Qui achète et possède la dette publique de la France ? Cette question, apparemment simple, est plus complexe qu'il n'y paraît. Et éminemment stratégique, alors que notre pays atteint un record d'endettement, à hauteur de 85 % de son produit intérieur brut (PIB), soit 1 646,1 milliards d'euros, en progression de 110 milliards d'euros depuis un an.
Comment est composée la dette publique ?
La dette publique est en fait triple : celle de l'Etat proprement dit, mais aussi celle des collectivités locales et celle des administrations publiques.
Sur les 1 646,1 milliards dus par la France, 1 286 le sont par l'Etat lui-même, selon l'Insee, soit l'essentiel. Les administrations locales (régions, départements, communes), sont endettées à hauteur de 156 milliards d'euros ; les administrations de sécurité sociale (assurance maladie, caisse nationale d'assurance vieillesse) pour 191 milliards d'euros. Enfin, les organismes divers d'administration centrale (établissements et agences dépendant de l'Etat) doivent 11,6 milliards d'euros.
Le déficit cumulé, conséquence de plus de trente années de budgets déficitaires, a été empruntée à divers acteurs financiers : Etats, entreprises, grandes banques... Ceux-ci achètent des produits, émis par la France et remboursables à plus ou moins long terme. La fameuse note "AAA" du pays permet de réaliser des emprunts à des taux réduits. De 1 % à 4 % en fonction de la durée de l'emprunt contracté, selon le dernier bulletin mensuel (en PDF) de l'Agence France Trésor (AFT), chargée d'émettre ces produits et de réaliser les emprunts pour l'Etat.
Qui achète des titres de dette publique en France ?
Les produits émis par l'Etat sont au nombre de trois, qu'on peut classer en deux catégories. D'abord les titres de long terme. Ce sont les obligations assimilables au trésor (OAT), les plus importants en volume, remboursables en sept à cinquante ans, qui peuvent être à taux fixe ou variable. Ensuite, ceux à court terme, de deux genres : les bons du Trésor à intérêt annuel (BTAN), d'une durée de deux ou cinq ans ; et les bons du Trésor à taux fixe et à intérêts précomptés (BTF), émis pour des périodes très courtes (de l'ordre de quatre à sept semaines).
La France emprunte environ un tiers de sa dette à ses propres banques et sociétés de crédit. Avec une particularité : le pays est plus endetté auprès des compagnies d'assurance (20 %), qui "achètent" des titres de dette française pour les placements d'assurance vie, qu'auprès de ses banques. Contrairement à la situation du reste de l'Europe, les établissements bancaires français possèdent moins de 14 % de la dette nationale.
Quelle part de dette est détenue par des étrangers ?
La dette française est détenue à plus de 65 % par des "non-résidents" français. Un chiffre en baisse : jusque fin 2010, il se situait plutôt autour de 70 %. Mais un chiffre qui n'a eu de cesse de grimper ces dernières années : en 1993, seuls 32 % de la dette française était détenus par des non-résidents.
La situation française en Europe est particulière : selon une étude publiée en avril par la fondation pour l'innovation politique (Fondapol), notre pays est en troisième position de l'Union européenne, derrière le Portugal (75 % de la dette détenue par des non-résidents) et la Grèce (71 %). En moyenne, 53 % de la dette des pays européens est détenue par des non-résidents. C'est une différence majeure avec un Etat comme le Japon, dont l'énorme endettement (plus de 200 % de son PIB) est essentiellement possédé par ses épargnants. Les Etats-Unis, quant à eux, ont un tiers de leur dette aux mains de non-résidents.
Le terme de "non-résidents" recoupe une série d'acteurs : fonds de pension, grandes banques, compagnies d'assurance, fonds souverains... Il est impossible de savoir précisément quel pays possède le plus : la loi interdit la divulgation de cette information, à part aux vendeurs eux-mêmes. Ce qui pose question : la provenance des possesseurs de dette revêt en effet un caractère de plus en plus crucial.
Quelles conséquences au fait que la dette soit détenue hors des frontières ?
Le fait que la dette nationale soit détenue par des acteurs étrangers est un atout autant qu'une faiblesse. Un atout, car c'est une preuve de l'attractivité du territoire national et de la confiance qu'il obtient auprès des marchés. Mais une faiblesse, car le pays est d'autant plus sensible aux questions de conjonctures que sa dette est placée sur des marchés internationaux. La Grèce ou le Portugal, qui avaient également une dette majoritairement située à l'étranger, en ont ainsi payé les conséquences.
