la redaction de CHARLIE HEBDO decimée, et suites

Re: la redaction de CHARLIE HEBDO decimée 12 MORTS

Messagede bipbip » 16 Mar 2015, 13:55

Les enseignantEs prisES au piège d’une laïcité républicaine

Qu’un écolier de CE2 puisse être entendu par la police, à Nice, pour des propos qualifiés “d’apologie du terrorisme”, qu’un autre écolier de neuf ans dans l’Aisne ait été entendu par la gendarmerie après dénonciation par un camarade de classe pour des propos qui auraient été tenus pendant la minute de silence, qu’un prof d’arts plastiques dans le Haut-Rhin ait été suspendu quatre mois pour avoir montré des caricatures de presse (sanction levée après une large mobilisation des enseignants), sont des faits qui semblent sortis du roman de George Orwell, 1984. Ce sont des faits que nous vivons depuis les attentats contre Charlie Hebdo et l’Hyper Casher de janvier 2015.

Ces faits sont rendus possibles d’une part par l’ambiance délétère de mobilisation quasi générale contre le terrorisme islamiste, ambiance qui a été construite politiquement et médiatiquement. Au lendemain de la minute de silence demandée aux élèves et aux enseignantEs par un mail venu du ministère, Najat Vallaud-Belkacem a annoncé de nombreuses sanctions administratives (allant jusqu’au renvoi) et pénales, les dossiers de certains élèves étant transférés “à la police, à la justice et à la gendarmerie”. Dans un discours du 22 janvier, Mme la ministre a félicité les enseignantEs d’avoir “rassemblé les enfants pour se recueillir et, à ma demande, libéré la parole dans leurs classes” (1). Chacun-e appréciera le rôle demandé aux enseignants de libérer la parole des élèves qui, par la suite, peuvent être entendus par la police et la justice.

Ces faits sont d’autre part rendus possibles par le nouveau rôle assigné à l’École. Quand en 2013, Vincent Peillon présentait sa loi sur la Refondation de l’École en préconisant de “penser l’école comme un lieu de vie et d’éducation, au-delà du lieu essentiel d’instruction qu’elle constitue” (2), nous ne comprenions pas vraiment ce que cela impliquait comme changement. Nous voyons aujourd’hui se mettre en place une application possible de cette transformation du rôle de l’École. Les enseignantEs ne sont plus seulement là pour transmettre des savoirs et une culture, mais se voient dotéEs d’un rôle supplémentaire : celui d’évaluer le degré de laïcité et de citoyenneté des élèves, de la maternelle au lycée.

Ces mesures ne sont pas circonstancielles

Déjà le projet de programme pour l’École maternelle, soumis à consultation auprès des enseignantEs en octobre 2014, fournit une charpente programmative largement réorientée. Des cinq domaines d’apprentissages présentés comme étant la base de ces programmes, la première place revient au “Apprendre ensemble pour vivre ensemble”, c’est-à-dire à “la construction d’une citoyenneté respectueuse des règles de laïcité et ouverte à la pluralité des cultures du monde” (p. 8), avant le domaine intitulé “Mobiliser le langage dans toutes ses dimensions”, qui avait été jusqu’à présent la mission prioritaire de l’École maternelle. Quant à la construction de l’esprit critique et scientifique, véritable rempart contre l’obscurantisme et le fanatisme, construction qui fait l’objet du domaine intitulé “Organiser et prendre des repères”, il est désormais relégué en dernière place après les activités physiques et artistiques ! Jamais la mission assignée aux enseignantes n’avait été aussi clairement codifiée : “Pacifiez d’abord, construisez un esprit rationnel en dernier lieu”.

Le projet d’enseignement moral et civique, dont la consultation avait été lancée avant les attentats de janvier, met en place un véritable cursus tout au long duquel l’élève, du CP à la Terminale, sera évalué sur son degré d’acceptation des règles de la démocratie représentative (conseils d’enfants, d’élèves, vote), sans pouvoir imaginer d’autres règles de fonctionnement social égalitaire et progressiste. L’enseignement de la laïcité (nous y reviendrons) y a déjà une large place, au travers de l’étude de la Charte de la Laïcité . Les élèves sont aussi sollicités pour s’engager collectivement dès le cycle 2 dans “des actions de solidarité ou en faveur de l’environnement proposées par l’Éducation nationale” (p. 8).

Faire accepter ce qui a été combattu

Les 11 mesures, contenues dans le dossier “Grande mobilisation de l’École pour les valeurs de la République”, publié sur le site du Ministère de l’Éducation nationale (MEN) en réaction aux attentats de janvier, met en place tout un arsenal sensé lutter contre le terrorisme religieux. Nous ne pouvons ici décortiquer toutes ces mesures dont certaines tiennent essentiellement de l’effet d’annonce et de la méthode Coué : le respect des règles de politesse (mesure 2), la célébration des symboles de la république (mesure 3), ou l’évaluation de français en CE2 (mesure 6), mesures régulièrement ressorties des tiroirs et qui ont déjà montré leur futilité…

Nous retiendrons que certaines de ces mesures utilisent l’émotion suscitée par les attentats et ce que la ministre appelle “l’esprit du 11 janvier”, (faisant référence à la grande marche dite de “l’Unité nationale” qui eut lieu derrière nombre de chefs d’États pour la plupart non laïques) pour forcer l’acceptabilité de mesures qui avaient jadis provoqué des résistances.

Ainsi, le partenariat avec les mairies (mesure 5), largement critiqué et même combattu au moment de la mise en place des “nouveaux rythmes scolaires” en 2013/2014, est de nouveau sollicité, via l’inscription d’un “volet laïcité et citoyenneté” dans les PEDT (projets éducatifs territoriaux) et le contrat de ville.

Le partenariat avec les entreprises : les élèves de l’enseignement professionnel sont désormais sollicitéEs à s’inscrire dans “des activités sociales et civiques de l’entreprise”, et à s’impliquer dans des “organisations associatives professionnelles” (mesure 3). Seront favorisés “les projets partenariaux avec le monde des médias et le monde économique” (mesure 3). “La coopération avec les entreprises et le monde économique sera étendue et valorisée” (mesure 8). Une “réserve citoyenne d’appui”, sur le modèle de “la réserve citoyenne de la Défense” sera mise en place, dans laquelle pourra participer “toute personne désireuse d’apporter son concours aux missions de l’École” (mesure 5). Gageons qu’aucune bonne volonté ne restera à la porte de l’École…

La mixité des collèges est une autre mesure phare (n° 8). Ne serait-ce pas une manière de faire accepter la réforme des REP, largement critiquée (3) parce qu’elle aboutit, sous couvert de mixité sociale, à baisser les taux d’enfants en difficulté par établissement, et donc à supprimer les aides antérieurement allouées, basées sur ce taux.

“Une action en faveur des publics les plus fragiles” (mesure 9) n’est évidemment pas critiquable en soi, même si une telle mesure, prise au sein d’un gouvernement qui ne cesse de mettre en place des contre-réformes aggravant les conditions de travail et de vie des parents (travailleurs ou chômeurs), est la preuve qu’il n’y a aucune volonté d’avoir des résultats tangibles. Il s’agit de remettre dans leur contexte les mesures prises pour financer les cantines en Guyane et à Mayotte ou les 45 M€ octroyés au fonds social à l’enfance (un enfant sur cinq vit au-dessous du seuil de pauvreté en France !) (mesure 9), en les comparant aux centaines de millions de cadeaux fiscaux pour les entreprises et de subventions publiques des mégaprojets privés ; sans oublier les sommes colossales consacrées au remboursement de la dette publique.

