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Messagede bipbip » 04 Oct 2017, 20:24

Communiqué de la CGT : Grève massive en Catalogne

Suivi à plus de 80 % dans la plupart des secteurs de production

Nous assistons à une grève très massive dans toute le territoire catalan, suite à l’appel de la CGT, IAC, COS i I-CSC. C’est pour nous un succès sans appel .

Dans les métros et les bus de Barcelone l’appel a été suivi à plus de 90%, les écoles sont quasiment toutes fermées, dans les principales entreprises du secteur des TIC (DXC, T-Systems, Indra,…) les pourcentages atteignent 65 à 90%. Le secteur public est en grève à 90% et les commerces dans les villes ont fermé le rideau. Mecabarna (marché alimentaire) est également fermé. Les ports sont en grève avec de chiffres avoisinant les100%. Seuls l’industrie est en retrait mais avec un taux de grévistes atteignant quand mêmes les 50%

Nous voulons pointé avant tout le caractère social de cette grève, avec de nombreux piquets de grève, autogérés, dans les quartiers, qui ont mené les actions qu’ils ont jugées les plus appropriées pour arrêter l’activité économique et productive, l’objectif d’une grève générale.

Cette grève est un succès malgré les tentatives de l’enrayer par les syndicats CCOO et UGT. Ils ont essayé de répandre l’idée d’une fermeture limitée ou de débrayage court, en accord avec l’employeur, cherchant à casser la grève générale. Alors que tout le monde pressentait déjà hier que cette grève serait énorme hier, ils sont toujours restés en retrait. Malgré cela, la majorité de la population active catalane a répondu massivement au mot d’ordre de grève générale.


http://al45.org/2017/10/03/communique-d ... catalogne/


Barcelone : 300 000 personnes manifestent contre les violences policières
Près de 300 000 personnes manifestaient ce mardi 3 octobre à Barcelone contre les violences policières qui ont émaillé l'organisation d'un référendum interdit dimanche en Catalogne.
... http://www.midilibre.fr/2017/10/03/barc ... 569475.php
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Messagede Pïérô » 05 Oct 2017, 14:20

700 000 personnes !

"Le salaire que je perds aujourd’hui, c’est anecdotique" : Barcelone au rythme de la grève générale
Deux jours après le "oui" au référendum, 700 000 personnes ont manifesté à Barcelone, mardi, selon la police municipale. Franceinfo était dans le cortège.
Jan a d’abord cru que c’était un "camarade" qui tentait gentiment de lui chiper son drapeau catalan. C’était avant de voir la démarche brinquebalante du bonhomme, vraisemblablement ivre après une sortie en discothèque. ll fait encore nuit noire, mardi 3 octobre, mais l'anecdote a rapidement fait le tour des premiers manifestants qui attendent sagement le top départ près du métro Liceu, au milieu de la célèbre Rambla de Barcelone (Espagne).
... http://www.francetvinfo.fr/monde/espagn ... 01456.html



Manuel Cervera-Marzal : "Le référendum catalan, c’est l’action de désobéissance civile la plus massive de l’histoire de l’Union Européenne"

La Catalogne s’embrase sur fond de processus d’indépendance. Quelles sont les forces en présence ? Comment se positionne la gauche espagnole ? Va-t-on vers une guerre de sécession ? Manuel Cervera-Marzal, sociologue spécialiste de la gauche espagnole, nous aide à y voir plus clair.



http://www.regards.fr/web/article/manue ... obeissance
Image------------ Demain Le Grand Soir --------- --------- C’est dans la rue qu'çà s'passe --------
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Messagede bipbip » 07 Oct 2017, 19:36

Entre le gouvernement espagnol et la Catalogne, l’histoire d’une séparation

Le référendum organisé dimanche par les forces indépendantistes catalanes, ainsi que la féroce répression qui s’en est suivie, trouvent leur explication dans la lente dégradation d’un processus qui avait démarré de manière favorable dans les années 2000, avant de se heurter aux refus réitéré de toute forme de concession de la part du gouvernement central. Les revendications catalanes sont alors progressivement passées d’une autonomie négociée, à une volonté d’indépendance pure et simple. Celle-ci ne peut être que renforcée par les événements des derniers jours.

... https://www.bastamag.net/Entre-le-gouve ... separation
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Re: Espagne

Messagede bipbip » 08 Oct 2017, 15:02

Traduction de l'appel à la grève du 3 octobre

Image

On choisit de lutter ! Le 3 octobre, toutes et tous à la grève générale !

Les syndicats, organisations et collectifs signataires de cet appel souhaitent communiquer ici aux travailleuses et à l’ensemble des classes populaires notre positionnement par rapport aux événements qui ont eu lieu ces derniers jours dans les rues de nos villes et de nos villages.

Depuis plusieurs années, nous avons observé l’escalade de tensions dans un conflit, désormais historique, qui visait à réduire les droits fondamentaux de la population. Nous venons d’une tradition syndicale et politique qui a toujours dans l’histoire défendu les droits et les libertés de la classe opprimée et qui a pris la rue quand il le fallait pour arracher au pouvoir ce qui nous permet maintenant d’être les actrices et acteurs de notre présent et de notre futur.

En tant que libertaires et que partie active des mouvements syndicaux, populaires et associatifs de Catalogne, nous défendrons toujours le droit à l’auto-détermination des peuples – à commencer par le nôtre. Nous entendons cela comme un principe de base du confédéralisme, condition nécessaire à la cohabitation humaine dans un régime égalitaire. Nous disons clairement que toute émancipation complète est impossible sans avoir auparavant éliminer la structure économique qui la restreint, le capitalisme. Tant que cela n’a pas lieu, les conditions de vie de la classe travailleuse continueront d’être écrasées par une oligarchie espagnole et catalane qui sont toujours main dans la main pour imposer des contreréformes en matière de droit du travail et pour diminuer les droits sociaux.

Cela étant, nous voulons dénoncer la militarisation et la répression que nous subissons de la part de l’État espagnol, qui dévoile par là son vrai visage autoritaire en imposant sa volonté jusqu’au bout, quelqu’en soient les conséquences. Nous nous sommes toujours opposé-e-s à quiconque voulait militariser la Catalogne – ou n’importe quel territoire – contre les grandes protestations populaires et toute aspiration d’émancipation sociale.

Nous nous opposons à la répression de l’État parce que nous l’avions expérimenté de manière systématique et continue dans nos propres corps, dans la rue et dans les entreprises. Pour cela également, nous voulons dénoncer la nature répressive de la Généralité de Catalogne, qui a, ces dernières années, persécuté, frappé, arrêté et emprisonné toutes celles et ceux qui ont refusé de regarder ailleurs quand les droits civils et humains du peuple étaient piétinés. Nous n’oublions pas la façon dont les Mossos d’Escuadra nous ont délogé de la place de Catalogne, ont arrêtés et trainés en justice des syndicalistes pour avoir participé à la manifestation qui avaient encerclée le parlement quand nos droits sociaux étaient rabotés. Nous n’oublions pas les arrestations et les emprisonnements des grandes opérations policières comme les récentes opérations Pandora ou encore les morts et les mutilations. En bref, nous ne permettrons pas qu’on nous prenne ce qui est à nous, quelque soit la couleur du drapeau dont ils se draperont.

Pour nous, l’auto-détermination et l’émancipation de nos villages et de nos villes ne peut se cantonner seulement dans une décision de marquage territorial concret. La liberté collective ne sera possible qu’avec l’action décidée du peuple et des travailleuses face à un Etat et des élites politiques qui maintiennent des structures antisociales, hétéropatriarcales et oppressives qui sont aussi défendues par quelques-uns des acteurs du mouvement souverainiste catalan. L’autodétermination et l’émancipation ne seront possibles qu’à travers l’action insoumise des opprimées, ce qui veut dire par la défense et l’amélioration de leurs conditions matérielles de vie. La socialisation des moyens de production et de la richesse, l’élimination de toutes les formes d’oppression, comme l’hétéropatriarcat et ses différentes structures de pouvoir, autant explicites qu’implicites, la liberté la plus large de décision et la participation de toutes à travers l’action directe et l’autogestion seront les éléments qui nous rendront réellement libres.

