Libye

Re: Libye

Messagede Pïérô » 29 Déc 2017, 00:35

Immigration en Libye, piège entre sable et mer

Les interventions occidentales dans le monde ne font pas que des morts, elles détruisent des sociétés entières, sèment la misère et la discorde au nom d’un pseudo Droit de l’Homme applicable uniquement dans ses propres frontières et encore réservé à ses vrais ressortissants munis de papiers adéquats ! La situation en Libye illustre malheureusement ce processus de destruction.

Immigration en Libye, piège entre sable et mer

Les interventions occidentales dans le monde ne font pas que des morts, elles détruisent des sociétés entières, sèment la misère et la discorde au nom d’un pseudo Droit de l’Homme applicable uniquement dans ses propres frontières et encore réservé à ses vrais ressortissants munis de papiers adéquats ! La situation en Libye illustre malheureusement ce processus de destruction.

Intro

En Libye, ce qu’on a présenté comme un « printemps » s’avère, depuis quelques années déjà, être un véritable tsunami permanent qui dévaste le pays et le transforme en un vaste champ de ruines, de terrains minés, parsemés de cratères de bombardement, de charniers et de cadavres à chaque coin de rue. Ce printemps a permis l’éclosion et le développement d’une multitude de seigneurs de guerre, de mafieux, d’hommes politiques corrompus, de trafiquants en tout genre, de fous de dieu, de coupeurs des têtes et la multiplication des prisons où s’entassent des milliers de travailleurs immigrés, humiliés, spoliés et volés, torturés, battus, violés et assassinés. Ce paradis démocratique est l’œuvre des démocraties européennes et américaines les plus éclairées au monde, avec la complicité des frères musulmans et de la classe d’affaire libyenne. La question libyenne avait totalement disparue des radars médiatiques et priorités politiques en France depuis les dernières élections présidentielles.

L’ampleur du désastre en Libye peut se mesurer sur plusieurs niveaux.

Au niveau économique, la Libye a perdu depuis 2011 pas moins de 100 milliards de dollars en revenu potentiel de pétrole à cause de la guerre menée par les différentes fractions, le sabotage des infrastructures pétrolières, la fermeture des ports d’exportation, l’arrêt des raffineries, le saccage et le bombardement des réservoirs de stockage, le blocage des pipelines, etc. La production libyenne de pétrole avant 2010 était de 1,6 millions de barils par jour ; actuellement on arrive à peine à 500 000 pendant les périodes d’accalmie. Il faut ajouter à cela les pertes matérielles de gigantesques chantiers stoppés net comme celui de l’aéroport de Tripoli qui devait relier l’Europe à l’Afrique et au Moyen-Orient ; le chantier de chemin de fer reliant la Tunisie à l’Égypte, des chantiers pour la construction de milliers de logements sociaux, d’écoles, d’universités et d’hôpitaux - ces chantiers devront être rasés, il faudra indemniser les compagnies pour le matériel volé et vendu, des centaines de grues sont déjà découpées et vendues comme ferraille par des trafiquants et des entreprises sauvages. Tout cela sans compter le trafic de vente des carburants et des produits de base soutenus par l’État, la perte de divers investissements libyens en Europe, en Afrique et dans le monde où quelques milliards de dollars se sont évaporés plaçant ainsi la Libye parmi les pays les plus pauvres. Un rapport de la Banque Mondiale de 2016 indique que tous les indicateurs économiques de la Libye sont au rouge : 25% d’inflation, crise des liquidités, délabrement des infrastructures, baisse de 60% du PIB, par rapport à 2010 ; le dinar libyen a perdu 200% de sa valeur et s’échange à 10 contre un dollar au marché noir alors que le cours officiel est de 1,37.

Au niveau politique, actuellement la situation se stabilise, le général Haftar ayant détruit Benghazi et nettoyé les résidus de groupes armés djihadistes, il gère ainsi la côte Est du pays en remplaçant les maires « élus démocratiquement » par des gouverneurs militaires et en passant des accords avec des groupes islamistes (madkhalistes) pour le maintien de l’ordre, la lutte contre l’alcool, la drogue, le trafic et impose une morale islamiste sur toute la société.

