La Vie Financière - 29 avr 2010
Le krach dans le krach : menace sur les taux longs
Sans surprise la Fed a annoncé hier, qu’elle ne changerait pas sa politique monétaire laxiste, caractérisée par un taux directeur très bas (entre 0 et 0,25%).
C’est donc aux banques centrales de déterminer ce taux à court terme, mais qu’en est-il des taux longs ?
Théoriquement, ce rôle est aussi dévolu aux argentiers nationaux, mais en pratique, le marché pèse sur les taux longs par le simple jeu de l’offre et de la demande en obligations d’Etat.
Or, d’après Jean-Marc Vittori, éditorialiste aux Echos : ”En 2010, la demande d’obligations sera sensiblement inférieure à l’offre. Les taux d’intérêt à long terme risquent donc de remonter”.
De nombreux états endettés vont devoir émettre des obligations pour financer leur déficit, dans les trois prochaines années.
Il faudra l’appétit des investisseurs, qui voudront un rendement plus élevé pour détenir de la dette souveraine.
Dans un tel scénario, la spirale fatale est la suivante : la remontée des taux longs pour garder la faveur des investisseurs va entrainer un creusement des déficits publics des pays développés.
Les notes financières vont se dégrader et les taux longs vont monter…
Ryadh Benlahrech
Analyse économique lucide...
Pour continuer à fonctionner, le capitalisme en est réduit à faire de l'argent sur ses propres pertes. C'est le serpent qui se mange la queue pour soulager sa faim.
La dette étant devenue exhorbitante, elle ressemble à un baril de poudre monstrueux sur lequel on spécule à tout-va à travers le marché des obligations. Si cette partie de monopoly est encore possible, c'est parce que les taux d'interêt sont proches de zéro. Sans cette condition sur laquelle la FED garde la haute main, les Etats ne parviendraient pas à se maintenir à flot.
A Tchernobyl, la solution avait été de recouvrir le réacteur "avarié" d'un sarcophage de béton armé et d'acier.
Pour le krach des subprimes, on a utilisé la même méthode. Il a fallu deversé des centaines de milliards de dollars pour éteindre l'incendie et sauver le système bancaire. Certes, le feu a bien été éteint mais les Etats se sont mis dans le rouge et les fumées toxiques flottent toujours dans l'air. Aujourd'hui la tentation est grande d'aérer pour ne pas mourir asphixié.
La solution envisagée serait d'ouvrir le robinet de l'inflation pour réduire la dette, le terrain de jeu de l'économie virtuelle, et tenter d'étendre autant que faire se peut celui de l'économie réelle.; mais cette opération n'est pas sans risque pour le capitalisme. Une crise sociale n'étant pas le moindre si elle atteint la même profondeur que la crise économique.
C'est un peu tout cela qui est exposé dans l'article qui suit. La conclusion est discutable. Normal, l'auteur n'est pas révolutionnaire. Il n'envisage pas la disparition de l'économie.
Mécanopolis - 23 avr 2010
Eberhard Hamer, pour Horizons et Débats
Il n’y a pas qu’en Grèce que ça grince
Depuis huit semaines, la crise de l’Etat grec domine la discussion publique avec l’arrière-pensée que celle-ci risque d’entraîner une crise de l’euro.
Les deux sont exagérés. Le produit social brut de la Grèce n’est pas plus élevé que celui du Land de Basse-Saxe, elle est donc marginale pour l’espace euro. Et la Grèce ne mettra en danger l’euro que si les eurocrates ne laissent pas la Grèce s’assainir elle-même et se précipitent au secours de la Grèce en toute hâte et avec trop de zèle. Dans ce cas la Grèce deviendrait un modèle pour d’autres pays faibles, tels l’Espagne, le Portugal, la Lettonie, l’Italie et la France et constituerait en fait un danger substantiel pour l’euro.
Ce n’est pas par un hasard que les USA crient que la Grèce représente une menace pour l’euro. Cela pourrait être une manœuvre de diversion pour que les investisseurs de fonds du monde entier cessent de fuir le dollar, qui est en déclin, pour aller vers l’euro parce que celui-ci leur semble plus stable.
Le cas de la Grèce représente quand même un tournant pour l’Europe: l’excès d’argent qui est parti des Etats-Unis par le raz-de-marée financier de la FED et l’augmentation de placements toxiques, auraient dû entraîner l’effondrement des banques fautives, mais Henry Paulsson, ancien directeur de banque et ministre des finances américain, a provoqué la crise des finances d’Etat en injectant aux banques la plus grande somme de tous les temps. Tout ceci est dissimulé et caché actuellement, rien que parce que la FED submerge le marché d’argent bon marché à 1% et maintient ainsi la liquidité des banques et des Etats risquant la faillite.
La soi-disant solution de la crise des finances privées ressemble à la tentative de guérir un toxicomane en lui fournissant sans limite de la drogue.
Et malheureusement, en cédant à la pression américaine, les pays européens ont commis la même faute. En reprenant à leur compte la crise des banques jouant à la roulette, ils ont entraîné l’endettement et la crise financière de l’Etat.
Actuellement on devrait évidemment réduire l’envahissement financier des marchés des capitaux par une hausse des taux d’intérêt. Mais cette augmentation des taux d’intérêt ruinerait les Etats qui se trouvent déjà au bord de la faillite et aggraverait encore la crise conjoncturelle par des difficultés de paiement de l’économie privée. Actuellement aucune banque centrale n’ose récupérer l’argent prêté à la légère.
