Une loi en soutien à la spéculation et au logement cher …
Vers une aggravation de la crise du logement et de la bulle immobilière.Tandis que les prix de l’immobilier, du foncier et des loyers dans les zones tendues battent des records, le gouvernement, après quelques consultations qui ont modifié à la marge cet empilement très disparate de mesures, présente son projet de loi “ELAN” sur fond d’économie lourdes sur les APL et d’attaques contre les financements du logement social.
Il contient de nombreuses atteintes au droit au logement.
Loin de conduire à une baisse des prix comme le prétend la communication de l’exécutif, ce texte de loi vient lever des protections pour les plus fragiles (ex. normes handicap), fragiliser les moyens de les loger (vente et marchandisation des HLM) et doper encore un peu plus la spéculation immobilière, à coups de grands projets d’urbanisme étatiques (GOU), de métropolisation, de JO, de dérégulation (marginalisation de l’encadrement des loyers et vente en bloc de HLM à des sociétés privées), particulièrement dans les métropoles et en Ile-de-France, où les groupes financiers internationaux investissent massivement (voir le rapport de l’ONU sur la financiarisation du logement :
https://www.droitaulogement.org/wp-cont ... ion_fr.pdf )
Manifestement hostile à la régulation du marché, le gouvernement tente donc de faire accréditer l’idée que la production massive de logements fera spontanément baisser les prix de l’immobilier.
Comme on a pu l’observer dans le monde entier, l’augmentation de la construction est tirée par la hausse des prix, c’est-à-dire par la perspective de profits juteux à réaliser. Par exemple, en France on construit de plus en plus depuis 2014 et les prix grimpent… de plus en plus. C’est donc l’effet inverse de celui annoncé par E. Macron : plus on construit, plus les prix montent, jusqu’à la crise1.
L’autre solution consiste à décourager fiscalement la spéculation foncière, encadrer les loyers à la baisse, et réaliser massivement des logements sociaux, à l’inverse de la voie suivie par le gouvernement
Droit Au Logement s’oppose aux dispositions régressives prévues dans ce projet de loi :• L’instauration d’un bail de 1 à 10 mois, (bail mobilité) menace de morceler la vie des futurs locataires en zones tendues, ménages modestes, jeunes, étudiants, migrants …. La limitation des publics est incontrôlable et devrait déboucher sur une généralisation progressive de cette aubaine pour les bailleurs. Créant une grave précarisation des conditions de vie, cette disposition permettra aux bailleurs privés d’augmenter les loyers au changement du locataire, et d’alterner avec la location touristique. Il s’agit donc d’une mesure inflationniste, à laquelle les bailleurs devraient abondamment recourir pour accroître une rente locative sérieusement affaiblie par l’emballement des prix immobiliers … C’est bien l’objectif du gouvernement, sensible aux doléances des milieux immobiliers.
Les marchands de sommeil devraient aussi profiter de l’aubaine, car les mal logés faute de mieux se replieront alors vers cette solution, qui permet au bailleur de louer de courte durée, sans risque d’être dénoncé et poursuivi.
Désormais, ce n’est plus le locataire qui choisira la date de son départ, c’est le bailleur. Ce dispositif taille en pièce le droit à un logement stable, indispensable pour se reposer, se soigner, vivre en famille, constituer des liens sociaux. Le bail d’un mois, c’est déjà la rue et c’est moins que les baux du 19e siècle ! En lieu et place du bail mobilité, DAL demande l’interdiction des cautions solidaires, pour pallier aux difficultés d’accès, et encourager les bailleurs à limiter leurs exigences.
• Détricotage de l’encadrement des loyers : là encore, la rente locative obtient gain de cause, l’encadrement des loyers devient expérimental, facultatif et ne s’appliquerait qu’à la demande d’un EPCI (Etablissement public de coopération intercommunale) ou d’une métropole, devenant ainsi une mesure d’exception. L’encadrement des loyers dérange, mais est populaire. Le ministère du Logement, hypocritement, nie bien sûr vouloir son extinction, c’est pourtant ce qui se dessine. Qui est dupe ?
Il suffisait de recadrer le décret dont la rédaction trop prudente a permis l’annulation de l’encadrement à Paris et à Lille, afin d’imposer sa mise en œuvre dans toutes les agglomérations tendues, comme prévu par la loi ALUR. Il serait cohérent d’introduire aussi des sanctions contre le non respect du gel des loyers à la relocation dans les zones tendues.