Depuis le 13 septembre 2016, le général Khalifa Haftar, bras armé du gouvernement non reconnu d’El-Beida en Cyrénaïque dans l’Est du pays, a pris le contrôle du croissant pétrolier, dans le golfe de Syrte, au centre de la côte libyenne. C’est là que se trouvent les principaux terminaux pétroliers de Ras Lanouf, Essidra et Marsa Brega, par où transite environ 60% du brut libyen.

De leur côté, les Nations Unies œuvrent pour trouver une solution par l’intermédiaire de leur émissaire spécial à Tripoli, Ghassan Salamé qui propose une feuille de route pour arriver à une entente nationale. Ghassan Salamé est le cinquième émissaire depuis 2011, il succède à Martin Kobler et avant lui, Bernardino Lion qui est l’architecte des accords de Skhirat de 2015 signés au Maroc. M. Salamé dans sa feuille de route développe trois objectifs.

1- Amender les accords de Skhirat pour qu’ils puissent être adoptés par le parlement et le gouvernement de Benghazi, notamment l’article 8 portant sur le chef des armées et les questions militaires et sécuritaires.

2- Elaborer un plan d’entente nationale entre toutes les composantes politiques de la scène libyenne en intégrant les éléments oubliés dans les accords de Skhirat comme le général Haftar et des khaddafistes, surtout après la libération du fils de Khaddafi, Seïf al-Islam. Ce plan stipule de créer un Congrès National ou une conférence de conciliation nationale ouverte à tout le monde, sans pour autant se donner les outils pour réaliser ce projet : quid du désarmement des groupes armés, de leur intégration dans les structures de l’État, qui organise ce Congrès et comment ? …
3- Instauration d’institutions politiques en commençant par un referendum sur la Constitution puis l’organisation d’élections parlementaires et présidentielles.

Situation sociale

La majorité de la population se moque bien de toutes ces réunions et ces marchandages entre les différents groupes politiques ; la feuille de route est perçue comme une initiative de plus qui finira à la poubelle comme les autres déclarations de principes, avec peut-être une institution de plus, le Congrès national, qui s’ajoute aux autres mais cela ne changera rien à la vie quotidienne des gens et n’améliorera pas la situation catastrophique de la vie de la plupart des libyens et libyennes.

Car la situation est simple : il n’y a plus rien qui marche dans ce foutu pays ! L’objectif d’une révolution ou d’un changement de régime est d’améliorer la vie au quotidien même de peu et au début les gens y ont cru, mais petit à petit ils ont vu la richesse du pays partir par valise diplomatique sous couvert de contrats absurdes, et des centaines, des milliers de charognards se précipiter sur le cadavre chacun y retirant sa part : les hommes d’affaires, les diplomates, les commerçants, les pays occidentaux, les différentes compagnies pétrolières ou sécuritaires, les vendeurs d’armes avec des projets en tout genre. Finalement il ne reste plus rien une fois que tout le monde s’est servi, que des miettes pour le peuple, pour toute personne qui n’a pas deux ou trois passeports, ne parle ni anglais ni français mais qui voit comment la classe politique fait de l’argent rapidement comme Abdel Hakim Belhaj, ancien combattant djihadiste, qui sorti de prison avant les événement, devient chef militaire de Tripoli, possède maintenant une compagnie aérienne Libyan Wings. Les jeunes de 20/30 ans, sans avenir ne veulent pas rester sur le carreau, ils ont pris les armes et le chemin du banditisme, bien organisés avec trafic en tout genre, attaque à main armée, enlèvements, demandes de rançon, etc. Le cas typique c’est Ammou, ancien livreur et marchant ambulant avec sa charrette à Sabratha, devenu chef militaire d’une brigade, puis trafiquant de travailleurs immigrés puis interlocuteur-médiateur officiel entre l’Italie et la Libye pour gérer et stopper l’immigration. Ammou utilise sa force militaire pour le trafic de travailleurs immigrés vers l’Europe... L’Italie a signé un accord avec la brigade Al-Dabbashi de Ammou par le biais de la compagnie d’hydrocarbures italienne ENI pour garder et sécuriser le complexe gazier de Mellitah entre Zwara et Sabratha ; ce complexe approvisionne en gaz l’Italie.

