Ukraine

Re: Ukraine

Messagede bipbip » 01 Avr 2014, 01:50

Ukraine : Rien à attendre de l’Europe ni de la Russie

Entre la révolution orange de 2004, et l’« euroMaidan » de 2014, bien des choses ont changé en Ukraine. L’image d’un Eldorado européen pouvant attirer les populations « post communistes », s’est considérablement ternie à coup de mesures drastiques d’austérité et de diktats du FMI. Les leaders politiques ukrainiens avaient encore une certaine crédibilité. Ils l’ont aujourd’hui en partie perdue : En 2014 les « leaders » s’auto-proclament comme tels et ne sont pas forcément suivis par la foule. Pendant dix années les partis se sont successivement alliés puis combattus, se succédant à la tête du pays sans que rien ne change pour une population appauvrie, maintenue sous le joug d’une dictature, molle ou dure et à plusieurs têtes, selon la période.

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Re: Ukraine

Messagede bipbip » 28 Avr 2014, 00:31

Dans Courant Alternatif 239 avril 2014
Ukraine : un hiver plutôt chaud

Indépendante depuis 1991, à la suite de la chute de l’Union Soviétique, l’Ukraine se voit aujourd’hui au centre d’un conflit géopolitique impliquant d’un côté l’Union européenne et les États-Unis (alliés à travers l’OTAN) et de l’autre la Russie.

Pour l’Union européenne c’est un défi, va-t-elle pouvoir protéger et remettre sur pied ce pays au bord de la crise économique ? L’OTAN, menée par les États-Unis, s’agrandissant de plus en plus depuis la fin de la guerre froide, a une réelle opportunité à la suite de la chute du gouvernement ukrainien pro-russe de Ianoukovytch de grignoter un peu plus un ancien pays du bloc de l’Est.

Pour la Russie, c’est un retour en arrière. La révolution orange de 2004 avait mis les pro-européens au pouvoir, mais la situation a été rétablie en 2010 à la suite de la victoire du « Parti des Régions » (le parti de Ianoukovytch). Un retour de l’Ukraine dans le camp russe n’est plus possible à présent. La Russie doit à présent mener une bataille afin de conserver ce qui peut l’être et peut-être même accroître dans une certaine mesure son influence régionale et mondiale.

Ces derniers temps la Russie a su jouer de sa carte politique avec brio, avec comme plus grande victoire la proposition du démantèlement de l’arsenal chimique syrien, contrecarrant toute intervention potentielle de la part de l’OTAN. La Russie avait, pour la première fois depuis la fin de la guerre froide, entravé les actions des États-Unis, ce qu’elle n’avait pas réussi à faire lors du démantèlement de la Yougoslavie par exemple. Elle a également démontré une intransigeance lors du conflit en 2008 avec la Géorgie. Petit rappel des faits : Saakachvili, le président Géorgien, avec la bénédiction de son allié américain, lance une offensive pour reprendre le contrôle de l’Ossétie du Sud. De nombreux soldats russes en garnison dans la région sous mandat onusien et des citoyens russes habitant dans la région sont tués lors de l’offensive initiale. La Russie décide donc d’intervenir militairement. Résultat, dix jours plus tard l’Ossétie du Sud, mais également l’Abkhazie, une autre région échappant à l’autorité géorgienne, sont devenues de véritables états fantoches dirigés par Moscou.

Mais ce conflit ne repose pas uniquement sur des luttes d’influence entre superpuissances. Il prend ses sources dans un nationalisme exacerbé couplé à la mémoire d’un passé trop souvent douloureux. Pour bien comprendre la source du problème il faut revenir un peu en arrière.

Un peu d’histoire sur l’Ukraine…

Le chemin de l’indépendance ukrainienne est long. Ce territoire a longtemps été convoité par les grandes puissances alentour. Entre le IXè et le XIIIè siècle, la principauté de Kiev (également appelée Rus’ de Kiev) y est maîtresse. Les Mongols prennent alors contrôle de la région, mais au XIVè siècle la Pologne les supplante. En 1649, l’Ukraine devient brièvement indépendante après la révolution cosaque, mais en 1764, cherchant un débouché sur les mers du sud, la Russie prend définitivement l’emprise sur la région.

La révolution russe de 1917 met le pays à feu et à sang. Les armées blanches contrôlent la majorité du pays au début du conflit. Au sud-ouest, la Roumanie occupe la Bessarabie et la Bukovina. On voit la création de la République populaire à l’ouest du pays, et au sud-est ce sont les anarchistes de la Makhnovtchina qui gèrent la région. Pour les bolcheviques, la conquête de l’Ukraine, véritable grenier à blé pour la Russie, est primordiale et la majorité du pays passe sous leur contrôle en 1919. A la fin de la même année, la guerre soviéto-polonaise éclate. Après trois ans de conflit, une paix est signée et l’ouest de l’Ukraine passe alors sous contrôle polonais.

De 1931 à 1933, l’Union Soviétique, à la suite du premier plan quinquennal et en raison de la collectivisation des terres qui se déroule mal, connaît de grandes famines. Le nombre particulièrement élevé de victimes en Ukraine (certaines estimations donnent jusqu’à 5 millions de victimes), ainsi que la gestion de cette crise par le gouvernement soviétique, lui ont donné un nom : Holdomor, signifiant littéralement « extermination par la faim » en ukrainien. Cette famine est vue par certains comme un génocide soviétique programmé, visant spécifiquement le peuple et les aspirations nationalistes ukrainiennes. Alors que d’autres soutiennent que la famine a touché avec une gravité toute aussi sévère certaines régions russes ou kazakhs. Mais nous n’allons pas nous attarder sur ce débat. L’important est de comprendre que pour le peuple ukrainien, Holdomor est bel et bien un génocide orchestré par les russes. Aujourd’hui ce souvenir est encore présent dans les esprits de beaucoup d’ukrainiens.

La seconde guerre mondiale vient à nouveau modifier les frontières de l’Ukraine lors du partage de la Pologne en 1939. Le 22 juin 1941, l’armée allemande envahit l’Union Soviétique. La quasi-totalité de l’Ukraine est conquise dès la fin de l’année. Une partie de la population, et plus particulièrement les paysans ayant eu leur terre confisquée lors des collectivisations, accueille l’armée allemande comme des libérateurs. L’OUN (l’Organisation des Nationalistes Ukrainiens) collabore dans un premier temps pleinement avec l’armée allemande. Cette organisation prend ses sources dans des groupes existants déjà avant-guerre et créés par des ukrainiens réfugiés en Europe de l’ouest. Dès les années 1930, ils reçoivent un soutien notable du gouvernement du IIIème Reich. Mais leurs aspirations indépendantistes rentrent vite en conflit avec l’idéologie nazie, et dès 1942 les allemands répriment par la force l’OUN. Les nationalistes ukrainiens luttent dès lors aussi bien contre les allemands que contre les soviétiques qui reprennent peu à peu le territoire soviétique perdu en début de guerre. La victoire soviétique sur les allemands ne met pas fin à la guérilla ukrainienne. L’OUN continue le combat, mais le pouvoir soviétique est trop important. À la fin des années 1950 l’insurrection est vaincue. En 1954, la Crimée, faisant alors partie de la République Soviétique Russe, est donnée comme cadeau à l’Ukraine pour célébrer le 300ème anniversaire de son rattachement à la Russie. Ce transfert, à l’époque bien insignifiant, prend aujourd’hui toute son importance.

…et sur la Crimée

La Crimée, cette péninsule de plus de 25’000 km2 (un peu moins grande que la Belgique) se jetant dans la mer Noire fait depuis peu les gros titres des médias. Elle abrite près de deux millions de personnes. Un recensement fait en 2001 découpe la population de la sorte : 58 % de russes, 24 % d’ukrainiens et 12 % de Tatars (les 6 % restant sont d’origines diverses).

Son histoire est également très mouvementée et cette région a déjà vu son lot de batailles. Durant l’Antiquité, de nombreux comptoirs grecs s’y installent. La région passe ensuite sous contrôle romain, et les invasions barbares ne l’épargnent pas. C’est pendant ces invasions que les Tatars, cherchant à fuir les Mongols, s’installent dans les montagnes de Crimée aux alentours du XIIIè siècle. Au XVe siècle, ils embrassent l’islam (sunnite) et forment le Khanat de Crimée qui va perdurer jusqu’en 1783. Leur protecteur et allié principal est l’Empire Ottoman, avec qui le commerce d’esclaves est florissant. Ces esclaves proviennent de raids comme lors du pillage de Moscou en 1571.

A la fin du XVIIIè siècle, la Russie, cherchant un débouché sur les mers du sud, prend définitivement contrôle de la Crimée et une russification du territoire est dès lors mise en place. C’est à partir de ce moment que Sébastopol devient également le port principal pour la marine russe en mer Noire. L’expansionnisme russe vers le sud prend fin après la défaite en 1856 lors de la guerre de Crimée. Lors de ce conflit, une coalition, principalement franco-anglaise, débarque sur la péninsule et capture Sébastopol après un siège de près d’un an. Les combats durant la seconde guerre mondiale sont également très importants. Les allemands conquièrent en 1942 la péninsule. Durant l’occupation, un certain nombre de Tatars criméens sont incorporés dans la Légion Tatar, une unité auxiliaire de la Waffen SS. Cette collaboration va coûter aux Tatars une déportation quasi-totale de leur population en Asie centrale dès 1944. Ce n’est qu’en 1967 qu’un décret supprime les accusations de collaboration. Les Tatars peuvent alors retourner en Crimée, bien qu’ils ne reçoivent pour cela aucune aide du gouvernement soviétique.

A noter qu’il y avait également des Tatars engagés au sein de l’Armée Rouge et que des unités aussi bien géorgiennes que turkmènes, mais également ukrainiennes et même russes ont servi au sein de l’armée allemande.

La période de la guerre froide fait prendre à l’Ukraine une place importante sur l’échiquier stratégique et politique. De par sa position géographique, une forte présence militaire est maintenue par les soviétiques, si bien que ce n’est qu’en 1996 que l’Ukraine termine de transférer à la Russie, pour qu’elles soient détruites, les dernières armes atomiques de l’époque soviétique présentes dans son pays.

L’indépendance

L’Ukraine déclare son indépendance le 24 août 1991. Les régions à majorité russophone votent également pour l’indépendance. On constate tout de même un pourcentage de votants bien inférieur au reste du pays dans ces régions. Il faut noter que d’après le recensement de 2001, plus de 17 % de la population est officiellement russe. Elle est principalement groupée dans l’est du pays et en Crimée. N’ayant aucun autre port assez grand pour abriter sa marine, et avec l’accord de l’Ukraine, la Russie garde une base militaire à Sébastopol.