Les nouvelles classes dangereuses

En lisant ces mesures, on pourrait avoir l’impression que les enfants et les jeunes sont devenues des classes dangereuses qu’il faut avant tout endoctriner et embrigader dans tous les aspects de leur vie, scolaire, professionnelle et privée. “Libérer la parole” a dit Mme la ministre ? Oui, mais sans jamais sortir du cadre. Libérer tout en emprisonnant : 1984 , disions-nous…

Comment peut-on imaginer lutter contre le recours au religieux, si le terreau sur lequel il se développe est sans cesse approvisionné ? Lutter contre le terrorisme religieux, ce n’est pas demander aux enseignantEs de signaler systématiquement tout manquement à la discipline (mesure 2), ce n’est pas placer un “référent justice” (mesure 9) dans les établissements, ce n’est pas rendre obligatoire dans les projets d’école et d’établissement l’inscription de la participation aux “commémorations patriotiques” (4) ainsi qu’aux “journées et semaines spécifiques”(mesure 2) : journée de la Laïcité, semaine des médias, contre le racisme, semaine de l’engagement… !

Lutter contre le recours au religieux, c’est lutter avant tout contre les inégalités sociales et économiques, c’est lutter contre l’inégalité de l’accès aux savoirs et à la culture, c’est lutter pour la construction pour tous et toutes d’une pensée autonome, c’est augmenter les moyens financiers (matériels et personnels) pour l’École publique, c’est rendre attractif ce métier que le pouvoir dévoie de plus en plus.

Si on parlait de la laïcité ?

Ces différents projets, programmes et mesures reposent sur le pivot de la laïcité, que le gouvernement sait être une valeur défendue par les enseignantEs. Cette notion a tellement été manipulée qu’on ne peut plus l’employer sans lui accoler un adjectif. Nous n’entrerons pas ici dans ces polémiques idéologiques, bien qu’il faudra à un moment se mettre d’accord sur la laïcité que veulent défendre les enseignantEs de l’école publique.

Avant tout, la laïcité est définie dans la loi du 9 décembre 1905 : c’est la séparation de l’État et de l’Église, donc de l’École et des Églises. L’État prône la laïcité comme une arme contre le terrorisme religieux ? Et pourtant dans le même temps, il la foule aux pieds !

A-t-on oublié que des femmes voilées, payées par l’État, entrent chaque jour dans des écoles publiques à des fins de prosélytisme religieux ? Ce sont les religieuses qui, tout comme les prêtres, les pasteurs et les rabbins profitent de la loi concordataire des départements d’Alsace-Moselle. Et, au nom de l’égalité de traitement de toutes les religions, certains musulmans réclament de l’État le financement de la formation des imams et le libre accès aux écoles publiques de ces départements. Le respect de la laïcité commence par l’application de la loi de 1905 dans tous les départements.

A-t-on oublié que presque toutes les écoles confessionnelles (jusqu’à l’enseignement supérieur) sont financées par l’État ? L’école privée n’a jamais assez d’argent. En cette période de restriction budgétaire, d’économie dans tous les secteurs sociaux et les services publics, on ne doit pas accepter que l’État dilapide ainsi l’argent public.

Pour une laïcité émancipée de tous dogmes

Au niveau institutionnel, il n’y a aucune négociation possible : il faut exiger l’abrogation de la loi concordataire. Aucun religieux ne doit diffuser son idéologie dans aucune école publique. Il faut exiger que l’argent public ne finance que les écoles publiques, les écoles privées ne doivent être financées que par de l’argent privé.

Au niveau idéologique, “l’enseignement laïque du fait religieux”, est une nouvelle tentative pour légitimer le rôle des idéologies religieuses en tant que pacificatrices sociales. À noter que cet enseignement oublie (intentionnellement ?) le phénomène, très important numériquement, de l’athéisme et de l’indifférence religieuse. Nous n’avons pas, en tant qu’enseignantEs, à expliquer que les religions pacifient le monde (cf. : Inquisition, rôle des Églises en temps de guerre, légitimation de l’esclavage et du sexisme, etc.). Mme la ministre pourra-t-elle compter sur l’aide des syndicats enseignants pour forcer les profs à accepter d’endosser l’habit des hussards noirs de la république ? Les syndicats qui émettent à l’heure actuelle des critiques sur les mesures ministérielles seront jugés sur leurs actions.

En tant que militants et militantes d’une laïcité réellement émancipée de tous dogmes, ne mettons pas en place une laïcité républicaine qui permet la continuation de la guerre économique, cette “guerre de classes” dont parle même Warren Buffet, en forçant les pauvres à la docilité vis-à-vis de l’ordre établi. Souvenons-nous de la remarque cynique de Napoléon : “Quant à moi, je ne vois pas dans la religion le mystère de l’incarnation, mais le mystère de l’ordre social ; elle rattache au ciel une idée d’égalité qui empêche que le riche ne soit massacré par le pauvre” (5).

Isabelle Mély et Marc Lefebvre

(1) Lire le discours du 22 janvier 2015 de “Présentation de la grande mobilisation pour l’École pour les valeurs de la République ”, sur le site education.gouv

(2) in Les nouveaux rythmes scolaires, guide pratique , édition 2014, p. 7.

(3) Voir l’analyse détaillée publiée dans L’Émancipation n°5 de janvier 2015.

(4) Du patriotisme à la religion de la patrie, il n’y a qu’un pas !

(5) Daniel Guérin, La lutte de classes sous la première république , Gallimard, 1946, tome 1, p. 420.

(6) Op. cit., p. 27.

(7) “Vers l’école désémancipatrice”, André Tosel, in La Pensée , n° 318, avril-juin 1999, p. 127-132.

(8) Victor Cousin, l’inspirateur idéologique de la loi Guizot de 1833 sur l’instruction primaire, voyait en la religion et la philosophie “deux immortelles sœurs” destinées à coopérer dans le cadre scolaire pour inculquer aux masses la sainte soumission à l’autorité. Est-on très loin des attendus de Régis Debray (première partie de son rapport) si ouverts à l’idée selon laquelle “l’universalité du sacré avec ses interdits et ses permissions [permet de disposer] d’un fond de valeurs fédératrices, pour relayer en amont l’éducation civique et tempérer l’éclatement des repères” (p. 14) ?

http://www.emancipation.fr/spip.php?article1090
Avatar de l’utilisateur-trice
bipbip
 
Messages: 35413
Enregistré le: 10 Fév 2011, 10:05

Re: la redaction de CHARLIE HEBDO decimée 12 MORTS

Messagede bipbip » 20 Mar 2015, 12:15

Charlie Hebdo et nous

par Mathias Reymond, le 17 mars 2015

L’attentat commis contre Charlie Hebdo par des djihadistes se revendiquant d’Al Qaïda au Yemen, les soutiens que le journal a reçus – dont le nôtre – et les réactions multiples flirtant parfois au concours du plus consensuel [1], du plus cocasse [2] ou du plus radical [3], sont une occasion pour nous, Acrimed, de revenir brièvement sur nos rapports avec l’hebdomadaire.

... http://www.acrimed.org/article4582.html
Avatar de l’utilisateur-trice
bipbip
 
Messages: 35413
Enregistré le: 10 Fév 2011, 10:05

Re: la redaction de CHARLIE HEBDO decimée 12 MORTS

Messagede Pïérô » 23 Mar 2015, 11:57

L’Union nationale ? Non merci !

Je suis Charlie. Es-tu Charlie ? Et pourquoi il/elle serait Charlie ? Sommes-nous Charlie ? Êtes-vous Charlie ? Pas avec n’importe qui !

D’un Charlie à l’autre


Les gens de ma génération se souviennent avec émotion de cette caricature de Wolinski (dans « L’Enragé ») juste après mai 68.