Le trafic devient l’économie parallèle la plus rentable, notamment le trafic de gas-oil. Le marché de l’immigration dite illégale vers l’Europe génère un business selon certaines estimations de 1 à 1,5 milliards de dollars par an. On a pu voir la vente du sable des plages des villes côtières, ce n’est pas seulement pour la recherche de l’argent facile, c’est aussi la conséquence de la crise économique, de l’absence de travail rémunéré, car lorsqu’il y a un emploi on manque d’argent liquide et dans un pays où tout se paie en liquide, cela pose de graves problèmes.

Dire que rien ne marche n’est pas une image métaphorique ou une exagération : pour l’électricité, il y a des coupures régulières de 4 à 6 heures par jour ; début octobre pendant 10 jours d’affilée coupures d’eau, au début partiellement pour des raisons d’entretien puis à cause de l’action d’un groupe armé au Sud pour libérer un de leur membre capturé et emprisonné à Tripoli, les gens riches commencent à creuser des puits dans leur jardin. Internet ne fonctionne pas ; il y a des files d’attente à n’en plus finir pour l’essence, le gaz, le pain, les banques… Les hôpitaux sont dans un état lamentable, on demande aux malades d’apporter le coton, l’alcool, les seringues, les médicaments, les draps… Tous les autres secteurs sont dans le même état d’abandon, les rues de Tripoli sont infectées de poubelles entassées. Même la classe moyenne, privilégiée d’habitude est touchée par la crise de liquidités : les profs de Fac, les médecins, les avocats, les fonctionnaires et les cadres qui, lorsqu’ils sont payés, ne peuvent pas retirer leur salaire à la banque. Les seuls qui s’en sortent et profitent de la situation sont les hommes politiques toutes tendances confondues, les hommes d’affaires, les commerçants et les trafiquants, les chefs des milices ou de brigades armées, en comptant large, leur nombre ne dépasse pas 10 à 15% de la population. Les autres se débrouillent comme ils peuvent, les plus touchés évidemment ce sont les classes populaires et surtout les travailleurs immigrés.

les travailleurs immigrés

La Libye était une destination pour des milliers de travailleurs cherchant à améliorer leur vie et celle de leur famille ; après 2011 cette destination se transforme en lieu de transit, une sorte de purgatoire obligé pour accéder au paradis européen. Depuis cet été 2017 la route est devenue un cul de sac où des centaines de milliers de personnes se trouvent entassées dans des prisons improvisées, tenues par des trafiquants, des milices ou des groupes mafieux pour extorquer l’argent de leurs victimes.

La célèbre prison d’Abou Slim à Tripoli est considérée par ces travailleurs immigrés comme une prison de luxe par rapport aux autres lieux de détention. Cette prison, gérée par le ministre de l’intérieur du gouvernement de l’entente nationale de Sarraj, est le point final du parcours des immigrés ; ceux et celles qui arrivent dans cette prison, après ou avant une tentative de traversée de la Méditerranée, n’ont qu’un seul choix, celui du retour dans leur pays d’origine : Mali, Niger, Nigeria, Côte d’Ivoire, Burkina Faso, Guinée, Sénégal, Ghana, Somalie, Éthiopie, … La période d’attente avant expulsion peut aller de 3 à 6 mois dans cette prison. L’État libyen dispose d’une trentaine de « centres d ’hébergement » de ce type, sans parler des centaines de centres « privés » dans une simple maison ou une villa privée, un hangar, une caserne désaffectée, une école, une ferme .... Dans ces centres, les travailleurs immigrés subissent les pires des tortures, des humiliations, viols et assassinats.

