Etats-unis d'Amerique

Re: Etats Unis d'Amerique

Messagede Ulfo25 » 16 Sep 2012, 19:14

Article de Mark Greif tradui en français pour Le Monde concernant le premier anniversaire de "Occupy Wall Street".

[/quote]Zuccotti Park, à New York, premier lieu public investi par le mouvement d'opposition au capitalisme financier Occupy Wall Street le 17 septembre 2011, se trouve à deux pas de Ground Zero (le site des attentats du 11 septembre). A mon sens, les médias n'ont pas assez souligné la dimension symbolique de cet emplacement.

Le 11 septembre 2011, six jours avant le début du mouvement, était inauguré en grande pompe le mémorial aux victimes des attaques d'Al-Qaida aux Etats-Unis. Le dixième anniversaire de cette tragédie a fait l'objet d'une cérémonie froide, onéreuse et sans âme, à l'image de l'affreuse tour centrale, la Freedom Tower, toujours en construction, venue combler l'espace où s'élevait auparavant le World Trade Center. D'un charnier, il aura fallu que l'on fasse des bureaux pour servir le pouvoir économique new-yorkais.

Quelques jours plus tard, les citoyens affluaient en masse vers le Financial District, non pour donner une conférence de presse, non pour participer à une manifestation ponctuelle, mais pour occuper le terrain jusqu'à ce que l'on remarque leur présence, jusqu'à ce que l'on reconnaisse leur rôle d'acteurs politiques. Le peuple a fait irruption dans ce que l'on appelle la "société managériale" ou "postdémocratie".

Le véritable monument à la mémoire de nos compatriotes, c'était l'exercice de notre liberté d'expression et de réunion, des droits que la Constitution américaine garantit à tout citoyen et sur lesquels repose la démocratie.

Une ère de dix ans venait de se terminer. Une décade marquée par la "guerre contre la terreur", engagée en réaction aux attaques du 11 septembre, et par l'autocensure, le repli sur soi, le deuil, et qui a culminé dans l'humiliation de la crise financière. La date du 17 septembre n'était pas un choix anodin : c'est la Journée de la Constitution et de la citoyenneté, qui commémore l'adoption de ce texte fondateur en 1787 et rend hommage aux immigrés récemment naturalisés.

La contestation menée par Occupy Wall Street visait avant tout à dénoncer les dérives de la démocratie américaine, qui laisse la richesse aux mains d'une petite élite, au détriment du peuple. Dans les années 2007-2008, en pleine crise financière, l'Etat a largement renfloué les banques mais n'a rien fait pour venir en aide aux Américains surendettés. L'arrêt Citizens United rendu en 2010 par la Cour suprême a étendu la liberté d'expression aux personnes morales, autorisant ainsi les entreprises à financer sans limites les campagnes électorales.

En 1776 déjà, les artisans de la révolution américaine parlaient des "many " et des "few" : ils voulaient une démocratie qui parle au nom de tous, pas seulement de quelques riches et puissants. A propos des inégalités criantes qui se sont installées depuis 1980, les militants d'Occupy ont parlé du "1 %" de la population le plus riche, en opposition aux "99 %". A ses débuts, ce nouveau mouvement a bénéficié d'un très large soutien.

J'ai la chance d'avoir été parmi les premiers à occuper Zuccotti Park. Assis en cercle, camarades et inconnus échangeaient des idées susceptibles de rénover la démocratie. J'étais un protestataire ordinaire, pas un leader. Contrairement à certains manifestants, je ne dormais pas sur place. Je me suis contenté de revenir à Zuccotti Park plusieurs fois dans la semaine.

Malgré la présence massive des forces de police et des équipes de télévision, le campement s'est organisé sur le modèle d'une cité véritablement démocratique, dotée de conseils municipaux, d'un service de communication, d'une bibliothèque, d'une pizzeria où l'on pouvait manger gratuitement et de dortoirs. Au-delà d'une manifestation éphémère, il s'agissait de vivre l'expérience démocratique au quotidien.

Quel était le sens de tout cela ? Les revendications politiques étaient claires : il suffisait de lire les banderoles ou de prendre part aux discussions. Les militants ont pourtant choisi d'appliquer une stratégie déconcertante. Aux journalistes qui venaient leur demander ce qu'ils faisaient là, quelles étaient leurs revendications, ils ont répondu : "Vous êtes citoyens, vous aussi. A votre avis, que devrions-nous exiger ?"

Cela n'est pas sans rappeler une anecdote mettant en scène le philosophe Henry David Thoreau, qui s'est un jour trouvé emprisonné pour avoir refusé de payer des impôts levés pour financer l'invasion du Mexique et la restitution des esclaves fugitifs à leurs maîtres. A son ami et mentor Ralph Waldo Emerson qui lui demandait : "Henry, pourquoi êtes-vous en prison ?", il répondit : "La vraie question, monsieur, c'est pourquoi ne l'êtes-vous pas ?"

Pour revenir à Zuccotti Park, les campements ont bientôt été débordés par les problèmes pratiques auxquels notre riche démocratie nationale refuse de faire face. Au fil des semaines, ceux qui ralliaient ces petites villes étaient les sans-abri, les pauvres, les plus vulnérables, ceux que nous laissons à la rue.

Les campements d'Occupy se sont transformés en centres d'action sociale. Les tracts n'avaient plus vocation à diffuser des messages politiques, mais à recruter des travailleurs sociaux, des psychologues, des aides-soignants et des médecins, des bénévoles capables d'effectuer des démarches administratives, afin de venir en aide à tous ceux qui étaient trop démunis pour formuler des revendications citoyennes.

