la démocratie.» De l’armée zapatiste de libération nationale, enfin, celle qui s’est insurgée le 1er janvier 1994 alors que l’Accord de libre-échange nord-américain entrait en vigueur. «Ce jour-là, nous avons vraiment cru que cela allait changer le monde», s’émeut le militant mexicain qui n’avait alors que 17 ans. Vingt ans plus tard, la «charge idéologique mais aussi politique» demeure chez ce convaincu qui, sans jamais prendre les armes, a épousé la cause.

Ce combat, il le mène désormais au sein du Mouvement agraire indigène zapatiste (Maiz), une organisation sociale de défense des droits de l’homme et de ceux des communautés paysannes et indigènes. Il y joue le rôle de coordinateur régional dans l’Etat d’Oaxaca. Dans ce bout du sud du Mexique, l’un des plus pauvres du pays, il lutte pour l’autonomie, l’autodétermination, la souveraineté alimentaire et se bat «contre la pression des grandes entreprises qui profitent des réformes du pouvoir vers toujours plus de flexibilité». Le tableau qu’il dresse est sombre. «Multiplication des agressions, militarisation accrue, exploitations agricoles de plus en plus grandes.» Et l’ennemi puissant. Mais David ne flanche pas face à Goliath.

Omar Esparza Zarate, pas si loin d’atteindre les six coudées et un empan du géant, n’a d’ailleurs pas grand-chose à lui envier. Plus que sur sa carrure de colosse, il mise sur le temps. «L’engagement, c’est de l’espoir, mais aussi de l’attente.» Et d’énumérer les actions déjà réalisées : amélioration des conditions de travail des paysans, barrages pour l’irrigation, routes, électrification des communautés, ateliers de formation. Il souligne la solidarité de la communauté humanitaire et les rencontres que son combat lui permet de faire. Car, ce dernier n’a plus de frontières.

Du passage du Mexicain à l’université d’été de la solidarité internationale, début juillet à Rennes, Madeleine Corre, militante locale, a retenu «la parole très forte, empreinte de bon sens». Lui parle de partage d’expériences. Aux Français qui s’interrogent sur le traité transatlantique, il veut narrer «les conséquences violentes pour les plus faibles» de l’accord de libre commerce qu’a signé son pays. Mais aussi l’accaparement des terres qui sévit depuis le retour des grands propriétaires dans les années 80. «Un phénomène mondial qui favorise l’agrobusiness, donne toujours moins aux petits producteurs et pousse les jeunes vers les villes, le narcotrafic ou l’exil aux Etats-Unis.»

A commencer par son propre père, longtemps travailleur saisonnier de l’autre côté de la frontière. Une désertification rurale qu’il vit comme une «aberration». Car, une fois la jeunesse partie, seuls restent pour se battre les plus de 50 ans. Difficile à encaisser pour celui qui porte le militantisme «en lui», comme allant de soi. «Mais si les jeunes sont moins politisés, ils savent se mobiliser face aux injustices, nuance-t-il. Leurs réactions sont plus spontanées.» Pour preuve, ils étaient nombreux à le soutenir lors de sa grève de la faim débutée le 29 avril pour protester contre l’impunité de l’assassinat de deux militants, Bety Cariño et de Jyri Antero Jaakkola.

Cette histoire, les médias en gardent peu de traces. Bety Cariño, militante mexicaine des droits humains, et Jyri Antero Jaakkola, Finlandais membre d’une ONG, sont morts le 27 avril 2010 sur la route de San Juan Copala, une commune indienne autoproclamée autonome. «Ils faisaient partie d’une caravane pacifique de solidarité humanitaire apportant des provisions aux habitants du village. Un groupe de paramilitaires les a attaqués», explique le militant. Pour Omar Esparza Zarate, les hommes armés qui ont tiré sur le convoi à l’approche de cette zone interdite pourraient être liés à des autorités locales. Dans cette région secouée par de fortes tensions entre communautés, «la corruption et le non-respect des droits de l’homme font partie du quotidien, commente-t-il. Et le travail de médiation sociale porté par les associations ne plaît pas à tout le monde».

Ce combat pour la paix, Omar Esparza Zarate le partageait avec sa compatriote Bety Cariño depuis de longues années. Elle était sa femme et la mère de ses enfants, âgés aujourd’hui de 13 et 10 ans. Mais de cela, il ne parle pas. L’homme est «discret et ne s’épanche pas», explique un militant français qui l’a connu au Mexique.