La Libye depuis les années 70 était un pays d’accueil pour les travailleurs immigrés vu la faible densité de la population, l’immensité des richesses pétrolières et les projets mégalo du régime de Khaddafi nécessitant beaucoup de main d’œuvre pour leur réalisation. Avant 2011 on estimait la population étrangère résidant légalement en Libye à 700 000 personnes, environ 10% de la population du pays ; ces chiffres concernent des travailleurs venus avec des contrats de travail, attachés à des entreprises de divers secteurs du pétrole, de la construction ou de l’agriculture et de nationalités très diverses : Philippines, Corée, Bangladesh, Inde, Turquie, Allemagne, Égypte, Algérie, Maroc, Europe de l’Est, … avec une forte proportion d’ingénieurs, de cadres, techniciens, médecins, infirmiers, artisans,... auxquels s’ajoute à cette population « privilégiée » près d’un million et demi, selon certaines estimations, de travailleurs sans papiers et sans droits qui vont subir le plus les attaques physiques et économiques pendant les événements de février 2011. La plupart de ces travailleurs précaires sont en Libye pour travailler, économiser et envoyer l’argent à leur famille restée au pays. Une petite minorité de jeunes, souvent parlant anglais ou français, ont tenté de passer en Europe. Avant 2011 il existait des réseaux de trafic d’immigrés, parfois utilisés par le régime comme moyen de pression sur l’Europe, surtout l’Italie, ce qui a donné l’accord de 2008 entre Khaddafi et Berlusconi.

Délocalisation des frontières européennes

En 2002 commence la politique européenne « d’externalisation de l’asile », officialisée en 2004 dans le programme de la Haye : « Au sein de l’Union, la libre circulation des personnes est garantie par la suppression des contrôles aux frontières internes. Pour cette raison, des efforts supplémentaires sont nécessaires pour renforcer la gestion intégrée des contrôles aux frontières extérieures. Ce programme vise à développer les "capacités d’accueil" des pays limitrophes de l’UE afin de réduire les entrées sur son territoire ». Un pacte européen sur l’asile et l’immigration, est conclu entre les Vingt-Sept en 2008, à l’initiative de la France, qui exerçait alors la présidence de l’Union et avait fait de la lutte contre « l’immigration subie » son cheval de bataille.
En 2007, l’Italie et la Libye passaient des accords pour une surveillance conjointe et la création d’un dispositif de commandement unifié italo-libyenne, sous direction libyenne. Cette entente devenait effective en 2008, dans le cadre du Traité de Benghazi. Cet accord a été voulu par Berlusconi non pas pour symboliser l’amitié retrouvée entre les deux pays, mais pour séduire encore plus le nationalisme d’extrême droite et appliquer les directives de l’UE. Ce traité devait concerner la gestion optimale du « problème de l’immigration » et des questions économiques, il comprend trois parties. Dans la première, la Libye s’engage à combattre l’immigration vers l’Italie. La deuxième partie concerne les réparations que l’Italie doit payer à la Libye : Khaddafi a réussi l’exploit de faire reconnaître la colonisation italienne de 1911 à 1943 et d’exiger 5 milliards de dollars sur vingt ans à investir dans la construction d’infrastructures pour les dommages causés par cette occupation. La troisième partie traite d’un partenariat économique à concrétiser dans l’investissement de fonds souverains libyens en Italie.

Les migrations

La Libye n’est plus seulement un lieu de travail mais aussi de transit malgré les conditions difficiles, selon l’OIM -Organisation Internationale pour les Migrations- 58% des travailleurs considèrent encore la Libye comme pays de destination surtout pour ceux qui viennent des pays voisins comme l’Égypte, la Tunisie, le Tchad ou le Niger ; la proximité relative de ces pays facilite le retour le cas échéant. La plupart des migrants arrivent de la frontière sud de la Libye, d’origine subsaharienne (Nigeria, Érythrée, Gambie, Soudan, Côte d’Ivoire, Guinée), ils arrivent par Agadez, plaque tournante de ce mouvement vers l’enfer libyen, située à 1500 km de la première étape libyenne, Sebha au centre ouest à 700 km de la côte, puis ils traversent la Méditerranée, certains arrivent ensuite à traverser l’Italie, puis la frontière italienne à pied à travers les montagnes, pour arriver en France. Ce voyage dure des fois plus de 2 ou 3 ans. L’Organisation Internationale pour les Migrations (OIM) estime actuellement le nombre de migrants sur le sol libyen à 400/500 000 et reconnaît que ce chiffre est loin de la réalité. Le nombre de migrants est forcément supérieur et voisin de 1 million de personnes qui fuient la misère et la pauvreté. Probablement, entre 250 000 et 500 000 se retrouvent dans les mains des réseaux, enfermés dans différents centres de rétention à Sabrata, Tripoli, Misrata, Sebha, Zentan.