Ce phénomène a plutôt desservi la réputation du mouvement auprès du grand public. Ce visage-là du peuple, personne n'a envie de le voir. Les municipalités ont fini par démanteler les campements, disperser les résidents, qualifiés de "menaces sanitaires", et, même, jeter aux ordures les 5 000 volumes de la bibliothèque créée par les manifestants à New York. Des employés de la voirie ont nettoyé les trottoirs, et des barrières ont été érigées pour empêcher toute nouvelle occupation.

Un an après, on peut considérer qu'Occupy a échoué dans la plupart de ses objectifs. Le projet qui consistait à amender la Constitution pour renverser la décision Citizens United n'a rien donné. Il a été question de lutter contre le financement privé des partis politiques, mais, aujourd'hui, à l'approche de l'élection présidentielle aux Etats-Unis, les citoyens américains sont aujourd'hui matraqués de spots publicitaires financés par des intérêts privés.

Après avoir arrosé le président Barack Obama en 2008, Wall Street finance maintenant son rival républicain Mitt Romney. Les efforts déployés par les militants pour faire savoir aux banques et à la Bourse qu'ils étaient à leurs portes auront été vains : ces institutions sont si bien fortifiées qu'elles résistent à l'assaut.

Le mouvement Occupy a tout de même remporté une victoire significative. Les inégalités, jusqu'alors tabou, sont désormais un vrai sujet de débat. Répudié par Wall Street, Barack Obama a dû se rendre à la réalité : son électorat, c'est le peuple.

En ce moment même, des technocrates s'occupent de mettre en oeuvre la loi Dodd-Frank, qui prévoit de renforcer le contrôle des autorités sur le système financier. Des fonctionnaires engoncés dans leur costume-cravate tergiversent sur les mesures de protection des consommateurs, qui obligeraient les banques à s'acquitter de dédommagements pour malversations financières, saisies immobilières illégales et préjudice à leurs clients.

Ces petites décisions conventionnelles renvoient à des idées reçues sur "ce que veulent les citoyens". Occupy a profondément modifié ces idées reçues, comme en témoignent les dispositions réglementaires et les rapports de surveillance émis par les instances les plus conservatrices.

Dans une nation fondamentalement dualiste, où la politique se réduit à deux partis et où la justice n'entend que l'accusation et la défense, Occupy Wall Street a su faire contrepoids au mouvement ultraconservateur Tea Party (bien qu'il refuse toute comparaison avec ce courant idéologique). Ces deux mouvements témoignent de la diversité des revendications populaires. Nous avons montré que nous voulions davantage que ce qui a été envisagé ou était envisageable il y a un an.

Les politiques les plus frileuses - celles qui se sont exprimées dans la campagne de la présidentielle ou les réformes frileuses de la réglementation bancaire - ont été secouées et revigorées quand le peuple a choisi de prendre les choses en main en lançant : "A nous deux, maintenant, Wall Street !" Cette confrontation n'a hélas rien donné. Mais tous ceux qui en ont été témoins savent désormais de quoi la démocratie est capable.

Traduit de l'anglais par Myriam Dennehy

Mark Greif

Mark Greif

Professeur assistant à la New School University, à New York, il est l'un des cofondateurs de la revue littéraire "n + 1". Il est aussi l'auteur d'essais philosophiques et de critique sociale. En 2011, il a collaboré à la publication d'"Occupy ! Gazette", un quotidien gratuit de débats créé pour soutenir le mouvement de contestation. Certains textes ont été rassemblés dans "Occupy Wall Street !" (Les Arènes, 250 p., 17,50 €)
[/quote]
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Re: Etats Unis d'Amerique

Messagede Ulfo25 » 18 Sep 2012, 13:06

Polémique sur les propos de Romney concernant les soi-disant "47% d'assistés" aux Etats-Unis.

Lien : http://www.lemonde.fr/elections-america ... 29254.html
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Re: Etats Unis d'Amerique

Messagede ivo » 25 Sep 2012, 11:35

États-Unis: 10 millions d'Hispaniques pourraient être dissuadés de voter
Une dizaine de millions d'électeurs hispaniques pourraient être dissuadés de voter le 6 novembre pour élire le président des États-Unis, à cause de lois qui rendent plus difficile l'accès aux urnes dans une vingtaine d'États, dénonce un rapport publié lundi.


>>>

http://www.lapresse.ca/international/do ... -voter.php

http://www.lapresse.ca/international/et ... ction_POS1
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Re: Etats Unis d'Amerique

Messagede ivo » 16 Oct 2012, 09:29

A Guantanamo, le cerveau du 11-Septembre dénonce un tribunal sans "justice"
http://www.liberation.fr/depeches/2012/ ... ire_853376
Image
Croquis d'audience de Janet Hamlin représentant le Pakistanais Khaled Cheikh Mohammed, l'un des accusés des attentats du 11-Septembre, comparaissant devant la justice militaire à Guantanamo, le 15 octobre 2012 (Photo AFP/Janet Hamlin. AFP)

Les accusés du 11-Septembre sont sortis de leur mutisme lundi pour leur retour devant la justice militaire d'exception à Guantanamo, le cerveau des attentats dénonçant d'emblée un tribunal sans "justice".

Cette audience de cinq jours vise à préparer le procès qui ne devrait pas s'ouvrir avant un an à Guantanamo, après onze années de rebondissements depuis les attentats et la vaine tentative de l'administration de Barack Obama de l'organiser devant un tribunal de Manhattan.

"Je ne pense pas qu'il y ait une quelconque justice dans ce tribunal", a dénoncé Khaled Cheikh Mohammed, qui a revendiqué les attaques "de A à Z".

Vêtu d'une tunique blanche, coiffé d'un turban et portant une épaisse barbe teinte au henné, M. Mohammed, alias KSM pour ses initiales en anglais, répondait aux questions du juge militaire, sur ses droits à se soustraire aux débats.