La dette des pays de la zone euro est en grande partie possédée par des non-résidents d'autres pays de la zone. C'est ainsi que, en 2010, 52 % des dettes de la France et de l'Allemagne étaient détenus au sein de la zone euro, et donc libellés dans cette monnaie. Par ailleurs, 60 % de la dette des deux pays sont détenus en Europe au sens large (en incluant Norvège ou Suisse).
C'est une sécurité, dans la mesure où l'Europe est capable de politiques contracycliques. La France a ainsi racheté une partie de la dette grecque au terme de l'accord du 21 juillet. Mais c'est aussi un danger, puisqu'un pays de la zone qui ferait défaut (qui se montrerait incapable de s'acquitter du paiement de ce qu'il doit) fragiliserait toute la zone et la monnaie européennes.
Restent donc 40 % à 48 % de la dette française qui sont détenus hors de l'Europe, et donc sur des marchés internationaux. Cette part est la plus vulnérable aux aléas de la conjoncture et à l'affolement de la sphère financière.
Samuel Laurent
Gwap a écrit:Admettons...
Mais en attendant l'abolition de l'argent (pour dans un million d'années je suppose), qu'est ce qu'on fait concrètement contre ce racket des banquiers ?
Est ce qu'on se bat comme nos camarades irlandais du WSM pour l'annulation de ces dettes illégitimes ? Ou bien est ce qu'on attend tranquillement l'abolition de l'argent pendant que des peuples se font mattraquer au nom de cette soit-disant dette publique (en fait l'impôt privé des banques) ?
kuhing a écrit:Il réclamerait l'annulation de la dette ? Bien.
A-t-il une chance de l'obtenir ?
Aucune.
kuhing a écrit:Je crois en effet que la situation impose de ne plus proposer d'étapes mais d'avancer la perspective du bouleversement complet, général et immédiat
Voilà pourquoi je pense qu'il faut non pas "attendre" mais proposer et se mettre en place tout de suite pour l'organisation d'une société non marchande donc sans argent.
LA DETTE, C’EST LE VOL
Face à cette vaste entreprise de fabrique du consentement, bricolée à droite comme à gauche, en France et dans toute l’Europe, proclamant qu’« austérité » et « remboursement de la dette » sont « nécessaires », rappelons quelques réalités dérangeantes. Asséner sans sourciller que payer une dette est un devoir impérieux revient à passer sous silence que, comme la propriété privée des moyens de production et de distribution, la dette n’est rien d’autre qu’un vol. Le même vol que celui qui consiste à empocher, à la place du travailleur salarié, la plus-value créée par le travail lui-même. Lorsqu’un prêteur accorde un capital, il sait que c’est par le travail de l’emprunteur qu’il pourra recouvrer les intérêts dans un premier temps, le capital en second lieu. Le principe de l’intérêt financier et du crédit, revient donc non seulement à accaparer la force de travail via le salariat et le dégagement de la plus-value, dans le seul but de l’accumulation capitaliste, mais aussi à renforcer le contrôle social. Quand on paye son logement, on réfléchit à deux fois avant de faire grève, d’être solidaire de ceux qui luttent. Pour les banques, les patrons, l’Etat et ses flics, endetter les gens c’est que du bonheur ! C’est notamment sur ce principe de base, consistant à diffuser et faire assumer aux dominé-e-s la charge de pérenniser leur servitude, qu’a pu se pérenniser la forme de domination et d’exploitation nommée capitalisme.
De l’extrême-gauche à l’extrême-droite, c’est l’unanimité pour opposer les méchants phynanciers à un capitalisme aménageable. Il ne s’agirait que d’une « dérive »… il suffirait de « taxer le capital ». Or l’évolution vers la financiarisation fut structurelle. La crise d’accumulation du capital des années 1970 provient du développement technique induit par la concurrence, et a conduit à la réduction de la part de l’investissement salarial. Or chez les capitalos seul le travail est réellement créateur de plus-value. L’activité économique, malgré les hausses de productivité infligées aux salarié-e-s, était plombée. Comment pérenniser l’accumulation capitaliste et investir ce gros tas de pognon accumulé ? Avec la complicité des Etats, l’économie s’est « financiarisée ». Le capital a trouvé de nouveaux débouchés. Via notamment l’interdiction d’emprunter aux banques centrales et l’obligation pour les Etats d’emprunter au secteur bancaire privé, garantissant des crédits, des dettes et des rentes énormes au capital ; via l’assouplissement des règles du crédit permettant de spéculer sur la plus-value future, avec des montages de produits financiers sensés assurer les pertes éventuelles. Seuls les Etats, disposant des moyens de coercition et d’extorsion des populations (loi, police, armée…), pouvaient donner ce nouveau souffle au capital, lui permettre de dégager de juteux bénéfices. Parallèlement à la répression des mouvements sociaux, les gouvernants ont donc mis en oeuvre ces « déréglementations », à gauche comme à droite, pour sauver le capitalisme et leur domination qui en est le corollaire. Depuis 2008, la « crise » inévitable de la spéculation a donné lieu à celle des marchés obligataires : la spéculation sur les dettes des Etats eux-mêmes, et les « plans d’austérité » qu’elles permettent, ne sont guère qu’une nouvelle mutation de la domination capitaliste… avec la complicité de toute la classe politique au pouvoir.
