Alors que les bleus affrontent ce mardi soir l'Espagne à Madrid en éliminatoires du Mondial 2014, zoom sur le foot espagnol. Dans un pays secoué par une grave crise économique, le ballon rond n'est pas épargné par les difficultés.
Côté pile, vous avez une Espagne championne du monde de football, double championne d'Europe. Vous avez le Real et le Barça, deux des meilleurs clubs au monde. Mais derrière cette belle vitrine, se cachent des clubs en difficulté financière, des dettes colossales. A eux seuls, les 20 clubs de la Liga, la première division espagnole, doivent 752 millions d'euros aux impôts.
"L'an dernier, les salaires de certains joueurs ont été diminués à trois reprises"
Plusieurs équipes ont été placées en redressement judiciaire, à commencer par le Rayo Vallecano. Ce club de Madrid cumule 60 millions d'euros de dettes, au grand désespoir de son ancienne gloire, Jesus Diego Cota. Cet ancien défenseur a passé 22 ans au club. "Tous les jours, la dette s'alourdit. On a baissé tous les salaires et toutes les charges, on a réduit le personnel, on a fait des coupes partout où on pouvait. Et l'an dernier, les salaires de certains joueurs ont même été diminués à trois reprises dans la saison. Il y a encore des joueurs des années passées qui réclament leur salaire et qu'on doit payer. Ici, il n'y a pas de vedettes. Avec peu de moyens on doit être compétitifs et rester en 1ère division. Car si on ne se maintient pas, c'est là que les vrais problèmes vont arriver".
Éclatement de la bulle immobilière
Avec la crise de l'immobilier, beaucoup de sponsors se sont retirés, ils n'avaient plus les moyens de financer les clubs. Les collectivités ont revu à la baisse ou ont supprimé leurs subventions. Et les équipes espagnoles ont ainsi été privées d'une partie de leurs ressources explique Javier Gomez, journaliste sportif à la Sexta, une chaîne de télévision espagnole. "En Espagne, les propriétaires des clubs étaient les promoteurs immobiliers, donc s'ils n'ont pas d'argent, les clubs n'ont pas d'argent. C'est l'année où il y a le plus de footballeurs espagnols qui ont émigré vers d'autres championnats, comme l'Angleterre. Les meilleurs footballeurs espagnols vont chercher l'argent au-delà de nos frontières". L'été dernier, le marché des transferts en Espagne a été particulièrement calme. Les dépenses des 20 clubs de la Liga ont baissé de 65% par rapport au mercato précédent.
Assainissement des clubs
Dans un pays où l'on critique parfois le manque de transparence du football, l'opacité dans les comptes, le gouvernement a demandé aux clubs de faire des économies. Et pour apurer leur dette, certains d'entre eux ont fait appel à des cabinets d'audit, comme KPMG, basé à Madrid.
"En général, il y a peu de contrôles des dépenses, détaille Juan Jose Cano, l'un des consultants de KPMG. Il faut améliorer la surveillance et c'est ce qu'on est en train de faire. Les clubs recrutent moins et l'Espagne vend plus de joueurs qu'elle n'en achète. C'est quelque chose de nouveau. Il faut aussi miser sur les jeunes joueurs, dans les centres de formation. C'est nécessaire. La ligue espagnole a un très bon niveau, c'est une pépinière de bons joueurs, donc il est inutile d'aller recruter à l'étranger. Il est plus important d'être viable économiquement que d'avoir de bons résultats sportifs".
"Les moments passés au stade, ça te vide la tête"
Les supporters aussi sont touchés par la crise. Les prix des places et des abonnements ont parfois augmenté. Antonio, un gardien d'immeuble de 49 ans, est un "socios" du Real depuis 26 ans. Et malgré son maigre salaire -800 euros par mois-, il continue à se rendre au stade. "On paie presque 1.000 euros par an pour notre abonnement et cette année, ils nous l'ont encore augmenté. Pour aller au stade, on doit faire des sacrifices, on sort moins au restaurant, on voyage moins. Le football, c'est une passion que j'ai en moi depuis longtemps. Les moments passés au stade, les moments passés à s'informer sur le foot, ça te vide la tête. C'est autre chose que d'entendre toujours parler de la situation économique du pays. Sans le foot, la vie serait plus ennuyeuse".
Cette année, le foot espagnol va devoir faire avec moins d'argent encore. La fédération de football devra se priver des subventions de l'Etat. C'est un manque à gagner de 3 à 4 millions d'euros. Mais pour autant, malgré les difficultés, les dirigeants restent optimistes, à l'image de Jose Luis Astiazaran, le président de la ligue espagnole de football. "On a poussé les clubs pour les réorganiser, on les a restructurés économiquement donc cela nous donne des espoirs".
Dans plusieurs clubs, la fréquentation a baissé. Moins d'intérêt, moins de grands joueurs, des billets d'entrée trop chers. Deux clubs échappent au phénomène : le Real et le Barça. Même chose pour la sélection nationale. Ce soir, les tribunes du stade Calderon seront pleines pour le match Espagne-France.
ohh les pauvres ... c'est trop dur ...