Assis sans entrave sur des bancs séparés, mais chuchotant de temps en temps entre eux pendant les cinq heures d'audience, ses co-accusés, les Yéménites Walid Ben Attach et Ramzi ben al-Chaïba, le Saoudien Moustapha al-Houssaoui et le Pakistanais Ammar al-Baluchi étaient vêtus de tuniques traditionnelles et de turbans ou coiffes blanches sur la tête.

L'un d'eux a déroulé son tapis de prière pendant une suspension d'audience, pendant que neuf proches des victimes des attentats assistaient à la scène derrière une paroi vitrée.

Ces détenus "de grande valeur", incarcérés à Guantanamo dans des conditions d'extrême sécurité, ont marqué leur première apparition devant la justice en cinq mois par une participation plus active que lors de la lecture de l'acte d'accusation le 5 mai.

Après une tentative avortée de les juger en 2008, KSM et ses acolytes avaient alors défié le juge James Pohl par leur refus obstiné de répondre aux questions.

"torture"

"En mai, ils étaient en résistance pacifique, aujourd'hui ils ont participé mais cela ne signifie pas qu'ils reconnaissent la légitimité de ce tribunal", a déclaré à la presse James Connell, avocat de M. Baluchi.

KSM, 47 ans, qui a fait des études aux Etats-Unis et parle couramment l'anglais, a choisi de répondre en arabe lundi, à la différence de son neveu M. al-Baluchi.

Ce dernier, également appelé Ali Abdoul Aziz Ali, a répondu avec humour qu'il "ferait en sorte de laisser des notes" dans sa cellule de Guantanamo, lorsque le juge lui demandait s'il comprenait que la procédure le concernant se poursuivrait en cas d'évasion de la prison.

"S'échapper de prison?", a demandé, l'air perplexe, M. al-Chaïba, également en anglais.

Barbe noire et lunettes, le Saoudien Houssaoui, accusé d'être le financier du complot du 11-Septembre, a pour sa part précisé avoir été prévenu de l'audience "une heure avant de partir".

Accédant à une demande de la défense, le juge a autorisé les accusés à ne pas assister aux débats, et ce dès mardi. M. Houssaoui devrait être absent du tribunal mardi, a indiqué son avocat.

Le procureur Mark Martins, qui y était farouchement opposé, a soutenu qu'"aucun tribunal n'a reconnu le droit d'être absent".

Le colonel Pohl a pris cette décision après un bref bras de fer avec un avocat qui désirait "parler de la torture" endurée par les accusés pendant quatre ans et demi.

Le capitaine Michael Schwartz, défenseur militaire de M. Ben Attach, un proche d'Oussama ben Laden qui dirigeait le camp d'entraînement d'Afghanistan où deux des pirates de l'air ont été formés, a estimé qu'il fallait parler des "intimidations physiques et émotionnelles" pour décider de leur présence ou absence au tribunal. Mais le juge a refusé d'entendre "un argument sans fondement".

Avec 11 des 25 recours consacrés à la censure, l'audience se poursuivra mardi sur le secret que le gouvernement veut maintenir sur les déclarations des accusés, en raison de mauvais traitements assimilés à de la torture qu'ils ont subis dans des prisons de la CIA.

Le gouvernement invoque la sécurité nationale tandis que la défense, soutenue par 14 médias et l'association de défense des libertés civiles Aclu, demande la publicité et la transparence des débats.

ouhhhh .... ça va etre un joli "proces" ça ...
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Re: Etats-unis d'Amerique

Messagede Nyark nyark » 23 Oct 2012, 08:53

Le scandale qui secoue la police scientifique américaine
[Juridiquement prouvé] La police scientifique est une imposture
Posted on 22 octobre 2012 by juralib

Le scandale qui secoue la police scientifique américaine

Il y a la fiction, la série télévisée “Les Experts” avec ses différents avatars (Las Vegas, Miami, Manhattan), où la police scientifique résout les crimes presque à elle toute seule en deux temps, trois mouvements. Et il y a la réalité. Celle-ci se résume depuis quelques semaines à un scandale qui secoue la police scientifique américaine, l’affaire Annie Dookhan. Pendant près d’une décennie, cette jeune femme de 34 ans a travaillé comme chimiste au Hinton State Laboratory Institute, un laboratoire d’analyses de Boston, financé par l’État du Massachusetts. Son travail consistait essentiellement à identifier les drogues saisies par la police ou à en rechercher les traces sur les pièces que lui confiaient les enquêteurs.
[img]http://juralib.noblogs.org/files/2012/10/0611.jpg
[/img]
Annie Dookhan, le 10 octobre, à sa sortie du palais de justice de Boston

Annie Dookhan était très efficace. Trop. D’après le Boston Globe, quand un chimiste analysait en moyenne entre 50 et 150 échantillons par mois, Annie Dookhan parvenait à en traiter plus de 500. Dès 2007, un de ses supérieurs s’est posé des questions sur cette extraordinaire productivité, sans que cela aille plus loin. Il y a eu plusieurs autres alertes : un collègue qui s’étonnait de ne pas trouver dans les détritus le matériel nécessaire à toutes les analyses qu’elle était censée effectuer ; d’autres qui jugeaient bizarre de ne jamais la voir devant un microscope ; la signature d’une collègue imitée ; et enfin, en juin 2011, Annie Dookhan a été surprise en train de retirer, sans autorisation, des dizaines d’échantillons de drogue d’une salle contenant des pièces à conviction. Une enquête a été lancée en décembre, qui a mené à la démission de la chimiste en mars puis à son arrestation spectaculaire à la fin du mois de septembre. Celle-ci a depuis été libérée sous caution.

