Egypte

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Messagede ivo » 05 Mar 2013, 12:44

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À Mansourah, les manifestations contre les islamistes au pouvoir et les affrontements contre la police ont duré tout le week-end. Crédits photo : Mostafa Darwish/AP
Port-Saïd au bord de l'embrasement
http://www.lefigaro.fr/international/20 ... sement.php
À l'entrée du canal de Suez, la ville est devenue un chaudron de la contestation égyptienne.

Le Caire

Six morts à Port-Saïd, la porte d'entrée méditerranéenne du canal de Suez. Plus de 420 blessés dont une soixantaine par balles. Un mort à Mansourah, une soixantaine de blessés. Et la place Tahrir, au Caire, qui retombe dans la violence - trois blessés lundi. Les scènes d'affrontements entre policiers et manifestants ne cessent de se répéter dans toutes les provinces d'Égypte. Chaque étincelle suffit à enflammer un brasier.

À Port-Saïd, les émeutes ont recommencé quand les autorités ont tenté de déplacer des prisonniers accusés dans le cadre du drame de février 2012 - 72 morts dans des affrontements entre supporteurs de football. La ville de Port-Saïd est chauffée à blanc par un mois de confrontations avec la police, un mouvement massif de désobéissance civile et un puissant sentiment d'injustice depuis le jugement du 26 janvier, où 21 personnes ont été condamnées à mort. «Les prisonniers sont tous d'ici. Ce transfert est une injustice de plus pour les habitants de Port-Saïd», explique Mohsen Mohammed Mahfouz, le directeur de l'hôpital général de la ville. Un nouveau jugement à haut risque doit intervenir le 9 mars.

À Mansourah, une grande ville du delta du Nil, la colère couve depuis le 25 février, quand un sit-in devant le gouvernorat de la province a été attaqué par des partisans des Frères musulmans. La ville venait de commencer un mouvement de désobéissance civile en soutien à sa voisine, Port-Saïd. Les manifestations contre les islamistes au pouvoir et les affrontements contre la police ont duré tout le week-end.

Jusqu'ici, Le Caire tenait bon. Mais dimanche matin, quand la police a tenté de rouvrir la place Tahrir, bloquée depuis trois mois par des manifestants, les affrontements ont repris.

C'est dans ce contexte explosif que John Kerry a effectué sa première visite en tant que secrétaire d'État en Égypte. Cela n'a pas été une réussite. Le responsable américain voulait s'imposer en médiateur, demandant aux forces politiques de faire des «compromis significatifs» en vue des prochaines élections législatives égyptiennes, en avril. Pour toute réponse, Mohamed ElBaradei et Hamdeen Sabbahi, les deux principaux opposants au pouvoir actuel, ont refusé de recevoir le représentant de Barack Obama. Les deux hommes sont les figures de proue de la principale coalition d'opposition, le Front du salut national. Ils continuent à appeler au boycott des élections - Mohamed ElBaradei invoquant un «acte de tromperie».

Une aide exceptionnelle de 250 millions de dollars
L'unique annonce significative de cette visite aura été une aide exceptionnelle de 250 millions de dollars pour soutenir l'économie égyptienne, en pleine déroute. C'est moitié moins que l'aide qatarienne accordée en octobre. Mais l'Égypte en a dramatiquement besoin - il reste à peine assez de réserves de changes pour couvrir trois mois d'importations.

Jusqu'au bout, John Kerry aura subi les vicissitudes de la politique égyptienne. Les Ultras, des supporteurs de foot radicaux, ont bloqué la route qui mène à l'aéroport juste avant le départ du secrétaire d'État. Kerry a pris l'avion avec deux heures de retard.

LIRE AUSSI:

» L'économie égyptienne atteint la cote d'alerte
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Messagede DjurDjura » 06 Mar 2013, 21:22


En Egypte, des femmes en guerre contre le "terrorisme sexuel"



mercredi 6 mars 2013, par La Rédaction



Face à la multiplication des agressions sexuelles contre des manifestantes en Egypte, des femmes n’hésitent plus à braver l’opprobre pour obliger des autorités silencieuses et une société réticente à faire face à ce "terrorisme sexuel".

Beaucoup ont récemment témoigné de leur calvaire à visage découvert et à la télévision, en disant clairement qu’elles ne se laisseraient pas intimider par des violences visant selon elles à les bannir de la vie publique.
"Nous ne sommes pas des victimes, nous sommes des révolutionnaires. Ce qui nous est arrivé nous a rendues plus fortes et nous continuerons à descendre" dans la rue, a martelé, sur la chaîne privée Dream 2, Aïda al-Kachef, une militante ayant été agressée.

Le harcèlement des femmes dans les rues d’Egypte à coups de remarques obscènes, voire d’attouchements, n’est pas nouveau. Mais depuis la révolte qui a renversé Hosni Moubarak il y a deux ans, des manifestantes sur la place Tahrir et ses environs, dans le centre du Caire, sont régulièrement attaquées par des groupes d’hommes organisés.
Parfois armés de couteaux, ils dénudent la femme avant de procéder à de violents attouchements et de la pénétrer avec leurs doigts.

Yasmine al-Baramawy, attaquée en marge d’affrontements en novembre, a marqué les esprits en montrant lors d’un talk-show très regardé le pantalon qu’elle portait lors de l’agression, arborant une longue déchirure.
"Ils se sont rassemblés autour de moi et ont commencé à lacérer mes vêtements avec des couteaux", a-t-elle raconté à l’AFP.

La foule l’a ensuite transportée sur plusieurs centaines de mètres sans que les attouchements s’arrêtent, jusqu’à ce que des habitants d’un quartier voisin la sauvent enfin.
"Je ne me suis pas sentie triste ou atteinte dans ma dignité. Je me suis sentie en colère, et je veux que justice soit rendue", a dit la jeune femme.

Pour tenter de briser le déni qui entoure ces actes, les initiatives se multiplient depuis quelques mois. Des groupes auxquels se sont joints des hommes ont vu le jour, comme Operation Anti-Sexual Harassment, dont les volontaires interviennent lors des attaques sur Tahrir —la police étant largement absente— et fournissent un soutien médical et psychologique aux victimes.

Le 25 janvier, alors que des milliers de personnes marquaient le deuxième anniversaire du soulèvement sur la place, pas moins de 19 femmes ont été agressées, selon Operation Anti Sexual Harassment.
"Ces attaques visent à exclure les femmes de la vie publique et à les punir de leur participation au militantisme politique et aux manifestations. Elles sont aussi une tentative de ternir l’image de la place Tahrir et des manifestants en général", accuse le groupe.
"Nous voulons que le terme +harcèlement+ne soit plus utilisé. Ce dont il s’agit aujourd’hui, c’est de terrorisme sexuel", dit à l’AFP Inas Mekkawy, du mouvement de défense des droits des femmes "Baheya ya Masr".
Mais le problème se heurte toujours à l’indifférence des autorités et à l’opprobre d’une grande partie de la société.
"On dit (à la victime) :
+Que faisais-tu à Tahrir ?
Comment étais-tu habillée ?
A quelle heure y es-tu allée ?+",

dit à l’AFP Soraya Bahgat, de Tahrir Bodyguard, un groupe qui s’est donné pour mission de protéger les femmes sur la place et organise des cours d’auto-défense.
A la grande colère des militants, des membres du Sénat dominé par les islamistes, qui assume le pouvoir législatif jusqu’à l’élection d’une nouvelle Assemblée, ont récemment fait porter aux victimes une part de responsabilité parce qu’"elles savent qu’elles vont au milieu de voyous", selon des propos rapportés par la presse locale.

Un prédicateur islamiste controversé et propriétaire d’une chaîne de télévision, Abou Islam, a de son côté déclaré que "ces femmes nues, non voilées" allaient place Tahrir pour "se faire violer".
Le Conseil national de la femme, un organe officiel, a annoncé avoir été chargé par le Premier ministre de préparer un projet de loi "global" contre toutes les formes de violence contre les femmes. Mais des militants se disent sceptiques sur la portée d’une telle législation en l’absence d’une véritable volonté de la mettre en application.