La politique de refoulement des immigrés

Le gouvernement italien et l’Union Européenne multiplient les efforts pour maintenir les migrants africains en Libye, les dissuader de traverser la Méditerranée ; plus de 10,2 milliards d’euros ont été alloués à la gestion de la crise des réfugiés en 2016 et en 2017, plus de 300 gardes-côtes ont été déployés en Italie. L’Italie a fourni aux gardes-côtes libyens, dix navires ultramodernes et équipés de matériel sophistiqué pour intercepter les bateaux de migrants. Le 3 juillet 2017, les ministres de l’intérieur français, allemand et italien se sont réunis pour partager leurs bonnes idées en matière de contrôle des populations migrantes. De cette rencontre est ressortie l’idée d’imposer un « code de conduite » aux ONG qui sauvent les embarcations en Méditerranée. Celui-ci précise l’interdiction, parmi d’autres, d’opération de transbordement hors impératif humanitaire et oblige à la présence de membres des forces armées italiennes à bord du navire, interdisant aux ONG de s’approcher des eaux libyennes et de communiquer avec les passeurs. La dernière trouvaille pour compléter le dispositif de chasse aux migrants est de recourir aux grands moyens en installant des navires de guerre dans les eaux territoriales libyennes. Ce projet a été adopté dans son principe par la chambre des députés le 2 août 2017. Les gardes côtes libyens multiplient les actions d’intimidation contre les bateaux des ONG qui patrouillent dans les eaux internationales, allant jusqu’à ouvrir le feu à plusieurs reprises sur leur navire. Et de plus, les garde côtes conduisent de force les migrants interceptés en mer vers les côtes libyennes pour les mettre en prison puis les reconduire dans leur pays d’origine. L’Italie a conclu un accord avec le gouvernement de Tripoli pour déployer des bateaux au large de la Libye afin de bloquer les bateaux des migrants et les empêcher de poursuivre leur route vers l’Italie. L’ensemble de ces mesures visent principalement à écarter les réfugiés et les migrants des côtes italiennes, il s’agit nullement de les sauver ou de diminuer le nombre croissant des victimes de noyade en pleine mer.

Mais l’action la plus efficace entreprise par Marco Minniti, ministre de l’intérieur italien, a été de multiplier ses visites à Tripoli, de contacter les diverses mairies sur la côte libyenne et finalement de signer un accord avec un parrain de la mafia liée au trafic des migrants. Il s’agit du fameux Ammou -précédemment mentionné- dont le vrai nom est Ahmed Al-Dabbashi, qui s’engage contre 5 millions d’euros à arrêter les bateaux au départ de Sabratha, ce qui a causé à M. Minniti de sévères critiques de la part de l’opposition italienne. Ammou, en remplacement de son trafic habituel, a donc ouvert un centre de rétention pour les candidats à l’immigration, monnayant soit leur libération soit leur envoi sur des bateaux en mer sachant que les garde-côtes libyens vont les arraisonner et les envoyer dans d’autres centres. Suite à toutes ces mesures on constate une chute du nombre de migrants secourus en mer ces derniers mois. Du début de l’année à la fin de l’été 2017, environ 100 000 migrants ont été secourus en Méditerranée et amenés en Italie. C’est 20% de moins qu’en 2016 sur la même période, cette chute brutale est encore plus visible pour juillet et août avec 15 000 secourus contre 45 000 en 2016. La dissuasion et le ralentissement de l’arrivée de migrants vers l’Europe a fait augmenter le nombre de migrants en détention d’où la nécessité d’ouvrir d’autres centres, un peu partout sur la côte mais aussi à l’intérieur du pays, notamment au sud de Tripoli. Cet éparpillement des centres couvre et permet l’augmentation des violences, des disparitions de migrants qui font aussi l’objet d’extorsion, de travail forcé, de tortures, d’humiliations et de violences sexuelles contre les femmes et ce à grande échelle.

