La jeunesse grecque à la dérive
(Le 7 mars 2009)
La jeunesse grecque à la dérive
LeVif.be, avec Belga, 06/03/2009 15:44
Trois mois après les émeutes déclenchées par la mort d’un adolescent sous les balles d’un policier, la Grèce se retrouve confrontée à une radicalisation de sa jeunesse, frappée par la crise, dont les actions coup de poing à répétition inquiètent autorités et experts.
A Athènes et Salonique, les deux grandes villes du pays, les attentats incendiaires, affrontements avec les forces de l’ordre et opérations d’intimidation dans les universités sont devenues monnaie courante, imputés par la police à une nébuleuse anarcho-autonome et souvent revendiqués par des groupes plus ou moins éphémères.
Mardi matin, une vingtaine de jeunes cagoulés et masqués ont incendié neuf wagons d’une rame de métro dans la banlieue nord d’Athènes. La nuit suivante, des jets de cocktails molotov ont endommagé une succursale bancaire de la capitale. Quelques jours auparavant, les vitrines d’un quotidien de droite avaient été détruites à l’issue d’une manifestation de gauche. Fin février, les domiciles ou bureaux d’une dizaine de magistrats, personnalités politiques et culturelles ont été visés par des mini-attentats à l’engin incendiaire.
Des manquements dans un système policier décrédibilisé
"Il y a un activisme latent en Grèce, qui a été réveillé par les troubles de décembre et est alimenté par la crise économique", analyse Panayotis Stathis, porte-parole de la police. "Mettre le feu à une voiture est une chose, mais là nous avons affaire à quelque chose de beaucoup plus inquiétant, des opérations planifiées menées par des groupes organisés", ajoute-t-il.
Il reconnaît que la police va devoir "réorganiser ses forces pour être plus active et efficace", d’autant qu’elle est aussi confrontée à la réapparition du groupe d’extrême-gauche Lutte Révolutionnaire. Cette organisation, classée comme terroriste par l’Union européenne, a notamment revendiqué un mitraillage de policiers qui a fait un blessé grave le 5 janvier à Athènes.
"Toute une mouvance, dont on ne sait d’ailleurs pas grand chose, s’est sentie légitimée par la crise de décembre, et elle a franchi une limite, avec des méthodes plus violentes et aveugles", juge le criminologue Ioannis Panoussis, lui-même passé à tabac fin février quand une quarantaine de jeunes cagoulés ont perturbé une réunion à l’université d’Athènes sur le système carcéral.
Déclenché par la bavure policière qui a coûté la vie le 6 décembre à Athènes à Alexis Grigoropoulos, un adolescent de 15 ans, le coup de colère de la jeunesse a attesté "d’un mécontentement énorme face à l’incurie étatique et à un libéralisme sans contrepoids et a créé une dynamique qui cherche à s’exprimer", juge l’avocat Dimitris Beladis, spécialiste de la guérilla urbaine. Celui-ci s’inquiète aussi d’une "radicalisation symétrique de l’extrême droite", alors que des inconnus ont attaqué fin février à la grenade les locaux d’une association de gauche, provoquant des dégâts matériels.
En l’absence jusque là de toute arrestation, les fauteurs de troubles profitent du "climat d’impunité alimenté par la totale décrédibilisation des forces de l’ordre" en décembre, estime le politologue Théo Livanios, de l’institut de sondages Opinion. Les failles de l’appareil sécuritaire ont encore été mises en relief la semaine dernière par l’évasion de la prison de haute sécurité d’Athènes, pour la deuxième fois en trois ans, des deux plus célèbres détenus du pays : un braqueur de banque grec et un tueur à gages albanais.
L’opposition socialiste, qui a désormais le vent en poupe dans les sondages face à la droite au pouvoir, a réagi à ce dernier accroc en réclamant à nouveau des élections anticipées, estimant que la sécurité des Grecs n’était plus assurée.
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