Ainsi, nous pensons que c’est le peuple, constitué en sujet politique et de classe, qui doit tenir lieu de base pour un grand changement social et c’est pourquoi nous saluons et défendons l’extension des organisations populaires de base pour pratiquer la désobéissance et faire front au contexte autoritaire existant. Nous voulons que cette attitude de désobéissance et de confrontation avec l’autorité aille encore au-delà de la conjoncture actuelle et soit opposée à toutes les injustices auxquelles nous sommes soumises.

Pour toutes ces raisons, nous faisons un appel aux travailleuses de Catalogne à participer aux mobilisations en défense de nos droits et de nos libertés et plus particulièrement à participer de manière massive à la grève générale convoquée pour le mardi 3 octobre. Parce que l’esprit combattif qui anime historiquement cette partie du globe ne sera pas éteint si facilement, parce que nous sommes la classe des travailleuses et des travailleurs et que nous voulons décider de tout, c’est notre tour de descendre dans la rue, c’est notre tour de lutter !

Signataires :
CGT Catalogne
Negres Tempestes (Tempêtes Noires)
Embat, organisation libertaire de Catalogne
Heura Negra, assemblée libertaire de Vallcarca
CNT Catalogne et Baléares
Oca Negra, assemblée libertaire du Clot-Camp de l’Arpa
Solidaritat Obrera (Solidarité Ouvrière)

Traduction : Relations Internationales de la Coordination des Groupes Anarchistes (CGA)


https://www.anarkismo.net/article/30551
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Re: Espagne

Messagede bipbip » 11 Oct 2017, 15:26

Catalogne : combien de divisions ?
Plusieurs centaines de milliers de personnes ont manifesté à Barcelone dimanche 8 octobre pour le maintien de la Catalogne dans l’Espagne. Initiée par les partisans d’une ligne dure contre les indépendantistes et flirtant souvent avec les symboles du franquisme, la manifestation a rassemblé nombre de Catalans hostiles à une séparation avec Madrid.
... https://rapportsdeforce.fr/linternation ... ns-1009944


La Catalogne entre deux feux Suivi de « Indépendance : bien au-delà d’un État en soi » Par Ivan Miró
Dimanche 1er octobre, jour du référendum pour l’indépendance de la Catalogne, jugé illégal par le Tribunal constitutionnel de l’État espagnol, plus de deux millions de Catalan.es se sont rendu.es aux urnes, accueilli.es par de violentes charges policières. Les déclarations du président Mariano Rajoy « fier de l’action de la police », celles du roi (« Le problème en Catalogne, c’est les indépendantistes ») et le soutien des socialistes libéraux et journalistes d’État creusent encore le fossé. Face aux aspirations à l’autodétermination, les autorités espagnoles refusent tout dialogue et cherchent à imposer le statu quo par la force. Pour comprendre ce qui s’est passé ces derniers jours, voici le témoignage d’un français qui a vécu les événements depuis Barcelone, suivi de la traduction d’un article datant de 2012, montrant deux visions de l’indépendance qui coopèrent et s’affrontent tour à tour : social-libéral versus libertaire-révolutionnaire.
... http://jefklak.org/?p=4503
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Messagede bipbip » 27 Oct 2017, 01:40

Etat espagnol-Catalogne. L’article 155 et la mise entre parenthèses de la démocratie

Suite à la décision ferme du régime tripartite (Parti Populaire, Ciudadanos, Parti socialiste ouvrier espagnol), avec le roi Felipe VI à sa tête, visant à donner l’interprétation la plus dure, et en même temps la plus discutable, de l’article 155 de la Constitution [1], nous entrons irrémédiablement dans les jours clés, en termes de rapports de forces, de l’épreuve qui depuis quelques années a pris jour concernant la revendication majoritaire du peuple de Catalogne, soit celle ayant trait à son droit légitime de décider de son avenir.

En effet, avec l’intention de faire de Mariano Rajoy le président de la Catalogne, de dissoudre le Parlement catalan afin de pouvoir convoquer de nouvelles élections et de placer sous son contrôle la police régionale [Policia de la Generalitat de Catalunya-Mossos d’Esquadra] et les médias – entre autres mesures – le régime vise à mettre fin à l’autonomie catalane. Mais, de plus, comme l’écrivait récemment Javier Pérez Royo [2], il s’agit de mettre fin au nationalisme catalan comme option politique légale. Nous pouvons y ajouter: et à toute opposition au régime, avec parmi ses cibles le parti Unidos Podemos.

C’est ce qui a déjà été proclamé par les porte-parole du PP, tels García Albiol [maire de Badalona jusqu’en 2015 et président de Groupe populaire dans le parlement de Catalogne] et Pablo Casado [membre du PP et vice-secrétaire chargé de la communication]. Ils n’ont manifesté aucune retenue pour étendre la menace d’interdiction envers des forces politiques républicaines ou simplement à inclure dans leur programme des propositions qui vont à l’encontre de la Constitution. C’est ce à quoi nous sommes confrontés: un nationalisme-constitutionnaliste espagnoliste et militant. Et pour cette raison, cela relèverait d’une très grave erreur que de considérer ce conflit comme ne concernant que la Catalogne.

Cette décision – qui sera sans doute approuvée, le 27 octobre, par un Sénat à la majorité absolue du PP [le PP détient 148 sièges sur 266] – est également précédée de l’emprisonnement «préventif», accusé du crime de «sédition» [passible de 15 ans de prison], de Jordi Sànchez [président de l’Assemblée nationale catalane] et de Jordi Cuixartl [président de l’association Òmnium Cultural], dirigeants de deux grandes organisations sociales ayant organisé les plus grandes mobilisations pacifiques en faveur du droit de décider qui se sont tenues en Catalogne depuis 2012.

Et peu de temps après, le Tribunal constitutionnel (TC) a jugé illégale la loi du référendum approuvée par le Parlement [catalan], qui la fondait, comme il est de coutume dans ce cas, sur les articles 1 et 2 de la Constitution («l’autonomie» – en bref – n’est pas la «souveraineté», le TC dixit). En fait, une démonstration supplémentaire que toute promesse de réforme constitutionnelle qui ne remet pas directement en question ces articles ne peut jamais ouvrir la voie à un véritable pacte fédéral entre les peuples [3].

La réponse depuis la Catalogne ne s’est pas fait attendre: la manifestation d’hier, le 21 octobre, pour la liberté des deux «Jordis» s’est également transformée en une dénonciation massive et indignée de la décision du Conseil des ministres d’appliquer l’article 155 de la Constitution, ainsi qu’en une réaffirmation de la volonté de centaines de milliers de personnes [450’000 selon la police] de désobéir à ce qui est perçu comme un véritable état d’urgence et un démantèlement de leurs institutions d’autonomie [d’auto-gouvernement]. En résumé, il s’agissait d’un coup porté à la démocratie, en somme, cela signifierait le retour à 1977, avant même l’instauration de la Generalitat qui, aujourd’hui, a quarante ans.

Cependant, la chose la plus grave réside dans l’alignement complet des rangs du régime, avec le soutien des grandes puissances économiques de l’IBEX 35 [indice de la Bourse de Madrid] et des principaux dirigeants de l’UE, un régime qui a reçu le plein soutien de la nouvelle direction du PSOE [Pedro Sánchez]. Sont sapées ainsi les illusions qu’avaient générées la défaite électorale interne du felipismo [allusion à la défaite de Susana Diaz soutenue par Felipe Gonzales lors des primaires au sein du PSOE, en mai 2017] et le changement initial de discours de Pedro Sánchez avec sa reconnaissance timide de la plurinationalité face au nationalisme espagnol monocorde et exclusif de Rajoy.

Une fois de plus, au sein du PSOE, la «(sans) raison d’Etat» s’est imposée contre la raison démocratique. Il n’y a pas si longtemps, la défense de certains de ses dirigeants catalans s’exprimait au moins de la manière suivante: nous sommes en faveur d’un référendum consultatif. Heureusement, il n’a pas fallu trop longtemps pour que des premières critiques soient émises par des responsables publics du PSC (Parti socialiste de Catalogne) face à une décision qui, certainement, va impliquer la décomposition de ce parti en Catalogne et son identification, dans le reste de l’Etat, avec le PP, avec Ciudadanos dont le mordant ultranationaliste n’a plus besoin de se déguiser en libéral et, surtout, une identification avec ce que va impliquer l’enterrement définitif d’un Etat autonome, déjà agonisant.