Leonid Kravchuk devient le premier président de l’Ukraine en 1991. Leonid Kuchma le remplace en 1994. Sa présidence sera marquée en novembre 2000 par le « scandale des cassettes ». Oleksandr Moroz, un politicien de l’opposition, accuse le président d’avoir été impliqué dans l’assassinat du journaliste Georgiy Gongadze. Une campagne sous l’appellation « L’Ukraine sans Kuchma ! » est alors lancée et la popularité de Kuchma chute drastiquement. Les États-Unis et l’Europe soutiennent l’opposition, la Russie elle continue de soutenir le pouvoir en place. On a là les premiers signes d’un affrontement « est-ouest » pour la domination de l’Ukraine.

Le 21 novembre 2004, Viktor Ianoukovytch (pro-russe), est élu. L’opposition pro-européenne crie scandale. C’est le début de la « révolution orange » (l’orange étant la couleur du parti d’opposition) qui durera près de 15 jours. Avec à sa tête Viktor Iouchtchenko et Ioulia Tymochenko, la protestation gagne en intensité. Sous la pression des manifestants, la Cour suprême annule le scrutin du 21 novembre et de nouvelles élections sont organisées. Le 26 décembre Viktor Iouchtchenko les emporte avec 52 % des voix.

Il est à noter une certaine ressemblance entre la révolution orange et les événements survenus en Serbie en 2000 ou encore en Géorgie en 2002, où les gouvernements pro-russes se font remplacer par des gouvernements pro-européens à la suite de grands mouvements sociaux (financés et soutenus à chaque fois par les Etats-Unis).

Iouchtchenko est donc au pouvoir, mais son gouvernement est très instable et des conflits entre Ioulia Tymochenko et lui entachent son régime. Plus grave encore est l’offensive économique et politique lancée par la Russie via la société Gazprom. Entre 2005 et 2009, la Russie, n’appréciant pas la politique pro-européenne de l’Ukraine, joue sur sa mainmise sur le gaz. C’est à coup de hausses de prix, d’accusations et de menaces (parfois concrétisées) sur l’approvisionnement qu’elle fait pression sur l’Ukraine. L’Europe, et tout particulièrement les pays de l’est, ne disposant que de quelques semaines de réserves, est indirectement, mais volontairement, touchée par cette crise également.

En 2010, profitant des conflits internes du parti au pouvoir, Ianoukovytch remporte les élections. Le nouveau pouvoir tente alors de serrer la vis afin d’éviter une deuxième révolution orange. Il centralise de plus en plus le pouvoir et en 2011, Ioulia Tymochenko est condamné à 7 ans de prison pour abus de pouvoir.

En novembre 2013, la signature de l’accord d’association entre l’Europe et l’Ukraine est repoussée par le gouvernement sous la pression de la Russie. Ceci est l’élément déclencheur des événements survenus en Ukraine ces derniers mois.

Ça commence !

Les manifestations prennent de l’ampleur, passant de quelques milliers de manifestants le 21 novembre 2013 à des centaines de milliers le 24. Les protestations son parfois très virulentes et l’on dénombre des dizaines de blessés aussi bien dans les rangs des protestataires que de la police. Le 26 novembre, le gouvernement tente d’apaiser les tensions et déclare que les accords devant être signés avec l’Europe sont toujours sur la table des négociations. A l’Ouest, de nombreux messages de soutien envers les manifestants émergent de la part de différents gouvernements.

La contestation se propage au reste du pays. La place de l’indépendance à Kiev (Maidan) est investie par les pro-européens. On y voit flotter des drapeaux ukrainiens et européens. Dans la masse, on aperçoit également un certain nombre de drapeaux composés de deux bandes horizontales, une rouge et une noire. Ces couleurs sont celles de l’extrême droite, certains groupes se revendiquant même de l’OUN. La présence de cette extrême droite qui est également très bien organisée rend la situation encore plus confuse. Les différents courants et groupes de la gauche radicale, aussi bien en Ukraine qu’en Russie, sont divisés sur la question. Mais certains groupes, comme les syndicats libres d’Ukraine, ont participé activement aux événements et aux structures d’auto-organisation de la place Maidan.

Des camarades, impliqués dans ces événements nous ont rappelés que de tout temps les nationalistes ont été impliqués dans les révoltes se déroulant dans la sphère d’influence politique russe, que ce soit en Pologne en 1863 ou à Budapest en 1956. A leur avis, la participation active de la gauche dans ces mouvements qui sont réellement populaires est vitale.

La présence de l’extrême droite n’a été que très peu médiatisée en occident, alors que, du côté russe, par exemple sur Russia Today (RT), cette extrême droite fait les gros titres. Nous précisons que Russia Today est une chaîne de télévision russe internationale, proche du gouvernement, diffusée en anglais, en espagnol et en arabe. Elle est l’équivalente à France 24, Al Jazeera, CNN, la BBC ou encore dans une certaine mesure la CCTV chinoise. Les russes avaient besoin d’un média pouvant concurrencer ceux déjà en place et la création de RT (en 2005) n’est pas anodine. Au temps de la guerre froide, intervenir ou faire de l’ingérence dans un pays se justifiait simplement par opposition à l’autre bloc. Mais depuis la fin du XXe siècle il faut innover. La dissolution de la Yougoslavie est un parfait exemple. Là les médias occidentaux parviendront efficacement à faire passer la cause indépendantiste comme juste auprès de la population par exemple.

Mais revenons sur la place Maidan. Le soir du 30 novembre, la police spéciale ukrainienne Berkut, vide avec une extrême violence la place après avoir brouillé les ondes des téléphones cellulaires. La délégation européenne appelle le gouvernement ukrainien à ne pas utiliser la force et Jeffrey Payette, ambassadeur américain en place, menace et prévient qu’il y aurait de graves conséquences si la situation ne change pas.

Le début de décembre voit les premières occupations de bâtiments publics, la place Maidan est réoccupée. On y installe des tentes et des barricades. Des forces d’auto-défense sont créées, les opposants s’organisent. Le 8 décembre, la statue de Lénine du marché de Bessarabsky est renversée. On y plante à la place un drapeau ukrainien et un drapeau noir et rouge de l’extrême droite. Les bureaux de plusieurs journaux et partis d’opposition sont investis et saccagés par la police. Le 11, avant le lever du soleil, la place est encerclée. Les affrontements continueront jusqu’au petit matin, des appels à l’aide de la part des encerclés se font entendre, et en quelques heures des milliers de personnes arrivent en renfort. La police est finalement repoussée.

Le campement se fait plus important, les barricades sont réparées après les affrontements de la nuit, des hôpitaux de fortune sont installés pour soigner les coups et les gelures. Le reste du pays n’est pas épargné et des manifestations ont également lieu dans de nombreuses autres villes, comme à Kharkiv ou à Lviv. On rapporte des refus d’ordre de la police également. Des discussions impliquant l’opposition et le gouvernement se mettent en place. De petites concessions sont faites de la part du gouvernement, comme la libération de quelques manifestants emprisonnés, mais on note encore une censure importante lors des retransmissions de ces discussions dans les médias. L’opposition maintient que rien n’a été fait pour répondre à ses demandes.

Le gouvernement est en pleine crise, plusieurs figures de l’administration se voient retirer leur poste à la demande de Ianoukovytch, certaines sont même accusées d’abus de pouvoir pour la répression sur la place. Ceci ne suffit pas à calmer l’opposition. Le 15 décembre, c’est devant près de 200’000 manifestants que les sénateurs américains Christopher Murphy et John McCain s’adressent à la foule et renouvellent le message de soutien de la part de leur pays.

La Russie, sentant que son allié est en train de perdre la partie, tente de l’aider comme elle peut. Ianoukovytch se rend à Moscou et des accords sont signés. Il lui est promis que 15 milliards d’euro-obligations appartenant à l’Ukraine seront rachetées par la Russie et que le prix du gaz sera revu à la baisse. Mykola Azarov, alors premier ministre, rétorque que sans cette aide, le pays aurait très vite sombré et aurait dû déclarer banqueroute. Le 29 décembre, on manifeste devant la résidence personnelle du président à plus de 10km de Kiev. Un convoi de voitures avait été organisé par AutoMaidan, une branche du mouvement contestataire qui utilise leurs véhicules, que ce soit pour barricader des rues, aider à convoyer des manifestants sur des points névralgiques lors des différentes attaques de la police ou encore pour ravitailler la place Maidan.

Le 1er janvier 2014, c’est une marche aux flambeaux de près de 15’000 personnes qui est organisée pour commémorer la naissance de Stephan Bandera, figure emblématique du nationalisme ukrainien mais très controversée pour sa collaboration avec le régime nazi. Maidan est toujours occupée malgré la pression de la police. Quand le courant est coupé, des générateurs de secours sont installés. On organise le ramassage des déchets et on ravitaille les occupants en nourriture et en bois pour se chauffer.

Le 15 et 16 janvier le gouvernement fait passer de nouvelles lois. Une criminalisation des méthodes utilisées par l’opposition est mise en place. Interdiction de se masquer ou de se casquer, d’installer une tente en public ou encore de faire du « révisionnisme » sur les crimes fascistes de la seconde guerre mondiale. Lorsque plusieurs dignitaires européens s’indignent de ces nouvelles lois, le ministre des affaires étrangères ukrainiennes, Leonid Kozhara, répond que ces lois existent déjà dans de bon nombre de pays européens.

Le 17, les crises internes au pouvoir s’accentuent quand le chef de l’armée de terre ukrainienne, Hennadiy Vorobyov, est démis de ses fonctions après avoir perdu la confiance de Ianoukovytch.

La confrontation continue dans le froid glacial, le nombre de blessés et de morts augmente de chaque côté. Les groupes d’extrême droite appellent à prendre les armes tandis que le gouvernement refuse d’admettre l’usage d’armes à feux par la police, bien que des manifestants sont parfois trouvés criblés de balles. Il faut également noter qu’il existe au sein du camp gouvernemental des groupes, soutenus et financés par le pouvoir, qui agissent depuis le début de la crise contre les révolutionnaires, le sale boulot leur étant souvent confié.

Le 25 janvier, sentant la situation lui échapper complètement, Ianoukovytch propose plusieurs postes clefs à l’opposition, une amnistie aux occupants des différents bâtiments et un changement en profondeur de la constitution. Il serait même prêt à dissoudre le gouvernement d’Azarov si sa proposition est acceptée. L’opposition déclare qu’il laisse la proposition sur la table sans l’accepter pour le moment.