(06-03-2013 - Avec les agences de presse)


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Messagede ivo » 07 Mar 2013, 11:51

Lourde peine de prison pour le magnat égyptien de l'acier Ahmad Ezz
En Egypte, la cour d’assises a condamné Ahmad Ezz, le magnat de l’acier sous Moubarak à 37 années de prison et à une amende de 600 millions d’euros pour enrichissement illicite.

>>>
http://www.rfi.fr/moyen-orient/20130306 ... z-moubarak

Egypte : les élections législatives du 22 avril suspendues
http://www.rfi.fr/moyen-orient/20130306 ... dues-morsi
En Egypte, la cour administrative égyptienne a décidé de suspendre la tenue des élections législatives qui devaient démarrer le 22 avril prochain. La cour, qui dépend du Conseil d’Etat, a renvoyé la loi électorale devant la Haute Cour constitutionnelle pour qu’elle se prononce sur sa validité. Plusieurs plaintes avaient été déposées devant le Conseil d’Etat pour dénoncer l’anti-constitutionnalité de la nouvelle loi.

Avec notre correspondant au Caire, Alexandre Buccianti

Dans leur nouvelle Constitution, les Frères musulmans avaient voulu empêcher la Haute Cour d’invalider leur Parlement comme elle l’avait fait l’année dernière. Ils ont donc rédigé un article réduisant la compétence de la Haute Cour en matière de lois électorales à la révision préalable.

Mais selon la cour administrative, le Sénat islamiste n’a pas respecté la procédure prévue par la Constitution votée par les mêmes islamistes. Résultat, la loi n’est pas valide. Un jugement qui place le président Morsi dans un dilemme embarrassant : soit il se plie à la décision de justice et les élections sont reportées sine die, soit il n’en tient pas compte et viole sa propre Constitution. Un dilemne résumé par le juriste égyptien Tamer Seif...

Tamer Seif
Juriste

C'est seulement une fois la loi électorale validée que le président aurait pu dire au peuple : "maintenant, vous pouvez choisir vos députés" (...) La tenue d'un scrutin aurait été en parfait accord avec la Constitution

Dans les deux cas, cela fait l’affaire de l’opposition. Un report des élections conforte son appel au boycott du scrutin. Si, au contraire, le président tente le coup de force, cela équivaudrait à friser le coup d’Etat. Cela fait des mois que le Front du Salut National dénonce la violation de la loi et de la Constitution par le président et la confrérie des Frères musulmans.
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Messagede bipbip » 19 Mar 2013, 11:35

Mahalla bloquée par les manifestations et les grèves

1.300 usines environ ont fermé dans la ville industrielle du Delta en raison des protestations massives et des grèves contre les Frères musulmans, ce lundi.


Manifestant face aux forces de sécurité à Mahalla en janvier 2013

Les grèves et les manifestations massives contre le président égyptien Mohamed Morsi ont complètement bloqué la circulation dans la ville industrielle de Mahalla, dans le delta du Nil, ce lundi.

Aswat Masriya, un portail d’information affilié à Reuters, a signalé que des milliers d’étudiants ont manifesté, appelant à la chute du régime en place, et à la chute du gouvernement du “Guide suprême des Frères musulmans”.

La Confrérie, le groupe islamiste dont Morsi est originaire, est considéré par beaucoup d’opposants comme le véritable organe de décision. L’opposition affirme que le Guide Suprême du groupe, Mohamed Badie, dirige de facto le pays.

Les protestations contre les deux hommes et le puissant groupe islamiste ont provoqué la fermeture de près de 1300 usines. Les écoles et universités, ainsi que les magasins étaient fermés en raison des protestations et des problèmes de circulation qui en découlent.

Aswat Masriya a également indiqué que les entrées et les sorties de la ville ont été bloquées, interrompant ainsi les transports en commun. Des manifestants en colère ont empêché les autobus de bouger.

Selon la télévision égyptienne, les chauffeurs de bus et les chauffeurs de taxi se sont mis en grève pour protester contre les pénuries récurrentes de carburant. Ils auraient appelé à renforcer la sécurité des stations-service, après qu’un groupe de voyous aurait volé un dépôt de diesel.

Les rickshaws, ou touk-touks, constituaient le seul moyen de transport possible au milieu des manifestations, avec des tarifs variant de LE1 à LE5, voire LE10.

Depuis le deuxième anniversaire de la révolution du 25 Janvier, plusieurs villes dont Port-Saïd, Mansoura, Tanta et Mahalla ont été le théâtre de manifestations de masse et d’appels à la désobéissance civile.

Le mois dernier déjà, dans le cadre de cette campagne de désobéissance civile, des grévistes de Mahalla avaient bloqué les axes principaux de la ville.

Les grèves des travailleurs de Mahalla en 2006 puis 2008 contre le régime du président déchu Mubarak avaient été très suivies et sont considérées par beaucoup d’analystes en Égypte comme une des prémices de la révolution de 2011.

traduction Jura Libertaire
http://juralib.noblogs.org/2013/03/19/r ... i-18-mars/
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Messagede Nyark nyark » 24 Mar 2013, 13:25

[Égypte insurgée] Les quartiers généraux des Frères Musulmans brûlent, vendredi 22 mars
Posted on 23 mars 2013 by juralib

Égypte : les sièges des Frères Musulmans brûlent

Aujourd’hui vendredi 22 mars 2013, des manifestations ont été appelées par une vingtaine de partis d’opposition devant les quartiers généraux des Frères Musulmans pour dénoncer la violence dont ces derniers ont fait preuve samedi dernier contre des journalistes devant leur siège et des auteurs de graffiti sur les murs de leur quartier général au Caire. La principale des manifestations, qui dure toujours à l’heure où j’écris, a eu lieu au Caire et s’est vite transformée en affrontements d’une violence jamais atteinte, après que les jeunesses des Frères Musulmans aient attaqué un des cortèges.
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Les manifestants ont mis le feu à un Frère Musulman.
Mais les Frères Musulmans tabassent de la même manière les manifestants qu’ils capturent.

Le siège des Frères Musulmans à Alexandrie a été complètement saccagé par les manifestants. Les meubles, ordinateurs, ont été jetés dans la rue. Des rumeurs disent aussi que le bureau des Frères également à Alexandrie dans la quartier d’Asafra a été brûlé pendant que les affrontements continuent ce vendredi soir à Sidi Gaber, juste en dehors de la zone militaire nord d’Alexandrie et dans la rue Feld Maréchal Ismail ainsi que dans les rues avoisinantes. À Mahalla le siège du parti Justice et liberté (parti des Frères Musulmans) a été brûlé pendant que des affrontements opposent manifestants et Frères Musulmans qui tentent de protéger leur siège à Tanta. Les quartiers généraux des Frères Musulmans auraient été brûlés dans 5 villes pendant que des affrontements ont lieu dans de nombreuses villes.

À Zagazig, la maison de Morsi a été encerclé par le mouvement du 6 avril qui appelle les habitants à venir les rejoindre et empêcher la famille de Morsi de rentrer chez elle. Le trafic des trains entre le Caire et la Haute Égypte a été bloqué par des barrages sur la voie à hauteur de Giza, Al Ayat et Al Badrasheen.