Les policiers sont allés de surprise en surprise. Non seulement Annie Dookhan n’avait pas le diplôme de chimie qu’elle prétendait avoir mais elle a également bâclé ou trafiqué de très nombreuses analyses. Ainsi, quand elle prenait en charge 15 à 25 échantillons, si 5 d’entre eux se révélaient positifs, elle déclarait que tout le lot l’était. Elle a aussi reconnu avoir souvent identifié des drogues uniquement en les regardant et sans les analyser. Plus grave : Annie Dookhan a dit aux enquêteurs qu’en présence d’un cas négatif, il lui était arrivé d’ajouter de la drogue à un échantillon pour le rendre positif. Elle risque jusqu’à vingt ans de prison.

L’affaire a provoqué le renvoi ou la démission de plusieurs responsables du laboratoire, qui ont tardé à réagir alors que les signaux d’alerte étaient présents depuis des années. Mais cela n’empêchera pas le scandale de contaminer tout le système judiciaire du Massachusetts. Car, en raison de ces analyses bidon, des personnes ont été condamnées et mises en prison. Au cours de ses neuf ans de carrière dans ce laboratoire, Annie Dookhan a “traité” quelque 60’000 échantillons, concernant 34’000 dossiers. On a pour le moment identifié 1141 personnes détenues sur la foi d’éléments matériels passés entre ses mains. Comment savoir combien ont été condamnées pour une preuve fabriquée ? Depuis que le scandale a éclaté, les juges ont libéré des suspects ou suspendu leurs sentences dans une vingtaine de cas. Et ce n’est peut-être pas tout. En effet, il se pourrait bien, selon la police, qu’Annie Dookhan ait aussi eu pour fonction de calibrer les machines servant aux analyses et de contrôler au jour le jour leur bon fonctionnement. Comment être sûr désormais qu’elle s’est bien acquittée de cette tâche ? S’il y a eu là aussi des négligences ou des irrégularités, les conclusions dressées par ses collègues de laboratoire dans des milliers d’autres affaires sont-elles valables ?

Pour motiver son geste, la chimiste n’a d’autre explication que d’avoir voulu passer pour une employée modèle travaillant plus vite et mieux que les autres. Ainsi que l’explique au Boston Globe Justin McShane, qui présente la particularité d’être à la fois avocat et chimiste, “dans un laboratoire, vous êtes jugé sur vos chiffres. Il y a une culture de la pression pour que le travail soit effectué sans ressources supplémentaires.” Annie Dookhan assure aussi qu’elle voulait simplement que “plus de travail soit fait”. Comme l’a fait remarquer Nature dans un article en date du 9 octobre, cette affaire met donc surtout en lumière un système de police scientifique sous haute pression. La revue explique qu’entre 2005 et 2009, le nombre de demandes d’analyses soumises aux laboratoires de police scientifique aux États-Unis a presque doublé et que dans un cas sur quatre, il faut plus d’un mois pour obtenir le résultat. Conséquence : le travail en retard s’accumule, notamment pour les expertises ADN et pour l’identification de stupéfiants. Les laboratoires qui travaillent sur les drogues sont, écrit Nature, “submergés sous les cas”. C’est probablement aussi en raison de ce surcroît de travail qu’Annie Dookhan a si aisément pu s’affranchir des procédures de contrôle qui ont normalement cours dans un laboratoire.

Il existe plusieurs raisons pour expliquer cette surcharge. D’une part, explique Nature, une décision de la Cour suprême américaine a eu pour effet de permettre aux avocats de faire témoigner plus souvent les experts de la police scientifique : quand ceux-ci sont convoqués au tribunal, ils ne sont pas au laboratoire. Ensuite, le fichage ADN s’est multiplié au cours des dernières années. Il est devenu obligatoire pour les personnes reconnues coupables de crimes et quelques États ont même adopté des lois pour que l’on fiche toutes les personnes arrêtées dans des affaires de meurtres, viols ou cambriolages, même si elles sont innocentées par la suite. Autre source de travail supplémentaire pour la police scientifique : les enquêteurs relèvent sur le terrain de plus en plus de matériel biologique ou bien ils rouvrent des vieux dossiers irrésolus (les fameux “cold cases”) lorsque la possibilité d’une identification par l’ADN existe. Enfin, le public étant de plus en plus au fait des progrès de la police judiciaire, il ne faut pas non plus négliger la pression de la société dans la demande croissante d’analyses, le désir compréhensible de disposer d’une preuve matérielle, scientifique, irréfutable. Au bout du compte, une fiction comme “Les Experts” a peut-être aussi une influence sur la réalité.

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Le scandale qui secoue la police scientifique américaine

Messagede Nyark nyark » 23 Oct 2012, 08:53

[Juridiquement prouvé] La police scientifique est une imposture
Posted on 22 octobre 2012 by juralib

Le scandale qui secoue la police scientifique américaine

Il y a la fiction, la série télévisée “Les Experts” avec ses différents avatars (Las Vegas, Miami, Manhattan), où la police scientifique résout les crimes presque à elle toute seule en deux temps, trois mouvements. Et il y a la réalité. Celle-ci se résume depuis quelques semaines à un scandale qui secoue la police scientifique américaine, l’affaire Annie Dookhan. Pendant près d’une décennie, cette jeune femme de 34 ans a travaillé comme chimiste au Hinton State Laboratory Institute, un laboratoire d’analyses de Boston, financé par l’État du Massachusetts. Son travail consistait essentiellement à identifier les drogues saisies par la police ou à en rechercher les traces sur les pièces que lui confiaient les enquêteurs.
[img]http://juralib.noblogs.org/files/2012/10/0611.jpg
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Annie Dookhan, le 10 octobre, à sa sortie du palais de justice de Boston

Annie Dookhan était très efficace. Trop. D’après le Boston Globe, quand un chimiste analysait en moyenne entre 50 et 150 échantillons par mois, Annie Dookhan parvenait à en traiter plus de 500. Dès 2007, un de ses supérieurs s’est posé des questions sur cette extraordinaire productivité, sans que cela aille plus loin. Il y a eu plusieurs autres alertes : un collègue qui s’étonnait de ne pas trouver dans les détritus le matériel nécessaire à toutes les analyses qu’elle était censée effectuer ; d’autres qui jugeaient bizarre de ne jamais la voir devant un microscope ; la signature d’une collègue imitée ; et enfin, en juin 2011, Annie Dookhan a été surprise en train de retirer, sans autorisation, des dizaines d’échantillons de drogue d’une salle contenant des pièces à conviction. Une enquête a été lancée en décembre, qui a mené à la démission de la chimiste en mars puis à son arrestation spectaculaire à la fin du mois de septembre. Celle-ci a depuis été libérée sous caution.