... https://alencontre.org/europe/espagne/e ... ratie.html
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Re: Espagne

Messagede bipbip » 30 Oct 2017, 11:55

Démocrates contre la démocratie

Le déclenchement de l’article 155 par Madrid et la suspension du Parlement catalan constituerait une nouvelle étape d’un processus de destruction de la démocratie débuté en Grèce.

... http://www.liberation.fr/debats/2017/10 ... ie_1606297
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Re: Espagne

Messagede bipbip » 01 Nov 2017, 12:51

CGT-CNT-Solidaridad Obrera
Les anarcho-syndicalistes s’expriment sur la situation en Catalogne


Nous, organisations signataires, partageons l’inquiétude quant à la situation en Catalogne, la répression déchaînée par l’État, la perte de droits et de libertés que cela suppose et va supposer et la montée d’un vieux nationalisme qui apparaît de nouveau dans une grande partie de l’État espagnol.

Nous défendons l’émancipation de tous les travailleurs et travailleuses de Catalogne et du monde entier. Peut-être, dans ce contexte, convient-il de rappeler que nous ne comprenons pas le droit à l’autodétermination comme le comprennent les partis et les organisations nationalistes mais pour nous il s’agit du droit à l’autogestion sur un territoire déterminé.

Entendu de cette manière, l’autodétermination passe plus par le contrôle de la production et de la consommation par les travailleurs et les travailleuses, pour une démocratie directe de bas en haut, organisée selon les principes fédéralistes, que par l’établissement d’une nouvelle frontière ou la création d’un nouvel État. En tant qu’internationalistes, nous pensons que la solidarité entre les travailleurs et les travailleuses ne doit pas être limitée aux frontières de l’État, c’est pourquoi il nous importe peu où elles se situent.

Ce qui nous paraît vraiment préoccupant c’est la réaction dans le reste de l’État ; l’exaltation d’un "espagnolisme" rance, qui rappelle des temps passés, encouragé par les médias et en accord avec la dérive autoritaire du gouvernement, est patent depuis l’incarcération de personnes pour avoir prôné des actes de désobéissance ou l’application de l’article 155 de la Constitution.

Il ne nous échappe pas que ce surgissement nationaliste assoie les bases de prochaines limitations de droits et de libertés, contre lesquelles nous devons nous prémunir. La vibrante unité des soi-disant « forces démocratiques » pour justifier la répression, augure d’un horizon sombre pour toutes les futures dissidences. Il semblerait que le régime post-franquiste qui nous gouverne depuis 40 ans, serre les rangs pour assurer sa continuité.

Ce régime, qui a existé et qui existe en Catalogne comme dans le reste de l’État espagnol, sent que sa propre survivance est en jeu. Amplement remis en question et soumis à une profonde crise de légitimité, il observe, alarmé, le nombre grandissant de fronts ouverts. A la menace sur l’intégrité territoriale de l’État s’ajoutent les scandales de la corruption, la perte de prestige de la monarchie, la remise en cause des restrictions appliquées à la population, le mécontentement que provoque l’esclavagisme dans le travail dû aux dernières réformes du travail, l’allongement de l’âge du départ à la retraite, la baisse des pensions, etc... Les constants appels pour défendre la constitution doivent être compris comme le tocsin pour interrompre cette véritable crise existentielle qui l’assaille. Le danger est que dans ce processus les comportements répressifs – comme ceux qui se sont déroulés récemment dans plusieurs villes catalanes - deviennent la norme. Ou des comportements pires encore.

Évidemment nous ne savons pas dans quel sens vont aller les événements. Nous resterons attentif et attentives à ce qui se passe, disposées à défendre les intérêts des travailleurs et des travailleuses partout dans l’État. Nous nous opposerons de toutes nos forces à la répression et à la normalisation des attitudes ultra droitières, qu’on sent déjà. Bien sûr, nous ne nous laisserons pas non plus manipuler par les stratégies des partis politiques dont les objectifs nous sont étrangers. En même temps, nous ne cesserons pas d’appuyer les mobilisations de la classe laborieuse quand elle le décidera, enfin c’est le moment de se défaire du dictât des élites politiques et économiques qui depuis trop de temps œuvrent au contrôle du territoire pour servir, exclusivement, ses propres intérêts.

En tant qu’organisations syndicales de classe, libertaires et combatives, nous serons dans la rue, dans les mobilisations, comme nous l’avons fait dans beaucoup d’autres occasions, contre la répression, les restrictions des droits et des libertés et contre la corruption.

Il se peut que la crise de la Catalogne soit le coup de grâce d’un modèle d’État qui agonise. Que ce changement se résolve dans un sens ou dans un autre dépendra de notre capacité, en tant que classe, à porter le processus dans la direction opposée à la répression et à l’essor des nationalismes. Ayons confiance dans notre capacité à parvenir à ce que le résultat final soit plus de libertés et de droits et non le contraire. Nous jouons gros.

Pour les droits et les libertés !

Contre la répression des classes laborieuses !

Déclaration cosignée de trois organisations anarcho-syndicalistes :
• Confederación general del trabajo
• Confederación nacional del trabajo
• Solidaridad obrera

Traduction : Christine Gillard (amie d’AL)


http://alternativelibertaire.org/?anarc ... -catalogne
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Re: Espagne

Messagede bipbip » 02 Nov 2017, 14:33

Catalogne : comment en est-on arrivé là ?

Président catalan réfugié à Bruxelles, incarcérations de responsables associatifs pour sédition et poursuites de responsables politiques pour rébellion, blocage de sites internet, saisies d’urnes par la police lors du référendum… La crise politique entre les indépendantistes catalans et le gouvernement espagnol prend une tournure inquiétante, au cœur même de l’Union européenne. Les élections anticipées prévues le 21 décembre permettront-elles le retour d’un débat démocratique et apaisé ?

... https://www.bastamag.net/Catalogne-comm ... -arrive-la
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Re: Espagne

Messagede Pïérô » 29 Déc 2017, 00:28

Catalogne

L’offensive post-franquiste de Madrid

L’offensive post-franquiste de Madrid

On ne peut réduire les événements de ces derniers mois en Catalogne à un simple affrontement entre deux nationalismes qu’il suffirait de renvoyer dos à dos, pour clore le chapitre d’une situation qui gêne un peu tout le monde car elle ne rentre pas dans les moules idéologiques et prévisionnels des différentes chapelles de la galaxie anticapitaliste.

Les Etats et les bourgeoisies européennes, qui ne semblent pas accorder grand crédit à Puigdemont (et comme, pour une fois, on les comprend !), se foutent pourtant sans doute que telle ou telle partie d’un Etat s’indépendantise du moment que les affaires continent. En revanche, elles sont très attentives à la manière dont cette indépendance est obtenue car elles savent, en fonction du rapport de force entre les classes sociales au sein de l’éventuelle nouvelle entité, qu’elle peut préfigurer quelques ennuis pour elles. Non pas, bien sûr, que menace une « société sans Etat » ou un quelconque communisme libertaire, mais possiblement une situation tendue dans laquelle les classes populaires relèveraient la tête et se mêleraient de faire baisser le taux de profit.

Dépecer l’ex-Yougoslavie, pas de problème ; soutenir la dissidence des Républiques baltes ou la partition de la Tchécoslovaquie, pas de problème bien au contraire. Outre l’opportunité d’achever la bête soviétique, c’était de nouveaux marchés qui s’ouvraient aux Occidentaux.
Mais pour l’Irlande ou le Pays Basque, ce fut une autre question ! Trop de forces politiques incontrôlables, trop d’incertitudes, trop de revendications sociales, pas assez de nationalisme pur ! Le droit des peuples à disposer d’eux-mêmes n’est à leurs yeux qu’un habillage propagandiste que l’on applique ou pas, selon les besoins. L’intervention du gouvernement de Madrid n’est qu’un exemple de plus, après les référendums sur l’Europe en France et aux Pays-Bas, après le Brexit qui sans doute ne se fera pas, que les décisions des institutions dites représentatives ne valent que si elles vont dans le bon sens et qu’on revotera autant de fois qu’il le faut, quitte à employer la force.

Le mouvement social aurait-il plié bagage ?