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Au Caire plusieurs marches ont été organisées de différents endroits de la ville, place Nafoura (où ont eu lieu des affrontements), et place Sayeda Aisha par exemple, pour se rejoindre dans la banlieue de Moqattam où est situé le quartier général des Frères. Beaucoup de femmes dans les manifestants. Les manifestants ont brûlé sur leur route le bureau des Frères à El-Manial avant de se rendre à Moqattam, 6 km plus loin.
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A protester who opposes the Muslim Brotherhood throws a burning tyre towards police guarding the Brotherhood headquarters in Cairo
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Egyptian policemen write a report at a destroyed branch headquarters of the Muslim Brotherhood after protesters broke in to the building in the Manial neighborhood in Cairo
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Un aspect de la grande marche vers Moqattam
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Checkpoint on the road up to #moqattam

Les Frères Musulmans avaient mobilisé les Frères de tout le pays pour protéger leur quartier général. Quand les manifestants sont arrivés à Moqattam, les jeunesses des Frères Musulmans ont commencé à les attaquer violemment puis se sont réfugiés derrière les 3000 policiers qui protègent le quartier général des Frères Musulmans en scandant “État islamiste”, “Sharia contre l’État séculier” ou “Police et islamistes, front commun” pendant que les manifestants crient “Les Frères ne sont pas des musulmans”. Et toujours “Le peuple veut la chute du régime” ou “À mort Mohamed Badie” (le chef de la confrérie).

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Une véritable guerre civile dans les rues autour de Moqattam a lieu actuellement entre manifestants et habitants d’un côté et la police et les Frères de l’autre. Les affrontements pourraient bien durer tout la nuit. Les habitants du quartier ont créé des milices pour protéger les maisons et pour empêcher les bus de Frères venant de tout le pays, d’approcher le quartier. Ce qui oblige ces derniers à venir à pied ou à être déposés à une station de métro pour ensuite rejoindre leur quartier général. Sur le trajet, des gens depuis leurs balcons encouragent les manifestants et injurient les Frères Musulmans ou leur jettent des objets sur la tête ou encore de l’urine. Le niveau de violence atteint est selon des participants hallucinant. Des Frères Musulmans tirent avec des armes à feu. Du coup, des bus qui les transportent ont été brûlés, des ambulances qui transportent des Frères blessés sont bloquées. Des Frères Musulmans qui ont été capturés par les manifestants sont lynchés, battus violemment par les manifestants, torturés même disent certains, et leurs corps ensanglantés abandonnés sur la chaussée.

Des Frères Musulmans ont enfoncé les portes de la mosquée de Moqattam pour s’y réfugier.

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Vidéo de bus des Frères Musulmans qui brûlent (il y en aurait à cette heure 4 de brûlés et des microbus)
http://juralib.noblogs.org/files/2013/03/012.jpeg

Manifestant devant un bus des Frères Musulmans qui brûle
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Manifestations dans la semaine avant ce vendredi

Jeudi 21 mars, à Port-Saïd des milliers de manifestants ont accompagné pour ses funérailles Salah Abdel Azim assassiné par la police. Les gens chantaient “Le peuple veut la chute du gouvernement” et “Aussi longtemps que le sang égyptien vaudra aussi peu, nous ferons tomber les gouvernements”.

À Suez, mercredi 20 mars, la troisième armée de campagne a procédé à l’évacuation de 120 familles qui occupaient illégalement des logements, pendant qu’un groupe de protestataires se rassemblait pour dénoncer la répression d’une manifestation de sans emplois par l’armée la veille mardi.

Mercredi toujours, les employés du Sénat au Caire ont manifesté pour dénoncer les appointements supérieurs de 90 membres qui ont des places plus importantes parce qu’ils font partie des Frères Musulmans et leur attitude persécutrice à leur égard.

Les résidents de Salloum dans le gouvernorat de Matrouh ont bloqué la route dans la semaine reliant l’Égypte et la Libye pour protester contre les règles imposées par les nouveaux visas de Tripoli. Les autorités libyennes exigent maintenant que les Égyptiens d’acquérir un visa de 10 jours coûte l’équivalent de LE500. Les manifestants ont bloqué la route aux camions libyens entrant et sortant du pays.

Les étudiants de l’université religieuse Al Azhar qui forme les principaux religieux du pays, ont manifesté toute la semaine pour dénoncer les mauvaises conditions d’hébergement dans les dortoirs, la mauvaise nourriture et les violences faites par la police aux étudiantes en grève de la faim pour les mêmes raisons. Ils réclament la démission du responsable des résidences étudiantes.

Mardi 19 mars, les journalistes photos ont manifesté devant le Sénat pour dénoncer les attaques croissantes dont les salariés des médias sont victimes.

Le 19 mars également les amis de Okacha présentateur télé ont manifesté devant la Haute Cour pour demander l’annulation de sa condamnation à 6 mois de prison pour avoir insulté le président.

Lundi soir 18 mars, deux personnes sont mortes lors d’affrontements au Caire dans le quartier de Shubra. Un jeune de 15 ans a été assassiné par le fils de Gamal Saber, coordinateur du Lazem Hazem — un groupe de soutien salafiste à l’ancien candidat à la présidentielle Hazem Salah Abou-Ismail.

Aussitôt environ 200 personnes, avec les parents du garçon mort, ont voulu venger cette mort en essayant de lyncher l’assassin salafiste en tirant grenaille, lançant des cocktails Molotov et brandissant des armes blanches contre les policiers qui le protégeaient. Soixante-dix voitures particulières ont été brisées et quatre magasins ont été attaqués au cours des violences. Deux personnes ont été tuées dans les affrontements. Le criminel a été finalement arrêté. Les habitants du quartier de Shubra ont salué l’arrestation du criminel par la police, un certain nombre d’entre eux formant des chaînes humaines autour de la station de police dans lequel le fils de Saber était détenu pour empêcher qu’il soit libéré par les salafistes.

Lundi 18 mars aussi a eu lieu une manifestation à Alexandrie en solidarité avec le militant Hassan Mustafa, qui a été condamné à 2 ans de prison sans raison.

La contestation se déplace sur le terrain social

Des milliers de travailleurs de la Société Idéal ont protesté contre le Conseil d’État lundi 18 mars demandant l’annulation de la décision de privatisation de l’entreprise.

Idéal était une société d’État jusqu’à sa privatisation en 1997. Les nouveaux propriétaires de l’entreprise ont donné aux travailleurs le choix de continuer à travailler pour eux ou de quitter l’entreprise avec une indemnité de deux mois de salaire pour chaque année travaillée.

Mais les travailleurs privatisés ont un salaire mensuel de 900 LE, pouvant être licenciés à tout moment alors que les employés de la société d’État recevaient 1200 LE sans pouvoir être licenciés.

Mais surtout dimanche 17 mars, la violence dans différents gouvernorats a été causée par les conditions que le FMI a mis à l’Égypte pour lui donner son aide. Le gouvernement a accentué ses restrictions du gasoil subventionné, ce qui a eu comme conséquence la hausse de son prix au marché noir et rendu la vie des gens de plus en plus difficile. Il y a eu plusieurs dizaines de blessés et 1 tué dans des affrontements à Beni Suef, Qalyubiya et Assiut. Plusieurs automobilistes ont coupé la route entre Beni Suef et Gharbiya. À Qalyubiya, les affrontements ont eu lieu les armes à la main. Le train et les véhicules ont été complètement bloqués à Mahalla al-Kobra pour la deuxième journée consécutive. À Kafr el Sheikh, les manifestants ont bloqué la mairie avec des chaînes. Les paysans à Beheira se disant incapables de payer le gasoil ont attaqué une station pour se servir. Pareil à Daqahliya. La route a été coupée à Hurghada. Des bagarres ont également eu lieu entre automobilistes provoquant la mort de l’un d’entre eux à Giza.

Parmi les mesures récemment évoquées pour satisfaire le FMI, il y a le fait de relever de 9000 à 12’000 LE le plafond de l’exonération d’impôts sur le revenu, l’augmentation des tarifs douaniers sur les produits de luxe ainsi que les taxes sur les alcools, les cigarettes, l’acier et le ciment qui avaient provoqué un soulèvement en décembre et d’autres mesures encore. Outre ces mesures, le gouvernement entend augmenter les prix du carburant, de l’essence et du gasoil, ce qui entraînerait une hausse des prix de 50 % d’après les experts. Ce qui serait une catastrophe. Déjà 20 % des Égyptiens vivent avec à peine plus d’un dollar par jour.