Les policiers sont allés de surprise en surprise. Non seulement Annie Dookhan n’avait pas le diplôme de chimie qu’elle prétendait avoir mais elle a également bâclé ou trafiqué de très nombreuses analyses. Ainsi, quand elle prenait en charge 15 à 25 échantillons, si 5 d’entre eux se révélaient positifs, elle déclarait que tout le lot l’était. Elle a aussi reconnu avoir souvent identifié des drogues uniquement en les regardant et sans les analyser. Plus grave : Annie Dookhan a dit aux enquêteurs qu’en présence d’un cas négatif, il lui était arrivé d’ajouter de la drogue à un échantillon pour le rendre positif. Elle risque jusqu’à vingt ans de prison.

L’affaire a provoqué le renvoi ou la démission de plusieurs responsables du laboratoire, qui ont tardé à réagir alors que les signaux d’alerte étaient présents depuis des années. Mais cela n’empêchera pas le scandale de contaminer tout le système judiciaire du Massachusetts. Car, en raison de ces analyses bidon, des personnes ont été condamnées et mises en prison. Au cours de ses neuf ans de carrière dans ce laboratoire, Annie Dookhan a “traité” quelque 60’000 échantillons, concernant 34’000 dossiers. On a pour le moment identifié 1141 personnes détenues sur la foi d’éléments matériels passés entre ses mains. Comment savoir combien ont été condamnées pour une preuve fabriquée ? Depuis que le scandale a éclaté, les juges ont libéré des suspects ou suspendu leurs sentences dans une vingtaine de cas. Et ce n’est peut-être pas tout. En effet, il se pourrait bien, selon la police, qu’Annie Dookhan ait aussi eu pour fonction de calibrer les machines servant aux analyses et de contrôler au jour le jour leur bon fonctionnement. Comment être sûr désormais qu’elle s’est bien acquittée de cette tâche ? S’il y a eu là aussi des négligences ou des irrégularités, les conclusions dressées par ses collègues de laboratoire dans des milliers d’autres affaires sont-elles valables ?

Pour motiver son geste, la chimiste n’a d’autre explication que d’avoir voulu passer pour une employée modèle travaillant plus vite et mieux que les autres. Ainsi que l’explique au Boston Globe Justin McShane, qui présente la particularité d’être à la fois avocat et chimiste, “dans un laboratoire, vous êtes jugé sur vos chiffres. Il y a une culture de la pression pour que le travail soit effectué sans ressources supplémentaires.” Annie Dookhan assure aussi qu’elle voulait simplement que “plus de travail soit fait”. Comme l’a fait remarquer Nature dans un article en date du 9 octobre, cette affaire met donc surtout en lumière un système de police scientifique sous haute pression. La revue explique qu’entre 2005 et 2009, le nombre de demandes d’analyses soumises aux laboratoires de police scientifique aux États-Unis a presque doublé et que dans un cas sur quatre, il faut plus d’un mois pour obtenir le résultat. Conséquence : le travail en retard s’accumule, notamment pour les expertises ADN et pour l’identification de stupéfiants. Les laboratoires qui travaillent sur les drogues sont, écrit Nature, “submergés sous les cas”. C’est probablement aussi en raison de ce surcroît de travail qu’Annie Dookhan a si aisément pu s’affranchir des procédures de contrôle qui ont normalement cours dans un laboratoire.

Il existe plusieurs raisons pour expliquer cette surcharge. D’une part, explique Nature, une décision de la Cour suprême américaine a eu pour effet de permettre aux avocats de faire témoigner plus souvent les experts de la police scientifique : quand ceux-ci sont convoqués au tribunal, ils ne sont pas au laboratoire. Ensuite, le fichage ADN s’est multiplié au cours des dernières années. Il est devenu obligatoire pour les personnes reconnues coupables de crimes et quelques États ont même adopté des lois pour que l’on fiche toutes les personnes arrêtées dans des affaires de meurtres, viols ou cambriolages, même si elles sont innocentées par la suite. Autre source de travail supplémentaire pour la police scientifique : les enquêteurs relèvent sur le terrain de plus en plus de matériel biologique ou bien ils rouvrent des vieux dossiers irrésolus (les fameux “cold cases”) lorsque la possibilité d’une identification par l’ADN existe. Enfin, le public étant de plus en plus au fait des progrès de la police judiciaire, il ne faut pas non plus négliger la pression de la société dans la demande croissante d’analyses, le désir compréhensible de disposer d’une preuve matérielle, scientifique, irréfutable. Au bout du compte, une fiction comme “Les Experts” a peut-être aussi une influence sur la réalité.