Il peut paraître incompréhensible qu’une partie de la population qui, il y a peu encore, exprimait à des degrés divers plus que sa défiance vis-à-vis des autorités catalanes se soit assez vite retrouvée à les défendre. S’agit-il d’un simple et classique mécanisme de ralliement à un nationalisme qui ne faisait que sommeiller et qui a mis les oppositions de classe au second plan ? Pas totalement, loin de là.

On se souvient qu’au cours de ces dernières années de nombreux conflits ont émaillé la vie politique catalane en mettant aux prises la Generalitat et sa police avec les secteurs sociaux les plus combatifs : quand les travailleurs ont subi une détérioration significative de leurs conditions de vie avec une baisse générale des salaires ; quand les réformes du Code du travail des années 2010 et 2012 ont réduit les possibilités d’action face aux employeurs ; du fait aussi d’une précarité en forte hausse et d’une aggravation générale des conditions de travail. Parallèlement, la répression, contre les grévistes et les militants sociaux, s’est considérablement accrue avec des condamnations et des amendes dans le cadre de la « llei mordassa » (la « loi bâillon » – voir encart). En 2012, suite à la grève générale, une manifestante a perdu un œil ; l’année suivante, 6 mossos d’esquadra (police catalane) ont tabassé et tué un homme dans la rue, ce qui a provoqué de nombreuses manifestations anti-mossos et des affrontements rituels plaça de Catalunya. En 2014, la tentative de détruire le centre social Can Vies à Sants n’a pu aboutir tant se sont multipliées pendant une semaine à Barcelone des actions fortes de solidarité. On se souvient aussi de la chaîne humaine qui entourait le Parlement, en 2011, pour protester contre la condamnation de neuf « indignés », et de la grève générale de 2012. Autant d’épisodes parmi d’autres qui ont fortifié dans de larges secteurs du mouvement social la défiance vis-à-vis des autorités catalanes et la haine de sa police, qui n’était surpassée sans doute que par celle de la guardia civil.

Alors, pourquoi ce changement d’attitude ?
Evidemment, l’intervention d’une force extérieure qui vient se mêler d’affaires considérées comme intérieures a toujours toujours tendance à aplanir les contradictions intérieures et à favoriser la défense de l’adversaire d’hier contre l’ennemi d’aujourd’hui. Autrement dit, à diluer les conflits de classe au profit d’un intérêt considéré comme supérieur. Surtout lorsque l’on sait pertinemment que les motivations de ce tiers qui impose son tempo est l’ennemi haï depuis longtemps et que, dans le cas qui nous occupe, il se nomme post-franquisme et a avant tout comme objectifs de rétablir un Etat fort pour imposer les réformes en tous genres que les travailleurs catalans et espagnols subissent et de mater les résistances sociales. Car, si Franco est mort, les classes qui ont soutenu son régime ont bien survécu à la « transition » de 1978 vers un régime parlementaire, et elles veulent à présent rétablir un régime autoritaire. Cette constatation résonne trop aux oreilles d’une large partie de la population catalane, de par son histoire et de par la répression subie, pour que ça ne joue pas un rôle dans le film des événements. Et comme, de plus, au cours des derniers jours et semaines, on a constaté à quel point cette répression s’est étendue à de nombreux autres secteurs de la société, on ne peut que conclure à un processus général de suspension des droits civils par l’Etat espagnol.

Il est pour nous clair que, si les institutions catalanes doivent être combattues, c’est par le mouvement social catalan qu’elles doivent l’être, et que ce ne peut être, en aucun cas, le pouvoir dit populaire de Madrid qui doit s’en charger ce qui serait vécu comme une double peine par la population catalane ! Car, ce que combat Madrid, ce n’est ni la morgue traditionnelle de la bourgeoisie catalane ni la défense des libertés que cette dernière rogne à coups d’interventions policières ; son intervention ne traduit rien d’autre que reprise en main de la situation en Catalogne par un post-franquisme aux abois.

Le repli nationaliste n’est pour beaucoup qu’un prétexte

Quels sont ces secteurs combatifs de la société catalane dont nous parlions qui menaient la vie dure aux autorités locales ? Les anarchistes des CNT, bien sûr, mais aussi bien d’autres forces politiques anticapitalistes, des militants associatifs et autonomes, des catalanistes anticapitalistes comme la CUP (qui a fait quand même plus de 8 % aux élections). Des secteurs qui ont multiplié ces dernières années des squats, des lieux militants ouverts sur les quartiers, des collectifs actifs contre la spéculation immobilière liée au tourisme et qui chasse les « pauvres » des centres-villes, des interventions de solidarité envers des salariés qui luttent contre les mesures d’austérité imposées à la fois par Madrid et par le gouvernement catalan. Des secteurs qui représentent la partie émergée d’un iceberg qui s’agite dans une société en crise qui connaît un taux de chômage de presque 20 %.
N’oublions pas que la Catalogne est l’une des sociétés les plus politisées d’Europe et que les manifestations de plusieurs millions de personnes n’y sont pas rares. Il y a peu de risques qu’un basculement vers un nationalisme fanatique et xénophobe s’y produise à moyen terme.

La répression exercée par l’Etat espagnol à la veille du référendum prévu pour le 1er octobre a été sans commune mesure avec l’insignifiance apparente de l’événement. 10 000 policiers en armes venus de toute l’Espagne, mise en détention des responsables du gouvernement autonome, intrusion des forces de police dans les locaux de la CUP, violences de la guardia civil contre les électeurs présents dans les écoles où avait lieu le vote afin de l’empêcher. Bref, 900 blessés, du jamais vu dans la période post-franquiste. Et, évidemment, le « nous voterons » est devenu le cri de ralliement contre ceux qui ont voulu empêcher ce vote, y compris de la part de celles et ceux qui auraient voté « non » ou se seraient abstenus.

Pour beaucoup, la défense des urnes n’a pas été seulement un engouement électoral mais une forme de résistance contre un Etat central. On ne peut s’abstenir que si le droit de vote existe, et l’intention du gouvernement espagnol était claire en ce 1er octobre : il s’agissait de l’interdire !

N’oublions pas que la grève générale du 3 octobre a été lancée par des syndicats minoritaires (CGT/CNT/COS/IAC) et des branches dans le but de lutter contre la répression et pour la liberté : abolition de la suspension des droits civils, refus de la présence policière et militaire dans les lieux de travail, mais aussi… abolition des contre-réformes du travail de 2010-2012 que la Generalitat appuyait. Ce n’est qu’à la suite de la répression du 1er octobre que les grandes centrales y ont appelé à leur tour, sans doute par crainte d’être débordées. 700 000 personnes dans les rues avec des slogans comme « Dehors les forces d’occupation » et « La rue sera toujours à nous ».

La situation actuelle est relativement ouverte. Entre une possibilité nationaliste sans perspective autre que la construction d’un nouvel Etat (ou plus vraisemblablement, une nouvelle négociation entre deux bourgeoisies qui ont malgré tout des intérêts communs) et le renforcement d’un foyer de contestation dans cette nouvelle Europe totalitaire qui se dessine, le match est peut-être inégal mais il vaut le coup d’être joué, et le pari qu’aucun des deux nationalismes ne se renforcera peut être tenté. Dans ces conditions, lorsque la rue déborde en se dressant contre un Etat policier et arrogant, on ne peut considérer que le mouvement social catalan se laissera aussi facilement absorber par les pires sirènes nationalistes. Le penser, c’est faire preuve d’un certain mépris envers les « masses » et leur dénier toute capacité d’autonomie à déjouer les pièges.

