Le yoga, une arme du nationalisme hindou
Hier avait lieu la 3e Journée internationale du yoga. Une célébration consacrant le caractère exclusivement hindou de la société indienne et les inégalités sociales.
Indra, dieu du ciel, de la foudre et de la pluie, a gâté la démonstration de force du premier ministre indien. Préparé des mois durant, le 21 juin devait consacrer l’influence culturelle du sous-continent sur la scène internationale. Mais la 3e Journée internationale du yoga, organisée à Lucknow (Uttar Pradesh), a été noyée par les pluies de mousson. Sous des trombes d’eau, le chef du gouvernement, Narendra Modi, pourtant passé maître dans l’art de la communication, a accompagné plusieurs dizaines de milliers de jeunes Indiens dans les postures traditionnelles du yoga. Plus qu’à la discipline spirituelle, c’est à une véritable manifestation politique que s’est adonné le représentant ultranationaliste. Le choix de la capitale de l’Uttar Pradesh ne devait d’ailleurs rien au hasard. C’est ici que Yogi Adityanath, le prêtre hindou extrémiste, soutenu par le Parti du peuple indien (BJP) du premier ministre, a été élu ministre en chef il y a trois mois. Confronté depuis à de violentes émeutes des Dalí, plus connus en Occident sous le vocable récusé d’intouchables, Narendra Modi avait à cœur de montrer qu’il n’était pas seulement le représentant des hautes castes en unissant le peuple par le yoga. Nombreux sont ceux qui ne s’y sont pas trompés.
Une opération de « propagande » dénoncée par l’opposition
Dans tout le pays, les paysans se sont mis en position du lotus… pour bloquer les autoroutes afin de protester contre les politiques du gouvernement central et d’exiger des prix rémunérateurs. Des scènes que se sont bien gardées de diffuser les chaînes publiques, qui ont préféré montrer un peuple à l’unisson derrière son chef. En mer ou dans les montagnes himalayennes, les images de l’armée en plein exercice de respiration yogiques ont fait le tour du pays. À Lucknow, les drapeaux du BJP, les portraits de Narendra Modi et les écrans géants retransmettant ses discours ne laissent d’ailleurs aucun doute sur le caractère politique du rassemblement, voire la naissance d’un culte de la personnalité. Nitish Kumar, le très séculaire et socialiste ministre en chef du Bihar, a ainsi dénoncé une opération de « propagande ». La minorité musulmane, qui n’a cessé d’accuser le gouvernement de se servir du yoga, désormais obligatoire à l’école, pour consacrer le caractère exclusivement hindou de la société, a été saluée pour sa participation à cette Journée. Les musulmans n’étaient pourtant que quelques centaines à prendre part à l’événement. Si le gouvernement s’attache à démentir le caractère religieux de la pratique, les paroles de Yogi Adityanath sont claires : « L’importance du yoga a été acceptée par les vedas (ensemble de textes révélés dans la tradition indienne – NDLR) et le premier ministre Narendra Modi a accompli l’exploit d’obtenir une reconnaissance internationale. Tous ceux qui ont foi dans le sanatana (la loi éternelle hindouiste – NDLR) doivent lui être reconnaissants. » La reconnaissance par les Nations unies en 2014 du 21 juin comme Journée internationale du yoga a fait hurler les musulmans. Certains soupçonnent cette date d’être corrélée à l’anniversaire de la mort de K. B. Hedgewar, du premier dirigeant du RSS, la branche milicienne du BJP, dont les assassins de Gandhi étaient partisans.
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