Le ministère de la justice est brièvement occupé le 27 et des manifestations deviennent violentes également à Dnipropetrovsk, Zaporizhya, Cherkasy et Sumy avec de nombreuses arrestations.

La situation dans le camp de Ianoukovytch se détériore encore et Azarov remet sa démission le 28 janvier. Le 30, on retrouve une figure éminente du mouvement AutoMaidan torturée mais vivante après avoir disparu depuis plus d’une semaine. Ce cas d’enlèvement n’est pas unique en Ukraine au point où certaines comparaisons ont été faites avec les escadrons de la mort en Amérique latine.

Le 18 février est marqué par de sérieux combats lorsque les manifestants tentent de marcher sur le parlement. Des coups de feux retentissent, les morts se comptent par dizaines, les blessés par centaines, et cela aussi bien dans un camp que dans l’autre. Le lendemain un état d’urgence est de facto mise en place. Des postes de contrôle sont installés, les transports publics et les écoles fermés. Le ministre des affaires intérieures, Vitaly Zakharchenko, autorise l’utilisation d’armes létales contre les manifestants.

C’en est fini avec Ianoukovytch…

Mais à la surprise générale, Ianoukovytch (et une grande partie de son cabinet) prend la fuite pour la Russie dans la nuit du 21 février. L’opposition a remporté la bataille. Un nouveau gouvernement est formé avec les leaders des principaux groupes et une partie de l’opposition. L’ancien président, qui se trouve en sécurité en Russie, est accusé de meurtre de masse.

Ce nouveau gouvernement doit faire face à de nombreuses difficultés. Les nouveaux dirigeants de l’Ukraine voudraient un retour à la normale au plus vite. Mais les dizaines de milliers de personnes, qui ont lutté pendant des mois dans des conditions extrêmes, qui ont su créer des structures d’auto-organisation et d’auto-défense, ont prévenu qu’ils ne lèveront leur camp qu’après les élections prévues le 25 mai. Bien que la droite soit toujours bien présente (mais divisée), des camarades des syndicats libres ont formé des milices ouvrières dans plusieurs villes comme à Kiev ou à Kirovograd.

En Russie également tous ces événements font écho. Bien que la côte de popularité de Vladimir Putin n’ait jamais été aussi haute, de nombreuses manifestations ont été organisées à travers le pays contre son pouvoir quasi-monarchique. La répression est très lourde et des milliers de manifestants anti-Putin sont arrêtés.

En Ukraine, la réaction à la chute du gouvernement pro-russe ne s’est pas fait pas attendre. Rappelons que près de 17% de la population ukrainienne est russe, et que dans certaines régions cette proportion monte jusqu’à 70%.

Des manifestations pro-russes ont eu lieu dans plusieurs villes comme à Donetsk, à Odessa ou encore à Sébastopol. Des drapeaux russes sont hissés à la place des drapeaux ukrainiens. On peut lire sur les flyers et les banderoles que le nouveau gouvernement ukrainien est composé de fascistes, des allusions au collaborationnisme ukrainien de la seconde guerre mondiale se font entendre. Mais partout ou des pro-russes manifestent, des opposants défendant l’intégrité de l’Ukraine sont également présents.

A Donetsk et à Luhansk, les bâtiments de l’administration régionale sont investis début mars par les pro-russes et une nouvelle administration est mise en place. Mais dans les jours qui suivent, la police (à présent dans le camp du nouveau gouvernement pro-européen) lance l’assaut et reprend la situation en main.

Sergueï Lavrov, ministre des affaires étrangères russes, dénonce la situation chaotique qui existe dans l’est de l’Ukraine. Aux États-Unis on parle déjà d’un casus belli potentiel de la part de la Russie pour une intervention en Ukraine.

…mais pas du conflit

La situation dans l’est du pays semble à présent sous contrôle. C’est par contre une toute autre histoire en Crimée. Des manifestations pro-russes se déroulent à Kerch et à Sébastopol. Malgré les slogans antifascistes scandés lors de ces manifestations, un certain nombre de drapeaux jaune et noir (faisant référence au drapeau de la Russie tsariste) sont visibles. Ces couleurs sont utilisées par des mouvements d’extrême droite en Russie. Le 26 février à Simferopol, capitale de la Crimée, on se bat entre pro-russes et anti-russes. Les Tatars, qui portent en eux le souvenir de leur déportation de 1944, sont également dans la rue. Le conflit monte en intensité quand des miliciens pro-russes armés et très bien organisés installent un point de contrôle sur la route reliant Sébastopol à la capitale régionale. Le lendemain, l’isthme de Perekop est sécurisé par des unités issues des forces de la police spéciale Berkut, dissoutes par le nouveau gouvernement mais travaillant à présent contre celui celui-ci. Des hommes appartenant au Night Wolves (l’équivalent en Russie des Hells Angels) gardent les bâtiments administratifs à Sébastopol pour le compte des Russes. Des miliciens équipés à la russe sécurisent également l’aéroport de Simferopol.

Washington met en garde la Russie contre toute tentative d’intervention en Crimée. Mais le 1er mars, le premier ministre de facto criméen, Sergueï Aksyonov, lance un appel à la Russie pour venir sécuriser et ramener la paix dans la région. La Russie répond à l’appel en autorisant formellement l’utilisation des forces armées sur le territoire ukrainien. Sortant de leur base à Sébastopol, des soldats Russes encerclent un bon nombre de casernes ukrainiennes. Des navires de la flotte russe font également le blocus de plusieurs ports abritant des bateaux de guerre ukrainiens. Le 2 mars, l’amiral de la flotte ukrainienne, Denis Berezovsky, change de camp et prête allégeance aux nouvelles autorités criméennes. Un jour plus tard, c’est au tour de toute une base aérienne, la 240ème brigade d’aviation tactique, forte de 800 hommes, de changer de camp, mais des 45 chasseurs MiG-29 seuls quatre sont véritablement opérationnels. Le 4 mars, les médias russes sortent le chiffre de 5000 soldats ayant fait défection, emportant avec eux tout leur matériel. Les jours suivant on s’affronte, en général sans échange de coup de feu, pour faire tomber les casernes encore aux mains de l’armée ukrainienne.

A Kiev, on crée la Garde Nationale. Cette force, qui doit atteindre 60’000 hommes, doit officiellement « assurer la sécurité de l’état, défendre les frontières et éliminer les groupes terroristes ». Mais quelles sont les réelles motivations derrière cette Garde Nationale ? On peut voir par cette action le besoin de créer une unité militaire politiquement et idéologiquement fiable, car il serait tout à fait possible que si la situation dans l’est du pays venait à mal tourner pour les ukrainiens, un certain nombre d’unités changeraient de camp également. La deuxième raison est de canaliser et de réintégrer ces milliers de personnes ayant pris les armes lors de événements sur la place Maidan. Le nouveau gouvernement a peur de leur potentiel, le peuple ayant prouvé ce qu’il peut accomplir et le nouveau pouvoir veut éviter à tout prix que cela se reproduise. L’aide promise par l’Union européenne n’arrivera également qu’au compte-goutte tant que la situation n’est pas normalisée. C’est donc une urgence pour le nouveau gouvernement de réintégrer ce potentiel révolutionnaire. Ceci n’est bien sûr pas un fait nouveau : le pouvoir a de tout temps tenté, avec plus ou moins de réussite, ce genre d’opération.

Le 16 mars, la Crimée vote favorablement avec plus de 90 % de oui pour se détacher de l’Ukraine et réintégrer la Russie. Les pays occidentaux, et même, dans une moindre mesure, la Chine, condamnent cette action. L’occident accuse la Russie d’annexion pure et simple, les médias comparent même cette action aux agissements de l’Allemagne nazie sur les Sudètes et lors de l’Anschluss sur l’Autriche. Côté russe, les médias utilisent les mêmes tactiques. On voit en Crimée de grandes affiches appelant à voter le 16 mars avec d’un côté, la Crimée remplie d’un énorme svastika (représentant le nouveau pouvoir en place à Kiev), et de l’autre côté, la Crimée arborant le drapeau russe.

La distribution de nouveaux passeports russes dans la péninsule a déjà commencé. Certaines bases ukrainiennes résistent encore. Plusieurs personnalités russes et ukrainiennes sont alors frappées de sanctions de la part des américains. Le lendemain la Russie rétorque et fait de même. En Europe, certain pays, se souvenant des coupures dans l’approvisionnement du gaz russe, sont tout de même réticents à aller trop loin et à fâcher l’ours russe.

En marge de ces échanges de coups politiques, une certaine montée en puissance militaire se fait dans les deux camps. Mais ceci reste très symbolique : une escadrille d’avions de chasses américains envoyés en Pologne, des missions de surveillance aérienne à la frontière de Kaliningrad ou encore l’envoi d’un destroyer en mer Noire. La Russie répond aussi et envoie quelques avions en Biélorussie. On assiste également à une médiatisation sans précédent des exercices menés par l’armée russe, et cela dans les deux camps. Pour les occidentaux, ces exercices sont montrés comme des préparations à une invasion globale de l’Ukraine et ce n’est peut-être pas tout à fait faux, ceux-ci étant bien une démonstration de force de la part de la Russie, d’où leur grande couverture dans la presse russe.

Mais l’issue d’un affrontement ne fait aucun doute et il est très peu probable que le nouveau pouvoir ukrainien veuille « mourir pour Sébastopol ».

YD

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Re: Ukraine

Messagede Pïérô » 08 Mai 2014, 10:58

Déclaration du SAT-Kiev sur la tragédie d’Odessa

Plus de 40 personnes ont été tuées et près de 200 ont été blessées dans les affrontements tragiques entre combattants de droite à Odessa le 2 mai : hooligans de football et auto-défense d’Euromaïdan d’un côté ; staliniens, paramilitaires pro-russes et police locale de l’autre.

Cela a commencé quand une foule en guerre, composée d’hommes portant les « rubans de Saint-Georges » et des brassards rouges (ces brassards ont également été repérés sur certains officiers de police), brandissant des bâtons et des armes à feu, s’est approchée de la marche « pour l’Ukraine unie » qui était constituée d’hooligans de droite, rejoints par une foule de personnes civiles. Alors que les combats ont commencé entre les deux bords, la police anti-émeute a fourni une couverture aux assaillants et a coopéré avec eux. 4 personnes ont été tuées. Il est à noter que, dans les jours précédents, les manifestants Antimaïdan ont marché à maintes reprises dans le centre d’Odessa sans n’avoir jamais rencontré de réaction physique, que ce soit de la part de leurs adversaires politiques ou de la police.