JPD


encart 1

La « loi bâillon »

Votée en 2015, cette loi sur la sécurité publique est destinée à en finir avec les manifestations qui émaillent la vie politique espagnole contre les coupes budgétaires, pour l’éducation, contre la corruption. Des amendes démesurées sont prévues pour des faits jugés jusque-là mineurs – comme manifester devant le Parlement : 300 000 euros d’amende. Rétablir l’ordre est le maître mot, et redonner à la police son prestige écorné par des bavures à répétition. Pour le Parti populaire, il s’agissait aussi de donner des gages à l’extrême droite à un moment où les sondages ne lui étaient pas favorables.


encart 2

La richesse catalane moteur de l’indépendantisme
Cette richesse expliquerait à elle seule leur désir d’indépendance. Or le PIB par habitant de la communauté autonome de Madrid est plus élevé qu’en Catalogne : 32 723 euros contre 28 590 euros. Comment expliquer alors que les Madrilènes ne veulent pas aussi leur indépendance ?


http://www.oclibertaire.lautre.net/spip.php?article2020
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Re: Espagne

Messagede bipbip » 03 Fév 2018, 13:11

Royaume d’Espagne. Répression du féminisme

Entretien avec Laura Dorado et César Oltra

Le Tribunal suprême de Madrid a récemment rejeté le recours en cassation déposé par les cinq militantes féministes que l’Audience provinciale des Baléares avait condamnées à une année de prison pour la manifestation réalisée dans l’église Saint Michel de Palma, le 9 février 2014, contre l’avant-projet de réforme de la législation sur l’interruption volontaire de grossesse formulé par celui qui était alors ministre de la justice, Alberto Ruiz Gallardón. Quelques jours après la publication de la sentence du Tribunal suprême, nous avons parlé avec une des militantes condamnées, Laura Dorado, et avec César Oltra, qui est membre du collectif contre la répression Alerta Solidària. L’interview a été réalisée par Daniel Escribano et Ariadna Suari, traduite du catalan au castillan par Daniel Escribano et publiée le 21 janvier 2018 sur www.sinpermiso.info. Laura Dorado est militante féministe et membre de l’organisation de jeunesse Arran. César Oltra est membre de l’organisation de soutien aux militants mis en accusation et frappés de représailles Alerta Solidària.

... https://alencontre.org/europe/espagne/r ... nisme.html
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Re: Espagne

Messagede bipbip » 28 Fév 2018, 01:21

Emili Cortavitarte Carral (Embat) et Jordi Font Marti (CGT) : «  Pousser, en Catalogne, vers un pouvoir populaire  »

Catalogne : Essayer de comprendre

Face à la crise catalane de ces derniers mois, Alternative libertaire a témoigné de la sympathie pour le droit à l’autodétermination réclamé par une partie importante de la population.

La solidarité d’Alternative libertaire s’est manifestée par la participation à différents rassemblements en France, ou encore son intervention dans le cadre de réunions publiques unitaires.

Cette solidarité repose sur plusieurs principes  : tout d’abord, le droit pour le peuple catalan, comme pour tout peuple, de décider de son futur et de son destin  ; ensuite, notre opposition aux pratiques et méthodes utilisées par le gouvernement central de Madrid, qui, par son autoritarisme et les coups de matraques de la Guardia civil, rappelle que le spectre du franquisme plane toujours  ; enfin, un élément déterminant de notre soutien réside dans le fait qu’en Catalogne, sont parties prenantes du mouvement deux organisations avec lesquelles nous entretenons des relations suivies et de confiance  : la centrale anarcho-syndicaliste CGT, ainsi que l’organisation libertaire Embat.

Mais la situation catalane est complexe, avec l’existence d’une composante bourgeoise dans ce mouvement indépendantiste. Elle nous questionne, en tant qu’internationalistes et communistes libertaires.

Nous avons choisi de donner la parole à des acteurs et actrices du mouvement libertaire catalan. Avec ce mois-ci deux camarades investis dans le combat pour l’indépendance et le mois prochain l’interview d’une autre camarade de la CGT catalane, Araceli Prieto, qui propose une analyse différente.

Ces camarades, aux prises de positions contradictoires, nous permettront de nous faire une idée plus précise de la richesse et des limites de ce mouvement populaire catalan qui, par son caractère massif, a largement impressionné le mouvement social cet automne.

Jérémie Berthuin (AL Gard)



"Un combat marqué du sceau de l’auto-organisation, de rues qui vivent et crient leur désir de liberté”

Emili Cortavitarte Carral vit à Barcelone et milite au sein de l’organisation libertaire Embat. C’est aussi une figure historique de la centrale anarcho-syndicaliste, CGT. Il est, en outre, président de la Fondation Salvador Segui, qui édite nombre de livres sur l’histoire du mouvement libertaire ibérique.

Jordi Font Marti, quant à lui, est adhérent de la CGT de Tarragone et milite dans le secteur libertaire du parti d’extrême gauche catalaniste, la CUP.

Tous deux ont en commun d’avoir participé activement aux événements qui ont secoué la Catalogne ces derniers mois. Entretiens croisés.

Quel bilan dressez-vous des résultats des élections du Parlement catalan le 21 décembre dernier ?

Emili : En premier lieu, je noterai le haut niveau de participation (82%). En second lieu, je soulignerai la victoire partielle de Cuidadanos (C’s), nouvelle force politique de droite libérale, qui avec plus d’un million de votant-e-s (25,48 %) et 36 député-e-s est désormais le premier parti de Catalogne, avec notamment des suffrages massifs en provenance des villes les plus peuplées (Barcelone et Tarragone). Il est indéniable que le secteur non indépendantiste de la population lui a réservé ses bulletins de vote pour deux raisons : C’s a bénéficié du soutien de nombreux médias et des grandes entreprises espagnoles et catalanes ; il bénéficie d’une image de parti “propre”, non souillé par des histoires de corruption comme c’est le cas du Parti populaire (PP) du chef de gouvernement Mariano Rajoy. Enfin ces élections ont maintenu la position majoritaire des partis indépendantistes en nombre de sièges au Parlement catalan : Junts per Catalunya (JxCat) de Carles Puigdemont, 34 député-e-s et 21,75% des suffrages ; Esquerra republica de Catalunya (ERC), 32 (21,49%) ; Candidatura de unidad popular (CUP), 4 sièges (4,47%). Cette formation de la gauche radicale indépendantiste, a fortemment reculé perdant pas moins des deux tiers de ses député-e-s.

Jordi : L’explication la plus simple de cette baisse d’influence de la gauche radicale catalaniste est à rechercher dans la volonté de “vote utile” en faveur des partis indépendantistes plus modérés et respectables que la turbulente CUP. Des votes qui se sont portés naturellement vers la liste du président Puigdemont (JxCat), qui, bien qu’exilé, en Belgique, apparaît aux yeux de beaucoup comme le symbole de la résistance catalane.

Emili : En dernier lieu, notons le naufrage du PP (droite traditionnelle) qui est passé de 11 à 4 député-e-s avec 4,26% des suffrages. Dans le même temps, le Parti socialiste (PSC) se maintient (17 sièges) tandis que le versant catalan de Podemos, Catalunya en Comú-Podem, a perdu 3 sièges, passant de 11 à 8 député-e-s. Pour conclure, je mettrais en avant que s’est imposé un clivage et une logique étatiste avec pour alternative : l’Espagne ou la Catalogne. La répression a également pesée sur le scrutin avec la détention de leaders du camp indépendantiste et l’application de l’article 155 de la Constitution de mise sous tutelle de la Catalogne. Dans ce contexte, on peut regretter que les aspects sociétaux (chômage, santé, éducation ; services sociaux, précarité) ont été les grands absents des programmes et des enjeux électoraux.

Quelles perspectives ouvrent ces résultats pour le processus d’indépendance ?

Jordi : Je pense que la perspective d’une République catalane demeure plus que jamais l’objectif. Proclamée symboliquement par Puigdemont, celle-ci se doit d’être confortée. L’autre question en suspend demeure le retour de Puigdemont en Catalogne. Avec comme perspective inédite : une vraisemblable incarcération de celui-ci par le gouvernement de Madrid. En attendant, la répression, justifiée par la mise en pratique de l’article 155, se poursuit. Particulièrement visé-e-s, les enseignant-e-s de Catalogne, qui sont accusé-e-s par Madrid, de fomenter l’indépendantisme et le républicanisme auprès de leurs élèves. Idem pour la télévision catalane qui est désormais très surveillée, voire verrouillée.