Concernant la dette prétendue « publique », contractée par l’Etat et ses déclinaisons locales que sont les régions et les départements, on cherche à nous faire croire que l’argent emprunté serait emprunté pour une bonne cause : assurer à chacun-e l’accès aux services publics qui garantissent l’« Etat-Providence ». C’est oublier que, si l’on prend l’exemple de la Sécu, ce n’est pas l’Etat qui met la main à la poche. Ce sont les salariés, qui payent pour eux et pour le patronat, dont les cotisations (on ne le rappellera jamais assez) proviennent du fric dégagé par l’extorsion de plus-value sur le travail… quand le patronat ne garde pas pour lui ce qu’il devrait théoriquement mettre au pot commun : il existe au bas mot une quarantaine de motifs d’exonération de cotisations patronales. Quant à savoir ce que fait l’Etat de tout le pognon qu’il nous siphonne, rappelons que la charge de la « dette » (c’est-à-dire le racket organisé au profit du capital) représente 96% des engagements financiers, et que la dette publique représente 37% des dépenses publiques. La « dette » n’est donc, comme les Etats qui l’organisent, que le gage d’une pérennisation d’un système généralisé de profit, d’exploitation et de domination.
La situation qui se dessine en cet automne 2011 révèle singulièrement la similitude des problèmes qui se posent au prolétariat, dans le monde entier : l’accumulation du capital et son lot de pillages, de guerres, de dévastations écologiques, concerne désormais largement les populations des pays dits « développés ». Comme celles du sud, écrasées depuis des décennies sous une dette délibérément imposée par les capitalistes et leurs institutions, avec la complicité des politiciens-laquais, dans l’indifférence générale. Sommes-nous dans un contexte prérévolutionnaire mondial ? Peut-être, à en juger la fébrilité des pouvoirs qui usent des élections et de la xénophobie pour créer des dérivatifs. Et qui prennent bien soin d’embringuer les bureaucraties syndicales réformistes comme supplétifs pour cautionner les règles d’or et autres austérités.
Qu’on ne compte pas sur les anarchistes pour bêler avec ceux qui ne remettent pas en cause le vol éhonté que la « dette » constitue. Qu’on ne compte pas sur les anarchistes pour souscrire à une déclaration de collaboration de classe comme celle qu’a pondue le 18 août 2011 l’intersyndicale nationale, qui appelant aux « journées-d’action », s’affirme soucieuse de « sauver l’Europe et de réduire les déficits publics »… Face à cette pitoyable soumission au Capital, nous ne pouvons compter que sur nous-mêmes ! La réappropriation de la décision politique, économique, sociale, ne peut venir que des populations elles-mêmes, seules à même de définir les activités qui leur sont nécessaires et de s’organiser pour les mettre en oeuvre. Pour en finir avec la destruction sociale que sont Capital et Etat, il faut construire la grève générale, expropriatrice et autogestionnaire, en solidarité avec les nombreuses luttes actuelles d’ici et d’ailleurs, qui en s’étendant, en résistant à la répression des Etats, réaffirment la capacité des travailleurs-euses et plus généralement des populations à autogérer leurs luttes. C’est en nous rencontrant, en fédérant nos luttes et nos alternatives, en nous organisant par nous-mêmes, sans médiation bureaucratique, que nous sèmerons les graines d’un nouveau monde, sur le désastre de celui-ci.
Groupe Pavillon Noir - Fédération Anarchiste 86
barcelone 36 a écrit:http://fa86.noblogs.org/?p=494Le capital a trouvé de nouveaux débouchés. Via notamment l’interdiction d’emprunter aux banques centrales et l’obligation pour les Etats d’emprunter au secteur bancaire privé, garantissant des crédits, des dettes et des rentes énormes au capital ; via l’assouplissement des règles du crédit permettant de spéculer sur la plus-value future, avec des montages de produits financiers sensés assurer les pertes éventuelles.