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Mumia

Messagede digger » 27 Oct 2012, 11:00

Image

Bobigny a sa rue Mumia Abu Jamal

French dedication shows Mumia Abu-Jamal’s international support is as strong as ever
22 Oct 2012 Phillynow
http://blogs.philadelphiaweekly.com/phillynow/2012/10/22/french-dedication-shows-mumia-abu-jamal%E2%80%99s-international-support-is-as-strong-as-ever/
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Re: Etats Unis d'Amerique

Messagede ivo » 31 Oct 2012, 09:29

Sandy : trois réacteurs nucléaires à l'arrêt, un quatrième en état d'alerte
http://www.lesechos.fr/entreprises-sect ... 505694.php
La centrale Oyster Creek, la plus vieille du pays, suscite le plus d'inquiétudes. Bâtie en 1969 dans le New Jersey, elle est placée en état d'alerte depuis lundi en raison d'une montée des eaux à l'intérieur de son système de refroidissement et d'une perturbation de son circuit d'approvisionnement électrique.

Trois réacteurs à l'arrêt et une vieille centrale en état d'alerte : l'ouragan Sandy qui a déferlé sur le nord-est des Etats-Unis a soumis le secteur nucléaire américain à rude épreuve et soulevé des questions sur la sûreté des installations. « Tout semble sous contrôle à ce stade. Aucune infrastructure de centrale n'a été endommagée », affirmé à l'AFP Neil Sheehan, porte-parole de l'autorité de sûreté nucléaire américaine (NRC). « Il n'y a aucune menace de fuite » radioactive, a renchéri Craig Fugate, de l'agence américaine de gestion des crises (FEMA), interrogé sur la chaîne NBC.
Installées principalement dans le nord-est, région la plus touchée par Sandy, les centrales nucléaires américaines n'ont pas été épargnées par l'ouragan et certaines d'entre elles ne pourront pas tourner à plein régime dans l'immédiat, alors que 8 millions de foyers restent privés d'électricité. « Sandy a montré que ces centrales étaient vulnérables face à ce genre de tempêtes, spécialement si elles augmentent en intensité et en fréquence », observe pour l'AFP Robert Alvarez, ex-conseiller au secrétaire à l'Energie sous l'administration Clinton.
Situé au bord de la rivière Delaware, à Hancocks Bridge (New Jersey), le réacteur nucléaire Salem 1 a été mis à l'arrêt mardi quand plusieurs pompes servant à le refroidir ont cessé de fonctionner. « La centrale reste stable », a assuré à l'AFP un porte-parole de l'opérateur, Public Service Electric and Gas (PSEG), ajoutant ne pas disposer d'estimations sur une date de remise en service de ce site qui fournit une partie de l'électricité de New York.
Le ministère de l'Energie a également annoncé mardi l'arrêt d'un deuxième réacteur, sur la centrale de Nine Mile dans le nord de l'Etat de New York, et d'un troisième, niché à une cinquantaine de kilomètres au nord de New York, au bord de la rivière Hudson. Son exploitant, la société Entergy, a affirmé sur son compte twitter qu'il n'y avait aucun « risque pour le public » ou pour les employés.
C'est toutefois une autre centrale, la plus vieille du pays, qui suscite le plus d'inquiétudes. Bâtie en 1969 dans le New Jersey à proximité de la rivière du même nom, Oyster Creek est placée en état d'alerte depuis lundi en raison d'une montée des eaux à l'intérieur de son système de refroidissement et d'une perturbation de son circuit d'approvisionnement électrique. « Le courant a été rétabli dans certaines parties de la centrale » et le générateur de secours a été activé, a affirmé par courriel à l'AFP un porte-parole d'Exelon, l'exploitant de la centrale.
Les autorités estiment qu'il faut désormais attendre que le niveau d'eau baisse mais rappellent que l'unique réacteur de la centrale était déjà à l'arrêt pour maintenance au moment du passage de Sandy. La situation de cette centrale, appelée à fermer ses portes en 2019, inquiète toutefois certains experts. « Si une forte inondation ou des vents violents mettaient à plat le système électrique de secours, la centrale serait alors en situation de +black out+ et c'est exactement ce genre de situation qui a mené au désastre de Fukushima », au Japon en 2011, assure Robert Alvarez.
Récusant un tel spectre, l'autorité de sûreté nucléaire admet toutefois que la remise en état des réacteurs devra se faire prudemment pour éviter tout incident. « Nous allons continuer à tout faire pour nous assurer qu'on peut remettre ces réacteurs en service en toute sécurité. Il reste encore à régler de nombreuses questions concernant la stabilité » de la température des réacteurs, a admis son porte-parole Neil Sheehan.
Le nucléaire américain fournit 20% des besoins en électricité des Etats-Unis.
SOURCE AFP

le meme scenario que fukushima ....
il n'y avait pas eu une etude et un stress test mondial apres fukushima ?? ..................
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Re: Etats Unis d'Amerique

Messagede digger » 31 Oct 2012, 18:43

il n'y avait pas eu une etude et un stress test mondial apres fukushima ??

Si. C'était les studios Walt Disney qui en étaient chargés, je crois.
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Re: Etats Unis d'Amerique

Messagede ivo » 05 Nov 2012, 09:54

Russell Banks : "Si Romney gagne, les Etats-Unis se transformeront en ploutocratie"
http://www.lemonde.fr/culture/article/2 ... picks=true
Russell Banks n'est pas seulement l'un des meilleurs romanciers américains, c'est aussi l'un des plus engagés. Issu d'un milieu pauvre, ancien militant d'extrême gauche dans sa jeunesse, cet homme, né en 1940, a soutenu Barack Obama en 2008. L'auteur d'American Darling et de La Réserve, parus chez Actes Sud, observe aujourd'hui le paysage politique de son pays et exprime sa déception.
Barack Obama est en difficulté pour l'élection du 6 novembre. Etes-vous inquiet ?

Je suis même très inquiet. Romney Inc. a convaincu suffisamment de Blancs des classes moyennes et ouvrières de voter contre leurs intérêts. En d'autres termes, de faire confiance aux patrons. Les travailleurs américains sont en train de perdre leur travail, leurs économies, leurs maisons, et ce qu'ils ressentent, ce n'est pas de la rage, mais de la peur. Ils se comportent comme si une menace métaphysique pesait sur eux, comme si toutes leurs certitudes les plus élémentaires étaient bouleversées. Romney et ses laquais millionnaires ont exploité cette peur sans relâche.