Le délégué syndical s’adresse à ses troupes :
« Camarades, vous vous êtes mis en grève, c’est pour les salaires hein ? »
(silence)
« C’est pour les conditions de travail ? »
(silence)
« C’est pour la sécu ? »
(silence)
« Enfin, bordel de merde, vous allez dire à votre délégué qui vous aime pourquoi vous vous êtes mis en grève ? »
« On veut faire la révolution !! »
« La révolution ? Vous êtes fous ! Le gouvernement et le patronat ne voudront jamais ! »

Ce n’est bien sûr pas pour cette caricature toujours incroyablement d’actualité que Wolinski a été odieusement assassiné avec d’autres. Il y a eu plus tard le magnifique « Bal tragique à Colombey, 1 mort » en 1970. Et Charlie Hebdo (le vrai) s’est fantastiquement moqué des flics, des curés, des capitalistes, des bureaucrates, des gouvernements et de tout ordre établi. Les bonnes choses ont une fin. En 1981, Mitterrand signifiait définitivement la fin de la récréation et Charlie disparaissait au milieu du début de l’offensive néo-libérale.
Ce qui est réapparu à partir de 1992 avait le goût et l’odeur de Charlie. Mais, même si Cabu, Wolinski ou Cavanna y étaient à nouveau, ce n’était plus notre Charlie. Par quelle combinaison Philippe Val et Caroline Fourest ont-ils pu s’imposer dans la rédaction et y faire régner une ligne éditoriale dont l’ordre établi n’avait même pas osé rêver ? Val a pris l’habitude de taper sur les dominés. Il a appelé à voter oui au référendum de 2005. Il a viré Siné pour un antisémitisme imaginaire, lui qui n’a jamais manifesté la moindre indignation face à l’occupation et à la destruction de la Palestine. Il a fini logiquement à la tête de France-Inter, nommé par Sarkozy et a achevé son sale boulot en virant Daniel Mermet.
Caroline Fourest, derrière une détestation de toutes les religions, s’est spécialisée dans l’attaque ciblée des musulmans accusés dans leur ensemble de tous les maux : arriération, terrorisme, oppression des femmes, homophobie. En 2012, elle a participé à un débat sur la laïcité avec Alain Finkielkraut à Tel-Aviv (cherchez l’erreur, il n’y en a pas).
Peut-on sérieusement dire que la publication des caricatures de Mahomet était un simple blasphème ? Ces caricatures venaient d’un journal danois, le Jyllands Posten qui se définit comme « libéral-conservateur » après avoir été autrefois proche du fascisme. Qu’a-t-on dit des caricatures dans les années 30 représentant un rabbin au nez bien crochu les mains pleines billets de banques ? Que c’était du blasphème et que ça faisait partie du droit de critiquer les religions ? Non bien sûr, tout le monde a compris à l’époque le caractère antisémite de telles caricatures. Et surtout le fait qu’elles visaient tous les Juifs, croyants ou pas.
Alors voilà. Par quel anachronisme la rédaction de Charlie-Hebdo a-t-elle pu ne pas voir que représenter Mahomet avec une bombe signifie « tous les musulmans sont des terroristes » et les stigmatise tous ? Cela ne constitue évidemment aucune « excuse » pour le délire meurtrier de fous furieux qui osent justifier leurs massacres sanguinaires au nom de l’islam mais bon, j’ai été Charlie il y a bien longtemps et je ne le suis décidément plus. Humoristique ou pas, un racisme est un racisme. Ça vaut bien sûr aussi pour le pseudo humour de Dieudonné qui voudrait nous faire croire qu’il soutient la Palestine en faisant monter le négationniste Faurisson sur la scène ou en dînant avec le chef du groupe fasciste qui a tué Clément Méric.

Marcher pour l’ordre établi ?

Les premières manifestations après le massacre commis à Charlie-Hebdo étaient spontanées et remplies d’émotion. Très vite, le pouvoir a vu quel profit en tirer : inscrire la manifestation géante de protestation dans le camp de la « guerre du bien contre le mal » concept inventé par Samuel Huntington pour justifier à l’avance les conquêtes impériales. Dans le « camp du bien » et en tête du défilé, il y avait d’authentiques criminels de guerre : Nétanyahou, Lieberman et Bennet qui auraient dû depuis longtemps être emprisonnés pour les massacres commis à Gaza l’été dernier. À leur côté, quelques fleurons de la Françafrique comme Ali Bongo. Dans un contexte de stigmatisation des musulmans, Hollande et Valls ont trouvé le bon islam : celui de l’Arabie Saoudite. Hollande est allé aux obsèques du roi Abdallah qualifié de grand souverain. La présidente du FMI, Christine Lagarde en a même rajouté une couche en affirmant sans rire que le défunt était un grand « ami des femmes ».
Depuis plus d’un siècle, l’Occident s’est allié au pire courant obscurantiste, féodal, esclavagiste et patriarcal, celui des Wahhabites. Grâce au pétrole, ces féodaux sont immensément riches. Ils ont financé et armé les millénaristes d’Al Qaida, de l’Etat Islamique ou de Boko Haram. Les impérialistes ont multiplié les expéditions armées en Afghanistan, en Irak, en Libye ou au Mali en provoquant partout le chaos et en favorisant l’essor de ces groupes meurtriers.
Sommes-nous partisans de « l’axe du bien » des démocraties occidentales contre les barbares de « l’axe du mal » ? Non, ces guerres ne sont pas les nôtres.
Cabu, Charb et Wolinski auraient éclaté de rire en voyant Sarkozy et Hollande à leurs obsèques ou en entendant les cloches de Notre Dame.
La récupération faite après l’attentat a été obscène. Le pouvoir a été jusqu’à traiter comme des terroristes des gamins qui n’ont pas respecté la minute de silence ou un enseignant (Jean-François Chazerans à Poitiers) qui avait ouvert le débat avec ses élèves.

Petite histoire de l’Union Nationale (ou Sacrée).

Avant 1914, tous les partis socialistes avaient juré que jamais il n’y aurait la guerre et qu’ils mobiliseraient le mouvement ouvrier pour l’empêcher. Non seulement ils ne l’ont pas fait, mais ils ont participé au délire nationaliste qui a provoqué des millions de morts. En Allemagne, cette Union Nationale explique la participation active des sociaux-démocrates à l’écrasement de la révolution de 1919 avec l’assassinat de Rosa Luxembourg et Karl Liebknecht. En France, le sang de Jaurès n’était pas encore sec que nos « socialistes » votaient les crédits de guerre et vociféraient avec le mot d’ordre stupide et meurtrier : « à Berlin ».
Cet effondrement moral avait commencé bien avant. Au nom du « patriotisme » censé unir le patron et l’ouvrier, d’anciens Communards avaient rallié le camp de la réaction. Rares avaient été les socialistes à comprendre la nature du colonialisme. Beaucoup acceptaient l’idée que « l’Occident apportait la civilisation à des peuples moins développés ». Louise Michel, qui a fraternisé avec les Kanaks lors de sa déportation, est une exception. Au moment de l’Affaire Dreyfus, des socialistes comme Jules Guesde estimaient que le mouvement ouvrier n’avait pas à se préoccuper d’une affaire qui ne le concernait pas. Guesde sera plus tard le plus ardent défenseur de « l’Union Sacrée ».
En un siècle, cette union aura fait bien des ravages. Union Sacrée derrière Pétain (à l’exception de quelques courageux députés) pour vendre la France à l’occupant nazi et conjurer la peur des patrons au moment du Front Populaire. Après guerre, Union Nationale pour mener les sales guerres coloniales et créer la Vème république.
Dans d’autres pays, il est devenu tellement évident que les partis de gouvernement mènent en gros la même politique que les gouvernements d’union nationale se succèdent (Allemagne, Autriche, Belgique, Italie, Israël …).
Hollande et Valls n’ont rien inventé. Mais ceux de Charlie-Hebdo ou les victimes de l’attentat antisémite de la Porte de Vincennes méritaient mieux que ce pseudo consensus obligatoire.