Emili : D’un point de vue arithmétique, le secteur indépendantiste demeure majoritaire (70 sièges, soit plus que la majorité absolue qui est de 68 sièges). La question sera de savoir, quelle va être la tactique suivie par les partisans de l’indépendance, compte tenu du fait qu’ils et elles ont constaté l’absence de soutien des Etats membres de l’Union européenne et des institutions internationales. Face à cet isolement, quelle voix va choisir le bloc catalaniste ? Poursuivre sa dynamique revendicative en marge des institutions de l’Etat espagnol ? Revenir en arrière et pactiser avec le gouvernement de Madrid ? En même temps, il devra tenir compte d’une réalité lourde : nombre des leaders catalanistes sont soit en prison, soit en attente de procès. Autre facteur qui pèse pour la bourgeoisie pro-indépendantiste : le patronat catalan est opposé farouchement à toute option de sécession. Un autre aspect à prendre en compte est le recul du poids de la CUP. Parti aux prises de positions radicales, tant au niveau social qu’au niveau de sa proclamation unilatérale en faveur de l’indépendance, la CUP pouvait compter jusqu’alors sur 10 député-e-s, dont le vote était une des clefs quand il s’agissait de constituer une majorité réelle au sein du Parlement. Aujourd’hui avec ses 4 sièges, le soutien de la CUP n’est plus indispensable aux forces indépendantistes modérées (JxCat et ERC) pour disposer d’une majorité simple. Au delà des jeux politiciens au sein du Parlement, l’inconnue sera de savoir comment va réagir la rue. Les deux millions de votant-e-s indépendantistes vont-ils peser dans le rapport de force vers la rupture avec l’Etat espagnol ou accepteront-ils des positions médianes avec celui-ci ?

En France, dans le milieu militant radical, et libertaire en particulier, il peut sembler étonnant que des organisations se réclamant des idéaux anti-étatistes et anti-autoritaires puissent s’impliquer dans un mouvement interclassiste qui lutte pour la création d’un Etat catalan. Que répondrais tu à ces doutes ?

Jordi : L’expression d’un mouvement indépendantiste, lié à la gauche sociale, existe depuis les années 1970. Il est postérieur au catalanisme, en tant que tel, qui date de la fin du XIXesiècle. Néanmoins, cette expression de masse en faveur de l’indépendance est relativement récente. Il s’agit d’un mouvement, certes, interclassiste. Il recouvre cependant une véritable dimension sociale avec des propositions en profondeur, tant au niveau de la vie quotidienne qu’au niveau de la structure sociale de la Catalogne. C’est cette dimension sociale et alternative, et en partie anticapitaliste, qui fait que ce mouvement est aussi massif aujourd’hui avec de vraies racines au sein des classes populaires. Nous avons la conviction que ce mouvement peut fissurer le mur du pouvoir. Et nous pousserons jusqu’à ce qu’il cède. Ce type de situation où l’on a le sentiment que l’on peut changer le cours de l’Histoire et la vie, n’arrive qu’une fois tous les 100 ans. Aujourd’hui c’est en Catalogne que cela se passe et nous ne laisserons pas passer cette chance historique. Vu de l’extérieur, cela peut paraître étrange que des libertaires, anti-étatistes, comme nous, puissent être au coude à coude avec des personnes qui se mobilisent pour une Catalogne indépendante. Je vous invite à venir mettre un pied sur notre terre, et vous comprendrez assurément la profondeur de notre combat. Un combat marqué du sceau de l’auto-organisation, de rues qui vivent et crient leur désir de liberté.

Emili : Notre implication dans le mouvement se base fondamentalement sur le fait qu’une partie significative du peuple de Catalogne entend exercer son droit à l’autodétermination. Ce droit s’inscrit dans notre base théorique libertaire. Et nous nous devons d’être en accord avec ce droit inaliénable de tout peuple. Nous devons, à cet effet, le mettre en pratique quand il s’agit de peuples éloignés du continent européen, nous soutenons ainsi la lutte des peuples au Kurdistan, au Chiapas ou des Mapuche au Chili. Nous nous devons, tout autant, le mettre en pratique quand cette question se pose à nos portes : au Pays basque, en Corse ou en Catalogne. Bien sûr, pour nous, l’autodétermination n’est pas la simple séparation vis à vis de l’Etat espagnol, et ce d’autant qu’une Catalogne indépendante, se doterait probablement des mêmes structures et appliquerait une politique néo-libérale. De notre côté, dans le cadre d’une Catalogne libre, nous lutterions pour sa souveraineté alimentaire, energétique, politique et écologique, de sorte que le peuple se saississe du pouvoir et constitue une société sans classe et sans domination. On sait aussi, que toutes les révoltes sociales sont faites de forces contradictoires qui orientent le combat dans un sens ou dans l’autre. Nous considérons, néanmoins, qu’il est indispensable d’être présent et de pousser vers un pouvoir populaire authentique. Dans le cas présent, en tant qu’organisation libertaire, Embat, intervient depuis le 1er octobre parce que la lutte populaire nous semble légitime en faveur de son droit à décider de son destin, et ce contre un Etat central qui use de la violence et de la répression. Notre intervention, notamment, dans la grève du 3 octobre nous paraît fondamentale pour inscrire ce mouvement aussi sur un terrain de classe et de revendications sociales. Notre investissement au sein des CDR (Comités de défense du Référendum, devenus depuis, Comités de défense de la République) est aussi important puisque ceux-ci sont justemment l’expression démocratique du mouvement. Comités de base, constitués dans toutes les villes, quartiers, villages, les CDR regroupent des personnes très différentes (des militant-e-s d’extrême gauche comme des nationalistes bourgeois ou encore des personnes vierges de tout engagement militant). Il n’empêche que c’est dans ce cadre là, et lors des assemblées locales des CDR, que nous défendons nos options politiques : mise en avant d’un fonctionnement autogestionnaire et autonomie d’action et de décision des CDR sans attendre les consignes des grands partis politiques ou du “gouvernement” Puigdemont depuis Bruxelles ; mise au débat de questions plus profondes sur ce que l’on veut construire (municipalisme libertaire, communalisme, contrôle public de l’eau et de l’énergie, droit au logement, droits des immigré-e-s etc.). Pour résumer, il est essentiel pour nous de doter la population de réflexes autogestionnaires en terme de décisions et de projet de société, afin de contrer toute dérive bureaucratique où au final, ne décideraient du chemin à prendre que des professionnels de la politique.

Pour conclure, si vous deviez détacher des éléments positifs, en tant que libertaires, des événements de ces derniers mois, que mettriez vous en avant ?

Jordi : La participation massive de la population aux journées de grève générales (les 3 et 8 octobre) en défense de la République et contre la répression. Une lutte exemplaire, non violente et de masse, en faveur de la liberté. Le désir aussi d’en finir une fois pour toute avec ce régime monarchiste pro-franquiste.

Emili : Principalement la grève générale du 3 octobre 2017. Appelée par le syndicalisme alternatif et combatif (en premier lieu la CGT et la IAC), celle-ci avait une double cible : l’autoritarisme du gouvernement central de Madrid mais aussi, et c’est important de le noter, les politiques antisociales du gouvernement catalan. Une journée d’action qui a été majoritaire (9 millions d’heures grevées) et qui a vu, élément nouveau, descendre dans la rue, nombre de personnes qui n’étaient rattachées à aucun syndicat. Un succès inespéré, en tout cas, et ce d’autant que les syndicats bureaucratiques et majoritaires (UGT et CCOO) n’y appelaient pas. Dans le même ordre d’idée, je mettrais en avant, aussi, le manifeste unitaire des organisations anarcho-syndicalistes (CGT, CNT, Solidaridad Obrera) et anarchistes (Embat, Heura Negra, Negres Tempestes, Oca Negra) : “Nous choisissons de lutter”. Une première, tant le mouvement libertaire catalan est marqué par les divisions et le sectarisme.

Propos recuillis et traduits par Jérémie Berthuin (AL Gard)


https://www.alternativelibertaire.org/? ... -Catalogne
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Re: Espagne

Messagede bipbip » 03 Mar 2018, 20:52

«  Pousser, en Catalogne, vers un pouvoir populaire  »

Emili Cortavitarte Carral (Embat) et Jordi Font Marti (CGT) : «  Pousser, en Catalogne, vers un pouvoir populaire  »

Catalogne : Essayer de comprendre

Face à la crise catalane de ces derniers mois, Alternative libertaire a témoigné de la sympathie pour le droit à l’autodétermination réclamé par une partie importante de la population.

La solidarité d’Alternative libertaire s’est manifestée par la participation à différents rassemblements en France, ou encore son intervention dans le cadre de réunions publiques unitaires.

