de fabou » 17 Déc 2015, 02:31
Bilan des élections en Guadeloupe et Martinique.
- En Guadeloupe :
La coalition hétéroclite (PS, Modem, élus UMP-LR) du président sortant PS Victorin Lurel se fait battre à plate couture (57,42%) au second tour par son ex-allié Ary Chalus (Guadeloupe Unie Socialisme et Réalités - GUSR), qui menait une coalition hétéroclite allant d'élus UMP/LR jusqu'à des membres du LKP pour le faire battre.
Ce duel entre frères ennemis de la bourgeoisie locale assimilationniste a complètement polarisé le premier tour du scrutin (84% des voix), au détriment notamment de la liste de droite principale LR-UMP, qui a plafonné a 4,49% (elle était handicapée par une dissidente qui a fait 3,18%).
Le candidat proche du LKP, le nationaliste Alain Plaisir, a totalisé 1,85 % des voix. Devant le candidat de Lutte Ouvrière (Combat Ouvrier dans les Antilles).
L'échec est retentissant du courant indépendantiste pro-luttes sociales, divisé entre un PCG autrefois assimilationniste et soutien de la bourgeoisie locale (0,92%) et l'UPLG (Union Populaire pour la Libération de la Guadeloupe, successeur des précurseurs de l'indépendantisme anti-capitaliste guadeloupéen du GONG), qui a axé sa campagne sur des problèmes sociaux concrets (accès aux soins, à l'eau potable, salaires, chômage de masse, éducation) qui a plafonné à 0,5 %.
Les 4 points à retenir :
- Polarisation extrême autour de politiciens austéritaires et assimilationnistes proches du gouvernement français.
- Défaite du potentat local, liée à l'usure du pouvoir et à sa trop grande proximité avec F. Hollande (ex-ministre).
- Echec total (voire humiliation) pour les nationalistes (1,85%) et les indépendantistes de gauche (1,42% pour les 2 listes).
- Forte abstention au 1er tour (52%), mais diminuant largement au second tour (42%) : les abstentionnistes ont joué le jeu du vote utile pour "dégager Lurel".
- En Martinique :
Le scrutin s'est polarisé, de manière moins forte qu'en Guadeloupe, autour de deux coalitions. Celle menée par le président sortant du conseil régional, l'austéritaire et autoritaire "régionaliste" Serge Letchimy (Parti Progressiste Martiniquais), rassemblant divers partis de centre-gauche, de centre-droit et de droite, et celle menée par le leader indépendantiste de gauche Alfred Marie-Jeanne (Mouvement Indépendantiste Martiniquais), qui rassemblait le Parti Communiste, le CNCP (marxistes indépendantistes) et le RDM (scission de gauche du PPM).
La première coalition a remporté le premier tour, avec 38,96% des suffrages, contre 30,28% au bloc indépendantiste.
Un troisième bloc est apparu lors de ces élections. La liste investie par LR-UMP et menée pour la première fois par un régionaliste et non par un assimilationniste, Yann Monplaisir. Ce changement de paradigme au sein de la droite s'est vu félicité par les électeurs, qui ont porté plus de 14% des suffrages sur cette liste, soit 4% de plus qu'en 2010.
Une autre coalition indépendantiste de gauche (alliant Modemas nationaliste et GRS trotskyste), menée par Marcellin Nadeau (MODEMAS) culmine à 6,34%, concurrencée par l'indépendantiste de gauche non affiliée à un parti Nathalie Jos (3,21%). La liste de LO-Combat Ouvrier plafonne à 2,48%, u échec au regard du score aux européennes (13,39%).
Enfin, notons l'échec de la seule liste ouvertement départementaliste-assimilationniste, menée par un dissident de droite : 2,21%. Enfin, une petite liste marxiste est parvenue à engranger 1,46%, passant devant la liste de l'UDI (1,34%).
Le second tour à vu se former une alliance de circonstance entre le bloc indépendantiste de gauche et la liste soutenue par LR-UMP. Cette alliance, qui a pris la forme d'une véritable absorption/disparition de la liste de droite dans la liste indépendantiste, a remporté de façon large les élection (55,72% des suffrages). Notons que la majorité des sièges au sein du nouveau conseil appartient au bloc indépendantiste anti-austéritaire, la droite n'obtenant que 8 sièges e ne pouvant ainsi pas peser sur les orientations du bloc majoritaire dont elle a pourtant contribué à l'élection. Cette fusion de liste, et la phagocitation de la droite par le camp indépendantiste, est surprenante pour les observateurs extérieurs, mais ne peut se comprendre que par la prise en compte du caractère de référendum voulu par la majorité austéritaire sortante.
Les 5 points à retenir :
- Polarisation forte autour de deux blocs compacts : régionalisme austéritaire sortant, et indépendantisme anti-austéritaire.
- Émergence d'un bloc de droite régionaliste, au détriment de la traditionnelle droite assimilationiste.
- Score cumulé important pour les autres listes indépendantistes et nationalistes de gauche (13,54%), correspondant au vote des européennes pour LO-CO.
- Abstention massive au 1er tour (59,55%), mais diminuant largement au second tour (48,87%) : les abstentionnistes se son mobilisés pour sanctionner la majorité austéritaire sortante.
- Vassalisation complète de la droite régionaliste par le bloc indépendantiste de gauche principal.
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* Sur la différence entre "nationalisme" et "indépendantisme" dans mon propos : Le nationalisme se base davantage, aux antilles françaises, sur la couleur de peau, alors que l'indépendantisme se base davantage sur une vision davantage inclusive de la communauté "nationale", au delà de la couleur de peau.