Le pesticide qui alerte les travailleurs
L’Union européenne a réautorisé pour deux années supplémentaires l’usage de la créosote, un produit toxique et cancérogène utilisé pour traiter le bois.
L’information est passée quasi inaperçue. Le 14 décembre, soit deux jours après avoir autorisé pour les cinq ans à venir l’utilisation du glyphosate, ce pesticide controversé, l’Union européenne a réautorisé pour les deux prochaines années la créosote, un produit potentiellement tout aussi dangereux.
Issu d’une distillation d’huiles extraites de charbon ou de goudron de houille brut, la créosote est utilisée pour traiter le bois contre les insectes et les champignons. On la retrouve essentiellement sur les poteaux électrifiés et les traverses de chemin de fer. Et tout comme le glyphosate, cette substance est classée par le Circ (Centre international de recherche sur le cancer), qui dépend de l’OMS, comme « agent probablement cancérogène pour l’homme ». Selon une étude réalisée en 2010 par l’International Agency for Research on Cancer (Irac), de nombreux cas de « cancer de la peau, y compris du scrotum, ont été signalés chez les travailleurs exposés au travail à la créosote ».
Au niveau européen, la sonnette d’alarme a été tirée à la mi-juillet par le Royaume-Uni, qui a demandé à la Commission européenne une évaluation sur le renouvellement de l’approbation de la créosote, la date d’expiration initiale étant prévue pour avril 2018. Cette dernière a finalement été repoussée au 31 octobre 2020, le temps qu’une expertise ait lieu.
En attendant, en France, les salariés concernés vivent dans l’inquiétude. En avril, le comité d’hygiène, de sécurité et des conditions de travail (CHSCT) du Réseau de transport d’électricité (RTE, ex-EDF) d’Auvergne-Forez, où se concentre l’essentiel des poteaux traités à la créosote, a demandé à RTE de réaliser une expertise portant sur l’ensemble du territoire, après que des analyses toxicologiques ont révélé des taux élevés de produits toxiques dans le sang et les urines des salariés. La direction régionale a refusé la requête. « Les équipes d’intervention ont souvent les yeux rouges et des éruptions cutanées au contact des poteaux en bois », dénonçait alors dans le Figaro Didier Audouard, technicien en ligne haute tension chez Réseau de transport d’électricité et secrétaire du CHSCT. « Ces derniers mois, plusieurs de nos collègues sont décédés après avoir contracté un cancer foudroyant. Ils avaient travaillé en contact direct avec la substance. On se demande s’il y a un lien de cause à effet. On est en droit de se poser la question de l’impact de la créosote sur la santé des agents. »
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