Autre silence, celui de la justice. «L’enquête n’avance pas, pourtant les preuves ne manquent pas. Aujourd’hui, un seul de ces hommes est en prison, mais pour un autre assassinat», enrage le militant. Face à l’inertie des autorités mexicaines, Omar Esparza Zarate se tourne vers la solidarité internationale. Le 2 juin 2010, il est reçu par la sous-commission des droits de l’homme du Parlement européen. Aux eurodéputés, il parle d’engagement moral face à la situation du Mexique qui «ratifie, mais ne respecte pas les traités internationaux et viole quotidiennement le principe du droit à la vie». L’Union européenne s’engage. L’ONU aussi. Tout comme le nouveau président du Mexique, Enrique Peña Nieto, arrivé au pouvoir en décembre 2012, qui promet de faire la lumière sur l’affaire. Malgré tout, rien ne se passe. Alors, si Omar Esparza Zarate vient en France, c’est aussi pour cela. Pour remettre sur la table, encore et toujours, la question de cet assassinat, porte-étendard de tous les autres. Soit «120 000 morts depuis 2006. Et des milliers de disparus», lâche-t-il d’une voix écrasante, comme un hommage. «Si un cas aussi emblématique ne fait pas bouger les choses, qu’espérer pour tous les autres assassinés qui n’ont pas cette visibilité ?»

Aujourd’hui, Omar Esparza Zarate partage sa vie avec une Française agronome et vient d’avoir un troisième enfant. Pour sa fille et ses deux fils, il rêve d’un monde plus juste, plus humain. Seront-ils militants ? «Peut-être, mais à leur manière.» A-t-il peur parfois ? «Non», balaye-t-il d’une œillade. Refusant toute protection policière malgré les menaces, il poursuit son travail de médiation et de promotion des droits des indigènes. «Ces assassinats sont là pour casser la tentative de dialogue», commente-t-il. Une bonne raison pour ne pas abandonner, «même si certains chemins finissent en cul-de-sac.» Car douter serait une erreur. Lui veut construire. «Etre la graine, pas le fruit.» Photo Martin Colombet

Omar Esparza Zarate en 6 dates

10 mai 1976 Naissance au Mexique.

1er janvier 1994 Soulèvement de l’armée zapatiste de libération nationale.

2006 Rejoint le mouvement Maiz.

27 avril 2010 Assassinat de Bety Cariño et Jyri Antero Jaakkola.

2 juin 2010 Intervention au Parlement européen.

29 avril 2014 Débute une grève de la faim de seize jours.

Amandine CAILHOL

http://www.liberation.fr/monde/2014/08/ ... te_1088160
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Re: Chiapas (Mexique)

Messagede bipbip » 13 Oct 2014, 06:27

Le Chiapas se mobilise et s’unit, pour dénoncer le massacre de Ayotzinapa, à San Cristobal de Las Casas

La journée du 8 octobre a été la date décidée pour une mobilisation nationale et internationale, en soutien au familles et aux victimes assassinées, ou disparue la nuit du 26 au 27 septembre à Iguala, ville située dans l’état du Guerrero.

... http://espoirchiapas.blogspot.mx/2014/1 ... ivile.html
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Re: Chiapas (Mexique)

Messagede bipbip » 26 Oct 2014, 11:56

Chiapas

Une compilation d’articles et de communiqués, ainsi que sur les luttes politiques au Mexique et des peuples indigènes du continent sud-américain. En rejoignant la « Sexta » des Zapatistes, Alternative libertaire entend défendre l’autonomie des peuples et les expériences d’auto-organisation et d’autogestion.

http://alternativelibertaire.org/?Chiapas
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Re: Chiapas (Mexique)

Messagede Pïérô » 18 Nov 2014, 01:09

Guillaume Goutte :
« La lutte zapatiste est toujours aussi intéressante, sauf pour les grands médias »

Les zapatistes, qui avaient défié la modernité néolibérale en 1994, semblent passés de mode. Les grands médias n’en parlent plus, au point que l’on pourrait, loin des milieux militants, les croire disparus. Que deviennent-ils ? Quels enseignements peut-on tirer de leur expérience ? Pourquoi le sous-commandant Marcos a-t-il cédé sa place, il y a quelques mois ? Guillaume Goutte, auteur de Tout pour tous — L’expérience zapatiste, une alternative concrète au capitalisme et éditeur de textes zapatistes, a répondu à nos questions.

... http://www.revue-ballast.fr/guillaume-g ... ds-medias/
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