Etats-Unis. La puissance de la campagne #MeToo
Leia Petty décrit ce que la campagne #MeToo accomplit pour favoriser le débat sur les agressions sexuelles mais aussi pour augmenter les possibilités qu’elle offre pour des avancées de la lutte pour la justice.
«En fait je l’ai pressée. Tu sais, elle était en bas, sur Palm Beach. Je l’ai entreprise et j’ai échoué. Je l’avoue. J’ai essayé de la baiser. Elle était mariée… Je l’ai entreprise très lourdement… Comme si elle était une garce. Mais je n’y suis pas parvenu. Et elle était mariée. Puis tout à coup je l’ai vue, maintenant elle a ces gros faux seins et tout cela. Elle a totalement changé son look… Oui, c’est bien elle. Avec l’or. Je ferai mieux d’utiliser quelques Tic Tac [dragées à la menthe] pour le cas où je me mettrais à l’embrasser. Tu sais, je suis automatiquement attiré par la beauté – je commence simplement à les embrasser. C’est comme un aimant. Juste un baiser. Je n’attends même pas. Et quand tu es une star, elles te laissent faire. Tu peux faire n’importe quoi… les saisir par le sexe. Tu peux faire n’importe quoi.» Donald Trump
Nous étions nombreux à penser que ces paroles, fuitées un mois avant le jour des élections, allaient faire tomber Donald Trump. Au lieu de cela il a gagné la présidence.
Cette croyance qu’ont Trump et d’autres hommes privilégiés comme lui qu’ils peuvent «faire n’importe quoi» aux femmes – ce que Lindy West a appelé dans le New York Times [1]: «le droit étouffant, délirant, galactique des hommes puissants» – a entraîné d’innombrables cas de harcèlement sexuel, d’agressions et de viols qui ont rarement été punis.
Le silence auquel ont été contraintes les femmes était assourdissant. Mais la colère suscitée par cette injustice – une colère que portent toutes les femmes – ne pouvait pas être enterrée à tout jamais. La campagne #MeToo en est la plus récente confirmation. Et ce ne sera pas la dernière.
Au cours des dernières semaines, plus de 30 hommes très en vue ont été accusés de harcèlement sexuel et doivent enfin en affronter les conséquences réelles. Dans de nombreux cas, les allégations mettent en évidence des abus qui se sont déroulés depuis des décennies, abus qui étaient connus et encouragés dans leur entourage proche – souvent en échange de promesses d’avancement des carrières des femmes qui travaillaient pour eux.
Des hommes ayant des positions privilégiées dans l’industrie du spectacle et du divertissement: des producteurs de films, des éditeurs de magazines d’art, des acteurs célèbres, des photographes ont été les premiers à être examinés dans le sillage de la découverte de l’histoire d’abus sexuels commis par Harvey Weinstein, le magnat du cinéma américain.
Hollywood et les industries qui l’entourent constituent une institution collective où la réification des femmes est intégrée aux fondements de la réalisation du profit, ce qui donne lieu à un mélange toxique d’exploitation et de sexisme qui a dévasté les vies de nombreuses femmes.
Mais #MeToo a redonné confiance aux femmes, elles peuvent raconter leur histoire parce que, pour la première fois depuis des décennies, on les croit.
Récemment l’acteur Kevin Spacey a été accusé d’abus sexuels par de nombreux hommes, dont beaucoup étaient des adolescents au moment des agressions. Cela a contribué à lancer le débat si indispensable sur les abus sexuels vécus par des garçons, débat qui est également reflété dans la campagne #MeToo.
L’impact de #MeToo a dépassé Hollywood. Le secrétaire à la Défense britannique, Michael Fallon, a été obligé de démissionner suite à des allégations de harcèlement sexuel. Plusieurs membres du Parlement et plus de 30 législateurs du parti conservateur de Theresa May affrontent également de telles allégations. Trois professeurs de Dartmouth [à Hanover dans le New Hampshire] ont été mis en congé payé pendant qu’une enquête criminelle est menée pour «mauvaise conduite grave».
Tous les signes laissent penser que ce processus se poursuivra. Pour ceux et celles qui ont vécu le harcèlement et l’abus sexuels, les faits qui sont dévoilés entraînent un mélange d’horreur et de justification. Il est particulièrement révélateur de constater combien de femmes qui s’expriment maintenant avaient déjà tenté de le faire par le passé et on les a fait taire, ce qui a suscité chez beaucoup d’entre elles un traumatisme de toute une vie.
Cette confiance qui leur permet de continuer à s’exprimer et qui vient du fait qu’on les croit enfin, ne peut qu’aider le mouvement contre le harcèlement et les abus sexuels, et renforcer la lutte plus large contre toutes les injustices.
• Au cours de ces dernières semaines il y a eu un débat à échelle nationale [Etats-Unis] sur le harcèlement sexuel, cela ne s’était pas produit depuis 1991, lors des auditions pour confirmer le juge Clarence Thomas [nommé par George H.W. Bush] à la Cour suprême.
A cette époque, Anita Hill, professeure en droit qui avait précédemment travaillé pour Thomas, s’était manifestée et l’avait accusé de harcèlement sexuel [lors des audiences devant le Sénat américain, audiences très médiatisées] Mais au lieu de s’en prendre à Thomas, Joe Biden [le vice-président nommé en 2009] – qui était à l’époque président de Comité judiciaire du sénat – a fait un procès à A. Hill et a choisi de ne pas convoquer les autres trois témoins qui auraient pu confirmer les accusations d’abus sexuel lancées par A. Hill. Plus tard, Thomas a été confirmé en tant que juge à la Cour suprême.
Nous sommes redevables à Anita Hill, les centaines de femmes qui prennent la parole maintenant suivent la voie qu’elle a ouverte.
#MeToo a fourni le moyen de briser le silence et de transformer les injustices que nous vivons en quelque chose «qu’il faut combattre au lieu de subir», comme l’a écrit Jen Roesch dans SocialistWorker.org [2].
En résumé, #MeToo a transformé la victimisation, ce qui a des conséquences politiques. Comme l’a écrit James Baldwin : «La victime qui est capable d’exprimer clairement la situation de victime, cesse d’être une victime: il ou elle devient une menace.»
Le fait que nous prenions la parole et que nous racontions nos histoires individuelles est une précondition pour devenir une réelle menace.
... https://alencontre.org/ameriques/americ ... metoo.html