La foule de civils « pro-ukrainiens » ne s’est pas dispersée après la fusillade ; furieux, ils se sont lancés dans une contre-attaque. Alors que les affrontements devenaient assez intenses, certains des combattants pro-russes se sont repliés dans le centre commercial Afina, qui a ensuite été bloqué par la police. La foule, incitée par des hooligans, a poursuivi l’autre partie des assaillants et a continué en mettant en déroute le campement Antimaïdan situé près de la Maison des syndicats. Les manifestants Antimaïdan se sont alors enfuis vers ce bâtiment où les entrées ont été barricadées. Il convient également de noter qu’Alexey Albu, leader de l’organisation stalinienne Borotba, a personnellement exhorté les manifestants à entrer à l’intérieur du bâtiment bloqué, bien que lui-même ne les a pas rejoint. Nous voyons cela comme une preuve suffisante pour que toute organisation de gauche ou anarchiste dans le monde rompe tout lien, qu’il soit financier ou d’information, avec cette organisation. En leur envoyant de l’argent, vous financez la guerre civile ; en diffusant leurs déclarations et en les soutenant moralement, vous contribuez à leur propagande de guerre.

Les violences se sont poursuivies quand la foule d’Euromaïdan a entouré la maison des syndicats et quand des combattants des deux bords ont tiré des coups de feu et des cocktails Molotov, lancés à la fois en direction et depuis le toit de l’immeuble. En ce moment, il n’est pas encore évident de savoir quel facteur a le plus contribué à l’incendie, qui en a brûlé certains et a asphyxié les autres.

Nous sommes certains que la violence des hooligans d’extrême droite fait partie intégrante de cette tragédie. Cependant, il est clair que cette violence a été planifiée et calculée. Les personnes qui devraient également être tenues pour responsables sont les instigateurs pro-russes et la police locale qui les a soutenus.

Les membres du SAT tiennent à exprimer leurs profondes condoléances pour les victimes. Ils ont été la proie des intérêts des forces qui tentent systématiquement de provoquer une guerre civile en Ukraine. Malheureusement, de grandes parties de la classe ouvrière sont désorientées et servent simplement de marionnettes aveugles entre les mains de ces forces, en donnant leur vie pour des choses et des idées parfaitement stupides et dénuées de sens. L’effet immédiat de l’escalade de ce conflit tragiquement inutile est la division de la classe ouvrière en Ukraine. Alors que certains travailleurs menacent de déclencher une grève politique en soutien au mouvement Antimaïdan, plusieurs membres de la (pro-Maïdan) Confédération des syndicats libres sont kidnappés par les forces Antimaïdan. Au lieu de prendre une position unie contre les politiques néolibérales du gouvernement, des prolétaires se dédient à se combattre les uns les autres pour les intérêts de diverses cliques bourgeoises.

Le résultat final de ces politiques va être une guerre civile en Ukraine, ce qui signifie une catastrophe suprême pour la classe ouvrière. Nous ne sommes pas des pacifistes et nous serons du côté de la classe ouvrière toutes les fois qu’elle se bat contre la bourgeoisie, et peu importe avec quelles formes ces luttes se mènent – mais ce n’est pas le cas en Ukraine aujourd’hui. Le prolétariat désorienté et faible va s’engager dans son autodestruction ; les résultats seront la chute drastique des standards de vie, la montée du chômage et des activités criminelles, et la perte d’un grand nombre de vies. Toutes les perspectives d’auto-organisation et de mobilisation de la classe ouvrière seront enterrées pour un certain temps.

Nous pouvons voir que ce scénario est imposé par l’alliance entre différents groupes d’extrême-droite, nazis, conservateurs et les staliniens. Il est important de comprendre que le mouvement Antimaïdan ne peut pas être considéré comme une « protestation sociale de la classe ouvrière » : les exigences typiques de ce mouvement dans les différentes villes sont dictées par les cléricaux conservateurs les plus réactionnaires (abolition des cartes d’identité électroniques, car elles contiennent ‟le Nombre de la Bête”[*] ; interdiction de la vaccination, etc.) et ont très peu à voir avec les intérêts des travailleurs.

D’autre part, nous sommes écœurés par la réaction du grand public de droite, libéral et patriotique, qui se réjouit des morts d’Odessa. Aussi dans l’erreur qu’aient pu être les personnes tuées, elles n’auraient pas dû mourir dans cet accident bestial. De même que des travailleurs ukrainiens se rangent aux côtés de différents mouvements d’extrême-droite en guerre, ils glissent davantage du socialisme à la barbarie.
Le remède est bien connu : nous devons réaliser nos propres intérêts de classe, nous organiser dans les lieux de travail et diriger notre colère contre le véritable ennemi, pas les uns contre les autres. Dans des jours comme ceux-ci, la solidarité mondiale des travailleurs signifie beaucoup. La classe ouvrière mondiale est destinée à s’éliminer elle-même : soit dans le processus de la révolution sociale et la construction d’une société sans classes, soit dans le processus d’une guerre totale barbare.

Ni dieux, ni maîtres, ni nations, ni frontières !

Syndicat autonome des travailleurs - Kiev (syndicaliste révolutionnaire)

ACT - Автономна Спілка Трудящих

Le 5 mai 2014



Traduction : XYZ/OCLibertaire

NdT :
[*] Sorte de figure de l’Antéchrist. Référence à un passage (Apocalypse) du Nouveau Testament, voir ici : http://fr.wikipedia.org/wiki/Nombre_de_la_B%C3%AAte



Avec photos et vidéo : http://oclibertaire.free.fr/spip.php?article1523
Image------------ Demain Le Grand Soir --------- --------- C’est dans la rue qu'çà s'passe --------
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Re: Ukraine

Messagede leo » 15 Mai 2014, 01:02

Україна

Contre le régime de Kiev et la junte de l’Est !

Déclaration du SAT (syndicaliste révolutionnaire) sur le conflit dans les régions de l’Est


Publié le 14 mai 2014

Il y a une confrontation continue sur le territoire de l’Ukraine entre les groupes de la classe dirigeante locale et russe qui font s’opposer les travailleurs les uns contre les autres et attisent l’hostilité, et se rapprocher le pays d’un état de guerre civile. Les événements de Mariupol sont la matérialisation de cette confrontation. Beaucoup de gens, les combattants et les civils, les militaires professionnels et les conscrits, ainsi que les volontaires, ont, dans les deux camps du conflit, souffert des conséquences de l’‟opération anti- terroriste”.

C’est une situation critique pour les travailleurs. Le gouvernement traite toutes les personnes qui protestent dans le mouvement anti- Maïdan de la même manière : les soldats ne comprennent pas sur qui ils tirent, et ceux qui sont abattus ne comprennent pas pourquoi meurent. Les deux camps en conflit manipulent leurs “fantassins” avec un cynisme particulier, et c’est pourquoi les travailleurs en viennent à lutter pour des idées qui n’ont rien à voir avec leurs intérêts matériels de classe.

Les unités militaires ukrainiennes et d’autres groupes armés se battent pour les idéaux insensés de national-patriotisme et « l’unité de la nation », tandis que les séparatistes se battent pour la création d’un nouvel État et/ou l’adhésion à la Russie. Dans tous les cas, l’objectif est l’État nation bourgeois avec ses bureaucrates, ses policiers, ses juges, ses prisons, ses capitalistes et ses miséreux.

Désormais, il y a déjà des dizaines de victimes et de morts à la suite des combats entre ces deux mouvements réactionnaires. L’incompétence de l’armée d’une part et la dépravation des combattants de l’autre font croître les pertes de façon significative.

Les plus hauts rangs du mouvement anti-Maïdan sont généralement constitués de militaires à la retraite ainsi que de hauts fonctionnaires de la police restés fidèles à l’ancien régime. Par conséquent, la direction des « républiques populaires » dans les régions de l’Est de l’Ukraine peut en effet être désignée comme une junte : une dictature de la police et des forces armées.

Les groupes fascistes et de criminels présents dans ce mouvement donne à cette junte un caractère global profondément réactionnaire et radicalement opposé aux intérêts de classe des travailleurs dans les régions de l’Est.

La propagande pro-russe dépeint les combattants séparatistes comme des combattants de la résistance antifasciste. Selon cette propagande, l’‟opération anti-terroriste” lancée par le gouvernement ukrainien n’est rien d’autre qu’une attaque des fascistes ukrainiens du ‟Secteur Droit”, dont le rôle dans ces événements et dans bien d’autres s’en trouve de manière consternante gonflé hors de toute proportion.

Le ‟Secteur Droit” est une coalition mal coordonnée de plusieurs organisations d’extrême-droite. Sa structure sociale se compose de jeunes d’extrême droite et de groupes criminels. La structure sociale des combattants des ‟républiques populaires” est similaire pour l’essentiel : adolescents, gangsters et éléments déclassés. La popularité du ‟Secteur Droit” en ce moment est très faible (inférieur même à celui du Parti communiste de l’Ukraine totalement discrédité) ; en outre, le ‟Secteur Droit” se trouve dans une situation de guerre secrète avec le gouvernement ukrainien.

En raison des opérations de relations publiques permanentes de la communauté internationale soi-disant antifasciste, le ‟Secteur Droit” est en train d’acquérir l’image terrible d’une puissante organisation qui dirige presque l’État ukrainien, ce qui n’est évidemment pas vrai. Cependant, nous ne cherchons pas à minimiser le problème des mouvements fascistes en Ukraine. Le SAT a insisté à plusieurs reprises sur l’escalade de la violence d’extrême-droite, qui vise notamment les militants de gauche, et ce dès 2012, sous le régime de Ianoukovitch. Les militants du SAT ont également été attaqués. Un de nos camarades a été presque tué par les néo-nazis qui l’avaient attaqué avec des couteaux. En outre, le lieu de la manifestation du 1er de cette année a dû être déplacé en raison de menaces d’affrontements avec l’extrême droite.

Résister aux mouvements fascistes a été l’une des principales tâches du mouvement anarchiste en Ukraine pendant une longue période. Contrairement à de nombreux ‟antifascistes” post-staliniens dans les pays occidentaux, nous connaissons ce problème de première main et non à partir d’Internet. Et pourtant, nous et nos camarades avons réussi à organiser des manifestations anarchistes le 1er mai avec un programme social, anticapitaliste et antinational à Kiev, à Kharkiv et à Jitomir.

Les anarchistes n’ont pas l’intention de céder du terrain aux nazis et au gouvernement de la droite libérale. C’est le STA qui a organisé la campagne de protestation de la gauche radicale contre le parti au pouvoir ‟Bat’kivshyna” [‟Patrie”].