• Vente de logements sociaux au secteur spéculatif : après avoir décidé d’assécher la trésorerie des bailleurs sociaux (1,5 milliard par an dès 2019) le gouvernement leur impose de vendre 1% de leur parc (minimum), soit plus de 40 000 logement HLM. De nombreuses mesures pour faciliter ces ventes sont prévues, notamment la vente en bloc à des sociétés de droit privé, y compris pour des HLM récents et ce au prix fixé de gré à gré ; l’autorisation préalable du maire est supprimée. De nombreuses dérives sont donc possibles car cette réforme construit des ponts entre le secteur privé spéculatif et le secteur social.
De plus cette mesure livre les locataires PLS protégés, à des spéculateurs dont l’objectif sera de les évincer pour faire des profits. Enfin, elle peut produire des copropriétés dégradées en grand nombre.
Ces ventes imposées aux bailleurs sociaux et facilitées, conduisent à permettre de faire du profit avec un patrimoine dont la réalisation a été financée par la collectivité publique nationale.
• Ventes de HLM dans les communes en déficit de LLS (logement locatif sociaux), une atteinte à la loi SRU : Ces ventes seront encouragées dans les communes en déficit (moins de 25% de LLS), car les logements vendus « au plus offrant ou aux petits copains » seront comptés pendant 10 ans comme des HLM… Pas la peine de se presser à en construire de nouveaux, d’autant qu’une bonne partie de la droite veut la peau de l’article 55 … Comme un HLM à Neuilly se vendra mieux et plus cher qu’à Gennevilliers, les bailleurs sociaux devraient vendre les plus attractifs. La cohérence aurait voulu que la vente HLM soit totalement interdite en secteur loi SRU, au lieu d’être soutenue.
• Concentration des bailleurs sociaux : sans qu’il soit démontré que la concentration produit des économies d’échelle, le projet de loi pousse à la disparition des bailleurs locaux, et éloigne les organismes HLM du terrain. Des bailleurs nationaux siégeant à Paris ayant la main sur plusieurs centaines de milliers de logements décideront du sort des locataires de Roubaix, Lyon, Perpignan, Brest, ou Guéret … : vente, démolition, report des réhabilitations, limitation de l’entretien et de l’encadrement de proximité, seront décidés loin des intérêts des locataires, des salariés locaux et des communes. Que reste-t-il aux locataires pour se défendre ? La grève des loyers ?
• Fixation des loyers HLM en fonction des revenus des locataires : cette disposition facultative annonce de nouvelles économies sur les APL, et donc une hausse importante des loyers pour les locataires HLM qui ont des revenus moyens. Elle promet aussi de fortes tensions entre les locataires.
• L’examen de la situation du locataire tous les 6 ans, prélude au bail HLM en CDD : Tandis que les sous statuts se développent en HLM (sous location, bail glissant, intermédiation locative …) et que des entorses au maintien dans les lieux on été introduites dans la loi (locataires dont les revenus dépassent de + de 50% les maximas des ressources pour accéder à un HLM, et locataires en sous peuplement) cette mesure révèle la volonté de mettre un terme au droit au maintien dans les lieux. Ce serait donc une nouvelle attaque contre le droit à un logement stable.
• La quasi suppression des normes handicap dans la construction neuve remet en cause le droit à l’accessibilité, en limitant cette obligation à 10% des logements neufs dans les immeubles avec ascenseur (4 étages et plus), ce qui revient à passer largement sous le seuil des 5%. Les associations du handicap relèvent que cette disposition revient aussi à sacrifier le maintien à domicile des personnes âgées, priorité pourtant annoncée par le même gouvernement.
• La baisse des normes, au détriment des habitants et des architectes : Les architectes qui constatent une dégradation de la qualité des logements produits (baisse des surfaces et de l’éclairage naturel, de la qualité générale de la production … ), conséquence du climat spéculatif, sont aussi visés par des mesures dites de « simplification », qui vont en fait accroître les désordres observés, aussi bien dans le neuf que dans les réhabilitations lourdes ou thermiques. La protection du patrimoine assurée par les architectes des bâtiments de France (ABF) est fragilisée, puisque la décision finale reviendra au préfet. En bout de course, c‘est aux habitants de supporter les mal façons et cette dégradation de la qualité des logements neufs, ainsi que la baisse générale des surfaces.