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Mais surtout ce qui inquiète toute l’Égypte ce sont les restrictions ou la hausse annoncée du prix du pain, par l’abandon d’une partie des subventions d’État. Or le pain subventionné est la base de l’alimentation égyptienne. Ce qui rendra la situation hautement explosive dans toute l’Égypte. Tout le monde ayant le souvenir des émeutes du pain en 1977 et 2008. Une première expérimentation devrait avoir lieu dans deux mois à Port-Saïd.

Déjà des centaines de boulangers subventionnés ont saccagé pour la deuxième fois ce mardi 19 mars le ministère de l’alimentation pour protester contre les restrictions de gasoil qui font monter les prix en criant “À bas Morsi, à bas Bassem Ouda” (le ministre).

Après les étudiants, les islamistes perdent les élections chez les journalistes


Dans les élections professionnelles étudiantes, sur 21 universités publiques (Port-Saïd n’a pas encore voté), les groupes d’opposition laïcs ont obtenu 66% des sièges contre 34% aux Frères Musulmans, ces derniers n’obtenant la majorité que dans une seule université semble-t-il, alors qu’ils ont mis tout leur poids pour influencer le vote, leur base sociale se trouvant surtout là et sachant que l’an passé ils avaient la majorité dans 12 universités.

Pour les élections professionnelles dans la presse, malgré une violente campagne hostile du pouvoir, les journalistes ont élu un opposant au régime des Frères, Diaa Rashwan, qui a remporté la présidence du syndicat des Journalistes avec 1280 voix contre 1015 voix pour son principal concurrent Abdel-Mohsen Salama.

Quant aux 6 membres élus du conseil du syndicat, ils représentent tous le « courant de l’indépendance » opposé à l’intervention de l’État dans les affaires du syndicat et connu pour son hostilité au régime des Frères Musulmans.

Les résultats de ces élections sont perçus comme un message fort adressé au régime des Frères Musulmans, accusé de vouloir mettre au pas les journalistes indépendants.

Pour Gamal Fahmi, membre réélu du conseil, ces élections sont le début d’un combat crucial. “Aujourd’hui, le syndicat des Journalistes s’est libéré de la poigne des Frères musulmans et de leurs tentatives de le kidnapper.”

Depuis l’élection du président Mohamad Morsi il y a près de huit mois, deux journalistes ont été tués sur le terrain, plus de 150 ont été convoqués par le Parquet général pour des délits de publication, dont 25 accusés de diffamation du président de la République. Les agressions corporelles contre les journalistes hostiles aux islamistes se sont multipliées, alors que plusieurs publications ont vu leurs numéros confisqués et leurs locaux assiégés ou incendiés. Sous une nouvelle Constitution qui n’exclut pas la peine de prison pour les délits de publication et qui autorise la fermeture des journaux, les journalistes se sentent sans défense.

À l’annonce des résultats, des centaines de journalistes en liesse ont investi les locaux du syndicat et des slogans hostiles aux Frères Musulmans y ont retenti.

Après les élections des unions estudiantines, celles des journalistes viennent confirmer la tendance et le poids réel des Frères Musulmans avec une base populaire en pleine érosion. L’incendie des sièges des Frères Musulmans de ce soir en est une illustration. Comme le disait un écrivain connu “le compte à rebours pour le départ des Frères Musulmans a commencé”.


Jacques Chastaing, Groupes anticapitalistes et révolutionnaires du Grand-Est – mailing, 22 mars 2013 – 23h22

D'après le lien posté par Kzmir : http://juralib.noblogs.org/2013/03/23/e ... s-brulent/
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Re: Egypte

Messagede Pïérô » 12 Avr 2013, 01:06

Article en ligne du mensuel Alternative Libertaire d'avril

Egypte : Résistance au cirque pseudo-révolutionnaire

Quelle est la situation en Égypte ? La scène sociale et politique y est largement dépolitisée. Analyse par un militant du Mouvement socialiste libertaire.

La spécificité du Parti national, qui a tenu le pouvoir tout au long de l’ère Moubarak, est qu’au contraire du Parti Baas en Syrie, il n’a pas adopté la stratégie totalitaire d’idéologisation et de mise au pas de toute la société. Cela ne signifie pas que le Parti national d’Égypte est plus démocratique, mais qu’il affiche une ambition de désidéologiser la société. Ceci est en partie tiré de l’échec du régime nassérien à faire de l’organisation des jeunes socialistes une école qui produirait les cadres du parti au pouvoir. En effet, cette organisation est rapidement devenue indépendante. Cette autonomie a poussé le parti de Nasser à la détruire, et à liquider les membres les plus farouchement opposés au régime.

Dans ce climat, l’apparition des ONG dans le champ social, depuis le début des années 1990, a favorisé le rejet de toute idéologie politique, voire même du politique. Beaucoup de membres de partis ont quitté le champ politique pour se tourner vers un cadre d’action plus légal et confortable, d’autant qu’un grand nombre d’ONG sont sous la bienveillance de l’Occident, avec des budgets conséquents.

Le conflit politique dans le monde des Schtroumpfs

Cette désidéologisation de la société a favorisé l’apparition de collectifs comme le mouvement Kifaya, qui est dénué de tout projet de société et n’arrive pas à dépasser l’expression du ras-le-bol vis-à-vis du pouvoir de Moubarak. Les mutations de ces courants ont engendré le Mouvement du 6 avril, dont le slogan sur « le changement » sonne aussi faux que celui du pouvoir.

Cette situation a influencé la contestation sociale et politique, laquelle a conduit à la chute de Moubarak en février 2011. L’apparition des Ultras (supporters de foot) comme force importante dans la scène contestataire en est le reflet. Les Ultras, par leur discipline et leurs tactiques bien rodées contre les forces de polices, ont su apporter du dynamisme et de l’efficacité lors des combats de rue. Mais un projet politique ne peut baser son orientation sur des émeutes. Il faut signaler par ailleurs l’autoritarisme et la misogynie qui règne chez les Ultras, qui regroupent des petits chefs de bande. La porte était alors grande ouverte à toutes les récupérations.

Faire de la politique en dehors des sentiers battus

Notre projet, en tant que libertaires, est d’apporter une pensée qui se veut l’investissement par la classe populaire du champ politique à tous les niveaux, en mettant au centre la lutte des classes et l’anti-autoritarisme.

Pour y parvenir nous organisons des réunions publiques dans les quartiers populaires, ainsi que des cercles de réflexion spontanées dans les rues d’Alexandrie. Notre dernière campagne s’intitule « brûlons leur Constitution » et vise à montrer que la Constitution égyptienne ne sert que les intérêts de la classe dominante. Cette initiative a eu un écho favorable, notamment du fait que le contenu de la Constitution n’est connu que par les experts en droit ou certains politiques.

Nos prochaines compagnes porteront sur notre projet. Ceci permettra de donner une réponse à la question qui se pose partout en Égypte : quelle est l’alternative ? Nous réaliserons notamment une campagne sur le syndicalisme et nous poserons l’idée de l’autogestion comme alternative au travail exploité.

Yasser Abdelkawy (Mouvement socialiste libertaire-Egypte) traduit de l’arabe par MarouaneTaharouri (AL Paris-Nord-Est )
http://www.alternativelibertaire.org/sp ... rticle5285
Image------------ Demain Le Grand Soir --------- --------- C’est dans la rue qu'çà s'passe --------
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Re: Egypte

Messagede bipbip » 08 Mai 2013, 11:45

[Égypte] Record mondial de luttes en avril 2013

Il n’y a pas un jour en Égypte sans de multiples luttes, grèves, manifestations, sit-in,blocages de routes et voix ferrées, grèves de la faim, blocages ou occupations de bâtiments et usines, affrontements avec la police ou les Frères Musulmans.