Nous sommes prêts à poursuivre la lutte contre l’État, le capital et l’extrême-droite qui les protègent. Mais ce combat est cent fois plus difficile lorsque l’État, l’Église, les structures de la police et des mouvements fascistes sont unis en une seule force. Telle est la situation dans le Donbass, où ‟l’armée de la république populaire de Donetsk” est dirigée par Igor Strelkov, l’homme des services secrets de la Russie et grand fan du mouvement tsariste historique Garde Blanche ; où l’organisateur du référendum, le fondateur du mouvement ‟Donbass Orthodoxe”, consulte le leader du plus ancien mouvement néo-nazi post-soviétique, le légendaire Alexandr Barkashov ; où les militants de l’anti-Maïdan manifestent leur solidarité et leurs respects envers une autre icône des fascistes européens – Aleksandr Douguine ; où le co-président du ‟Gouvernement de la république populaire de Donetsk”, Denis Pushilin, regrette ouvertement que la révolution de 1917 ait mis fin au tsarisme et la qualifie de ‟sanglant désastre” .

Les slogans sociaux n’ont pas été insérés dans les manifestes et les documents officiels des séparatistes, alors qu’il y a beaucoup de phrases sur la paix sociale et les intérêts de la « petite entreprise ». À l’heure actuelle, la Junte criminelle et fasciste de l’Est organise des tortures et des enlèvements de militants syndicaux.

Le nationalisme est l’ennemi mortel des travailleurs. Ceci est prouvé par les événements actuels en Ukraine, où les fascistes des deux bords aident la classe dirigeante à écraser physiquement le peuple travailleur. La question est : combien de victimes et de destructions seront nécessaires avant que prolétariat ukrainien le réalise.

Nous exigeons du gouvernement de Kiev qu’il retire immédiatement les troupes des villes, et de la junte de l’Est qu’elle cesse de terroriser les travailleurs pacifiques. Notre objectif est de poursuivre la résistance sur tous les fronts et de construire contre vents et marées un mouvement ouvrier révolutionnaire.

Nous appelons nos compagnons travailleurs ukrainiens à s’aligner derrière nos intérêts de classe communs, parmi lesquels la paix et la solidarité, mais pas la lutte insensée pour garder des territoires ou leur séparation. La lutte des classes n’a rien à voir avec la lutte pour la redistribution du pouvoir. Quel que soit le vainqueur de la confrontation entre le gouvernement et les séparatistes, – nous perdrons, et c’est pourquoi son boycott est notre priorité. Ignorer les décisions du gouvernement, renoncer au militarisme, mener des grèves et construire un mouvement ouvrier révolutionnaire – telles sont nos armes contre la guerre qui nous est imposée. Nous ne pouvons compter que sur nous-mêmes et sur la solidarité internationale d’autres organisations de la gauche radicale. Si nous ne commençons pas à nous lever maintenant, nous devrons faire face à des temps parmi les plus difficiles.

Ni dieux, ni maîtres, ni nations, ni frontières !

Prolétaires du monde entier, unissons-nous !

Kiev, le 14 mai 2014


SAT Syndicat Autonome des Travailleurs
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Traduction : XYZ pour OCLibertaire

source : http://oclibertaire.free.fr/spip.php?article1526
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Re: Ukraine

Messagede Pïérô » 17 Mai 2014, 11:18

Sur le site d'Anarkismo
UKRAINE : L'anarchisme dans un contexte de guerre civile

Traduction française de http://anarkismo.net/article/26991

Vendredi 2 mai, la maison des syndicats d'Odessa a pris feu. Au moins 42 personnes ont trouvé la mort au cours des affrontements qui ont lieu dans cette ville, la plupart dans l'incendie et quelques autres dans les combats de rues. Il y a un excellent témoignage direct des événements disponible ici : http://napaki.livejournal.com/100072.html (en russe, non lu par le traducteur).
Les événements ont commencé alors que des combattants armés antiMaidan et pro-russes ont attaqué une manifestation organisée par des ultras de football aux sympathies nationalistes. Cette agression a fait quelques morts mais les pro-russes se sont rapidement retrouvés dans une situation défavorable. Ils se sont retirés vers leur campement de protestation dans le parc de Kulikovo mais les manifestants pro-Kiev les y ont suivis et ont mis le feu au camp. Les pro-russes se sont ensuite réfugiés dans la maison des syndicats, qui a rapidement pris feu aussi. On peut voir sur cette video (http://www.youtube.com/watch?v=s9AMjLBI ... e=youtu.be) comment l'incendie s'est propagé. A la deuxième minute, on peut voir une flamme derrière une fenêtre fermée, ce qui laisse supposer qu'une partie de l'incendie a démarré à l'intérieur. Ce qui est possible, à cause des accidents liés à l'utilisation de cocktails Molotov, utilisés des deux côtés lors des combats. Cela dit, on voit aussi des nationalistes pro-ukrainiens jeter des cocktails Molotovs, ce qui les rend au moins partiellement responsable de l'incendie.
Il y a des doutes quant au fait de savoir si le noyau dur des pro-russes qui ont attaqué la manifestation avec des armes à feu étaient, ou non, des provocateurs hors-sol. Dans tous les cas, il est certain que parmi les gens qui étaient dans la maison des syndicats, il en était qui n'avaient absolument rien à voir avec l'agression. Dans un certain nombre de photos, on peut voir la police protéger le noyau dur des agresseurs. En dehors de ça, la police a été très passive pendant l'incendie et n'est pas intervenue dans les évènements. Même si elle n'était peut-être pas partie prenante d'une conspiration, ils n'ont dans tous les cas pas du tout agi de manière professionnelle.
Pendant le week-end, les troupes du gouvernement central et les « fédéralistes » locaux ont levé une guerre dans la ville de Kramatorsk en Ukraine de l'est. Ce qui signifie que ce qui se passe actuellement en Ukraine peut d'ors et déjà être considéré comme une guerre civile. Dans les semaines qui viennent, nous allons découvrir à quel point cette situation de guerre va s'étendre et si la Russie va y intervenir, ou non. Je me considère très informé du contexte russe puisque j'ai vécu plus de 12 ans à Moscou, mais cela ne veut pas dire que je le suis autant pour l'Ukraine. Je n'ai seulement visité le pays que trois fois dans les dernières années et je n'ai guère plus qu'une vingtaine d'ami-e-s là-bas. Malgré tout, en me renseignant un peu sur ce qui se passe en Ukraine, j'ai vite compris qu'une guerre civile pouvait devenir un scénario possible là-bas. Tous mes ami-e-s ukrainiens, cependant, étaient absolument certain-e-s qu'une telle chose ne pouvait arriver là-bas. Et ce malgré toutes les différences entre l'Ukraine occidentale et l'Ukraine orientale, personne n'était préparé à tuer en leurs noms. Illes étaient convaincu-e-s que l'Ukraine ne deviendrait jamais une autre Yougoslavie. Tou-te-s avaient des connaissances, des ami-e-s et des amant-e-s des deux côtés du fleuve Dnieper, et ukrainophones et russophones. Mais en ne prenant en compte que ses propres ami-e-s, on tombe vite dans le piège du microscope, oubliant de ce fait tous les mécanismes qui créent de la haine sur un large niveau.
La guerre ne requiert pas une haine personnelle entre les gens, les raisons économiques et géopolitiques sont suffisantes. Et en Ukraine, les intérêts géopolitiques sont nettement plus grands qu'en Yougoslavie. Si quelqu'un a intérêt à attiser les haines ethniques ou les sentiments belliqueux, un simple petit accrochage à base ethnique suffit. Quelques violences, meutres et kidnappings et tout le monde est en ordre en bataille. Ca a marché aujourd'hui en Ukraine juste comme ça a marché dans de nombreux autres endroits.
A l'heure actuelle, la « gauche » occidentale semble assez désorienté à propos des évènements en cours là-bas. C'est parce que la « gauche », au sens large, n'est pas vraiment un concept utile dans l'ex-URSS, puisqu'elle peut signifier n'importe quoi depuis les sociaux-démocrates jusqu'aux anarchistes, en passant par les staliniens qui soutiennent Poutine. Personnellement, je préfère toujours écrire ce mot entre guillemets. Je me sens anarchiste, pas de « gauche », puisque depuis maintenant un certain nombre d'années les anarchistes ont été la seule force politique en Russie qui combinait les principes éthiques d'opposition au racisme, au sexisme et à l'homophobie avec ceux de l'égalité sociale. Jusqu'à très récemment, il n'y a pas vraiment eu quelque chose de l'ordre de la « nouvelle gauche » en Russie, à l'exception d'une poignée de trotskistes.
Une fracture au sein de la « gauche » en Ukraine est non seulement très probable mais aussi nécessaire. A Kharkiv, dans les combats de rues, l'organisation stalinienne « Borotba » (qui signifie lutte en ukrainien) a combattu contre les côtés où se trouvaient les anarchistes. Dans la région de l'ex-URSS, 99,9 % de la « gauche » supportera toujours l'impérialisme sous prétexte d'être « avec le peuple ». Il est temps que les anarchistes refuse l'association sémantique avec le terme « gauche ». Nous n'avons rien en commun avec ces gens.
Mais les anarchistes aussi peuvent se retrouver facilement manipulé-e-s avec des expressions à la mode tels que « auto-organisation » et « démocratie directe ». Par exemple, Boris Kagarlitsky, un russe intellectuel très connu dans la « gauche » occidentale et fréquemment invité dans les Forums Sociaux Mondiaux a trouvé un terrain favorable en Occident en utilisant de tels expressions à la mode.
Apparemment, les anarchistes d'Ukraine et de Russie n'ont pas pu anticiper les développements qui ont mené à la guerre civile. On n'y a seulement débattu autour de Maidan en se demandant si ce mouvement pouvait offrir quelque chose de mieux que le régime de Yanukovitch. On ne s'y attendait pas à ce que la Russie réagisse à une victoire de Maidan par une escalade consciente de la violence du conflit, et qu'il pourrait finalement dégénérer en guerre civile.
Alors que la Russie est la machine de propagande et le fournisseur d'armes principal du conflit, les pays occidentaux ne font guère mieux, en ne prenant en compte que les intérêts du nouveau gouvernement à Kiev et présentent le mouvement en Ukraine orientale comme un ensemble de pantins de la Russie. La branche armée des « fédéralistes » sont indéniablement des pantins du Kremlin, mais si le mécontentement n'était pas largement partagé et qu'il n'y avait pas de manifestation contre le nouveau régime de Kiev, cette branche armée n'aurait jamais fleurie.
Je ne crois pas qu'une guerre civile était l'objectif du Kremlin. En premier lieu, il s'agissait de déstabiliser l'Ukraine au maximum afin de forcer Kiev à abandonner ces velléités de regagner le contrôle sur la Crimée. Maintenant la situation est hors de contrôle du Kremlin et il sera peut-être contraint d'envoyer des troupes régulières pour remplir sa promesse de soutien donnée aux « fédéralistes ».
Le gouvernement à Kiev a envoyé tellement de « derniers ultimatums » aussi vite oubliés et a annoncé tellement d' « opérations anti-terroristes » qui n'existaient pas qu'il est clair qu'il n'a que très peu de troupes opérationnelles. A quelques occasion, les troupes du gouvernement central ont en réalité pris part aux évènements et les résultats en ont été tragi-comiques. En conséquence, le gouvernement comprend bien que la question reste ouverte quant à savoir s'il est en capacité de remporter une guerre civile si celle-ci viendrait à se développer. Cependant, il comprend aussi que la guerre peut permettre de discipliner la société et de stabiliser le nouvel ordre et que soient oubliées et enterrées les promesses faites au mouvement. Avec le temps, les deux camps en sont arrivés à la conclusion qu'une véritable guerre civile pourrait s'avérer nécessaire pour leurs intérêts, même si personne ne l'avait programmé au début pour autant.