• Suppression de la fonction disciplinaire du CNTGI censé encadrer les professions immobilières: Le « conseil national des transactions et de la gestion immobilière » réduit à un rôle consultatif, perd sa fonction essentielle, celle d’encadrer un tant soit peu les professions immobilières, sujettes à des pratiques peu recommandables (blanchiment, escroquerie, mal façons, complicité avec des marchands de sommeil, et de manière plus répandue, non respect des réglementations protégeant les usagers, particulièrement les locataires (gel du loyer à la relocation, normes de décence, encadrement des frais d’agence …). Une aubaine pour les petits et gros requins de l’immobilier, une mauvaise nouvelle pour les pigeons et les locataires.
On mesure ici l’influence du secteur immobilier dans les sphères du pouvoir. N’oublions pas que les responsables des secteurs logement et politiques de la ville de la campagne d’E. Macron étaient des promoteurs.
• Durcissement à l’égard des locataires les plus modestes en situation d’impayé : Il faudra avoir repris le paiement des loyers pour bénéficier des droits créés par la procédure de surendettement : délais de paiement, apurement de la dette, suspension de l’expulsion, signature d’un nouveau bail à l’issue du protocole de cohésion sociale. Or les ménages les plus pauvres, dans l’incapacité de reprendre le paiement du loyer d’autant plus difficilement que l’APL est coupée, seront jugés de mauvaise foi et donc sanctionnés et expulsés, sans même une chance de relogement. Il y a lieu de redouter que cette conception de la mauvaise foi déjà en usage dans certaines instances, se généralise aux CCAPEX (Commission de Coordination des Actions de Prévention des Expulsions locatives), aux commissions DALO, ou pour l’obtention du FSL (Fonds de Solidarité pour le Logement).
• Transparence dans l’attribution des HLM ne veux pas dire justice : Sans même attendre le résultat des expérimentations de la cotation de la demande HLM instaurée par la loi Egalité et Citoyenneté du 27 janvier 2017, le gouvernement la généralise. Le DAL émet de sérieuses réserves sur ce dispositif, compte tenu des résultats pour le moins médiocres observés à Paris en matière de relogement des mal logés, des sans logis et des prioritaires DALO. Il est vraisemblable que cette mesure a été décidée à l’emporte pièce.
• Rien de neuf pour les victimes des marchands de sommeil : si les sanctions contre les marchands de sommeil sont durcies, au risque d’entraîner des représailles sur les occupants, leurs victimes ne voient pas leur situation s’améliorer en matière de protection, de diligence des autorités, d’activation rapide des procédures d’insalubrité, de mise hors de danger et de relogement, ou de facilitation des procédure sur le logement indécent. Il est vrai que l’objet de ce projet de loi n’est pas d’agir contre la crise du logement en soulageant ceux et celles qui la subissent …
• Absence de mesures pour les sans abris, hormis une baisse de la durée de la réquisition (2 à 4 ans, contre 6 à 12 ans) de bureaux, selon la procédure de « réquisition avec attributaire » issue de la loi de lutte contre les exclusions (1998). Cette procédure n’a d’ailleurs jamais été appliquée, car elle permet aux propriétaires d’échapper à la mesure en invoquant un projet futur …
Droit Au Logement est donc opposé à la plupart des mesures présentées dans ce projet loi car elles vont à l’encontre de l’intérêt des mal logés et des sans logis.
L’association regrette que le Gouvernement ait choisi de défendre les intérêts à court terme des milieux de l’immobilier, de la spéculation et de la finance, plutôt que ceux des locataires, des mal logés et des sans toit.
Plusieurs mesures dans le projet de loi soutiennent la propagation de l’inflation immobilière, et aucune mesure n’est prévue pour éteindre la flambée spéculative.
DAL se mobilisera contre ces propositions et ce projet de loi qui portent des atteintes graves et irrémédiables au droit au logement.
L’association manifestera également avec les salariés, contre les attaques gouvernementales et les projet de marchandisation des services publics comme le logement social, la santé, l’éducation, les services sociaux, la justice, la SNCF, la poste …
Un toit c’est un droit !
[1] Les cycles immobiliers en dent de scie caractérisent les marchés immobiliers dans les pays riches, fruits de la dérégulation des rapports locatifs, de la libéralisation des marchés, des politiques d’urbanismes de gentrification. Motivés par la réalisation de profits immédiats et rapides, les milieux immobiliers et les investisseurs construisent, spéculent, produisent une bulle et l’alimentent jusqu’à la crise et la chute brutale des prix. Il s’ensuit des pertes bancaires qu’il faut alors éponger avec des aides publiques, des expulsions massives, une hausse conséquente des logements vacants, du chômage, des faillites, des politiques de rigueur et d’économies sur la protection sociale des populations … Cela vaut-il la peine d’en arriver là ?