Cette solidarité repose sur plusieurs principes  : tout d’abord, le droit pour le peuple catalan, comme pour tout peuple, de décider de son futur et de son destin  ; ensuite, notre opposition aux pratiques et méthodes utilisées par le gouvernement central de Madrid, qui, par son autoritarisme et les coups de matraques de la Guardia civil, rappelle que le spectre du franquisme plane toujours  ; enfin, un élément déterminant de notre soutien réside dans le fait qu’en Catalogne, sont parties prenantes du mouvement deux organisations avec lesquelles nous entretenons des relations suivies et de confiance  : la centrale anarcho-syndicaliste CGT, ainsi que l’organisation libertaire Embat.

Mais la situation catalane est complexe, avec l’existence d’une composante bourgeoise dans ce mouvement indépendantiste. Elle nous questionne, en tant qu’internationalistes et communistes libertaires.

Nous avons choisi de donner la parole à des acteurs et actrices du mouvement libertaire catalan. Avec ce mois-ci deux camarades investis dans le combat pour l’indépendance et le mois prochain l’interview d’une autre camarade de la CGT catalane, Araceli Prieto, qui propose une analyse différente.

Ces camarades, aux prises de positions contradictoires, nous permettront de nous faire une idée plus précise de la richesse et des limites de ce mouvement populaire catalan qui, par son caractère massif, a largement impressionné le mouvement social cet automne.

Jérémie Berthuin (AL Gard)



"Un combat marqué du sceau de l’auto-organisation, de rues qui vivent et crient leur désir de liberté”

Emili Cortavitarte Carral vit à Barcelone et milite au sein de l’organisation libertaire Embat. C’est aussi une figure historique de la centrale anarcho-syndicaliste, CGT. Il est, en outre, président de la Fondation Salvador Segui, qui édite nombre de livres sur l’histoire du mouvement libertaire ibérique.

Jordi Font Marti, quant à lui, est adhérent de la CGT de Tarragone et milite dans le secteur libertaire du parti d’extrême gauche catalaniste, la CUP.

Tous deux ont en commun d’avoir participé activement aux événements qui ont secoué la Catalogne ces derniers mois. Entretiens croisés.

Quel bilan dressez-vous des résultats des élections du Parlement catalan le 21 décembre dernier ?

Emili : En premier lieu, je noterai le haut niveau de participation (82%). En second lieu, je soulignerai la victoire partielle de Cuidadanos (C’s), nouvelle force politique de droite libérale, qui avec plus d’un million de votant-e-s (25,48 %) et 36 député-e-s est désormais le premier parti de Catalogne, avec notamment des suffrages massifs en provenance des villes les plus peuplées (Barcelone et Tarragone). Il est indéniable que le secteur non indépendantiste de la population lui a réservé ses bulletins de vote pour deux raisons : C’s a bénéficié du soutien de nombreux médias et des grandes entreprises espagnoles et catalanes ; il bénéficie d’une image de parti “propre”, non souillé par des histoires de corruption comme c’est le cas du Parti populaire (PP) du chef de gouvernement Mariano Rajoy. Enfin ces élections ont maintenu la position majoritaire des partis indépendantistes en nombre de sièges au Parlement catalan : Junts per Catalunya (JxCat) de Carles Puigdemont, 34 député-e-s et 21,75% des suffrages ; Esquerra republica de Catalunya (ERC), 32 (21,49%) ; Candidatura de unidad popular (CUP), 4 sièges (4,47%). Cette formation de la gauche radicale indépendantiste, a fortemment reculé perdant pas moins des deux tiers de ses député-e-s.

Jordi : L’explication la plus simple de cette baisse d’influence de la gauche radicale catalaniste est à rechercher dans la volonté de “vote utile” en faveur des partis indépendantistes plus modérés et respectables que la turbulente CUP. Des votes qui se sont portés naturellement vers la liste du président Puigdemont (JxCat), qui, bien qu’exilé, en Belgique, apparaît aux yeux de beaucoup comme le symbole de la résistance catalane.

Emili : En dernier lieu, notons le naufrage du PP (droite traditionnelle) qui est passé de 11 à 4 député-e-s avec 4,26% des suffrages. Dans le même temps, le Parti socialiste (PSC) se maintient (17 sièges) tandis que le versant catalan de Podemos, Catalunya en Comú-Podem, a perdu 3 sièges, passant de 11 à 8 député-e-s. Pour conclure, je mettrais en avant que s’est imposé un clivage et une logique étatiste avec pour alternative : l’Espagne ou la Catalogne. La répression a également pesée sur le scrutin avec la détention de leaders du camp indépendantiste et l’application de l’article 155 de la Constitution de mise sous tutelle de la Catalogne. Dans ce contexte, on peut regretter que les aspects sociétaux (chômage, santé, éducation ; services sociaux, précarité) ont été les grands absents des programmes et des enjeux électoraux.

Quelles perspectives ouvrent ces résultats pour le processus d’indépendance ?

Jordi : Je pense que la perspective d’une République catalane demeure plus que jamais l’objectif. Proclamée symboliquement par Puigdemont, celle-ci se doit d’être confortée. L’autre question en suspend demeure le retour de Puigdemont en Catalogne. Avec comme perspective inédite : une vraisemblable incarcération de celui-ci par le gouvernement de Madrid. En attendant, la répression, justifiée par la mise en pratique de l’article 155, se poursuit. Particulièrement visé-e-s, les enseignant-e-s de Catalogne, qui sont accusé-e-s par Madrid, de fomenter l’indépendantisme et le républicanisme auprès de leurs élèves. Idem pour la télévision catalane qui est désormais très surveillée, voire verrouillée.

Emili : D’un point de vue arithmétique, le secteur indépendantiste demeure majoritaire (70 sièges, soit plus que la majorité absolue qui est de 68 sièges). La question sera de savoir, quelle va être la tactique suivie par les partisans de l’indépendance, compte tenu du fait qu’ils et elles ont constaté l’absence de soutien des Etats membres de l’Union européenne et des institutions internationales. Face à cet isolement, quelle voix va choisir le bloc catalaniste ? Poursuivre sa dynamique revendicative en marge des institutions de l’Etat espagnol ? Revenir en arrière et pactiser avec le gouvernement de Madrid ? En même temps, il devra tenir compte d’une réalité lourde : nombre des leaders catalanistes sont soit en prison, soit en attente de procès. Autre facteur qui pèse pour la bourgeoisie pro-indépendantiste : le patronat catalan est opposé farouchement à toute option de sécession. Un autre aspect à prendre en compte est le recul du poids de la CUP. Parti aux prises de positions radicales, tant au niveau social qu’au niveau de sa proclamation unilatérale en faveur de l’indépendance, la CUP pouvait compter jusqu’alors sur 10 député-e-s, dont le vote était une des clefs quand il s’agissait de constituer une majorité réelle au sein du Parlement. Aujourd’hui avec ses 4 sièges, le soutien de la CUP n’est plus indispensable aux forces indépendantistes modérées (JxCat et ERC) pour disposer d’une majorité simple. Au delà des jeux politiciens au sein du Parlement, l’inconnue sera de savoir comment va réagir la rue. Les deux millions de votant-e-s indépendantistes vont-ils peser dans le rapport de force vers la rupture avec l’Etat espagnol ou accepteront-ils des positions médianes avec celui-ci ?

En France, dans le milieu militant radical, et libertaire en particulier, il peut sembler étonnant que des organisations se réclamant des idéaux anti-étatistes et anti-autoritaires puissent s’impliquer dans un mouvement interclassiste qui lutte pour la création d’un Etat catalan. Que répondrais tu à ces doutes ?

Jordi : L’expression d’un mouvement indépendantiste, lié à la gauche sociale, existe depuis les années 1970. Il est postérieur au catalanisme, en tant que tel, qui date de la fin du XIXesiècle. Néanmoins, cette expression de masse en faveur de l’indépendance est relativement récente. Il s’agit d’un mouvement, certes, interclassiste. Il recouvre cependant une véritable dimension sociale avec des propositions en profondeur, tant au niveau de la vie quotidienne qu’au niveau de la structure sociale de la Catalogne. C’est cette dimension sociale et alternative, et en partie anticapitaliste, qui fait que ce mouvement est aussi massif aujourd’hui avec de vraies racines au sein des classes populaires. Nous avons la conviction que ce mouvement peut fissurer le mur du pouvoir. Et nous pousserons jusqu’à ce qu’il cède. Ce type de situation où l’on a le sentiment que l’on peut changer le cours de l’Histoire et la vie, n’arrive qu’une fois tous les 100 ans. Aujourd’hui c’est en Catalogne que cela se passe et nous ne laisserons pas passer cette chance historique. Vu de l’extérieur, cela peut paraître étrange que des libertaires, anti-étatistes, comme nous, puissent être au coude à coude avec des personnes qui se mobilisent pour une Catalogne indépendante. Je vous invite à venir mettre un pied sur notre terre, et vous comprendrez assurément la profondeur de notre combat. Un combat marqué du sceau de l’auto-organisation, de rues qui vivent et crient leur désir de liberté.