Désaccord dans le mouvement anarchiste

Au cours des évènements, les mouvements anarchistes d'Ukraine et de Russie ont explosé en trois camps distincts. Un premier groupe s'est concentré sur la production de communiqués internet condamnant les deux côtés du conflit. Pour elleux, rester en dehors de toute dynamique sociale est une question de principe et ils ne veulent que relater et analyser. Participer à la protestation sociale n'est pas un but pour elleux et ils préfèrent garder les mains propres. Puisque chacun des camps est influencé par des libéraux écoeurants, des nationalistes détestés et des affreux staliniens, tous en même temps, ou par d'autres indésirables, on ne peut pas pleinement participer à rien et la seule alternative est de rester à la maison et de publier des communiqués sur Internet à propos de comment la situation va de pire en pire. Cependant, la majeure partie du temps, ces communiqués sont tout simplement évidents et remplis de banalités.
Un deuxième groupe s'est composée autour de celleux qui se sont trouvé-e-s tout excité-e-s par tout ce « riot-porn » et cette violence anti-police à Kiev, sans véritablement considérer qui perpétrait ces violences et dans quels intérêts. Certains antifascistes ont même dérivé au point de soutenir « l'unité nationale » dans Maidan et de menacert des anarchistes de Kiev qui critiquaient Maidan et refusaient d'y participer. La plupart des gens de ce camp sont juste des fans de la violence anti-police sans autre cadre théorique mais quelques uns essaient de donner à Maidan un parfum (imaginé) anti-autoritaire, en prétendant que l'assemblée générale de Maidan (« Veche ») équivaut aux conseils révolutionnaires mis en place durant les révolutions du 20ème siècle. Ils appuient cette analyse sur les revendications sociales qui sont parfois présentées à Maidan, mais ces revendications étaient toujours à la marge de l'ordre du jour de Maidan.
L'une de ces revendications périphérique étaient que les oligarques devraient payer un dixième de leurs revenus en taxes et était généralement articulée avec un populisme nationalisme. Cependant, les revendications de Maidan Kiev étaient toujours très loin de ramener à la société les milliards volés par les oligarques. A Vinnytsa et Zhitomir, il y a eu une tentative d'exproprier des usines appartenant à des capitaux allemands mais c'était le seul cas d'un éventuel dépassement du cadre libéral-national auquel je suis familier.
Dans tous les cas, le problème principal de Maidan n'était pas le manque d'un ordre du jour social ou le manque de démocratie directe, mais bien le fait que les gens ne le revendiquaient même pas. Même si tout le monde n'arrêtait pas de répéter qu'illes ne voulaient pas d'une autre « révolution orange » comme en 2004, ni d'un retour de Yulia Timoshenko, ce sont à la fin toujours les industriels du chocolat Poroshenko and Vitaly Klitchko qui sont en tête des sondages. C'était le choix du peuple après être ressorti épuisé de la voie révolutionnaire proposée par les nationalistes radicaux du Secteur Droit. Comme c'est là, les gens veulent retourner à « la vie normale », la vie avant Yanukovitch et ne sont pas prêt-e-s à faire des sacrifices que des développements révolutionnaires plus profonds exigeraient. La démocratie représentative est bien comme un hydre, si tu en coupes une tête, deux poussent à sa place.
Cependant, aucune des craintes de « renversement fasciste » ne s'est matérialisée. Les fascistes n'ont gagné que très peu de pouvoir et leur rôle historique en Ukraine va désormais être de jouer les troupes d'élites pour faire appliquer les réformes libérales exigées par le FMI et l'Union Européenne, c'est-à-dire des coupes budgétaires dans les retraites, une augmentation par 5 fois du prix du gaz etc. Le fascisme en Ukraine est traditionnellement assez puissant, mais il a été incapable de promouvoir réellement son propre agenda dans la vague révolutionnaire. C'est un schéma largement similaire à celui du parti Svoboda [stalinien] qui va complètement se discréditer vis-à-vis de ses électeurs.
Mais n'importe qui essayant d'intervenir, anarchistes compris, s'est retrouvé dans cette même situation – qui est d'être mis sur la touche after tous ces efforts. Pendant les manifestations, les anarchistes et la « gauche » enviait jalousement le Secteur Droit mais finalement toute la visibilité et la notoriété qu'ils ont chèrement payées n'ont pas suffi à leur offrir une véritable influence.
Si les anarchistes avaient adopté la position d' « observateurs-trices neutres » après que Yanoukovitch ait tué des manifestant-e-s, illes auraient été complètement discrédité-e-s. Si après avoir été tué-e-s, la classe des travailleu-r-ses ou plus exactement « le peuple », c'est-à-dire la classe des travailleu-r-ses associée aux couches les plus basses de la bourgeoisie, avaient échoué à renverser Yanoukovitch, la société ukrainienne aurait plongé dans un sommeil léthargique comme les sociétés russes et biélorusses en font l'expérience. Evidemment, après le massacre, il ne restait plus le choix : il fallait renverser le pouvoir, quoiqu'il puisse arriver à sa place après. Les anarchistes à Kiev n'étaient absolument pas en position d'influencer la situation de manière significative, mais rester à côté n'était plus une option envisageable.
Et c'est là que nous arrivons à la troisième et dernière position envisagée par les anarchistes et que nous appellerons « centriste » : entre l'activisme sans cervelle, et la neutralité des communiqués sur Internet. Le camp des anarchistes réalistes ont compris que, même si les protestations de Maidan manquaient définitivement d'un programme conséquent et positif, il fallait faire quelque chose ou le futur serait terrible.

Les limites de l'intervention

A Kiev, les anarchistes ont pris part à un certain nombre d'initiatives importantes au cours de la vague révolutionnaire – d'abord l'occupation du ministère de l'éducation1 ou encore le raid contre le bureau de l'immigration par le groupe local NoBorder, qui cherchaient des preuves de la collaboration illégale avec les services de sécurité d'autres pays. Mais l'intervention anarchiste la plus réussie a été celle de Kharkiv, où Maidan était relativement faible mais aussi davantage libéré de l'influence nationaliste.
Malgré tout, un tel centrisme a aussi ses propres problèmes. L'un d'entre eux est qu'il peut favoriser les mauvaises forces politiques à gagner du pouvoir et ainsi discréditer la protestation radicale. Un deuxième problème peut aussi être celui de finir par se battre pour un combat qui n'est pas le nôtre. Quand les antiMaidan ont attaqué Maidan dans la ville de Kharkiv, leurs ennemis fantasmés n'étaient pas les anarchises mais l'OTAN, l'UE ou les fascistes de l'Ukraine occidentale. Puisque les anarchistes y avaient fait le choix de rejoindre Maidan, il aurait été lâche de leur part de déserter une fois le combat engagé. Donc, les anarchistes ont fini par se battre aux côtés des libéraux et des fascistes. Je ne veux pas critiquer les anarchistes de Kharkiv ; après tout ce qu'illes ont fait était peut-être la tentative la plus aboutie parmi les anarchistes ukrainiens d'influencer le cours des choses mais ce n'était pas, loin de là, la bataille et les alliés qu'ils auraient souhaité.
Et donc, vient le moment où la désertion se fait impérative, et c'est quand commence la guerre civile. Là maintenant, il est encore trop tôt pour faire un véritable bilan définitif des tentatives des anarchistes pour influencer Maidan mais après le début de la guerre civile, Maidan ne jouera plus de rôle véritable. A partir de là, l'assemblée va progressivement se tourner vers l'armée et les fusils d'assaut remplacer les cocktails Molotov. La discipline militaire remplace l'organisation spontanée.
Quelques partisan-e-s de l'organisation ukrainienne Borotba (qui veut dire Struggle) et le Front de Gauche Russe prétendent qu'illes essaient de faire actuellement la même chose que ce que les anarchistes ont fait à Maidan, c'est-à-dire diriger les manifestations vers des revendications sociales. Mais le mouvement AntiMaidan n'a pas de structures de démocratie directe, pas même déformées. Il a rapidement adopté un modèle hiérarchique hérité des organisations militaires. Les leaders d'AntiMaidan sont en réalité d'anciens officiers de police et de l'armée de réserve. Ce mouvement ne cherche pas à exercer de l'influence sur les masses mais à s'imposer par le pouvoir militaire et les armes. C'est parfaitement logique puisque, si l'on en croit un récent sondage, même dans la région la plus « fédéraliste » de Lugansk, seule 24 % de la population est favorable à un renversement armé des structures de gouvernement2. Dans cette situation, AntiMaidan ne peut compter sur une victoire à travers des manifestations de masse.
Alors que, dans sa nature, Maidan était une protestation nationaliste et libérale de classe moyenne soutenue par une partie de la bourgeoisie, AntiMaidan est purement contre-révolutionnaire, en tendance. Bien sûr, AntiMaidan a ses propres bases. On pourrait être tenté d'y intervenir, mais une intervention supposerait une approche de type soviétique et impérialiste. Le Parti Communiste Russe, Borotba, le Front de Gauche Russe et Boris Kagarlitsky ont tous rejoint ce camp soviético-patriote. Intervenir au sein de Maidan faisait davantage de sens tant que l'ennemi restait les forces de police anti-émeute « Berkut » et des truands mercenaires. Quand les opposants sont des participants d'AntiMaidan induits en erreur, il ne fait dès lors plus sens de se battre dans la rue.
Quand on regarde des deux côtés de ce conflit, on peut voir une tendance dangereuse, que chaque anarchiste et anti-autoritaire va devoir affronter dans l'avenir : la récupération de la rhétorique et de la terminologie anti-autoritaire pour servir les idéologies hiérarchiques. D'un côté, les « nationalistes autonomes » qui ont trouvé beaucoup de sympathies parmi les anarchistes et de l'autre, des intellectuels tels que Boris Kagarlitsky. Tout deux définissent leur propre camp belliqueux avec des attributs comme « démocratie directe » et « auto-organisation ». En réalité, ces caractéristiques sont soit présentes de manière déformée soit pas du tout. Quand deux courants nationalistes différents « s'auto-organisent » pour s'entre-mutiler et s'entretuer, il n'y a rien à célébrer. A la suite des évènements en Ukraine, il est clair que les anarchistes doivent expliquer au monde la différence de nature entre « auto-organisation » et auto-organisation...
Selon le sondage auquel je me référais plus haut, en Ukraine orientale dans son ensemble, seulement 12 % soutiennent les actions armées des « fédéralistes », alors que le gouvernement de Kiev est soutenue par environ 30 % de la population. Les 58 % restants ne soutiennent aucun des deux partis belligérants et dans des conditions de guerre civile, c'est la majorité sur laquelle on devrait compter. Nous devrions encourager les désertions et les évitements de conflit. Sous de totalement autres conditions, et si les anarchistes avaient davantage d'influence, nous pourrions former des unités indépendantes contre les deux camps belligérants.
Des civils non armé-e-s sont parvenu-e-s à empêcher des bains de sangs en se plaçant au milieu des troupes comme des boucliers humains. Sans une telle forme de désobéissance civile, une véritable guerre aurait probablement pu éclater bien avant. Nous devrions soutenir ce mouvement et tenter de le diriger à la fois contre les « fédéralistes » and les troupes gouvernementales.
Au cas où la Russie réagirait en occupant des territoires en Ukraine orientale ou le pays dans son ensemble, nous pourrions nous inspirer des partisan-e-s anarchistes de la 2nde Guerre Mondiale qui se sont battu-e-s en France et en Italie. Dans de telles conditions, l'ennemi principal est l'armée occupante, en tant qu'elle va s'affronter à l'ensemble de la population très rapidement. Mais il est aussi nécessaire de se garder à distance maximum des éléments nationalistes de la résistance, puisque la moindre alliance avec eux entravera la réalisation de notre programme dans le cadre de la résistance.
Les évènements à Odessa sont une tragédie et il est possible que parmi les personnes qui sont mortes dans la Maison des Syndicats certaines n'avaient pas pris part aux violences. Les gens qui ont jeté des cocktails molotovs sur le bâtiment auraient du en prévoir les conséquences. Même si la propagation de l'incendie n'est pas uniquement de leur faute, ce n'est pas qu'illes ne s'y sont pas employé-e-s.
Si la guerre civile se répand, ces morts ne sont que le début. Il ne fait aucun doute que des deux côtés, la majorité ne veut qu'une meilleure vie pour leurs proches et leur terre natale et nombreu-x-ses sont celleux qui détestent d'autant oligarques et gouvernements. Plus des gens sincèrement ingénu-e-s meurent, plus la pression se fait grande de soutenir l'une ou l'autre des factions en guerre. Et nous devons lutter contre cette pression.
Alors qu'il peut éventuellement valoir le coup d'avaler des lacrymogènes ou de tâter de la matraque pour une révolution bourgeoise, il n'y a aucun sens à mourir dans une guerre civile qui oppose deux camps également bourgeois et nationalistes. Ca ne serait pas un autre Maidan mais quelque chose de complètement différent. Aucun sang, ni celui des anarchistes ni de personne d'autre, ne devra couler pour cette stupidité.