Le “Centre International de Développement”, une organisation égyptienne pour la défenses des droits, a noté un record de luttes en avril 2013 après déjà un nombre important en mars.

En avril il a été ainsi enregistré 1462 conflits sociaux ou politiques contre 1354 en mars et 864 en février. Ce qui signifie en avril 48 mouvementspar jour, un record mondial d’après l’association égyptienne.

Les mois de février et mars avaient déjà été marqués par les fortes mobilisations contre le pouvoir des Frères Musulmans autour des villes du canal de Suez, notamment Port Saïd, ainsi qu’à Mahalla et Mansoura, où des embryons symboliques de pouvoirs populaires avaient vu le jour. En avril la révolution s ‘est déplacée vers les conflits sociaux avec l’objectif initial de la révolution de 2011 : la justice sociale.

Beaucoup pensent, avec la hausse des prix importante et les hausses de taxes et baisses de subventions étatiques aux produits de première nécessité programmés par le gouvernement, que les mois à venir vont être encore plus chauds.

Mais si les conflits sociaux sont de plus en plus importants et encore à venir (les médecins menacent d’une nouvelle grève générale illimitée, les étudiants sont dans un affrontement quasi permanent, les cheminots ont entamé une première grève générale de quelques jours début avril mais sont prêts à recommencer…), si l’expérience de ceux qui y participent grandit de manière proportionnelle, les conflits politiques ne cessent pas pour autant. Chaque vendredi, jour de repos, des affrontements violents éclatent entre manifestants qui réclament la chute du gouvernement, le départ des Frères Musulmans et ces derniers ou les forces de police, faisant à chaque fois des dizaines ou centaines de blessés, des morts et des centaines d’arrestations.

Deux faits significatifs de la situation :

Le plus grand quotidien libéral égyptien Al Masry al Youm, né en 2004, (un peu Le Monde égyptien) un des journaux symboles de la contestation du régime de Moubarak et artisan de sa chute, mais aussi propriété d’hommes d’affaires, vient de fermer ses portes. L’argument de ses propriétaires est de dire que si le journal a été utile pour faire tomber Moubarak, aujourd’hui où les libéraux ont choisi de s’allier avec les Frères Musulmans, l’information sérieuse ne peut servir qu’à la classe ouvrière. Il n’est donc plus utile. Pour le dernier numéro, ses journalistes ont fait un numéro spécial dans lequel ils ont raconté ce point de vue en long et en large, déclarant clairement que l’avenir de la révolution égyptienne est dans la justice sociale, et pour cela, passe par la révolution sociale. Ce qui traduit une sacré évolution pour des journalistes qui ont fait tourner un quotidien libéral pendant des années.

Deuxième fait : lors du premier mai, un des thèmes porté par les manifestants, repris par une partie de la presse, était que la révolution ouvrière allait sauver la révolution égyptienne…

La révolution ne fait que commencer…

Jacques Chastaing, le 5 mai 2013
http://juralib.noblogs.org/2013/05/06/e ... vril-2013/
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Re: Egypte

Messagede bipbip » 01 Juil 2013, 07:17

EN IMAGES. Des millions d'Egyptiens dans la rue contre Morsi
. http://www.leparisien.fr/international/ ... nfoBulles1
. http://juralib.noblogs.org/2013/06/30/e ... evolution/

Derrière la mobilisation politique en Egypte, la question sociale omniprésente

5 544 manifestations en cinq mois, 42 manifestations par jour. Ces chiffres, extraits d’un rapport cité par leDailynews Egypt, montrent à quel point l’Egypte bouillonne en cette année 2013. Les chiffres de mars, avril et mai (1 354, 1 462 et 1 300 manifestations) font de ce pays celui qui a connu le plus de mobilisations dans le monde durant cette période. Les deux tiers de ces manifestations concernent des questions économiques et sociales, trop souvent éludées dans la presse au profit des combats politiques.

Professeur à la School of Oriental and African Studies à Londres, le chercheur Gilbert Achcar a publié au printemps 2013 Le Peuple veut (Actes Sud, chroniqué dans Mediapart) dans lequel il tente d’analyser les causes sociales des révolutions ainsi les structures économiques des pays arabes, et d’anticiper leur évolution.


Pourquoi tant insister sur la question sociale en Egypte, en cette période des troubles politiques majeurs ?

Gilbert Achcar. Il y a une habitude des médias qui consiste souvent à ne prêter attention qu’au politique. En Egypte, la vague de grèves qui a précédée le soulèvement de janvier 2011 est toujours là. On peut voir notamment au travers des communiqués réguliers des syndicats indépendants l’intensité des diverses actions sociales.

Durant l’époque nassérienne, l’Egypte avait connu un embrigadement à la soviétique, à la manière de la plupart des régimes dictatoriaux : les libertés et l’autonomie syndicale sont supprimés et les syndicats deviennent directement liés à l’Etat. Cette situation avait été maintenue en l’état, malgré toutes les privatisations et mesures de libéralisations économiques prises depuis l’époque du président Sadate. Cela arrangeaient bien le pouvoir de maintenir la classe égyptienne sous contrôle en gardant la main sur les syndicats.

Avec la vague de grèves impressionnante qui s’est enclenchée à partir de 2005, et qui a atteint un « pic » en 2008, on a vu se former le premier syndicat indépendant en Egypte depuis les années 1950. C’est un syndicat dans un secteur modeste, celui des collecteurs de l’impôt foncier, mais plusieurs dizaines de milliers d’Egyptiens y ont adhérés. Il est devenu le noyau de l’effort en Egypte pour construire un mouvement syndical indépendant, cette organisation ayant réussi à arracher sa légalisation, après moult sit-in devant le parlement, en profitant de la visite d’une délégation du Bureau international du travail (BIT) au Caire.

D’autres syndicats ont tenté de faire de même sous Moubarak, sans succès. C'est pour cela que je n’ai pas cessé de souligner qu’en Egypte, le soulèvement de 2011 n’ était pas un coup de tonnerre dans un ciel serein. Ce fut véritablement le point culminant d’un processus de radicalisation sociale.

Que sont devenues ces forces syndicales au lendemain du renversement du président Hosni Moubarak ?

Les syndicalistes ont pu généraliser leur action, et l’on a vu émerger une nouvelle centrale syndicale, la fédération égyptienne des syndicats indépendants (FITU en anglais), qui a d’ailleurs fait scission quelques mois plus tard, pour aboutir à la création d’une seconde fédération.

La FITU revendique aujourd’hui 2 millions d’adhérents. Il y a donc un nouveau mouvement syndical en Egypte, indépendant et très radical, un peu à l'image du syndicat Sud en France, en plus massif évidemment. Ce mouvement syndical est d'ailleurs parvenu à ce que l’organisation internationale du travail (OIT) mette sur liste noire l’Egypte dont le gouvernement Morsi a refusé d’entériner les libertés syndicales reconnues internationalement tout en maintenant un cadre légal répressif et non démocratique. C’est un des aspects de la profonde continuité entre le gouvernement Morsi et le régime Moubarak.

Comment les Frères musulmans, une force politique de masse, agissent-ils auprès des syndicats ?

Les Frères musulmans ont laissé de côté les syndicats indépendants, qui portent une radicalité sociale contre laquelle ils se sont toujours opposés. Ceux qu’ils noyautent, ce sont les syndicat officiels, dont ils essaient même de s’emparer en plaçant leurs membres aux postes clés. C’est la raison pour laquelle ils souhaitent maintenir ce cadre légal anti-démocratique. En outre, les syndicats officiels – auxquels l’adhésion était obligatoire sous l'ancien régime, et que l’on voudrait maintenir dans ce même statut – ont incomparablement plus de moyens que les indépendants, et surtout la FITU.