À propos, on est en guerre contre qui ? Ah oui, les musulmans !

L’Union Nationale, c’est devenu la chasse à tout ce qui est bronzé et est censé être un terroriste en puissance. C’est l’injonction permanente : « vous n’êtes pas Charlie ? Alors vous êtes un ennemi de toutes nos valeurs : la république, la démocratie, la laïcité ». C’est l’exigence pour les musulmans : « ressemble-nous et tais-toi ». L’Union Nationale, c’est toujours plus de lois sécuritaires, ce sont des prisons bien remplies et des camps de Roms déménagés. Ce sont des lois ou des circulaires spécifiques comme l’interdiction pour les mamans « pas comme les autres » d’accompagner les sorties scolaires.
L’Union Nationale, c’est l’austérité, la précarité et le chômage massif ad vitam eternam puisque, depuis Margaret Thatcher, tout le monde doit bien être persuadé qu’il n’y a pas d’alternative. L’Union Nationale, ce sont les expéditions militaires incessantes chez tous ces « sauvages » qu’on vient sauver de la barbarie en leur amenant le chaos. L’Union Nationale, ce sont les dirigeants de tous nos grands partis se prosternant au repas du CRIF et soutenant inconditionnellement toutes les exactions israéliennes.
Une certaine gauche n’a toujours pas compris que la haine du musulman a remplacé l’antisémitisme d’autrefois dans la désignation du bouc émissaire. Elle n’a pas compris que la laïcité, c’est une valeur extraordinaire qui doit permettre le « vivre ensemble dans l’égalité des droits » et pas la désignation des croyant-e-s comme l’ennemi à abattre. Elle n’a pas compris qu’invoquer sans arrêt la république et la laïcité pour mieux stigmatiser (au hasard) les plus dominé-e-s est inacceptable. Elle n’a pas compris que, quand une bonne partie du prolétariat vivant en France ne bénéficie plus de l’état de droit et connaît quotidiennement discrimination au travail et au logement ou contrôle au faciès régulier, on ne peut qu’être solidaire. 60% des personnes en prison en France sont « d’apparence musulmane » (pour reprendre les perles sarkozyennes).
L’antiracisme signifie l’égalité des droits sans condition. Il ne peut être accompagné d’aucune injonction à effacer son identité.
Bref, une certaine gauche reproduit ce qu’a fait Jules Guesde il y a plus d’un siècle et qui l’a amené à trahir tout ce qu’il était censé défendre en prônant l’union nationale.
La seule union qui a un sens, c’est celle des opprimé-e-s contre les ravages du capitalisme.

Pierre Stambul

http://www.ujfp.org/spip.php?article4021
Image------------ Demain Le Grand Soir --------- --------- C’est dans la rue qu'çà s'passe --------
Avatar de l’utilisateur-trice
Pïérô
 
Messages: 22436
Enregistré le: 12 Juil 2008, 22:43
Localisation: 37, Saint-Pierre-des-Corps

Re: la redaction de CHARLIE HEBDO decimée 12 MORTS

Messagede bipbip » 24 Mar 2015, 02:50

Charlie Hebdo : bataille interne pour l'actionnariat du journal

Où iront les 30 millions d'euros reccueillis par Charlie Hebdo depuis la tuerie du 7 janvier ? Selon l'AFP, un collectif de onze salariés vient de se constituer et a engagé deux avocats pour réclamer la redistribution, à parts égales, des actions du journal à tous les salariés. Une démarche peu appréciée par la direction et certains collaborateurs .

... http://www.arretsurimages.net/breves/20 ... al-id18725
Avatar de l’utilisateur-trice
bipbip
 
Messages: 35413
Enregistré le: 10 Fév 2011, 10:05

Re: la redaction de CHARLIE HEBDO decimée 12 MORTS

Messagede abel chemoul » 24 Mar 2015, 10:52

sur l'islamophobie de Charlie et sur l'article "oui, Charlie est islamophobe":
http://www.arretsurimages.net/breves/20 ... de-id18660
Dans un message à @si, Damien Boone, co-auteur de l'article paru dans Le Monde, précise que le premier titre du papier "Oui, Charlie Hebdo est obsédé par l'islam" "ne reflète pas du tout le contenu de notre propos et, dans le contexte actuel, nous a causé bien du tort : nous ne l'avons pas choisi, tout simplement." Le titre initialement proposé par les auteurs était "L'obsession du chiffre. A propos de l'interprétation des unes de Charlie Hebdo". Dans un message publié sur Facebook le 6 mars, les deux auteurs se disaient "effarés et scandalisés par le titre que le Monde a initialement donné à notre tribune. [...] Cela ne correspond en rien à notre propos, à ce qui a été négocié par mail et par téléphone".


bref, titre racoleur décidé par Le Monde pour vendre du papelar, titre qui à lui seul servira d'argument aux gauchistes qui ne liront même pas l'article.
Image
Avatar de l’utilisateur-trice
abel chemoul
 
Messages: 681
Enregistré le: 26 Mai 2009, 11:40

Re: la redaction de CHARLIE HEBDO decimée 12 MORTS

Messagede Alex » 24 Mar 2015, 11:41

En l’occurrence, j'ai lu l'article, et si le titre est racoleur, le fond est solide et me paraît difficilement attaquable, quel que soit le titre choisi. Après, qu'un site fasse du racolage pour faire du clic... Abel, je suis étonné que toi, grand cynique devant l'éternel, sois surpris de ça ;)
Avatar de l’utilisateur-trice
Alex
 
Messages: 90
Enregistré le: 03 Jan 2015, 20:21
Localisation: Tours

Re: la redaction de CHARLIE HEBDO decimée 12 MORTS

Messagede Pïérô » 26 Mar 2015, 09:38

Après les attentats de janvier déjouons le piège des embrigadements !
Comment se présente la situation en France, depuis les assassinats à Charlie Hebdo et à l’Hyper Cacher, où les médias ont surfé sur l’émotion suscitée par ces actes pour la mettre au service du gouvernement – et ouvrir à celui-ci un boulevard lui permettant d’accentuer sa politique antisociale ?
... http://oclibertaire.free.fr/spip.php?article1658


L'école au secours de la restauration de l'ordre républicain.
Le gouvernement, s’appuyant sur l’union nationale qui a duré quelques jours après les attentats à Paris et à Montrouge les 7 , 8 et 9 janvier, s’est efforcé de prolonger ce climat de cohésion apparente en avançant des mesures destinées à renforcer le rôle d’embrigadement de la jeunesse dévolu à l’école.
... http://oclibertaire.free.fr/spip.php?article1656
Image------------ Demain Le Grand Soir --------- --------- C’est dans la rue qu'çà s'passe --------
Avatar de l’utilisateur-trice
Pïérô
 
Messages: 22436
Enregistré le: 12 Juil 2008, 22:43
Localisation: 37, Saint-Pierre-des-Corps

Re: la redaction de CHARLIE HEBDO decimée 12 MORTS

Messagede PN Poitiers » 28 Mar 2015, 11:19

Alors que Jean-François Chazerans a été blanchi par le parquet dans le volet judiciaire, le recteur a décidé de le sanctionner le plus lourdement possible : mutation d'office à Thouars, sur zone de remplacement : http://pn86.noblogs.org/?p=13274
PN Poitiers
 
Messages: 38
Enregistré le: 26 Mar 2014, 10:52

Re: la redaction de CHARLIE HEBDO decimée 12 MORTS

Messagede PN Poitiers » 29 Mar 2015, 10:42

PN Poitiers
 
Messages: 38
Enregistré le: 26 Mar 2014, 10:52

Re: la redaction de CHARLIE HEBDO decimée 12 MORTS

Messagede bipbip » 04 Avr 2015, 14:38

Demande de levée de sanction pour JF Chazerans, professeur de philosophie
La lourde sanction à l’égard de Jean-François Chazerans doit être levée

Au moment où le ministère lance un plan de mobilisation pour la transmission des valeurs républicaines, les huit cent mille enseignants du primaire et du secondaire ont plus que jamais besoin d’être portés par une institution rigoureuse. Dans ce contexte, la mutation d’office de Jean-François Chazerans, professeur de philosophie au lycée Victor-Hugo de Poitiers suscite l’inquiétude et la désapprobation de l’APPEP.

