Sur l’évaluation des élèves, qui servira à celle des établissements et des enseignants et sur la future Agence nationale d’évaluation des établissements !
Supprimer la liberté pédagogique, tous les gouvernements en ont rêvé, Blanquer le fait !
Les évaluations nationales sont un outil majeur pour en finir avec l’indépendance des enseignants. Elles font partie de l’histoire de Blanquer. En tant que conseiller de Darcos, il a orchestré deux expérimentations généralisées en 2006 pour le CE1, et en 2007 pour le CM2. Leurs résultats sont utilisés 1 an plus tard pour un pilotage pédagogique du 1er degré. Quand JM Blanquer quitte le ministère en 2007, elles sont remplacées par d’autres qui vont faire encore plus de bruit. Retour de JM Blanquer, nommé DGESCO par Luc Chatel sous le président Sarkozy. Les "nouvelles évaluations en CE1-CM2, (…) sont présentées au départ comme (…) devant également servir à évaluer les enseignants (…) et pouvant servir à contrôler leur valeur professionnelle".
"La publication des résultats sur Internet, école par école, est annoncée". Mais deux instances les dénoncent. En 1er la DEPP (Direction de l’Évaluation, la prospective et de la performance) qui « a mis en garde, dès 2009 (d’après l’agence Copernic) contre les résultats faussés selon que les écoles avaient été ou non suivies par un inspecteur chargé du contrôle qualité et aussi selon les secteurs de scolarisation ». Ensuite le HCE (Haut Conseil de l’Éducation ou l’École, c’est selon) qui dénonce ces évaluations dans un rapport au vitriol paru le 16-09-2011, pour leur manque de fiabilité et la confusion entre évaluation du niveau d’une classe et évaluation du système éducatif. Le gouvernement Hollande les supprime en arrivant au pouvoir en 2012, pour mieux préparer leur retour avec la loi Peillon. Il est clair que JM Blanquer, revenu au pouvoir comme ministre, veut mener cette fois-ci sa réforme de l’évaluation jusqu’au bout. Quant à la DEPP, elle ne sera plus un problème car bientôt remplacée par une nouvelle instance début 2019.
Les objectifs de Blanquer, les mêmes qu’en 2007 ! contrôler les enseignants, de futurs OS !
Macron le président avait promis en août 2017 : "… au début de chaque année, des bilans personnalisés, de la classe de grande section à la troisième, ... pour mesurer les progrès de chaque élève, …". Blanquer le ministre, dans son livre de recommandations pour le CP applique. Il préconise une progression bi-mensuelle des apprentissages. Si des bilans nationaux sont décidés, et qu’en même temps des périodes d’apprentissage sont basées sur des progressions identiques au plan national, comme au CP, il est clair que les bilans se feront sur les éléments des progressions. France info le confirme au travers de commentaires sur des déclarations du nouveau CSP (Conseil Supérieur des Programmes) : « le CP est le seul niveau pour lequel des repères annuels sont donnés, les autres viendront plus tard, de même que des projets d’évaluations qui pourraient être trimestriels. (...) Les repères annuels, comme c’est le cas des repères donnés cette fois-ci pour le CP, viendront cadrer de manière très serrée les apprentissages sur l’année, enterrant la notion même de cycle et donnant une vision normative où tous les élèves sont peu ou prou censés réussir en même temps et de la même façon. Les projets d’évaluations trimestriels confortent cette vision d’un encadrement strict dans le temps. On voit bien le risque de dérive : les programmes sont pluriannuels (par cycles), les repères conduisent à des programmes annuels et les évaluations orientent vers des programmes trimestriels ! » (France Info du 1-09-18)
Des progressions aux évaluations, tout s’articule pour piloter et contrôler au plus près le travail des enseignants. Tout ceci participe du détricotage de la liberté pédagogique, l’essence même de la profession et donc, comme le dit le SNUipp, de faire glisser le métier d’enseignant d’un métier de conception vers un métier de simple exécution. »
Une menace pour les élèves que les évaluations vont contribuer à trier puis orienter !
Le ministre avance pas à pas, mesure après mesure de façon à ce qu’il n’y ait jamais de vision d’ensemble des mesures mises bout à bout. Il vise, pour commencer, les périodes charnières du cursus de l’élève, mais à terme, on l’a vu, tous les niveaux seront concernés. Et au bout de la logique des évaluations, il y a le tri des élèves. Il aura lieu dès que possible. Et il s’opérera sur les mêmes bases non fiables déjà décriées en 2007 ; puis le classement effectué se cristallisera, se pérennisera pour la simple raison que les remédiations prévues sont et resteront insuffisantes dans le contexte actuel d’austérité. C’est à dire beaucoup de numérique et très peu d’humain, trop coûteux.
D’évaluation en évaluation, les élèves seront triés, casés pour, au final, se voir orientés. Les critères de sélection et d’orientation sont dès à présent définis par des décideurs économiques qui décideront de la valeur marchande, de leur utilité au plan économique et du devenir de tous les élèves. C’est l’objectif des nouvelles réformes qui ont cours en ce moment de la maternelle à l’université.
Un carcan, une menace pour les enseignants et leur statut ! Et des moyens de pression !