Depuis la chute de Moubarak, les Frères musulmans ont toujours condamnés ce qu’ils désignent comme « des grèves catégorielles », une manière d’opposer l’intérêt de la classe ouvrière égyptienne à l’intérêt national.

Depuis 2011, quelles sont les grandes luttes et gains sociaux des forces indépendantes ?

Les grèves touchent ou ont touché presque tous les secteurs, privés comme publics, de l’industrie comme des services. Il y a eu une grève considérable des transports publics. Tous les jours se mènent des batailles dans les entreprises privées ou publiques du pays. Une des grandes revendications porte sur les salaires minimum, mais aussi maximum, car c’est l’une des particularités de l’histoire syndicale égyptienne que d’avoir imaginé un salaire maximum. Mais il n’y a pas eu récemment de bataille sur un thème unificateur au niveau national. Les luttes sociales sont pour l’heure davantage sectorielles ou locales, que nationales.

Quelle politique économique et sociale a été appliquée par les Frères musulmans ?

Il y a une continuité entre l’ancien régime, la transition des militaires et cette année de gouvernement Morsi. Sur le plan social et économique, il n’y a eu aucun changement. Le gouvernement formé par Morsi s’est inscrit dans la ligne des négociations avec le Fonds monétaire international (FMI) dont il partage le diagnostic sur le pays et la nécessité de déréguler. Le gouvernement a donc accepté les conditions du FMI pour obtenir des prêts, mais, dans le contexte politique actuel, il n’est pas en mesure de les imposer. Ce fut notamment le cas pour la suppression de la subvention aux produits de premières nécessités : il y a eu une tentative de la faire passer, mais elle fut vite anéantie par un démenti publié sur la page Facebook de Morsi annulant les mesures annoncées par son gouvernement quelques heures auparavant. Les négociations avec le FMI sont donc au point mort.

Le gouvernement est coincé dans sa logique néolibérale, et tente de gagner du temps jusqu’à la prochaine échéance électorale, grâce notamment aux prêts du Qatar. Dans un pays qui vit un tel bouillonnement social – où le capitalisme est davantage concentré vers le profit rapide que vers le développement industriel ou durable – une logique économique qui considère que le pivot, c’est le secteur privé, est forcément vouée à l’échec. Car il n’y a pas les conditions qui permettraient au secteur privé de relancer les investissements et l’économie dans son ensemble. En outre, les Frères musulmans ne sont pas sortis de leur logique d’actions caritatives, qui leur permettent d’évacuer les questions des droits sociaux et celle du rôle de l’Etat dans la justice sociale et la relance économique.

Cette logique entre en collision avec le diagnostic que vous faites d’un sous-investissement chronique des économies du Maghreb et du Moyen-Orient depuis plusieurs décennies, et de l’Egypte en particulier.

Sur la base des chiffres des institutions internationales, et dans une démarche comparative avec les autres ensembles géographiques de l’espace afro-asiatique, on voit bien qu’il y a un blocage du développement dans le monde arabe sur les dernières décennies, au moins depuis les années 1970. Ce blocage est générateur d’un chômage record, notamment chez les jeunes, une caractéristique de la région et l’une des raisons fondamentales de l’explosion sociale et des révolutions en cours. En cherchant où se situe le problème, on voit que ce frein au développement est en rapport avec un taux d’investissement nettement plus bas dans la région qu’ailleurs. Et ce faible taux est dû à un retrait de l’Etat depuis le tournant des années 1970, selon une logique qui donne la priorité au secteur privé. Sauf que dans les pays arabes, et en Egypte en particulier, le secteur privé n’a pas répondu à l’appel, du fait de sa nature même et de sa logique de profit à cours terme. Voilà le fond du problème : quelle que soit la perspective politique que l’on privilégie, l’Etat a un rôle central à jouer dans la relance économique et le développement, ne serait-ce que pour créer les conditions de l’émergence d’un véritable secteur privé, capable et désireux d’investir dans le pays.

Au lieu de s’endetter à hauteur de 18 milliards de dollars auprès du Qatar, le gouvernement devrait se tourner vers les fonds dont dispose déjà le pays. Les milliards accumulés par détournements des fonds publics sous Moubarak par les grandes familles auraient pu être nationalisés avec le consentement de l'opinion publique. Au lieu de cela, les militaires, puis les Frères musulmans, ont négocié des compromis avec ces grandes familles, pour poursuivre dans la même logique économique.

L’opposition politique égyptienne actuelle est-elle en mesure de se saisir de ces enjeux ?

C’est tout le problème que constitue une opposition très bigarrée. Le Front du salut national est extrêmement hétérogène : il va d’un pan de l’ancien régime représenté par Amr Moussa, à Al Baradeï, qui n’a pas véritablement de programme économique, jusqu’ à Hamdine Sabahi, le troisième homme de la présidentielle, un nassérien de gauche. Les perspectives sont donc très différentes, et on l’a vu lors de la dernière visite du FMI au Caire : tandis que les partisans de Sabahi manifestaient contre la délégation internationale, Amr Moussa reprochait au gouvernement de ne pas mettre en pratique les recommandations du FMI. Sur la question sociale, c’est donc le grand écart. C’est d’ailleurs ce qui, à mon sens, limite la crédibilité de ce front, et permet aux partisans des Frères musulmans de mettre tout le monde dans le même sac sous l’étiquette de l’ancien régime. Tout le paradoxe actuel est là : alors que la question sociale est le terrain sur lequel les Frères musulmans sont les plus faibles, ce type d’opposition est pour l’heure incapable de proposer une alternative cohérente.

http://www.mediapart.fr/journal/interna ... nipresente
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Re: Egypte

Messagede leo » 01 Juil 2013, 15:09

De Taksim et de Rio à Tahir, l’odeur des gaz lacrymogènes
Appel des "Comrades from Cairo"

http://oclibertaire.free.fr/spip.php?article1383
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Re: Egypte

Messagede Nico37 » 02 Juil 2013, 21:44

La plus grande manifestation de l’histoire de l’humanité : un message au monde Jacques Chastaing, le 1er juillet

Il y aurait eu hier 30 juin dans quasi toutes les villes d’Egypte, petites ou grandes, entre 14 millions de manifestants anti Morsi selon l’agence Reuters citant des sources militaires et 33 millions selon CNN ou la BBC. Quoi qu’il en soit, il y en avait bien plus que lors des 18 jours cumulés de la révolution de janvier 2011 qui a fait tomber Moubarak. C’est la plus grande manifestation de l’histoire de l’Égypte et même probablement de l’histoire de l’humanité.

Manifestations festives

Les manifestations, qui étaient de véritables fleuves humains, n’ont connu quasi pas de violences. Il y aurait eu 5 morts et 613 blessés selon le ministère de la santé (sur provocation souvent des Frères Musulmans), ce qui est à déplorer mais ce qui est peu par rapport à l’ampleur considérable du nombre de gens dans la rue. Les manifestations ont surtout été marquées par une immense ambiance festive. Les gens étaient tout simplement heureux de se voir si nombreux, chantaient, riaient, lançaient des feux d’artifice. Pour beaucoup, malgré 2 ans et demi de luttes et protestations, c’était leur première manifestation. Ils sont venus par familles entières, avec enfants et parents. On a même vu des villages quasi entiers se vider pour partir à pied, rejoindre les manifestations des villes les plus proches.
Il y avait également des centaines de milliers de gens à leurs fenêtres qui applaudissaient les manifestants, criaient et chantaient avec eux ou agitaient des drapeaux. Bien des personnes âgées qui ne pouvaient pas marcher, ont tenu à manifester en restant en bas de leur immeuble, seuls ou en groupe, toujours avec drapeaux ou pancartes. Des centaines de bateaux de pêcheurs ont "manifesté" sur l’eau à Damiette ou bateaux pour touristes à Luxor. Des policiers, même des Forces Spéciales (anti émeute, nos CRS) ont manifesté en nombre, contre la dictature !
Le slogan principal rugi par ces millions de manifestants à l’attention de Morsi, était unanime d’un bout à l’autre de l’Égypte : "Dégage" ! Comme le carton rouge que tenaient par millions ces mêmes manifestants où était inscrit le même mot : "Dégage" !
Mais on entendait également bien d’autres choses : "Nous voulons des femmes à tous les postes du gouvernement", "Musulmans et chrétiens ensemble sont la révolution" , "Les femmes sont la fierté de l’Égypte",