Cette décision du recteur de l’académie de Poitiers est le dernier épisode d’une affaire qui a débuté par la plainte d’une mère d’élève contre les propos qu’aurait tenus Jean-François Chazerans, dans le cadre des débats demandés par la ministre à l’ensemble des enseignants du primaire et du secondaire à la suite des attentats meurtriers du 7 janvier. Le recteur de l’Académie de Poitiers a alors pris la décision de suspendre ce professeur, puis de déposer plainte pour « apologie d’actes de terrorisme ».

Après une enquête longue et approfondie, le procureur de la République de Poitiers a conclu que « les propos imputés n’apparaissent pas, en eux-mêmes, constitutifs du délit d’apologie d’actes de terrorisme » et, en conséquence, que cette affaire aurait dû demeurer strictement interne à l’Éducation nationale.

Cette erreur d’appréciation apparaît d’autant plus préjudiciable à l’ensemble de la profession qu’elle fut accompagnée d’une décision de suspension qui ne se justifiait pas : le maintien de Jean-François Chazerans dans son lycée ne constituait pas une menace pour le fonctionnement de l’établissement, ni un trouble à l’ordre public.

Cette double erreur d’appréciation a exacerbé les tensions au lieu de les apaiser. Elle a aggravé un climat d’insécurité et d’incompréhension, qui laisse les enseignants du primaire et du secondaire démunis, alors, qu’en même temps, la tâche qui leur est assignée est d’une grande complexité. En effet, il leur est demandé à la fois de transmettre les valeurs de la République, d’engager des débats avec les élèves et observer une position de neutralité. Ils ont pour cela besoin d’un climat confiant, serein et apaisé.

Aussi, l’APPEP demande la levée de la sanction de déplacement d’office prise à l’encontre de Jean-François Chazerans et le rétablissement dans ses fonctions de professeur de philosophie au lycée Victor-Hugo de Poitiers.

Paris, le 1er avril 2015

SOURCE/ Association des professeurs de philosophie de l'enseignement public

http://danactu-resistance.over-blog.com ... ophie.html


Annulation de la sanction !
Pour le rétablissement de Jean-François Chazerans au lycée Victor Hugo


Alors même que la procédure pénale a classé sans suite l’accusation d’« apologie
du terrorisme », le Recteur de l’académie de Poitiers poursuit son acharnement contre le professeur de philosophie Jean-François Chazerans. Celui-ci vient d’apprendre qu’il perd son poste au lycée Victor Hugo de Poitiers. Il est désormais affecté en zone de remplacement dans le département des Deux-Sèvres, rattaché administrativement à Thouars.

Si cette mesure apparaît comme une sanction contre ce professeur en particulier,
elle porte en elle une attaque contre l’ensemble des personnels enseignants. Elle est
aussi la marque de l’entêtement d’un recteur qui refuse de reconnaître ses erreurs et
choisit de faire un exemple à travers ce cas.

SUD Éducation et Recherche 86 demande l’annulation immédiate de cette sanction et le rétablissement de Jean-François Chazerans dans son poste au lycée Victor Hugo de Poitiers.
Nous appelons les personnels de l’Éducation Nationale à soutenir Jean-François Chazerans, à cesser le travail, et à se réunir en assemblées générales afin d’organiser la mobilisation contre cette sanction.

http://www.sudeducation.org/Annulation- ... -Jean.html


Pétition nationale : http://www.petitionpublique.fr/PeticaoV ... 2015N47580

Pétition Demande d'annulation de la sanction infligée à J-F. Chazerans par le recteur de Poitiers

J-F. Chazerans, professeur de philosophie au lycée Victor Hugo de Poitiers, a été mis en cause par un courrier de parent d'élève suite à un cours fait le lendemain de l'attentat à Charlie Hebdo. Ce jour-là, tous les enseignants, comme J-F. Chazerans, ont été confrontés à une situation bien difficile : comment aborder un sujet aussi complexe, dans un moment où l'émotion prenait le pas sur la réflexion ?

Suite à la réception de ce courrier de parent, le recteur de l'académie de Poitiers l'a suspendu de ses fonctions, a fait un signalement au procureur de la république pour « apologie d'acte de terrorisme » et convoqué une commission disciplinaire pour « propos inadéquats tenus en classe ».

Malgré le constat fait par l'enquête de police que les phrases incriminées n'avaient pas été prononcées, malgré l'abandon des poursuites judiciaires, le recteur a maintenu la commission de discipline pour « propos inadéquats ». Il inflige maintenant à ce professeur une sanction grave de mutation d'office, en zone de remplacement dans un autre département.

Considérant cet enchainement de faits et le caractère incompréhensible et inacceptable de cette sanction, les signataires demandent, à Madame la Ministre, qu'elle soit annulée et que J-F. Chazerans soit rétabli dans ses fonctions au lycée Victor Hugo de Poitiers.


Cette pétition est soutenue par les organisations syndicales FSU, CGT Educ'action, SNFOLC-FO, SUD éducation-Solidaires.

Avatar de l’utilisateur-trice
bipbip
 
Messages: 35413
Enregistré le: 10 Fév 2011, 10:05

Re: la redaction de CHARLIE HEBDO decimée 12 MORTS

Messagede Pïérô » 04 Avr 2015, 21:18

[Poitiers] Un rassemblement en soutien à Jean-François

Mobilisation derrière Jean-François Chazerans

Environ 150 personnes ont manifesté hier à Poitiers contre la mutation du prof de philo poitevin. Ses collègues rencontrent le recteur aujourd’hui.

A l’appel de professeurs du lycée Victor-Hugo où enseignait naguère Jean-François Chazerans, environ 150 manifestants se sont retrouvés hier en fin d’après-midi devant la mairie de Poitiers pour protester contre sa mutation à Thouars. Un tract non signé dénonçait « l’arbitraire et les règlements de comptes dans l’Éducation nationale ». Jean-François Chazerans est accusé, sur la foi du témoignage d’un élève, d’avoir tenu des propos déplacés après l’attaque du journal Charlie Hebdo par des terroristes.


Tandis que Jean-François Chazerans et son avocat examinent les recours administratifs et judiciaires possibles, des professeurs de philosophie de l’académie ont obtenu qu’une délégation soit reçue aujourd’hui par le recteur afin de réclamer la réintégration de l’enseignant sanctionné.