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Qu’on ne compte pas sur les anarchistes pour bêler avec ceux qui ne remettent pas en cause le vol éhonté que la « dette » constitue.
Gwap a écrit:Merci pour la réponse.kuhing a écrit:Il réclamerait l'annulation de la dette ? Bien.
A-t-il une chance de l'obtenir ?
Aucune.
Les grecs viendraient pourtant d'obtenir l'annulation de 60% de leur dette après des mois de mouvements sociaux. Ca risque quand même de donner des idées à d'autres, notamment du côté de ceux que l'on appelle pour les insulter PIGS (Portugal, Irlande, Grèce, Espagne).
Une victoire est une victoire. Et lorsque cela se concrétise par de vraies pertes pour l'ennemi (60% de pertes pour les banques, françaises et allemandes notamment, ayant spéculé sur la dette grecque), c'est toujours une bonne nouvelle, non ?kuhing a écrit:Je crois en effet que la situation impose de ne plus proposer d'étapes mais d'avancer la perspective du bouleversement complet, général et immédiat
Voilà pourquoi je pense qu'il faut non pas "attendre" mais proposer et se mettre en place tout de suite pour l'organisation d'une société non marchande donc sans argent.
Tu peux concilier les deux approches : être clair sur le but final, et admettre qu'il y aura des étapes, que la victoire ne peut pas être immédiate.
L'argent étant quasi à 100% composé de dettes détenues par les banques, annulation des dettes et abolition de l'argent sont quasiment la même chose. L'un est un processus, l'autre un objectif final, c'est la seule différence.
Lorsqu'il s'agit d'offrir des victoires potentiellement mobilisatrices et en même temps de se servir en armes et munitions directement sur l'ennemi, le débat réforme / révolution a-t-il un sens à ce propos ?
Durant le Révolution espagnole, les milices ouvrières et paysannes auraient-elles du se dire "Non, on ne libèrera pas ce village tenu par les franquistes parce que seul compte le bouleversement complet et général" ?
kuhing a écrit:N'oublions pas que c'est DSK alors directeur du FMI qui proposait l'annulation de la dette grecque
kuhing a écrit:Et quant au chiffre précis de 60% , il apparaît si l'on en croit la tribune de Genève que c'est un scénario bien calculé .
Apparemment les banques Suisses pourraient même pousser jusqu'à 80% pour sauver leurs meubles.
kuhing a écrit:Sinon ton exemple concernant les villages à libérer durant la guerre d'Espagne n'a absolument rien à voir avec ce dont nous parlons ici. Et peut-être serait-il temps de penser en fonction de la situation présente et plus en référence nostalgique d'une période qui n'a plus grand chose à voir avec celle que nous vivons.
kuhing a écrit:Enfin le texte que tu sites de la FA 86, explique plutôt correctement en quoi la dette publique est un vol.
A mon sens il ne va pas assez loin tout dans les réponses et solutions à y apporter .
Mais je ne vois pas dans ce texte, sauf erreur, de revendication "d'annulation de la dette" fer de lance de la position du NPA, de LO mais donc aussi de Strauss-Kahn .
Gwap a écrit:kuhing a écrit:N'oublions pas que c'est DSK alors directeur du FMI qui proposait l'annulation de la dette grecque
Strauss-kahn n'est plus directeur du FMI, et il est mort politiquement. Ce qu'il peut dire n'a donc plus aucune importance. Tout comme le bla bla actuel d'un Greenspan, ce qui compte c'est ce qu'il a fait en fonctions. Et ce qu'il a fait c'est au contraire utiliser la dette pour saigner à blanc des peuples.
kuhing a écrit:Proposer une étape retarde à mon avis cette élévation de conscience en la fixant dans l'étape.
kuhing a écrit:Le message n'est pas vraiment le même que de demander "l'annulation des dettes publiques" qui laisse la place à ce que d'autres dettes les remplacent.
kuhing a écrit:-Le combat pour les revendications immédiates ne sont pas mécaniquement des facteurs d' élévation de conscience. Elles peuvent aussi être une voie vers le corporatisme.
C'est la perspective claire de la nouvelle organisation sociale qui prime.
kuhing a écrit:-Les banques ne sauteront pas en série et sans espoir de se relever sans un basculement révolutionnaire qui va jusqu'au bout et, pour s'y préparer il est essentiel de ne pas embrumer le message avec de prétendues étapes.
Gwap a écrit: Pourrais tu développer stp ?
On parle d'exproprier des capitalistes ici et maintenant, et je remarque que tu ne m'as pas répondu sur ce point. Est ce du réformisme selon toi ?
...Et pourtant des banques vont sauter en série ...
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