"Les pesticides tuent mes abeilles"
Les néonicotinoïdes seront interdits en 2018. En attendant, un apiculteur du Vexin témoigne. Ces produits ont anéanti la moitié de ses ruches. Un drame écologique silencieux.
Interdiction? Dérogation? Après avoir suscité le premier couac gouvernemental, les néonicotinoïdes seront au cœur d'une réunion européenne sur les pesticides, le 4 juillet. Lundi, Matignon a vite éteint la mèche allumée par le ministre de l'Agriculture, Stéphane Travert, et confirmé, après le ministre de la Transition écologique, Nicolas Hulot, que l'interdiction de ces insecticides "tueurs d'abeilles" serait bien appliquée dès septembre 2018 (avec dérogations jusqu'en 2020). Mardi, la France et les Etats membres doivent voter sur la définition des perturbateurs endocriniens que la Commission européenne tente de faire accepter depuis juin 2016. Un texte que les ONG environnementales et la plupart des experts jugent inacceptable en l'état : "Des molécules conçues pour agir sur les organismes nuisibles via leur système endocrinien pourraient obtenir une dérogation d'interdiction. On estime que 30 pesticides sont à exclure du marché. Si ce texte passe, à peine 4 ou 5 le seraient", s'inquiète François Veillerette chez Générations futures, craignant que la France, jusqu'ici opposée au texte comme la Suède et le Danemark, n'infléchisse sa position.
Ces néonicotinoïdes - utilisés pour cultiver du maïs, du blé ou du soja - ont un impact redoutable sur les insectes pollinisateurs : ils perturbent leur système nerveux, réduisent la reproduction, augmentent la mortalité… Les apiculteurs tirent la sonnette d'alarme. C'est le cas de Stéphane Jourdain, 47 ans, ex-ingénieur des eaux devenu "happy-culteur" à Enfer, le nom du bourg du Vexin où il a installé ses ruches il y a six ans au cœur d'un massif de châtaigniers de 400 hectares. L'enfer, c'est aussi l'hécatombe constatée à la fin de cet hiver : 230 de ses 400 colonies d'abeilles ont disparu, contre 25 à 30% de pertes les années passées. "Une mortalité massive. Une partie des ruches était vide, comme si on avait passé l'aspirateur", décrit-il, choqué. Pour chacune, il a passé en revue le lieu d'hivernage, les souches, les cires : "La seule variable, c'est le climat et les pesticides utilisés dans un rayon de 25 à 30 km autour d'Enfer." Si la météo avait été en cause, les dégâts auraient été similaires partout. Or par endroits il déplore 95% de mortalité, "mais à 15 km, en zone Natura 2000, seulement 5%".
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