Les tractations libyennes

Haftar a donné un délai de 6 mois à la classe politique libyenne pour régler leurs différents, au-delà de ce délai l’armée nationale prendra ses dispositions : en clair, il entrera dans Tripoli. Ce délai court jusqu’en mars 2018. Quant à la feuille de route du représentant de l’ONU, elle reste à l’état de simple feuille de papier car les négociations pour modifier l’accord de Skhirat qui se sont déroulées à Tunis à deux reprises n’ont rien donné. Par ailleurs, le 30 octobre, lors d’une conférence de presse à Tunis, l’avocat de la famille Khaddafi déclare que Seïf Al Islam, le fils de Khaddafi, est libéré depuis le mois de juin 2017, conformément aux lois d’amnistie du parlement libyen en date du 28 juillet 2015. Ajoutant que Seïf al-Islam a repris ses activités politiques en Libye et que son retour sur la scène politique n’est plus qu’une question de temps. G Salamé, l’émissaire de l’ONU, a lui aussi déclaré que Seïf al-Islam est un citoyen libyen et qu’il a le droit de mener un travail politique comme tout un chacun, oubliant le mandat d’arrêt lancé contre lui par le tribunal international.

Pour ce qui concerne la question de l’immigration, tous les jours et depuis des années ce sont des centaines de morts et disparus, des milliers de prisonniers qui vivent dans des conditions indescriptibles, sans aucun soutien de la population si ce n’est de très rares ONG qui fournissent médicaments, eau ou chaussures. La LDH (Ligue des Droits de l’Homme) libyenne dénonce ces conditions de détention et les traitements inhumains mais devant l’instrumentalisation des images d’un soi-disant marché aux esclaves visible à Tripoli et dans d’autres villes, elle dénonce aussi la manœuvre des puissances occidentales qui veulent imposer leurs conditions pour bloquer l’immigration en Libye et protéger l’Europe.

L’Italie, de son côté, continue à défendre ses propres intérêts et travaille à l’annulation du traité de Benghazi pour le remplacer par un accord qui lui soit plus favorable et moins coûteux ! Quant à la France et la croisade de Macron contre l’arrivée des migrants en Europe, l’UE a organisé à l’Élysée, sous l’initiative du Président français le 28 août 2017, une rencontre avec trois pays africains que sont la Libye, le Niger et le Tchad, pour servir de « hot spots », c’est à dire de zones de transit et de tri des migrants à l’intérieur du continent africain afin de maîtriser le flux des demandes. « L’idée est de créer en Libye des hot spots afin d’éviter aux gens de prendre des risques fous alors qu’ils ne sont pas tous éligibles à l’asile. Les gens, on va aller les chercher. Je compte le faire dès cet été avec ou sans l’Europe » déclaration de Macron en juillet 2017 suivie en novembre du transfert de 25 (sic !) réfugiés vers le Niger. La réalité sur le terrain est donc toute autre : dissuasion musclée à l’immigration, actes illégaux et agressifs de policiers comme celui dont a témoigné Raphaël Krafft dans un reportage où les gendarmes ont interpellé et remis à la frontière italienne en pleine nuit (1h du matin) à 1100 mètres d’altitude, quatre jeunes mineurs africains de moins de seize ans, en Italie ; mais aussi politique de criminalisation de la solidarité avec les migrants.

Eux, comptent le nombre d’immigrés qui réussissent à passer, nous, nous comptons le nombre de morts : plus de 15 000 morts uniquement en Méditerranée depuis 2014, peut-être autant dans les sables du désert et dans les prisons libyennes. Face à autant de cynisme politique, que pèse la vie des migrants africains ? Cette situation intolérable est le résultat d’un capitalisme triomphant toujours plus agressif, de la corruption qui en découle des dirigeants africains et du mépris des dirigeants européens pour ces populations. Pour lutter contre cette chasse aux migrants, il faut agir ici en dénonçant l’absurdité et la dangerosité des frontières, du nationalisme, du capitalisme, de l’impérialisme guerrier, de l’exploitation et de toutes les formes de domination.

