Algues vertes : « Il y a urgence sanitaire à signaler les dangers »
La prolifération des algues vertes a un coût environnemental et économique, mais elle engendre aussi un risque pour la santé publique.
Sept cent mille euros. C’est le coût du ramassage et du traitement des algues vertes pour l’agglomération Lannion-Trégor. Si l’État en prend en assume une grande partie, reste à la charge des collectivités quelque 30 000 euros. Un coût non négligeable, qui s’ajoute à d’autres, supportés notamment par les acteurs économiques du littoral. Ces « salades » perturbent ainsi le travail des conchyliculteurs (producteurs de coquillages), qui se voient contraints de retourner fréquemment les « poches » dans lesquelles sont élevées les huîtres, colmatées par les algues vertes. Le temps de travail de l’ensemble de ces professionnels est multiplié par quatre.
« Si un cheval n’était pas mort en 2009, il ne se serait rien passé »
Ces marées vertes ont aussi un impact sur l’image de la région, les élus locaux ne manquent pas de le rappeler. « C’est un sujet qui impacte l’image de la Bretagne, avec des incidences sur le tourisme, l’économie », concède Thierry Burlot, vice-président de région chargé de l’environnement, qui relativise le phénomène en indiquant que « seuls 20 kilomètres, sur les 2 700 que compte le littoral breton, sont touchés ». Une étude du commissariat général au développement durable (CGDD) sur l’impact des algues vertes sur le tourisme montre cependant une inflexion très limitée, de l’ordre de 2 %, de la fréquentation touristique, entre 2006 et 2012.
« Les autorités ont tendance à considérer que tout va bien. Si un cheval n’était pas mort en 2009, il ne se serait sans doute rien passé », estime Gilles Huet, délégué général d’Eau et rivières de Bretagne. Car, au-delà du coût économique, les algues sont un risque majeur pour la santé publique. Si les ulves ne sont pas directement dangereuses pour l’homme et les animaux, elles le deviennent au bout de 48 heures, quand elles commencent à pourrir et dégagent de l’hydrogène sulfuré (H2S). Ce gaz très toxique peut entraîner des effets sur la santé : de la gêne respiratoire, à la mort… C’est ce qui est arrivé à deux chiens en 2008, un cheval et un chauffeur déchargeant des algues putréfiées en 2009, des sangliers en 2011 et enfin à un joggeur en septembre 2016.
« Les autorités ont longtemps minimisé les choses »
Pourtant, les pouvoirs publics rechignent à reconnaître haut et fort les dangers. Dans l’affaire du joggeur retrouvé mort dans les vases du Gouessant, à Hillion, le 8 septembre 2016, plusieurs spécialistes en toxicologie avaient affirmé que les informations communiquées par le procureur de la République étaient des « signes concordants d’une intoxication aiguë au sulfure d’hydrogène ». Néanmoins, le parquet de Saint-Brieuc a classé l’enquête sans suite, parce que les « causes du décès » du joggeur seraient « incertaines ». « Contrairement à ce qu’elles affirment publiquement, les autorités ne semblent avoir aucun doute sur le rôle de l’H2S dans ce décès, puisqu’elles n’ont pas jugé nécessaire de faire une autopsie », analyse Claude Lesné, médecin honoraire au CNRS, qui craint qu’en refusant d’enquêter sur ce décès, les pouvoirs publics protègent avant tout l’économie du tourisme et l’élevage industriel. Et regrette que « les autorités aient longtemps minimisé les choses. Et le système est toujours verrouillé dans les tribunaux ». « Trop longtemps, il y a eu négation de l’évidence de la part de la CPAM, des entreprises, de l’État, corrobore Me Lafforgue, l’avocat de la famille du chauffeur décédé en 2009, qui espère faire reconnaître ce décès en accident du travail. Si on obtenait cette reconnaissance, cela permettrait d’ouvrir une brèche, d’inciter les pouvoirs publics à prendre des mesures plus efficaces. »
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