Nouvelle République, 3 avril 2015

http://pn86.noblogs.org/?p=13281
Image------------ Demain Le Grand Soir --------- --------- C’est dans la rue qu'çà s'passe --------
Avatar de l’utilisateur-trice
Pïérô
 
Messages: 22436
Enregistré le: 12 Juil 2008, 22:43
Localisation: 37, Saint-Pierre-des-Corps

Re: la redaction de CHARLIE HEBDO, et suites

Messagede Pïérô » 07 Avr 2015, 17:42

Un appel d'enseignants à ne pas participer à une commission d'enquête sur la "perte de repères républicains" des élèves
Non à une commission d'enquête sur la «perte de repères républicains» de nos élèves

Les collègues du lycée Paul-Eluard de Saint-Denis (Seine-Saint-Denis) lancent un appel que nous soutenons : « Nous appelons tous les établissements scolaires qui seraient invités à participer à ce simulacre de dialogue à le refuser également ».

rédacteurs/rédactrices : Des enseignant.e.s du lycée Paul-Eluard, Saint-Denis

Jeudi 19 mars 2015, les enseignant.e.s du lycée P. Eluard (93) ont été informés par leurs représentants au CA qu’une commission déléguée par le Sénat se rendrait dans leur établissement pour rencontrer différents acteurs de l’Education Nationale, accompagnée de la Rectrice. Le proviseur avait en effet demandé aux listes représentées au C.A. de désigner 1 ou 2 enseignant.e.s, et proposé à quelques collègues « investi.e.s » de participer à la rencontre. Il avait fait de même auprès des parents d’élèves et des élèves. A aucun moment l’intitulé exact de la commission, ni même son mode de fonctionnement n’ont été délivrés aux enseignants, pas plus qu’à la direction de l’établissement.

Intriguée par les formes et les motifs d’une visite pour le moins inhabituelle et précipitée, une enseignante a découvert et communiqué les grands traits des formes et des motifs de création de la commission d’enquête parlementaire « sur le fonctionnement du service public de l’éducation, sur la perte de repères républicains que révèle la vie dans les établissements scolaires et sur les difficultés rencontrées par les enseignant.e.s dans l’exercice de leur profession ».

Créée à l’initiative du groupe UMP après les attentats des 7-9 janviers, avec comme objectif de faire la lumière sur une supposée sous-estimation des incidents relatifs à la minute de silence, cette commission a, dans sa forme comme dans ses moyens d’action, suscité de vives discussions au sein du Sénat lui-même. De facto, faire enquêter les sénateurs –avec ce que cela implique de pouvoirs de citation et de délivrance de documents‑ instaure un rapport de méfiance avec le corps enseignant.

En outre, les auditions de Jean Baubérot ou de Jean Louis Boissinot ne peuvent masquer l’engagement largement conservateur de la plupart des personnes auditionnés. Alain Finkielkraut, Henri Pena-Ruiz, Jean Pierre Obin, Luc Chatel, Luc Ferry, Jean Pierre Chevènement, Alain Gérard Slama, François Xavier Bellamy, Gabrielle Desramaux partagent une même méfiance envers une école résolument tournée vers l’apprentissage de l’esprit critique, et prônent –certes à des degrés divers‑ un retour à une école normative, prescriptive, puisant dans le roman national les justifications de cette orientation réactionnaire.

Ainsi éclairé.e.s sur les formes réelles de la visite présentée, de nombreux enseignant.e.s ont décidé de ne pas cautionner une telle entreprise, et ont mandaté leurs représentant.e.s pour le faire savoir, par le communiqué qui suit. Sa lecture a suscité des réactions peu aimables voire méprisantes de certains membres de la commission, qui ont alors refusé de s’adresser “aux syndicalistes”. La représentante des parents ayant décidé de s’associer à la démarche des enseignants, les membres de la commission se sont tournés vers la rectrice, deux des proviseurs, un enseignant présent en son propre nom et un élève, pour finalement se satisfaire, dans leurs conclusions, de ce que ces entretiens confirmaient leur point de vue initial. Ils ont ainsi justifié a posteriori la dimension idélogique de leur démarche, ne se rendant pas au contact des enseignants pour tenter de cerner, dans toutes leurs complexités, les réelles difficultés qu’ils rencontrent, mais bien pour y justifier un positionnement rétrograde sur la République, l’école ou la laïcité.

Le communiqué lu par les enseignant.e.s :

Mesdames, Messieurs,

Nous nous adressons à vous en tant qu’enseignants représentant le snes et sud dans notre lycée ‑représentations majoritaires ‑ et dans la logique du mandat que nous ont donné nos collègues.

Après avoir pris connaissance des conditions de création, des objectifs et des modalités de fonctionnement de la commission dont vous faites partie, nous refusons d’être entendus, car nous ne souhaitons pas cautionner une démarche qui a toutes les apparences d’un piège, d’un jeu de dupes et d’une entreprise idéologiquement réactionnaire.

Piège, parce que nous ne sommes pas auditionnés au sens juridique du terme, et que dès lors nous n’avons aucune garantie ni aucune certitude quant à la forme et à l’usage qui seront donnés à nos propos. Piège parce que nous représentons des gens que nous n’avons pas pu consulter tant les délais sont courts. Piège enfin, parce que nous n’aurons aucun droit de réponse alors que le rapport de cette commission a valeur d’expertise.

Jeu de dupes parce que nous assistons depuis plus de dix ans à un rétrécissement drastique des moyens alloués à l’école publique, que ce soit en terme de personnels ou de formation, doublé d’une suspicion systématique quant à l’investissement et aux compétences des enseignants, et dont cette « commission d’enquête » n’est qu’une manifestation parmi d’autres. Oui, nous avons des difficultés à enseigner, mais elles tiennent au chômage de masse dont les familles de nos élèves souffrent tous les jours, aux discriminations dont ils sont victimes, à l’insuffisance de médecins, de logements décents en Seine Saint Denis. Nous refusons que ces difficultés soient instrumentalisées au profit d’un discours visant à stigmatiser la jeunesse de St Denis.

Entreprise idéologiquement réactionnaire enfin, parce que les discussions dûment transcrites entre les personnes auditionnées et les membres de la commission, dont nous avons pris connaissance sur le site du sénat, sont émaillées de propos qui ne laissent aucun doute sur les arrières-pensées politiques qui les sous-tendent. Nous n’ignorons pas ce qui a motivé la formation de cette commission, à savoir l’existence de propos antisémites ou de réactions d’hostilité lors de la minute de silence qui a suivi les attentats du 7 janvier. Mais nous n’enseignerions pas à St Denis si nous n’avions pas confiance dans nos élèves et s’ils n’avaient pas confiance en nous. Nous n’entendons pas confondre la formation des esprits, nécessairement complexe, émaillée de questionnements et de remises en cause, avec les symptômes d’une soi-disant désaffection républicaine généralisée. Nous accompagnons nos élèves dans la formation de leurs savoirs, condition de leur liberté, et refusons la mise au pas républicaine qui se profile . Nous nous honorons de former l’intelligence et la culture de futurs citoyens, libres d’adhérer aux valeurs de la République, capables d’en comprendre la portée, et même de les critiquer rationnellement. Et ce n’est pas en arrachant des foulards à l’université qu’on fera adhérer les enfants de la République à ses valeurs, c’est en protégeant la liberté de conscience de chacun, ce qui est l’objectif de la laïcité.

Nos élèves, anciens, actuels et à venir, sont la France, celle qui crée, celle qui partage, celle qui inspire, celle qui invente. Plutôt que de vous alarmer de la disparition d’une autorité qui, pourtant, sourd avec violence dans les rapports sociaux comme dans les représentations collectives que vous assignez à nos élèves, faites donc une place à cette jeunesse de notre république.

Merci de nous avoir écouté. Nous n’avons pas mandat pour répondre à vos questions.