Manifestations de colère

Se mélangeant à l’ambiance festive, la colère était aussi présente partout.
Sociale d’abord : le dimanche étant un jour travaillé en Égypte (jour de repos le vendredi), la plupart des usines, bureaux et magasins étaient fermés. Ce qui rajoute en profondeur à l’ampleur de la mobilisation. Un syndicaliste notait seulement 10% de présence dans la plus grande usine d’Égypte, les tissages Misr à Mahalla al Kubra. L’immense majorité des manifestants tenait à die qu’ils étaient là parce qu’ils n’en pouvaient plus de ne pas avoir de travail, d’argent, des coupures d’eau et d’électricité incessantes, de la pénurie d’essence... La manifestation a cristallisé et uni les milliers de protestations à caractère économique et social qui ont traversé le pays depuis le début de l’année et qui, là aussi, ont atteint un nombre record dans l’histoire mondiale.
Politique ensuite : de nombreuses pancartes, banderoles tenaient à dénoncer le soutien d’Obama aux Frères Musulmans, aux terroristes islamistes qu’il prétend pourtant combattre. On entendait "Réveille-toi Amérique, Obama soutien un régime fasciste en Égypte". Et cela valait pour tous les régimes occidentaux ou médias qui ont reconnu le régime des frères Musulmans et l’aident ou sont complaisants à son égard.
C’était un avertissement clair également à toutes les dictatures islamistes du monde arabe et simplement toutes les dictatures. Beaucoup de gens le disaient : "Qu’ils regardent et qu’ils tremblent" !

Manifestations de défiance

A la fête et à la colère, il faut ajouter une ambiance de défiance à l’égard de tous les partis et institutions.
Les manifestants égyptiens veulent imposer un type de démocratie directe où lorsque les dirigeants ne tiennent pas leur promesse, quels qu’ils soient et fussent-ils élus, ils doivent être démis de leurs fonctions sans attendre la fin de leur mandat.
Beaucoup ont signalé que bien des manifestants applaudissaient les militaires dans les rues ou les hélicoptères militaires qui survolaient les manifestations. En fait, beaucoup étaient des primo-manifestants et ne s’étaient pas encore éveillés à la politique lors du pouvoir du Conseil Supérieur des Forces Armées. Mais bien d’autres, plus expérimentés, criaient "Ni Frères, ni armée" et portaient d’immenses drapeaux à l’effigie des victimes tuées lors de manifestations ou en prison alors que l’armée était au pouvoir après la chute de Moubarak. La Révolution cherchant son chemin, avait jugé intelligemment que le 30 juin, elle ne pouvait affronter de front ses deux adversaires, les Frères Musulmans et l’armée et a décidé de jouer de leurs divisions. Ainsi si les jours qui viennent voient l’armée jouer à nouveau un rôle politique, il faut bien comprendre que sa marge de manœuvre sera encore bien plus faible qu’auparavant, une foule d’égyptiens se faisant infiniment moins d’illusions sur elle, qu’il y a deux ans.

Et maintenant ?

L’ensemble des partis, des frères Musulmans à l’opposition du FSN en passant par l’armée, ont été complétement stupéfiés par cette descente massive des égyptiens dans la rue, dépassant toutes leurs prévisions. Tous semblent interloqués, muets, quasi "interdits", aux deux sens du mot. Les seuls qui ont osé parler se sont ridiculisés. Morsi a dit qu’il était ouvert au dialogue. La rue a répondu qu’elle ne voulait pas de dialogue mais qu’il dégage. Hamdeen Sabbahi, dirigent des socialistes nassériens, qui se voit peut-être déjà futur vainqueur d’éventuelles élections présidentielles, a demandé à l’armée de prendre le pouvoir provisoirement avant des présidentielles anticipées, au cas où Morsi ne dégagerait pas de son plein gré.
Le mouvement Tamarod ( Rébellion) qui a initié cette manifestation géante après une pétition qui l’a préparée de 22 millions de signatures demandant que Morsi dégage, a répondu en lançant un ultimatum au pouvoir : où Morsi s’en va avant mardi 2 juillet à 17 h 00, où nous appelons à une grève générale illimitée et un mouvement de désobéissance civile jusqu’à ce qu’il tombe. Pendant que le "Front du 30 juin" qui a organisé la manifestation et pourrait bien se substituer en notoriété et autorité à l’opposition institutionnelle du FSN, a tenu à dire qu’il ne voulait pas plus du pouvoir de l’armée que de celui des Frères Musulmans et appelé à continuer à occuper rues et places jusqu’au départ de Morsi. Et de fait, toute la nuit des manifestations et sit-in ont continué un peu partout pendant que des villages de tentes se construisaient à bien des endroits.
On ne peut pas prévoir ce qui va se passer. Mais d’ores et déjà, on peut se dire que le message du peuple égyptien contre tous les pouvoirs oppressifs de la planète sera bien mieux entendu qu’il y a deux ans car depuis, du Brésil à la Turquie, de la Grèce au Bangladesh, du Chili à la Bulgarie ou la Bosnie, les peuples ont commencé à soulever le joug qui les opprime. La révolution ne fait que commencer.
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Re: Egypte

Messagede bipbip » 05 Juil 2013, 08:11

Communiqué d'Alternative libertaire
La rue égyptienne plus forte que les urnes

Deux ans et demi après l’éviction d’Hosni Moubarak la rue égyptienne a de nouveau parlé. Mohamed Morsi a été chassé du pouvoir après un an de règne et quatre jours de manifestations d’une ampleur inégalée dans l’histoire du pays. Les Égyptiens et les Égyptiennes sont venu-e-s rappeler au monde qu’une élection n’est pas un chèque en blanc qui délie les représentants de toute contrainte. La démocratie réelle implique un contrôle des mandats par les mandants et cela ne serait rien sans la possibilité de révoquer ceux qui ont trahi leur mandat. Aucune constitution n’accorde ce pouvoir aux travailleurs (en dehors de quelques « référendums révocatoires » à la sauce chaviste) : les classes dominantes auraient bien trop peur de la spirale démocratique que cela pourrait entraîner à leurs dépens. Au-delà des constitutions, au-delà des lois, au-delà de la « légitimité démocratique » supposée des élections, les travailleurs et travailleuses d’Égypte se sont réapproprié leur destin par la mobilisation collective et révolutionnaire. Que nos chefaillons occidentaux en prennent de la graine, et que cela donne des idées aux travailleurs et travailleuses du monde entier !

Cependant, cette seconde révolution prend avec l’intervention de l’armée dans l’éviction finale de Morsi des accents de coup d’État. Si les militaires n’ont fait qu’entériner une issue rendue inéluctable par la rue, cela a une portée symbolique désastreuse. Au-delà du symbole, les militaires sont en bonne place pour une reprise autoritaire du pouvoir et un retour à un régime proche de celui que la rue avait chassé il y a deux ans et demi. Détenteurs d’une large part des richesses du pays (35 % du PIB), les militaires ont hâte de pouvoir reprendre intégralement le contrôle du pouvoir politique qui est le gage de la pérennité de leur empire économique, sans prise en compte des intérêts des travailleurs et des travailleuses.

Alternative libertaire soutient les mouvements sociaux égyptiens et l’ensemble des forces progressistes dans la bataille contre les islamistes et l’armée pour faire advenir en Égypte la liberté, l’égalité sociale et une véritable démocratie fondée sur des pouvoirs populaires.