De son côté, Obama a mené une campagne terne, comme s'il était presque soulagé d'avance à l'idée de perdre et de retourner à sa vie d'universitaire. L'une de ses grandes qualités, c'est qu'il n'est ni fou, ni délirant, ni narcissique. Mais cette qualité-là, justement, fait qu'il a du mal à rester constamment sur la brèche. Visiblement, ça l'a ennuyé de faire campagne et de lever des fonds, pendant des mois. Il a trouvé le prétendu débat ridicule et il considère son adversaire comme un idiot et un lâche. Si on avait eu une campagne de huit semaines, avec un seul tête-à-tête, Obama se serait montré brillant et sa victoire aurait été écrasante. Là... peut-être qu'il va gagner, ou peut-être pas. Ça va se jouer à pile ou face.

Que va-t-il se passer si Romney gagne ?

La République se transformera en une ploutocratie.
Le New Deal de Franklin Roosevelt sera définitivement enterré. Ce mouvement n'est pas nouveau : les ploutocrates y travaillent d'arrache-pied depuis des générations. S'ils arrivent à leurs fins, il n'y aura pas de retour en arrière, sauf s'il se produit une deuxième révolution. Mais, pour qu'il y ait une révolution, il faudrait qu'une ruine totale s'abatte sur le pays et, grâce à la mondialisation, sur le monde entier : famine, migrations forcées, augmentation dramatique du nombre de sans-abri, effondrement des services publics. Qui peut souhaiter cela ? Personne. Donc, il n'y aura pas de seconde Révolution américaine. Si Romney gagne, nous devrons réfléchir à la manière dont nos petits-enfants vont survivre dans un âge de ténèbres.

Comment percevez-vous le paysage politique américain ?

Ce qui est frappant, quand on regarde les derniers mois et même les dernières années, c'est de voir à quel point le spectre politique a glissé vers la droite. Les démocrates sont là où Reagan se trouvait il y a vingt ans. Il faut avoir mon âge pour se souvenir qu'aujourd'hui Nixon serait presque à l'extrême gauche, et qu'Eisenhower ne pourrait pas faire partie du Parti républicain. Je pense que le changement a commencé du temps de Reagan, quand l'opposition entre les deux partis est devenue d'ordre raciale. Dans l'imaginaire américain, les démocrates sont le parti des gens de couleur : Latinos, Asiatiques, Afro-Américains... et des Blancs libéraux, comme moi.

A l'inverse, le Parti républicain est un parti de Blancs. Or la ploutocratie américaine, qui est très effrayante, a réussi à faire naître des alliances dans lesquelles la race l'emporte sur la classe. C'est un événement historique : vous pouvez dresser des gens contre leurs intérêts si vous brandissez la question raciale. Des Blancs pauvres voteront pour les intérêts des Blancs riches, s'ils pensent que le parti adverse est associé aux Noirs. Aux Etats-Unis, on en revient toujours à la question raciale. Mais le moment est très intéressant, dans la mesure où les Blancs américains sont en train de devenir une minorité. Environ 45 %.

Pourquoi les Américains ont si peur ?

Il y a eu tant de changements : culturels, sociaux, économiques. La classe moyenne inférieure et les ouvriers, surtout les Blancs, ont l'impression qu'ils ont perdu le contrôle de leur vie. Les vieilles hiérarchies sur lesquelles s'appuyait la supériorité de l'homme blanc ont été renversées. Sans compter la disparition des emplois industriels stables, dans lesquels vous vous engagiez à 18 ans et jusqu'à la retraite. Vous pouviez vous payer une maison, envoyer vos enfants à l'université, acheter une voiture à crédit, vivre de manière correcte dans une banlieue, en tondant votre pelouse le dimanche et en invitant vos amis pour le barbecue. Ces jours-là sont révolus et ils n'ont été remplacés par rien de rassurant. C'est l'une des causes de cette peur diffuse qui traverse le pays.


L'homme blanc était-il si convaincu d'être le maître du monde ?

La nature de cette société capitaliste individualiste que nous avons établie entraîne un mode de vie à haut risque. Dans le rêve américain, tout le monde est supposé réussir par ses moyens, et si vous n'y arrivez pas, c'est votre faute, pas celle de la société
. Une quête morale, en quelque sorte, qu'on est censés tenir pour une liberté, dans une économie ouverte. Mais cela engendre une pression terrible. C'est un débat intéressant qui se retrouve dans la campagne actuelle : l'aile droite du Parti républicain répète sans cesse que c'est chacun pour soi. Ils prêchent une espèce de darwinisme social. Ils disent : "Nous ne voulons pas devenir une autre Europe." Ce qui veut dire pas d'Etat-providence, mais une société capitaliste, individualiste à l'ancienne. Du côté démocrate, on plaide pour une plus grande responsabilité de l'Etat en matière sociale.

L'Europe est à ce point un contre-modèle ?

Beaucoup d'Américains ont peur de l'Etat-nounou, où les citoyens ne sont pas libres de contrôler leur propre destinée. "Ta maison est ton château" : vous devez pouvoir faire le tour de votre jardin avec votre fusil à l'épaule, sans que personne vienne vous ennuyer. Grimper sur votre cheval et partir vers l'ouest, vers des contrées sauvages où vous construirez votre propre château. Un individu robuste et libre, qui ne dépend de personne. C'est une particularité américaine, qui appartient à notre histoire, à nos mythes. Elle fait partie de nos classiques, on la retrouve dans Huckleberry Finn, dont le héros descend le Mississippi, ou dans Moby Dick, où le capitaine Achab part en direction de la haute mer sur son baleinier. Ces images puissantes ont forgé l'idée que les Américains ont d'eux-mêmes depuis des centaines d'années. On ne voit pas ça quand on regarde vers l'Europe.