Dans les évaluations standardisées annoncées par le ministère, beaucoup de facteurs autres que les acquisitions interviennent dans leur résultat. Qu’importe pour le ministère quand il s’agit de contrôler l’enseignement et les enseignants. Elles sont conçues pour donner une illusion de démocratie et aussi l’illusion d’un même traitement pour tous dans l’enseignement. Or dans notre société inégalitaire, tout ceci n’est qu’un leurre. Par contre elles vont servir à tromper l’opinion publique, mais aussi et surtout les nouveaux partenaires non enseignants de l’EN que sont les parents d’élèves. Car avec ces futures évaluations nationales, le gouvernement offre un moyen de pression extraordinaire et potentiellement redoutable pour le corps enseignant et l’enseignement des savoirs en voie d’être remplacé par celui des compétences. Ils vont devoir obéir aux exigences de l’usager, du consommateur que sont les parents.
Vers une culture de l’évaluation … par les futurs partenaires et par l’opinion publique !
Le Monde du 30 août dernier déclare que « Macron a lancé le projet d’une instance nationale dédiée à l’évaluation. »
Quelque temps auparavant, dans « L’école de la confiance », Blanquer nous confirmait que l’évaluation des établissements est « un enjeu majeur qui est devant nous ». Et Blanquer d’ajouter : « Cela sera fait pour être utile aux établissements, dans une logique de soutien aux personnels et de mise en réussite des élèves, de plus grande transparence et d’égalité. Tout ceci est fait pour que nos élèves progressent. » Ce qu’il dit confirme que la place des personnels est bien petite dans le projet Blanquer. Alors que l’enseignant est la clé de voûte de l’EN, il ne parle que de le soutenir, anticipant par ce fait qu’il est susceptible et logique qu’il soit la cible de l’opinion et des parents « usagers ». Ce qui ne manquera pas de se produire dès lors que tous les établissements scolaires seront classés et notés, et que tout sera déballé publiquement. La Cour des Comptes, va dans ce sens en préconisant dans son rapport de « développer la culture de l’évaluation, (…) développer les évaluations collectives, soit d’équipes enseignantes, soit d’établissements, en utilisant les évaluations des résultats des élèves ».
Pour inculquer l’esprit de compétition au travers de l’Éducation Nationale !
Dès lors, on comprend qu’il s’agit de faire accepter, non pas le contenu, mais le principe même de la passation. Donc se contenter de critiquer seulement le contenu est insuffisant. L’institutionnalisation de l’évaluation est en cours. son élévation au rang de principe incontournable de la société néolibérale doit s’effectuer avec l’aide de l’Éducation Nationale. Son rôle pour le néolibéralisme devient donc primordial. Il est donc prévu que dès 3 ans et jusqu’à la fin de leur scolarité, les élèves baignent dans l’esprit de compétition. Le tous contre tous, l’individualisme, le chacun pour soi.
Vers un pilotage pédagogique centralisé, avec indicateurs centralisés et nouveaux dispositifs !
Les résultats des évaluations nationales deviendront des indicateurs pour la note des enseignants et le classement des établissements. Et le gouvernement veut vite les instaurer avant que le lien évaluation des élèves, et « instance d’évaluation des établissements » ne soit établi clairement. L’objectif étant d’utiliser cet outil centralisé que constitue les résultats, pour amorcer les premiers dispositifs de pilotage pédagogique centralisé des enseignants. Et les dispositifs dont le gouvernement a besoin, pour la mise en place par les enseignants de cette « culture de l’évaluation », sont connus maintenant. C’est avant tout l’accompagnement qui fait partie de la nouvelle forme d’inspection, avec les inspecteurs entourés de leur nouvelles équipes. Le grand turnover actuel dans nos inspections est un signe. La fausse valse hésitation concernant le statut des directeurs en est un aussi. Les choix des futurs accompagnateurs des réformes est essentiel pour le gouvernement. Les pièces du puzzle se mettent en place, progressivement, en évitant de dévoiler l’ensemble. Le « en même temps » présidentiel est à son zénith. Est-ce là la confiance dont nous parle Blanquer ?
La « Valeur ajoutée » des enseignants et des établissements sur la base des évaluations !
Quant à ce terme de Valeur Ajoutée, qui en dit long sur les intentions de marchandisation du gouvernement, c’est Le Monde du 27-09-2018 qui dégaine le premier. Il aborde les évaluations sous un jour économique. Ainsi rapporte-t-il qu’ « une frange du corps enseignant redoute, déjà, que la réflexion au niveau gouvernemental n’aboutisse au calcul de la « valeur ajoutée » des professeurs. Une part du salaire serait, demain, soumise au mérite ou aux « bonnes pratiques ». Les évaluations aideront, cela a déjà été dit dans le rapport de la Cour des Comptes, au calcul de cette Valeur Ajoutée. Au travers de celle-ci, les professeurs acquerraient une valeur marchande et contribueraient à celle de leur établissement. Pour rappel, le retour sur investissement dans le champ éducatif est de 1 à 7 et déjà, des fonds de pension ont fait main basse sur l’enseignement privé. Bienvenu dans le monde de l’éducation au néolibéralisme !
En conséquence, pour Emancipation, compte tenu de l’enjeu et du rôle que doivent jouer les évaluations dans les réformes de Blanquer, les consignes des syndicats et des fédérations à ce sujet doivent être claires :
- Ni moratoire, ni suspension des passations mais exiger du ministre et du gouvernement qu’ils arrêtent et abrogent toutes les évaluations nationales en cours ou prévues ;
- Et qu’ils retirent le projet d’instance nationale d’évaluation (des établissements) en France prévu pour début 2019.