Alternative libertaire, le 4 juillet 2013
http://www.alternativelibertaire.org/sp ... rticle5413
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Re: Egypte

Messagede Blackwater » 06 Juil 2013, 11:50

http://tempsreel.nouvelobs.com/monde/20130705.OBS8296/egypte-il-existe-des-risques-de-destabilisation.html

Remise en cause de l'islam politique, contagion aux pays qui ont enclenché une révolution, radicalisation du champ islamique, perte d'influence du Qatar... Les conséquences du coup d'Etat populaire sont grandes sur la région. Interview.

Bernard Rougier est directeur du Centre d'Études et de Documentation Économiques, Juridiques et Sociales (Cedej) au Caire. Il revient sur les conséquences régionales du coup d'Etat populaire égyptien.

Le coup d'Etat populaire organisé en Egypte est-il la manifestation d'un rejet de l'islam politique ?

- Quand on prend l'élection d'Hassan Rohani en Iran, les manifestations en Turquie contre Erdogan qui était présenté comme un modèle des Frères musulmans au pouvoir, et quand on voit les manifestations anti-Morsi, on a effectivement l'impression qu'il y a un mouvement de refus de l'islam politique, en tous cas tel qu'il est incarné par les Frères musulmans.

Contrairement à ce qu'on a dit – que les révolutions arabes avaient été récupérées par les islamistes – on s'aperçoit qu'il y a aussi une réaction d'hostilité venant de la société contre l'islam politique ou les Frères musulmans, de leur sectarisme, de leur manque de transparence... au fond un rejet des logiques de fonctionnement qui sont, pour beaucoup, celles des Etats autoritaires qui ont fait l'objet de la contestation de la première génération des printemps arabes. L'Egypte est la matrice : c'est le pays où sont nés les Frères musulmans en 1928, et cette contestation a une valeur encore plus grande.

Est-ce le temps de la révolution des "laïcs", avec toutes les réserves qu'il convient d'employer dans le contexte local ?

- Cet événement est un espoir pour tous les opposants à l'islam politique bien sûr. Mais il convient de ne pas oublier qu'il existe un islamisme anti-Frères musulmans. C'est un courant assez minoritaire au sein de la mouvance salafiste. Le parti al-Nour avait gardé une certaine neutralité jusque-là mais il avait bel et bien un représentant lors de cette mise en scène assez incroyable mercredi qui a précédé la chute de Mohamed Morsi, au milieu de cet aréopage de dignitaires religieux et représentants de la société. Et on a vu des femmes en niqab dans les manifestations. L'idée, c'est que les Frères musulmans n'ont pas le monopole de l'islam, n'ont pas le monopole de la piété religieuse. Les Egyptiens sont très religieux mais refusent qu'une organisation veuille s'emparer du sens de l'islam. C'est une dimension très présente dans l'hostilité à Morsi. Il y a une perception des Frères comme organisation sectaire et un rejet de cette organisation opaque dans un climat qui appelle à la transparence.

Ces événements peuvent-ils avoir des conséquences sur les pays arabes qui ont enclenché une révolution ces dernières années ?

- Cette forte contestation aura, oui, très certainement, des conséquences en Tunisie et partout ailleurs.

Mais il faut surtout souligner deux sources possibles de déstabilisation à un niveau plus immédiat : il existe une relation proche de la symbiose entre le Hamas et les Frères musulmans égyptiens. Ils se parlent tous les jours, se connaissent très bien et pendant l'année de présidence de Morsi, il n'y a plus eu d'attaques de pipe-line dans le Sinaï, contrairement à l'année précédente où elles étaient récurrentes. Et je crois qu'il y a un risque, qu'à nouveau, le Hamas, pour le compte des Frères, intervienne pour gêner l'armée égyptienne.

La deuxième conséquence serait la radicalisation du champ islamique. Depuis la chute de Moubarak, il y a ce qu'on appelle un djihadisme théorique, représenté par des prédicateurs qui ont pignon sur rue, qui interviennent sur les chaînes de télévision satellitaires religieuses et qui contestent le principe même de participer à une élection. Il y a un risque que cet événement, perçu comme un coup d'Etat, donne plus de poids à ces prédicateurs. Dans un contexte où les armes circulent facilement non loin – depuis la Libye ou le Mali – les actions armées ne sont pas à exclure. D'autant que la Gamaa islamiya, cette ex-organisation islamiste armée qui était devenue une composante très importante de la majorité de Morsi, a joué un rôle très important dans les manifestations pro-Morsi. Si la Gamaa islamiya a abandonné sa composante militaire en 1997 après les attentats de Louxor, il y a aujourd'hui un risque de les voir renouer avec l'action violente. Avec les risques de déstabilisations inhérents.

La chute de Morsi consacre-t-elle une perte d'influence du Qatar ? Un gain pour l'Arabie saoudite ?

Le Qatar est une composante de la réflexion bien sûr. D'ailleurs, selon le journal "Al-Arham" – ce journal qui a toujours été la voix du pouvoir – les militaires auraient proposé à Morsi l'exil au Qatar et il aurait refusé. Et le premier effet de la chute de Morsi sera d'ordre économique avec la fin de l'aide du Qatar au budget égyptien. Et si l'Arabie saoudite ne reprend pas son rôle, il va y avoir une dégradation encore accrue de la situation économique égyptienne. Il faudra beaucoup d'intelligence politique pour que les nouveaux équilibres se constituent sans être immédiatement contestés, y compris par ceux qui ont participé à cet acte II de la révolution et qui pourraient considérer qu'ils sont à nouveau trahis. On est rentré dans une situation de très très grande instabilité.

Maintenant, l'Arabie saoudite doit être ravie. La famille royale avait soutenu Chafiq en 2012 et va sans doute apporter un soutien politique au nouveau pouvoir. Même chose aux Emirats arabes unis. Mais il faut qu'ils apportent prioritairement un soutien financier. Le pouvoir saoudien est favorable à l'armée et très hostile aux Frères musulmans parce qu'elle a le sentiment qu'avec l'axe Qatar-Egypte il y aurait une sorte de politique d'encerclement du Royaume et de contagion de la contestation, d'influence idéologique. Les Frères n'existent plus en tant que telle en Arabie saoudite, mais il y a une forte influence dans les milieux d'affaires en particulier. Pour l'Arabie, il est donc important de réduire l'influence du Qatar au niveau régional. Et, là, effectivement, le Qatar perd un lieu de projection de sa présence.
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Re: Egypte

Messagede Denis » 09 Juil 2013, 21:06

de Normand Baillargeon sur facebook

"Un gamin de 12 ans explique ce qu'il comprend de la situation en Égypte; en trois minutes."



les sous-titres sont confirmés comme fidèles à la parole du garçon par un copain Egyptien !

si un membre du forum pouvait traduire pour les non-anglophones, ça va devenir une vidéo culte !
Qu'y'en a pas un sur cent et qu'pourtant ils existent, Et qu'ils se tiennent bien bras dessus bras dessous, Joyeux, et c'est pour ça qu'ils sont toujours debout !

Les Anarchistes !
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Re: Egypte

Messagede bipbip » 14 Juil 2013, 01:06

Egypte : » L’armée est au centre de nos problèmes économiques »
une interview en anglais d’un anarchiste du Caire :
L’anarchisme en Égypte, après la Fraternité
Anarchism in Egypt, after the Brotherhood
http://dndf.org/?p=12670&utm_source=rss ... conomiques
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Re: Egypte

Messagede Denis » 16 Juil 2013, 19:49

Qu'y'en a pas un sur cent et qu'pourtant ils existent, Et qu'ils se tiennent bien bras dessus bras dessous, Joyeux, et c'est pour ça qu'ils sont toujours debout !

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Localisation: Oraison, Alpes de Haute Provence, le zéro-quatre

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