Y a-t-il moins de liberté aux Etats-Unis aujourd'hui qu'il y a vingt ans ?

Ce qui est plus difficile maintenant, c'est d'obtenir la vérité. A cause des changements dans la structure capitalistique des médias. De plus en plus, les éditeurs de presse agissent d'abord dans l'intérêt des actionnaires et non dans celui du public. Cela dit, le développement d'Internet s'oppose à ce mouvement.

Le mensonge est-il très présent dans le discours politique ? Dans les mots utilisés ?

On est si accoutumés qu'on ne s'en rend même plus compte
, à moins d'avoir gardé le souvenir d'autres discours, d'autres époques. D'autres manières de s'adresser aux électeurs et de discuter des problèmes en public. On n'a pas eu de conversation honnête et intelligente dans la vie publique depuis longtemps. Même quelqu'un d'intelligent et de structuré comme Barack Obama n'a pas réussi cela, sauf en de très rares occasions. Durant les quatre années de son mandat, quelque chose s'est désintégré dans son langage. Tiédi. Comme s'il était écrasé par le monde politique de Washington. Je suis de plus en plus déçu par la manière dont son discours s'est ramolli, affadi, rempli de clichés, vidé de son sens politique. Le discours qu'il a fait devant la convention démocrate au moment de sa nomination était si plat, si banal, comparé à ceux qu'il a faits avant d'être élu.

Que s'est-il passé ?

A Washington, vous vivez dans une bulle, personne ne parle franchement au président, sauf peut-être sa femme. Il est entouré de gens comme lui. Difficile de penser clairement dans une salle de miroirs.

Mais historiquement ?

Le niveau d'éducation a baissé aux Etats-Unis. On a arrêté d'investir. La capacité des Américains à utiliser le langage, et à le décrypter, s'est détériorée. Ils ont des diplômes mais plus les mêmes compétences linguistiques des années 1950 ou 1960. On est devenu une société de consommation à un point tel que ça a pris le pas sur le reste. Les enfants sont bombardés de milliers de pubs chaque jour. Voilà l'ambiance. Un monde marchand. Le langage a été relégué au second plan, quand la télévision, donc l'image, a fait irruption. Au début, on pensait que les pubs rendaient les programmes possibles, avant de comprendre que c'était le contraire. Et ça s'amplifie avec Internet : pourquoi est-ce que Facebook existe ? Pourquoi les réseaux sociaux ? Pour vendre de la pub. Et même Google. C'est son but. Il s'agit d'un changement anthropologique radical. Mon petit-fils de 4 ans a un cerveau façonné différemment du mien. Si on lui donne un livre, il essaie de tourner les pages en les faisant glisser, comme sur un iPad. Je voudrais être là dans une centaine d'années pour voir les conséquences de tout ça.

Obama aussi est pris dans ce système où la communication l'emporte sur le reste ?

Pour devenir président maintenant, il faut 500 millions de dollars. Et les démocrates prennent le même argent que les autres. Au début, j'étais très excité quand j'ai lu les livres d'Obama ; il utilisait les mots d'une manière qui respirait l'authenticité. Et puis il est devenu président. Je l'ai soutenu, j'ai été très heureux qu'il soit élu et je le suis encore, mais il est très, très modéré, centriste. Je n'attendais pas de mesures réellement progressistes, mais j'aurais aimé qu'il soit un peu plus actif dans le domaine exécutif. Je suis déçu qu'il n'ait pas fermé Guantanamo, par exemple, ou démantelé l'arsenal des mesures sécuritaires prises par Bush après le 11-Septembre.

La surveillance est l'un des grands thèmes de votre dernier roman paru en France, "Lointain souvenir de la peau". Le héros, un jeune délinquant sexuel, est socialement invisible et tout le temps visible, puisqu'il est observé par des dispositifs électroniques de sécurité.

Les moyens technologiques destinés à voir et à être vus ont comme effet de déshumaniser. Si vous avez le pouvoir de surveiller quelqu'un, vous le transformez en objet. Dans les villes américaines, vous ne pouvez plus vous trouver dans un ascenseur sans être observé par une caméra. Or, l'un des grands fantasmes américains, c'est de disparaître. Partir acheter du pain et ne pas revenir. On ne peut plus faire ça, ici. On ne peut plus se cacher.

réactions (31)

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Re: Etats Unis d'Amerique

Messagede ivo » 06 Nov 2012, 09:23

Election américaine : elle vient de là, elle vient du flouze
Barack Obama et Mitt Romney auront chacun dépensé plus d’un milliard de dollars durant leur campagne. Un record absolu.

>>>
http://www.liberation.fr/monde/2012/11/ ... picks=true

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Re: Etats Unis d'Amerique

Messagede digger » 06 Nov 2012, 18:11

C'est un record du au fait qu'il n'existe plus de plafond pour le financement des candidats par des entreprises ou des particuliers.
Cela permet d'acheter directement le candidat, ce qui est beaucoup plus transparent et c'est un grand pas en avant de la démocratie capitaliste.
Le suivant sera la mise aux enchères directe des deux candidats. Là nous aurons atteint la transparence totale du système.
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Re: Etats Unis d'Amerique

Messagede sebiseb » 06 Nov 2012, 21:12

J'ai fait un petit récap' des compagnies françaises finançant la campagne américaine à partir du site OpenSecrets.
Fichiers joints
french companies in the usa elections.pdf
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$apt-get install anarchy-in-the-world
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Re: Etats Unis d'Amerique

Messagede digger » 06 Nov 2012, 21:21

Intéressant.
Et vous remarquerez qu'on ne met généralement pas ses oeufs dans le même panier.
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