Traduction française : Gio, CGA

http://anarkismo.net/article/26998
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Re: Ukraine

Messagede Damned » 20 Mai 2014, 17:30

Très bon article mais ça ne laisse pas vraiment beaucoup d'espoir, les anarchistes ukrainiens semblent cruellement manquer de sens de l'organisation et de coordination. Pourtant il y a une longue tradition de communisme libertaire en Ukraine Orientale...
Comme quoi on semble manquer le coche à chaque fois.
Est ce qu'on a quelque chose sur une éventuelle solidarité internationale anarchiste ? (Récent)

Salut'
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Re: Ukraine

Messagede Pïérô » 21 Mai 2014, 00:01

Je ne sais pas si l'article est bon en soi, je pense qu'il reflète là où en sont quelques uns-unes là bas et en l'état, et je trouve que la fin du texte peut rentrer en contradiction avec ce qui semble énoncé au début tout en rejoignant une position déjà exposée par d'autres et lisibles ici au dessus. Je pense d'ailleurs que c'est plutôt celle que je partage sur le sens, parce que je partage cette tentative de ne pas être que un texte politique intemporel mais avec une recherche d'inscription en terme d'agir et en dynamique, qui semble bien difficile de construire, d'avantage en pratiques qu'en théorie d'ailleurs, et évidemment parce que c'est bien plus facile de produire des déclarations d'intentions que de construire un mouvement, et en plus dans un cadre qui exacerbe des éléments qui étouffent la lutte des classes.
Il y a en fait partie réponse à ton questionnement dans ton post car à l'échelon international les anarchistes, et autres courants révolutionnaires, manquent de coordination aussi. Et c'est là aussi tout un véritable problème.
Et, c'est bien ce que révèle cette absence de communication collective sur la question, dans cette partie du monde et à l'échelle internationale, comme l'absence de solidarité à un mouvement qui serait, même au delà d'un mouvement anarchiste en difficulté, identifiable d'un point de vue social et révolutionnaire.
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Re: Ukraine

Messagede altersocial » 25 Mai 2014, 11:06

Une mise au point de la gauche radicale ukrainienne :

:arrow: Pour un mouvement social et ouvrier indépendant ! Pour une Ukraine libre !

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Re: Ukraine

Messagede Pïérô » 14 Juil 2014, 11:28

Kharkiv : Ouverture d’un squat politique

Déclaration (en ukrainien) de membres de l’Avtonomous Workers Union de Kharkiv, d’anarchistes et d’anti-fascistes ukrainiens qui ont ouvert récemment un centre social et culturel squatté qui a entre autres pour objectif d’aider les travailleurs/euses ukrainien-ne-s ayant souffert de la guerre inter-ethnique et d’autres formes d’oppression.

... http://fr.squat.net/2014/07/13/kharkiv- ... politique/
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Re: Ukraine

Messagede Pïérô » 24 Aoû 2014, 02:42

Ni Ukrainien, ni Russe ! – Développons notre propre camp, le troisième camp, celui de la révolution sociale !

Lorsque nous avons écrit il y a un quelques mois dans notre texte « Préparatifs de guerre entre l’Ukraine et la Russie – Show ou réalité ? »i que les conditions d’une nouvelle guerre mûrissaient en Ukraine, beaucoup de camarades ont exprimé des doutes ou même des désaccords avec une telle affirmation catégorique. Maintenant nous pouvons affirmer que le conflit en Ukraine a clairement permuté de la phase « froide » à la phase « chaude » et que ce à quoi nous assistons actuellement dans l’est du pays, c’est la guerre sous toutes ses définitions. De Lougansk à la frontière avec la Russie jusque Marioupol sur la côte de la mer Noire, ce sont deux forces militaires qui se mesurent dans des affrontements quotidiens en essayant d’étendre la zone sous leur contrôle, ils se battent au sol ainsi que dans les airs, à la campagne ainsi que dans les centres industriels, l’artillerie fait pleuvoir des obus sur des villages, l’aviation bombarde des villes (sous le prétexte que leurs ennemis utilisent les habitants comme boucliers humains), des hommes, des femmes, des enfants meurent sous les bombes et les missiles… En quatre mois de conflit armé, plus de 2.000 civils et militaires sont morts et 6.000 autres ont été blessés ; 117.000 prolétaires ont été déplacés dans le pays et 730.000 autres ont trouvé refuge en Russie. Au moment de boucler cet article, les cadavres jonchent les rues de Donetsk, pris dans l’étau de l’offensive gouvernementale.

Dans le même texte, nous avons aussi écrit que la seule réponse du prolétariat à la guerre, c’est d’organiser et de développer le défaitisme révolutionnaire, c.-à-d. de refuser dans la pratique de rejoindre l’un ou l’autre camp, mais au contraire d’établir des liens entre prolétaires des deux côtés du conflit à travers la lutte contre les deux bourgeoisies. Et même sur ce terrain, les choses se sont développées, notre texte mérite dès lors (trois mois après sa publication) un post-scriptum.

... http://www.autistici.org/tridnivalka/ni ... -ni-russe/
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Ukraine : vers une nouvelle Espagne ?

Messagede Damned » 29 Aoû 2014, 18:11

Salutations,

Je sais que je ne suis pas très actif en ce moment mais je viens de tomber là dessus et je suis tellement abasourdi que j'ai besoin de partager et de relayer. Je pense que ce sujet mérite son propre topic.

Des groupes de "nationalistes" français se font présent dans le conflit ukrainien. Soit disant pour protéger les populations pro-russe, ces allumés fachos viennent en réalité supporter ce visage du fascisme russe et du colonialisme poutinien. Alors que même on parlaient de 3e voie en Ukraine, la voie nationaliste se fait tellement plus réelle qu'elle prend des proportions internationale. Je reste pour l'instant sans voix, rien que de voir que de l'autre côté les fachos français se réapproprient les symboles de l'anarchisme ukrainien qui a prouvé il y a un siècle qu'une organisation libertaire était possible me débecte...
Bref, je viens pour relayer l'info principalement mais si vous avez des réactions ou des idées...je pense tout de même qu'on ne peut, anarchistes, libertaires, internationalistes..laisser ceux que l'on combat ici prendre un coup d'avance dans cette lutte qui dépasse les frontières que nous ne reconnaissons pas.

Fraternité anarchiste,

http://rue89.nouvelobs.com/zapnet/2014/ ... sse-254413
http://www.lemonde.fr/europe/article/20 ... _3214.html
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Re: Ukraine : vers une nouvelle Espagne ?

Messagede Damned » 02 Sep 2014, 17:32

L'interview vidéos de nos barbouzes des steppes par la Komsomolskaya Pravda, organe téléguidé, comme toujours, par le Kremlin.

https://www.youtube.com/watch?v=2qCAsyKOE9Y

Sera certainement organisé, sur Paris, une réunion avec la diaspora russe (réfugiée politique) et la communauté ukrainienne qui partage nos idéaux pacifiques.
Je communiquerai les détail quand j'en saurai plus.
Si vous avez d'autres infos là dessus, n'hésitez à partager svp.

Salutations,

Damned
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Re: Ukraine

Messagede Pïérô » 09 Sep 2014, 12:54

Kharkiv (Ukraine): Des flics et des nazis attaquent le squat Autonomia

En Ukraine comme en Grèce, une coalition: nazis et police!