Nous appelons tous les établissements scolaires qui seraient invités à participer à ce simulacre de dialogue à le refuser également. »

Des enseignant.e.s du lycée Paul Eluard, parmi lesquels les collègues élus du snes et de sud-éducation.

http://blogs.mediapart.fr/edition/aggio ... s-de-nos-e
Image------------ Demain Le Grand Soir --------- --------- C’est dans la rue qu'çà s'passe --------
Avatar de l’utilisateur-trice
Pïérô
 
Messages: 22436
Enregistré le: 12 Juil 2008, 22:43
Localisation: 37, Saint-Pierre-des-Corps

Re: la redaction de CHARLIE HEBDO decimée, et suites

Messagede bipbip » 08 Avr 2015, 00:50

La psychose post-Charlie touche aussi l’Institut des langues orientales
Un exemple de la manière dont nos vies sont transformées par la domination policière.
J’étudie l’arabe levantin à l’Inalco [1]. Depuis la fusillade dans les locaux de Charlie Hebdo, on nous a collé, comme dans nombre d’autres endroits, des chasseur-euse-s de pirates à l’entrée de l’établissement.

Jusqu’à aujourd’hui, j’ai accepté, comme l’écrasante majorité des étudiant-e-s, de montrer patte blanche à l’entrée, en ouvrant mon sac et en présentant ma carte d’étudiant-e (ou ma pièce d’identité les jours où j’avais oublié ma carte d’étudiant-e). En tirant la gueule bien sûr.

Tout le monde tire la gueule, mais tout le monde accepte. Comme on a accepté le fait que des hommes en camouflage patrouillent les rues avec un flingue en bandoulière depuis 20 ans ! [2]

Mais ce matin, j’ai oublié ma carte d’étudiant. Et là, à nouveau, devant la mine impassible de l’agente Securitas, mon sang ne fait qu’un tour. Je commence par dire calmement que je n’ai pas ma carte. Elle me rétorque qu’il faut que je présente une pièce d’identité et que j’inscrive mon nom sur un formulaire posé à côté d’elle.

Pas de pièce d’identité. Je lui dit que je n’ai pas de temps à perdre avec leurs fantasmes sécuritaires, qu’un attentat faisant dix morts tous les dix ans ne constitue pas une menace. Elle se braque, me bloque le passage, répète qu’il faut une pièce d’identité. Je me braque aussi, ras-le-bol de faire des concessions sur nos libertés tout le temps.

Elle appelle du renfort : deux mecs en rouge débarquent et bombent le torse, me répètent la même chose que leur collègue. Je suis soudainement infantilisé, réduit à mon statut de sujet. On me dit que c’est comme ça, que je n’ai pas le choix. Obéir, me plier à la sacro-sainte injonction de la loi anti-terroriste. Je ne me suis jamais senti en danger dans cette société, si ce n’est dans mon rapport conflictuel à l’État, mais là je dois intégrer les angoisses sécuritaires d’une majorité qui vit sa vie dans la peur de l’Autre.

Je leur dis qu’ils sont des robots, des petits soldats, qu’il n’y a rien qui justifie que je doive me soumettre à un contrôle de papiers pour aller en cours. Puis je me casse. Ma prof arrive, me convainc de revenir, dit qu’elle va essayer de me faire rentrer. On revient vers la petite soldate, qui reste imperturbable : "Il faut qu’il présente ses papiers". Je lui demande "Et les étudiants sans papiers, qu’est-ce qu’ils font dans ce cas, s’ils n’ont pas leur carte d’étudiant ?" Elle me répond : "Ils rentrent chez eux".

Tout est contenu dans cette réponse : accepte ou ferme ta gueule, intègre les règles ou reste chez toi.

Au final, la secrétaire du bureau des études arabes vient présenter mon certificat de scolarité. La petite soldate ne veut toujours pas céder, transférant sa responsabilité vers la sécurité de l’université, qui finit par accepter de me laisser passer, non sans me sermonner comme un collégien : "Il ne faut pas nous insulter. Si vous nous insultez, nous ferons un rapport et vous serez exclu de l’Inalco".

"Petits soldats", on fait pire comme insulte. Je décide de ne rien ajouter, je les laisse parler. Je me dis que je m’en fous royalement s’ils m’excluent de leur système de reproduction des élites. Tout ce que je veux, c’est apprendre l’arabe pour parler avec mes potes de Palestine et de Syrie. Pour certain-e-s, comme Alain Bauer [3], c’est sans doute déjà suspect.

Pendant ce temps, un défilé ininterrompu d’étudiant-e-s continue de passer docilement par le checkpoint de l’entrée, sans qu’à aucun moment qui que ce soit ne s’oppose à ce qui est déjà devenu une habitude.

C’est comme si tout le monde acceptait de nier l’évidence : les terroristes qui ont mené des actions en Europe ces vingt dernières années avaient quasiment tous des papiers européens en règle. Beaucoup étaient même nés en Europe. Celui ou celle qui voudra se livrer à une attaque en règle présentera donc gentiment ses papiers comme tout-un-chacun et cachera son arme sous ses habits. Aucun-e agent-e de sécurité ni aucun-e militaire en promenade n’y pourra rien changer...

Mais encore une fois, la raison d’État l’a emporté. Le désert gagne du terrain.


Notes

[1] I.n.a.l.c.o. institut national des langues et civilisation orientales au 65 rue des Grands Moulins paris 13° métro BFM, l.14

[2] Le plan vigipirate est en vigueur de manière continue depuis l’attentat de Villeurbanne le 8 septembre 1995.

[3] Alain Bauer est un conseiller en sécurité des gouvernements, enseignant en criminologie au CNAM et ami intime de Manuel Valls, qui contribue à vendre de la peur, notamment par le biais de bouquins qui caricaturent la réalité et livrent des analyses géopolitiques douteuses. Partisan de la prévention situationnelle, c’est notamment lui qui a, en 2007, acheté à tous les chefs de la DCRI des exemplaires de "l’insurrection qui vient" en les accompagnant d’une note les invitant à se méfier de l’ultra-gauche. C’était très peu de temps avant l’affaire Tarnac. Plus récemment, celui-ci affirmait, avec tout le professionnalisme qui le caractérise, que la plupart des djihadistes s’entraînaient sur "Call of Duty".

http://paris-luttes.info/a-l-inalco-aus ... hasse-2907
Avatar de l’utilisateur-trice
bipbip
 
Messages: 35413
Enregistré le: 10 Fév 2011, 10:05

Re: la redaction de CHARLIE HEBDO decimée, et suites

Messagede Pïérô » 10 Avr 2015, 13:16

Affaire Chazerans : Une décision ridicule du recteur !

Franchement si cette affaire n’avait pas tant de conséquences désastreuses sur ma vie personnelle, j’aurais encore bien ri lorsque j’ai lu la décision du recteur.

Déjà le rapport des inspecteurs de la vie scolaire du rectorat, la bêtise paraissait être une bonne blague. L’enquête pénale aussi était ubuesque. Bien-sûr, sur le coup, 8 heures de garde à vue et 5 heures d’interrogatoires ne m’ont pas vraiment fait marrer. Mais lorsque j’ai appris que le procureur avait classé l’affaire sans suite, le grotesque de la situation a repris le dessus et j’ai encore bien ri de cette bouffonnerie. Vu sa bassesse et sa bêtise, le communiqué du procureur, du niveau du rapport des inspecteurs du rectorat, niveau caniveau, était des plus hilarants. La commission de discipline, cette parodie de justice – rappelons qu’elle était présidée par le recteur, qui est juge et partie, qui nomme la moitié des membres de la commission et qui décide tout seul à la fin -, avait quelque chose d’incroyablement caricatural et surréaliste, vieillot aussi, digne des procès staliniens ! Encore une vraie bouffonnerie ! Et là, cerise sur le gâteau, cette décision grotesque du recteur !

