Les premières audiences du procès de quatre militaires français, pour le meurtre de l'Ivoirien Firmin Mahé pendant la mission Licorne en 2005, ont eu lieu mardi.
Les accusés reconnaissent les faits, qu'ils justifient par leur "sens du service". Ils affirment avoir agi sur ordre.Des soldats de la force Licorne en Côte d'Ivoire © Maxppp Jean-François Frey
"Ce qui a fait de nous des mauvais soldats, ce n'est pas le fait d'avoir rempli cette mission, c'est que cette affaire soit sortie six mois après". Cheveux ras, bras croisés, Guy Raugel, 48 ans, reconnaît avoir étouffé Firmin Mahé, en Côte d'Ivoire, il y a sept ans.
Les faits remontent au 13 mai 2005 : blessé à la jambe lors d'un accrochage avec des militaires français, Firmin Mahé est interpellé. Il est soupçonné d'être un "coupeur de route", un criminel qui sème la terreur dans les "zones de confiance" surveillées par la France, dans le cadre de l'opération Licorne, une opération de soutien à l'Onuci (Opération des Nations unies en Côte d'Ivoire). Firmin Mahé meurt en route, étouffé par un sac plastique.
Pas de visas pour les proches de la victime
Lors des premières audiences du procès qui a commencé ce mardi à la Cour d'assises de Paris, l'adjudant-chef Guy Raugel a déclaré attendre "une certaine délivrance de ce procès".
Il a "le sentiment d'avoir fait son devoir, tout en ayant dépassé la ligne rouge". A la presse, il affirme rester convaincu que la victime était un criminel. Affirmation contredite par l'avocat de la victime, qui déplore par ailleurs que
les proches de Mahé n'aient pas encore obtenu de visas pour assister à l'audience.Avec Guy Raugel, comparaissent le brigadier-chef Johannes Schnier qui maintenait Firmin Mahé pendant le meurtre, le brigadier Lianrifou Ben Youssouf, chauffeur du blindé, et le colonel Eric Burgaud, colonel et chef de corps à l'époque. Tous ont quitté l'armée depuis. Le juge a lu des appréciations élogieuses de leurs états de service, datées d'avant mais aussi après les faits.
Procès Mahé : le récit de la première journée d'audience, par Franck Cognard
Un sens "sacré" de la mission
Pendant leur audience,
les accusés ont parlé de leur amour de l'armée et de leur sens du service. Eric Burgaud a évoqué son "sens sacré de la mission, ça veut dire que c'est au-desus de tout". Il reconnaît avoir implicitement demandé aux soldats que Mahé n'arrive pas vivant à destination. Mais affirme que l'ordre venait de plus haut : il vise le général Henri Poncet, qui aurait lui demandé : "Roulez lentement, vous me comprenez...".Henri Poncet, qui a nié les faits, a d'ores et déjà bénéficié d'un non-lieu. Lui et Michèle Alliot-Marie, ministre de la Défense à l'époque, seront entendus en tant que témoins dans ce procès, prévu pour durer jusqu'au 7 décembre.