« Nous sommes le cri de celles qui n’ont plus de voix »
Après les manifestations contre le verdict de Pampelune, le #Cuéntalo (« Raconte-le ») libère la parole des Espagnoles, dans le sillage de #MeToo.
Des milliers de témoignages brefs, lugubres, à faire pleurer les pierres. De sordides histoires de viols, de coups, d’humiliations, de harcèlement, d’agressions sexuelles et même les déchirants récits de femmes assassinées, auxquelles des proches prêtent leur voix. Ces derniers jours, sur le réseau social Twitter, avec le #Cuéntalo (« Raconte-le »), c’est en Espagne, désormais, que lâchent les digues du silence, de la honte, du patriarcat, dans le sillage de la déferlante #MeToo. La colère a envahi les rues, samedi, quand des milliers d’Espagnols ont manifesté contre le jugement d’un tribunal de Pampelune disculpant cinq hommes du viol d’une jeune femme. Ces cinq Sévillans âgés de 27 à 29 ans, qui se baptisaient « la meute », ont été condamnés à neuf ans de prison pour « abus sexuel » sur une jeune Madrilène de 18 ans pendant les fêtes de la San Fermin, en 2016. Les juges n’ont pas retenu le viol, estimant qu’il n’y avait eu dans cette affaire ni « intimidation » ni « violence », la victime n’ayant pas assez « résisté » à leurs yeux. L’un des magistrats s’était même prononcé pour la relaxe des agresseurs, qui sont allés jusqu’à diffuser les images du viol sur les réseaux sociaux…
Face à l’impunité des accusés, il y a urgence à clarifier la définition de viol
Ce verdict a suscité, dans tout le pays, une vague d’indignation sans précédent contre la « justice patriarcale ». Une pétition demandant au Tribunal suprême la révocation des trois juges ayant prononcé ce verdict a recueilli, en quelques jours, 1,3 million de signatures. En réponse, le président du Tribunal suprême et du conseil général du pouvoir judiciaire, Carlos Lesmes, a opposé aux signataires une fin de non-recevoir. Dans un communiqué publié vendredi, il estime que le tribunal a « évalué minutieusement (...) tous les éléments de preuve apportés ». « Les juges et les magistrats sont le plus important rempart pour la protection et la défense de toutes les victimes », insiste-t-il, en déplorant que des « déclarations de discrédit aient émané de personnes ayant des responsabilités publiques ». L’affaire embarrasse le gouvernement de Mariano Rajoy, qui promet d’étudier l’éventualité d’une réforme du Code pénal pour clarifier la définition du viol. Vendredi, le parquet et la région de Navarre, partie civile, ont annoncé qu’ils feront appel du jugement. En attendant, l’affaire envenime les rapports entre l’exécutif et le pouvoir judiciaire. Lundi, les magistrats espagnols ont réclamé la démission du ministre de la Justice, Rafael Catala, pour avoir mis en doute publiquement la compétence d’un des juges de Pampelune.
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