22 novembre 2017, saoud salem, OCL Toulouse.


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Re: Libye

Messagede Pïérô » 14 Juin 2019, 12:36

Libye : Paris continue d’alimenter la guerre civile

La guerre civile libyenne bascule de nouveau dans une phase explosive. Huit ans après sa première intervention militaire, la France ménage ses intérêts par un double jeu qui n’épargne pas les populations civiles.

Depuis le 4 avril, la guerre rallume ses feux en Libye  : les troupes de l’Armée nationale libyenne (ANL), sous le commandement du général Khalifa Haftar, assiègent Tripoli, capitale du pays et contrôlée par le gouvernement officiel, provoquant plus de 400 morts et le déplacement de 60 000 personnes. Pour comprendre ce qui se passe, il nous faut remonter huit ans en arrière.

Depuis 2011 et la chute de Mouammar Kadhafi, sous l’action conjointe de huit mois de révolte et d’une intervention militaire occidentale, la Libye reste un pays fracturé. Une multitude de milices se disputent le contrôle du territoire. En parallèle, les tensions politiques au sein du gouvernement issu des élections de 2012 ont conduit à une situation de guerre civile en 2014 entre deux entités politiques rivales, le Congrès général national (CGN) et la Chambre des représentants, résidant respectivement à Tripoli et à Tobrouk, à l’est du pays. Le conflit s’était apaisé après un arbitrage de l’Onu en 2015 avec les accords de Skhirat, instituant un Gouvernement d’union nationale (GUN) à Tripoli sous la direction de Fayez el-Sarraj, tout en préservant un statu quo lourd de menace.

La France joue un double jeu

Le GUN contrôle l’administration officielle du pays, et notamment ses réserves de change, mais reste une entité très artificielle, les revenus de l’État étant notamment siphonnés par les principales milices de Tripoli en échange de leur soutien. De son côté, l’homme fort de l’est du pays, le maréchal autoproclamé Haftar, contrôle les principaux sites de production pétroliers, et s’est emparé de la majeure partie du territoire. Il est également appuyé par de puissants parrains régionaux, tels Moscou et par l’Arabie saoudite, l’Égypte et les Émirats arabes unis, partisans d’une restauration autoritaire en Libye. Sarraj bénéficie quant à lui du soutien de la Turquie et du Qatar, reflet des rivalités entre ces puissances régionales. Haftar, qui avait d’abord tenté de négocier son entrée dans la capitale, a tenté un coup de force en attaquant Tripoli  : il a surtout réussi à coaliser ses adversaires, laissant présager un enlisement du conflit.

La France, qui appelle officiellement à l’apaisement, joue dans les faits un double jeu  : en 2016, la DGSE envoyait ainsi des agents en service commandé auprès d’Haftar tandis qu’en parallèle, des soldats des forces spéciales françaises œuvraient auprès des troupes du GUN. Cela n’est pas sans rappeler les enjeux ambigus de l’opération Serval au Mali en 2013, afin d’aider le gouvernement de Bamako, client de la France, alors aux abois  : Haftar a notamment mené des offensives contre un groupe rebelle tchadien installé au sud de la Libye, qui s’oppose au gouvernement tchadien profrançais du président Idriss Deby. Paris, l’Europe et la Russie recherchent aussi un partenaire en Libye à qui déléguer davantage la gestion des flux migratoires… et ce, peu importe la brutalité de la méthode.

Face aux affrontements géopolitiques complexes entre factions, à différentes échelles, qui se jouent actuellement en Libye, les forces pouvant porter des perspectives émancipatrices et révolutionnaires peinent malheureusement à émerger et à se faire entendre. Nous ne pouvons que souhaiter qu’une fois la fureur des combats retombée, le mouvement ouvrier et les franges progressistes de la population libyenne sauront s’organiser en conséquence.

Vincent (35)


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