Emili : Notre implication dans le mouvement se base fondamentalement sur le fait qu’une partie significative du peuple de Catalogne entend exercer son droit à l’autodétermination. Ce droit s’inscrit dans notre base théorique libertaire. Et nous nous devons d’être en accord avec ce droit inaliénable de tout peuple. Nous devons, à cet effet, le mettre en pratique quand il s’agit de peuples éloignés du continent européen, nous soutenons ainsi la lutte des peuples au Kurdistan, au Chiapas ou des Mapuche au Chili. Nous nous devons, tout autant, le mettre en pratique quand cette question se pose à nos portes : au Pays basque, en Corse ou en Catalogne. Bien sûr, pour nous, l’autodétermination n’est pas la simple séparation vis à vis de l’Etat espagnol, et ce d’autant qu’une Catalogne indépendante, se doterait probablement des mêmes structures et appliquerait une politique néo-libérale. De notre côté, dans le cadre d’une Catalogne libre, nous lutterions pour sa souveraineté alimentaire, energétique, politique et écologique, de sorte que le peuple se saississe du pouvoir et constitue une société sans classe et sans domination. On sait aussi, que toutes les révoltes sociales sont faites de forces contradictoires qui orientent le combat dans un sens ou dans l’autre. Nous considérons, néanmoins, qu’il est indispensable d’être présent et de pousser vers un pouvoir populaire authentique. Dans le cas présent, en tant qu’organisation libertaire, Embat, intervient depuis le 1er octobre parce que la lutte populaire nous semble légitime en faveur de son droit à décider de son destin, et ce contre un Etat central qui use de la violence et de la répression. Notre intervention, notamment, dans la grève du 3 octobre nous paraît fondamentale pour inscrire ce mouvement aussi sur un terrain de classe et de revendications sociales. Notre investissement au sein des CDR (Comités de défense du Référendum, devenus depuis, Comités de défense de la République) est aussi important puisque ceux-ci sont justemment l’expression démocratique du mouvement. Comités de base, constitués dans toutes les villes, quartiers, villages, les CDR regroupent des personnes très différentes (des militant-e-s d’extrême gauche comme des nationalistes bourgeois ou encore des personnes vierges de tout engagement militant). Il n’empêche que c’est dans ce cadre là, et lors des assemblées locales des CDR, que nous défendons nos options politiques : mise en avant d’un fonctionnement autogestionnaire et autonomie d’action et de décision des CDR sans attendre les consignes des grands partis politiques ou du “gouvernement” Puigdemont depuis Bruxelles ; mise au débat de questions plus profondes sur ce que l’on veut construire (municipalisme libertaire, communalisme, contrôle public de l’eau et de l’énergie, droit au logement, droits des immigré-e-s etc.). Pour résumer, il est essentiel pour nous de doter la population de réflexes autogestionnaires en terme de décisions et de projet de société, afin de contrer toute dérive bureaucratique où au final, ne décideraient du chemin à prendre que des professionnels de la politique.

Pour conclure, si vous deviez détacher des éléments positifs, en tant que libertaires, des événements de ces derniers mois, que mettriez vous en avant ?

Jordi : La participation massive de la population aux journées de grève générales (les 3 et 8 octobre) en défense de la République et contre la répression. Une lutte exemplaire, non violente et de masse, en faveur de la liberté. Le désir aussi d’en finir une fois pour toute avec ce régime monarchiste pro-franquiste.

Emili : Principalement la grève générale du 3 octobre 2017. Appelée par le syndicalisme alternatif et combatif (en premier lieu la CGT et la IAC), celle-ci avait une double cible : l’autoritarisme du gouvernement central de Madrid mais aussi, et c’est important de le noter, les politiques antisociales du gouvernement catalan. Une journée d’action qui a été majoritaire (9 millions d’heures grevées) et qui a vu, élément nouveau, descendre dans la rue, nombre de personnes qui n’étaient rattachées à aucun syndicat. Un succès inespéré, en tout cas, et ce d’autant que les syndicats bureaucratiques et majoritaires (UGT et CCOO) n’y appelaient pas. Dans le même ordre d’idée, je mettrais en avant, aussi, le manifeste unitaire des organisations anarcho-syndicalistes (CGT, CNT, Solidaridad Obrera) et anarchistes (Embat, Heura Negra, Negres Tempestes, Oca Negra) : “Nous choisissons de lutter”. Une première, tant le mouvement libertaire catalan est marqué par les divisions et le sectarisme.

Propos recuillis et traduits par Jérémie Berthuin (AL Gard)


https://www.alternativelibertaire.org/? ... -Catalogne
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Re: Espagne

Messagede bipbip » 11 Mar 2018, 00:20

Grève générale sans précédent pour les femmes en Espagne

Manifestations, grève du métro et des trains, piquets devant les grands magasins, présentatrices-vedettes absentes des médias: l'Espagne s'est mobilisée pour les droits des femmes jeudi, avec une grève générale "féministe" sans précédent dans le pays.

L'appel de syndicats et d'organisations féministes, à l'occasion de la journée internationale des droits des femmes, a pour but de défendre l'égalité salariale, de dénoncer le harcèlement ou la violence faite aux femmes.

La mobilisation a démarré mercredi à minuit par des concerts de casseroles dans le centre de Madrid. Jeudi soir, des manifestations massives ont parcouru la capitale espagnole ainsi que Barcelone, où quelque 200.000 personnes, selon la police, ont défilé aux cris de "vive la lutte féministe".

"Ce qui se passe aujourd'hui doit être un point de départ pour changer les choses", a dit à l'AFP Maria Angels Pina, une enseignante de 60 ans, pendant la manifestation barcelonaise.

... https://information.tv5monde.com/terrie ... gne-224840


Etat espagnol. 8 mars en quelques images…
http://www.anti-k.org/2018/03/09/etat-e ... es-images/
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Re: Espagne

Messagede Pïérô » 12 Mar 2018, 11:58

Pour le 8 mars, un raz-de-marée féministe dans les rues espagnoles

Près de 6 millions de personnes se sont mobilisées en Espagne, selon les syndicats, à l'occasion d'une journée du 8 mars de grève pour les droits des femmes.

Des millions de personnes se sont mobilisées en Espagne jeudi pour les droits des femmes, en participant à une grève générale « féministe » sans précédent dans le pays et à d'énormes manifestations à Madrid comme à Barcelone.

Dès le matin, la radio la plus écoutée par les Espagnols, la Cadena Ser, avait perdu ses voix féminines. À la télévision, des stars des émissions matinales avaient spectaculairement déserté les plateaux. Dans les gares, 300 trajets de trains avaient été annulés pour cause de grève et, toute la journée, les métros de Madrid et Barcelone circulaient moins fréquemment.

En début de soirée, à Barcelone, quelque 200 000 personnes ont défilé aux cris de « Vive la lutte féministe », selon la police. Et au même moment, le violet – couleur traditionnelle du féminisme – dominait à Madrid les cortèges de centaines de milliers de manifestantes de tous âges, parfois accompagnées d'hommes.

Les pancartes disaient : « Mon corps ne veut pas de ton opinion », « Nos culs ne sont pas à vous » ou encore « La pornographie crée des meutes », comme en référence à un fait divers retentissant de l'an dernier : le viol collectif d'une femme par une bande de jeunes hommes qui se surnommaient eux-mêmes « la meute » et s'étaient filmés en action.

... https://www.politis.fr/articles/2018/03 ... les-38489/
Image------------ Demain Le Grand Soir --------- --------- C’est dans la rue qu'çà s'passe --------
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