Comme une vraie correction n’est encore ni arrivée ni n’est voulue, la crise persiste et se propage comme une métastase vers d’autres secteurs. De la crise financière privée vers la crise des finances de l’Etat, vers la crise réelle de notre économie, vers la crise de nos systèmes sociaux jusqu’à l’appauvrissement et aux troubles sociaux.
La Grèce n’avance en tête dans cette situation de crise que parce qu’elle est contrainte de faire des économies. Mais faire des économies fera grimper plus sûrement la spirale de la crise. Tous les autres pays qui voudraient faire des économies et qui doivent faire des économies, devront suivre l’exemple de la Grèce; même les USA en tant que pays le plus endetté au monde.
Il n’y a qu’une seule issue: des mesures d’économies drastiques pour empêcher la crise économique et sociale, c’est-à-dire l’inflation.
En pratique, les banques centrales ont déjà jeté les fondements de l’inflation par la submersion de l’argent. Réduire la masse d’argent, c’est comme un sevrage. Celui qui ne peut pas supporter les conséquences d’une désintoxication doit réduire lentement sa consommation, mais cela veut dire qu’il accepte encore plus longtemps sa toxicomanie.
Pour le dire encore une fois: La crise du dollar et de l’euro a déjà commencé, il y a plusieurs années, par une hausse effrénée de la masse monétaire. Depuis plusieurs années, la FED n’a même plus avoué à quel point elle avait augmenté la masse monétaire chaque année, c’était en tout cas plus de 20%, dernièrement plus de 100%. L’inflation est donc voulue et au fond inévitable.
Le problème des monnaies soumises à l’inflation, c’est juste de savoir quelle monnaie perdra plus vite sa valeur. Il y a une course internationale à la dévaluation. Dans ce processus, l’euro pourrait en tout cas rester plus stable que le dollar.
L’inflation résout bien des problèmes:
• Le gagnant de toute inflation, c’est le débiteur. Tous les Etats sont surendettés, donc ils sont les gagnants.
• L’inflation peut aussi corriger les dettes bancaires et les investissements toxiques, elle est donc également utile pour le système financier qui joue avec l’argent.
• L’inflation stimule l’économie parce qu’il y aura de faux profits et une fuite vers les biens réels et les investissements.
• Mais l’inflation sert avant tout les politiciens sociaux. Les prestations sociales sont dévaluées, et il n’y a pas besoin de les réduire formellement. Cela a déjà été prévu par le Bundestag allemand, qui a décidé une garantie du montant de la retraite, sachant que les retraites pourront de moins en moins être payées. Il s’est décidé pour la dévaluation au lieu de la réduction.
On continuera à nous raconter le conte de fées des économies publiques, mais nous vivrons en réalité l’inflation à des taux à deux chiffres. Les perdants sont ceux qui possèdent des valeurs monétaires, comme les actions, les titres de rente, les droits d’assurances, les fonds etc. Mais ceux qui ont un revenu stable ou qui reçoivent des allocations sociales, vont aussi y perdre à cause de la dévaluation. Les propriétaires de biens réels par contre seront gagnants, à moins qu’on ne leur présente la facture par des impôts qui augmentent.
Une chose est sûre: Nous avons joui d’une fausse prospérité durant les décennies passées. Celle-ci se réduira forcément et laissera des perdants sur le carreau. Les secteurs de la crise les plus touchés seront les systèmes sociaux avec ses allocations et avec ce que l’Etat pourra encore distribuer. La lutte entre les fournisseurs pour leurs prestations et les bénéficiaires pour ce qu’ils reçoivent s’aggravera. Westerwelle a été le premier qui a osé aborder ces problèmes du futur. Dans les années à venir, cela deviendra le principal sujet de la politique.
Pour comprendre la subtile disctinction entre "l'inflation sous-jacente" et "l'inflation importée".
Money Week - 28 avr 2010
Les Banques centrales vont cesser de lutter contre l’inflation
Tandis que les énergies et matières premières devraient connaître une croissance soutenue en 2010, les Banques centrales ont décidé de ne surveiller que l’inflation sous-jacente (hors énergies et matières premières) pour décider des taux directeurs à appliquer dans leur zone.
Une décision qui soulève un problème : que fait-on alors de l’inflation importée ?
En effet, à en croire les statistiques pour le mois de mars, l’inflation sous-jacente atteindrait 0,9% en zone euro, sont plus bas niveau depuis 13 ans pour une inflation moyenne de 1,6% dans la zone euro.
Un calcul de l’inflation qui ne prend pas en compte tout ce qui dépend directement du pétrole (énergies et matières premières). Une inflation pour “esprit pur” qui ne mange pas, ne se déplace pas et ne se chauffe pas.
Mais l’inflation importée est à la hausse et rappelons qu’une baisse de 10% de la devise entraine 0,8% d’inflation importée (l’euro a dévissé de 8,01% face au dollar depuis janvier).
Dans cette hypothèse, l’inflation totale atteindrait 2,2% (2,4% en France). L’inflation “esprit pur” étant à la baisse, les Banques centrales ne devraient pas remonter leurs taux directeurs et les maintenir à bas niveau.
Conséquence directe, une réduction du pouvoir d’achat à venir compte tenu de l’inflation totale qui est bien à la hausse.
A l’heure où l'on prévoit un retour fort de l’inflation, les banques centrales ont donc décidé de ne plus lutter.
Etelbert Giovanni