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La grande place Tahrir dans le centre du Caire était toujours occupée dimanche matin par plusieurs centaines de manifestants protestant contre l'acquittement de six ex-hauts responsables de la sécurité dans le cadre du procès de Hosni Moubarak. Une partie d'entre eux a dormi sous des tentes ou à même le sol, après que quelque 20 000 personnes se sont rassemblées la veille et jusque tard dans la nuit sur cette place.
La justice a condamné samedi l'ancien président et son ministre de l'intérieur Habib El-Adli à la prison à vie, alors que le procureur avait requis la peine capitale. Le tribunal a également acquitté six anciens hauts responsables de la sécurité eux aussi jugés pour la mort de 850 personnes durant la révolte contre le régime Moubarak début 2011. Les deux fils de M. Moubarak, Alaa et Gamal, ont vu les accusations de corruption qui pesaient sur eux déclarées prescrites par la cour, et n'ont pas été condamnés.
Plusieurs dizaines jeunes Egyptiens ont mis à sac le quartier général de campagne du candidat à la présidentielle Ahmed Chafik à Fayoum, au sud du Caire, samedi soir, quelques heures après la condamnation de l'ex-président Moubarak. Ahmed Chafiq, qui affrontera le candidat des Frères musulmans Mohammed Morsi au second tour, les 16 et 17 juin, a été le dernier premier ministre de Moubarak, renversé le 11 février 2011. Le QG de campagne de M. Chafiq au Caire avait déjà été attaqué lundi. A Hourghada, sur la mer Rouge, les locaux ont été saccagés et les vitres brisées.
Dans la grande ville d'Alexandrie, de 4 000 à 5 000 personnes ont manifesté, tandis qu'à Ismaïliya, sur le canal de Suez, quelque 1 500 personnes s'étaient rassemblées. Des manifestations ont aussi eu lieu à Suez, à l'est du Caire, et à Port-Saïd d'après des témoins.
Certains jugent le verdict trop clément et réclament la pendaison de M. Moubarak, tandis que d'autres craignent que l'acquittement des six anciens responsables de la sécurité ne soit synonyme d'impunité pour la police, largement honnie en Egypte et accusée de violations systématiques des droits de l'Homme.
Les Frères musulmans, première force politique d'Egypte, ont appelé à descendre en masse dans la rue. Leur candidat à la présidentielle, Mohammed Morsi, a brièvement rejoint les manifestants place Tahrir après avoir qualifié sur Twitter le verdict de "farce" et jugé qu'il fallait un nouveau procès. Lors d'une conférence de presse, il a plus tard appelé les Egyptiens à poursuivre leur "révolution" en estimant que les protestataires devaient exiger une élection libre et le transfert du pouvoir par l'armée.
M. Chafiq a de son côté affirmé que les décisions de justice "doivent être acceptées", y compris l'acquittement des six hauts responsables de la sécurité.
Pour leur part, Amnesty International et Human Rights Watch ont estimé que l'acquittement de six ex-hauts responsables pourrait encourager une culture d'impunité dans la police.
Le juge Rifaat a dit avoir pris sa décision "la conscience tranquille". Il a eu a des mots très durs pour la situation de l'Egypte sous Hosni Moubarak, dénonçant la pauvreté de ceux qui vivaient dans "la pourriture des bidonvilles" et "ont bu l'eau des mares".
Le futur président égyptien, un futur casse-tête pour Washington
De Lachlan CARMICHAEL (AFP) – il y a 1 heure
WASHINGTON — Quel que soit le gagnant de la présidentielle égyptienne, les relations entre Washington et Le Caire seront plus compliquées qu'elles l'étaient du temps où la diplomatie américaine disposait, avec Hosni Moubarak, d'un véritable relais, selon des experts.
Mohammed Morsi, candidat des Frères musulmans et Ahmad Chafiq, dernier Premier ministre de l'ancien président Hosni Moubarak, seront opposés lors du second tour de la présidentielle les 16 et 17 juin.
Prudents, et affirmant ne pas vouloir intervenir dans les affaires intérieures égyptiennes, les Etats-Unis se sont jusqu'ici bien gardés de soutenir l'un ou l'autre.
Washington serait "sans doute plus à l'aise avec quelqu'un comme M. Chafiq", explique à l'AFP Nathan Brown, un expert du Moyen-Orient de l'Université George Washington. "Mais les Etats-Unis craignent le chaos politique qu'une victoire de M. Chafiq est vraisemblablement plus à même de provoquer".
Considéré par certains électeurs comme celui qui rétablirait l'ordre qui prévalait avant la révolution, M. Chafiq est aussi perçu comme illégitime par ceux qui ont pris part au mouvement de contestation qui a renversé le président Moubarak en février 2011, relève M. Brown.
- Paix au Proche-Orient -
En outre, souligne l'expert, même en cas de victoire, M. Chafiq ne sera "pas aussi coopératif avec les Etats-Unis que l'était Moubarak, car il sera beaucoup plus faible que lui au niveau intérieur". Et il pourrait également considérer que Washington a trahi le régime Moubarak.
Pour l'administration Obama, Mohammed Morsi et Ahmad Chafiq suscitent "un sentiment quasi identique d'anxiété quant aux conséquences de l'élection pour l'Egypte et pour les relations américano-égyptiennes", ajoute l'expert.
Les Etats-Unis pouvaient compter sur M. Moubarak dans les négociations de paix entre Israéliens et Palestiniens et l'ancien président égyptien avait accepté de coopérer avec Israël, malgré des relations tendues avec ce pays.
M. Moubarak avait également envoyé des troupes en Irak pour soutenir la coalition lors de la Guerre du Golfe en 1991. Il avait aussi travaillé étroitement avec Washington dans la lutte contre le terrorisme et s'opposait à l'influence iranienne dans la région.
A contrario, les Frères musulmans et Washington ont longtemps été en désaccord sur l'Iran, la coopération en matière de sécurité, "la présence militaire américaine dans la région et, plus que tout, Israël", grand allié des Etats-Unis, observe M. Brown.
Ainsi, si M. Mursi l'emporte, "il n'y a guère de doutes qu'une coopération rapprochée entre Israël et l'Egypte sur la sécurité sera absolument exclue", avance l'expert.
"La paix froide entre l'Egypte et Israël (du temps de Moubarak, ndlr) deviendra encore plus froide si les Frères musulmans gagnent", renchérit Marina Ottaway, analyste au centre de réflexion Carnegie Endowment for International Peace.
- Quel candidat soutenir? -
Mais si Washington est vu comme soutenant Ahmad Chafiq, cela pourrait suggérer que les Etats-Unis "soutiennent encore l'ancien régime, et cela pourrait saper le crédit des Américains, non seulement en Egypte, mais dans tout le monde arabe", dit Mme Ottaway.
"Je crois que la relation (de l'Egypte) avec les Etats-Unis va devenir bien plus difficile quel que soit le vainqueur", conclut-elle.
"Je ne crois pas que Washington ait vraiment une préférence pour l'un ou l'autre", estime de son côté Steven Cook, du centre de réflexion Council on Foreign Relations.
"Et si c'est le cas, les Américains ne vont certainement pas le crier sur les toits", dit-il. "Les Etats-Unis espèrent pouvoir travailler avec le prochain président, quel que soit son nom. Mais ce sera difficile".