Dimanche 31 août, en fin d’après-midi, une bande de néo-nazis ont attaqué le centre socio-culturel squatté de Kharkiv “Autonomia”. Ce squat héberge notamment des personnes qui ont été obligées de quitter leur domicile dans des régions touchées par la guerre qui sévit dans l’est de l’Ukraine. Les activistes et les personnes hébergées ont réussi à repousser l’attaque, tout comme lors des deux précédentes attaques… Le simple fait que de telles attaques touchent un lieu qui a été squatté par des anarchistes (dont des membres de l’Avtonomous Workers’ Union) et d’autres groupes auto-organisés soulève une préoccupation majeure.

Mardi 2 septembre, la police a violemment attaqué le squat, utilisant des gaz lacrymogènes pour entrer dans le bâtiment. Tout le matériel informatique a été saisi par les flics, qui ont également « invité » les habitant-e-s des lieux à se rendre au commissariat de police de Chervonozavodsky pour les inculper d’occupation de bâtiment abandonné. À la lumière de ces événements, nous trouvons étonnante la coïncidence qui veut que la police perquisitionne le squat juste après une série d’attaques ratées par des néo-nazis…

Alors que des anarchistes qui prennent partie dans le mouvement de la lutte des classes en aidant des gens forcé-e-s de quitter leurs maisons à cause de la situation de guerre et des menaces émises par des combattants pro-russes, ainsi qu’en organisant des lectures et des discussions, des rencontres, des concerts et d’autres événements, des néo-nazis répandent la violence et la haine dans leur propre ville sous prétexte de leur amour pour l’Ukraine et pour la “race blanche”. Pendant ce temps-là, la police couvre leurs agissements. L’Avtonomous Workers’ Union appelle toutes les forces progressistes de la société ukrainienne à chasser les néo-nazis et la police du terrain du « socialement acceptable ».

Zéro tolérance pour la merde nazie!

Avtonomous Workers’ Union

[Traduction de l'anglais d'un article publié le 3 septembre sur en.squat.net.]

http://fr.squat.net/2014/09/06/kharkiv- ... autonomia/
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Re: Ukraine

Messagede Pïérô » 04 Nov 2014, 12:08

A propos de la guerre en Ukraine

Ce texte a été écrit en tant que réponse aux questions de nos amis de l’étranger à propos de la situation en Ukraine de l’Est et de l’attitude des anarchistes Russes à ce propos. Nous espérons qu’il sera utile a celles et ceux qui sont intéressé-e-s par ces problèmes.

La situation est complexe et controversée, et vous devez comprendre que le texte ci-dessous ne reflète pas (et ne peut le faire) l’opinion de tou-te-s les antifascistes et anticapitalistes Russes. Il émane de discussions au sein de notre groupe, mais même à cette échelle nous avons plusieurs points de vue contradictoires.

Avant tout, notre organisation (« Action Autonome ») adhère en grande partie aux positions contre la guerre des mouvements d’extrême-gauche. Nous ne soutenons pas le gouvernement ukrainien (aucun gouvernement, à vrai dire), et il y a indubitablement d’importantes tendances nationalistes dans l’Ukraine d’aujourd’hui. Cependant, nous soutenons encore moins le gouvernement russe et la soi-disant « République de Novorossiya ». Il semble que les fascistes se battent entre eux des deux côtés de la guerre, derrière laquelle on trouve les capitalistes. De plus, pour Poutine, cette guerre est un opportunité qui lui permet de distraire le peuple Russe de la crise financière et de la récession du système économique du pays, tandis que pour Poroshenko, la guerre est utile pour canaliser la soif de changement des gens en folie patriotique, plutôt que d’essayer de continuer ce qu’ils avaient commencé à Maydan et d’établir une réelle auto-gouvernance.

En ce qui concerne l’attitude des gens de Donbass, nous pouvons dire que la plupart d’entre eux ne font que demander « arrêtez de nous bombarder, tous les deux ». Les leaders des paramilitaires pro-Russes ont plusieurs fois dit en public que « les gens de Donbass ne veulent pas se battre, et c’est pourquoi la Russie doit envahir immédiatement ». En fait, les populations politiquement passives sont caractéristiques dans de nombreux ex-territoires soviétiques. Cependant, on sait aussi que les sondages d’opinion de l’été 2014 montraient que seulement 20% des habitants de Donbass soutenaient l’idée de se séparer de l’Ukraine pour se rattacher à la Russie. Bien sûr, il est aujourd’hui très difficile de pouvoir réaliser des sondages d’opinion dans les zones en guerre. D’autant plus que des dizaines de milliers de personnes ont fui Donbass, vers la Russie comme vers l’Ukraine de l’ouest.

Nous ne sommes pas d’accord avec le point de vue selon lequel la guerre de Donbass serait une sorte de « résistance contre les fascistes Ukrainiens ». Comme nous l’avons déjà exprimé plus haut, il existe des tendances nationalistes dans l’Ukraine contemporaine, mais à peine plus que dans tous les autres anciens pays de l’URSS. En Russie, la propagande patriotique, impérialiste et clairement fasciste s’entend au moins autant qu’en Ukraine, sinon plus. Et la « République populaire » de Donbass reproduit ça. Sur la base de ce que nous avons vu jusqu’ici, aucun signe ne montre qu’il pourrait y avoir un quelconque changement qui pourrait être considéré « gauchiste », ni même « social-démocrate ». A l’inverse, ils continuent de promulguer des « lois » interdisant les relations homosexuelles ou établissant le « rôle dominant » de l’Église Orthodoxe dans la région. La rhétorique de leurs dirigeants est exactement ce que vous appelez le « rouge-brun » : un mélange paradoxal de conservatisme d’extrême-droite et d’impérialisme à la Soviétique. Nous savons qu’il y a des cas d’épurations ethniques sous leur pouvoir : c’est arrivé au moins aux Juifs et aux Rroms. Il n’est donc pas du tout surprenant que les fascistes européens viennent les rejoindre.

Ensuite, nous pensons qu’ici, la « lutte antifasciste » est un simple label, qui n’a strictement rien à voir avec la réalité. Et la réalité est que ces « Républiques » sont une tentative des impérialistes Russes de ramener les groupes nationalistes pro-Russes dans la région et de les fournir en armes, en équipement, et plus tard en forces armées pour y créer des enclaves. L’objectif final est, peut-être, d’utiliser la situation comme un outil pour empêcher l’entrée de l’Ukraine dans l’OTAN et, comme il a déjà été dit, de distraire l’attention de la population Russe à l’encontre d’un ennemi extérieur. Il est d’ailleurs assez ironique que les lois Russes proclament dans le même temps que tout appel au séparatisme est un crime grave, passible de plusieurs années de prison si vous demandez un référendum comme celui qui s’est tenu en Crimée en mars 2014.

Il est difficile de parler de résistance anticapitaliste ou de gauche à Donbass en ce moment. La région est entre les mains de dizaines, ou de centaines, de groupes paramilitaires, qui ne sont que très peu réunis derrière des « ministres » et des « gouverneurs » autoproclamés. Il est très possible que certains dirigeants locaux puissent adhérer à des positions d’extrême-gauche. Il n’y a cependant pas de signe visible d’eux, pas de positionnements politiques clairs. De plus, il est évident que la région est sous forte influence Russe (il suffit de dire qu’une grande partie des chefs militaires sont des citoyens Russes), et que Poutine n’est pas très intéressé par une réelle résistance anticapitaliste dans le coin. Nationalistes, monarchistes et orthodoxes zélés lui conviennent bien mieux.

Nous voyons que la propagande de Poutine fonctionne très bien sur les gens des pays Occidentaux, parce qu’ils sont fatigués et en ont marre de leurs propres dirigeants, et que Poutine a l’air d’être un « hooligan » qui menace ces dirigeants et les effraie. Cette propagande a déjà attiré des combattants internationaux vers la république de Donbass. Cependant, nous, qui vivons sous le régime de Poutine, voudrions vous avertir contre l’idée de le considérer comme une sorte de Che Guevara. Il ne l’est pas. L’élite Russe contemporaine est plutôt une bande de riche capitalistes, réunis essentiellement autour de personnes qui sont ou bien de vieux amis de Poutine, ou liés d’une façon ou d’une autre aux services secrets russes (FSB, Service Fédéral de Sécurité). Il serait absurde de penser qu’ils ont quoi que ce soit de progressiste. Ils veulent tout simplement rester au pouvoir aussi longtemps que possible, parce que s’ils le perdaient, ils seraient immédiatement conduits en jugement (la corruption des autorités est énorme ici), et ils le comprennent très bien. Voilà tout.

Une fois cela dit, il est important de dire que les antifascistes Russes (y compris ceux considérés d’extrême-gauche ou anti-autoritaires) n’ont pas un point de vue unifié à propos de la guerre d’Ukraine. Certains pensent que ces Républiques de Novorossiya d’extrême-droite sont préférables aux « fascistes Ukrainiens ». Nous connaissons au moins un cas de militant antifa Russe qui a été tué pendant des combats pour Novorossiya. Dans le même temps, de nombreux antifascistes anarchistes Ukrainiens se sont battus contre Novorossiya, avec des escadrons de volontaires Ukrainiens. Malheureusement, il semble que la notion « d’antifascisme » est tellement utilisée à des fins propagandistes (des deux côtés du conflit) qu’il est impossible de l’appliquer sérieusement à quoi que ce soit ou à qui que ce soit.

Action autonome – Moscou

http://fr.contrainfo.espiv.net/2014/11/ ... n-ukraine/
https://avtonom.org/en/news/moscow-auto ... ainian-war
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Re: Ukraine

Messagede Pïérô » 06 Mai 2015, 08:29

Paroles d’anarchistes ukrainiens.

APERÇU DE LA SITUATION EN UKRAINE, PAR DEUX CAMARADES UKRAINIENS

Le 7 mars 2015 à Paris, le public était convié à la librairie-local syndical « L’Émancipation » pour y rencontrer deux acteurs et témoins clés du mouvement social, dit « Euromaidan », qui a ébranlé le monde en libérant l’Ukraine des valets de Moscou qui la rackettaient au nom de la loi, mouvement de la société civile auto-organisée, indépendamment de tout parti politique ou leader charismatique, dans un but de défense des droits humains et des droits civiques : précisément ce que prônaient et faisaient déjà, depuis des années, de trop rares individus, parmi lesquels Maxime Boutkévitch, à Kiev, et Constantin Réoutsky à Louhansk.

... http://radio-graphie.net/2015/05/01/par ... krainiens/
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