Que m’y est-il reproché concernant ce fameux cours du 8 janvier ?

« – Considérant qu’il est établi, ainsi qu’il ressort, d’une part, du rapport du rapport de l’enquête administrative conduite par les IA-IPR d’établissements et vie scolaire et des témoignages recueillis, lors de cette enquête, auprès des élèves, d’autre part, des éléments communiqués par le procureur de la République de Poitiers dans sa lettre du 27 février 2015, qu’à l’occasion d’un cours dispensé à des élèves de terminale, le 8 janvier 2015, Monsieur Chazerans a instauré un débat portant sur l’assassinat des journalistes de Charlie Hebdo, lequel a opposé violemment deux groupes d’élèves, et que durant ce débat, il a notamment, devant les élèves caractérisé les journalistes de Charlie Hebdo de crapules ;

- Considérant que ce type de débat, a fortiori, lorsqu’il s’inscrit, ce qui était le cas en l’espèce, dans un contexte national et international particulièrement tendu, implique, ce que n’a pas fait ce professeur, non seulement un travail préalable de la préparation de la réflexion, mais aussi une organisation méticuleuse de l’argumentation et de la synthèse de la réflexion menée en concertation avec les élèves ;

- Considérant que ce type de débat, dès lors qu’il est organisé dans le cadre de la mission enseignante, doit avoir une finalité pédagogique, laquelle, contrairement à ce qui s’est produit en raison des propos tenus par ce professeur, ne saurait viser autre chose que l’apaisement des esprits par l’approfondissement des connaissances ;

- Considérant qu’en ayant organisé un tel débat, sans la moindre préparation, puis en ayant tenu en classe , de tels propos particulièrement inadaptés, eu égard au lourd contexte exposé ci-dessus, Monsieur Chazerans a commis des manquements graves aux obligations inhérentes à tout personnel enseignant ;

- Considérant également que les agissements de ce professeur ont porté atteinte, non seulement à l’image de la fonction enseignante, mais à celle du service public de l’Éducation nationale. »

Rappelons que je suis passé devant la commission de discipline pour faute grave puisque j’avais été suspendu 4 mois. Cette faute grave était d’avoir tenu des « propos inadéquats en classe ». Et là, le recteur me reproche dans sa décision, quasi-exclusivement, de n’avoir pas su organiser un débat philosophique et très accessoirement d’avoir tenu « des propos particulièrement inadaptés ». Car quels sont ces propos reprochés ? Ils se réduisent à un seul et unique propos : d’avoir « caractérisé les journalistes de Charlie Hebdo de crapules ». En fait de « propos », un seul mot : crapules ! Faute grave donc pour avoir employé à l’égard des dessinateurs de Charlie Hebdo, – qui étaient coutumiers de propos autrement plus provocants -, le mot « crapules » dans le sens de « petites crapules ». D’ailleurs aucun des élèves sauf un, n’a réagi à ce mot. Et, d’après les auditions contenues dans le dossier pénal aimablement fourni au rectorat par le procureur, l’élève à l’origine de l’affaire a mal compris ce que j’ai dit, elle a demandé à sa copine : c’est quoi « crapule » qui lui a répondu que c’étaient des « cons ». Elle n’a ensuite pas écouté ce qui a été dit !

Précisons que, lors de la commission de discipline, aucune question ne m’a été posée concernant l’emploi du mot « crapules ».

Donc les « propos » sont devenus un seul et unique mot qu’il n’est pas illégal de prononcer et, par conséquent, ce sont mes choix pédagogiques qui me sont reprochés. Mais mes choix pédagogiques ne sont pas des « propos » et ne peuvent m’être reprochés que par mon inspectrice pédagogique régionale, et ce seulement dans le cadre d’une inspection. Précisons là aussi qu’aucune question, non plus, ne m’a été posée lors de la commission de discipline concernant le débat en question. A-t-il vraiment « opposé violemment deux groupes d’élèves » ? Bien qu’il n’ai pas pu être « préparé », – comment aurait-il pu l’être d’ailleurs ? -, mes élèves n’étaient-ils pas « préparés » depuis le début de l’année à ce type de débat ? Je rappelle que le débat est le point central de ma méthode pédagogique, mise patiemment en place durant ces 20 dernières années. Mes élèves ont l’habitude de ces débats mis en place depuis le début de l’année scolaire, et celui du cours du 8 janvier dernier n’était pas différent des autres. En particulier ce débat, comme certains autres qui ont précédé, à suscité une bonne participation et des prises de positions fermes de la part des élèves mais en aucun cas il n’a été « violent ». Comment d’ailleurs aurait-il pu l’être puisque défendre une thèse en argumentant s’oppose à la violence de l’opinion. Certes des opinions violentes voire haineuse ont été exprimées ce jour-là par les élèves, en particulier qu’il fallait abattre les frères Kouachi comme des chiens, mais le débat à permis de les dépasser en les confrontant à des thèses argumentées.

Il faut donc en revenir à l’origine de l’affaire, à la saisine, comme dirait mon avocat. Mon chef d’établissement reçoit le 15 janvier dernier de le part d’un parent d’élève, une lettre de délation particulièrement malveillante, aux propos calomnieux et diffamatoires où il est écrit « Est-il normal que les professeurs défendent le terrorisme donnent leur opinion politique voire leur religion ? », et qui m’accuse d’avoir dit : « Les militaires envoyés dans les pays en guerre c’est de l’impérialisme » et « ces crapules de Charlie Hebdo ont mérité d’être tués ».

Évidemment, j’aurais été fautif si j’avais « défendu le terrorisme » et dit que « ces crapules de Charlie Hebdo ont mérité d’être tués ». Mais ni l’enquête administrative, ni l’enquête pénale ne conclut dans ce sens. Au contraire, dans le rapport de l’enquête administrative, il est écrit noir sur blanc que j’ai « déploré les meurtres ». Et l’enquête pénale à classé l’affaire sans suite. Je n’ai donc pas tenu les propos reprochés, ce qui était évident dès le début pour tout le monde, sauf l’élève et sa mère et… le recteur qui a lancé précipitamment une enquête administrative !

Il ne lui reste donc rien pour m’accuser d’une faute grave qui nécessitait une suspension de quatre mois, ce qui est clair dans sa décision puisqu’en fait de propos inadaptés, il m’est reproché d’avoir employé un seul mot, celui de « crapules ». Pourquoi alors me sanctionner quand même d’une mutation d’office sur la zone de remplacement départementale des Deux-Sèvres et me rattacher administrativement au Lycée Jean Moulin de Thouars ? Parce que les titulaires sur zones de remplacement pouvant être appelé à faire des remplacements dans les départements limitrophes, je suis de fait muté sur l’académie entière. Et le lycée de Thouars étant l’un des Lycées de la zone de remplacement des Deux-Sèvres les plus éloignés de Poitiers.

Je suis donc victime d’un véritable acharnement de la part du recteur. Prenant prétexte d’une seule lettre, qui plus est de délation, d’un parent d’une élève qui n’avait manifestement pas compris ni écouté ce qui a été dit, qui est même arrivée en retard la deuxième heure, et malgré l’« étonnement » de mon chef d’établissement, lance une enquête administrative. Il me suspend quand même malgré l’enquête qui n’est pas probante et même qui conclut que je n’aurais pas tenu les propos illégaux dont m’accusait la mère d’élève. Puis, il transmet le dossier au procureur de la république qui ouvre une enquête pour « apologie d’acte terroristes ». Enquête qui se termine par un classement sans suite. Et, le recteur ne s’arrête pas là, il maintient la commission de discipline. Rien, de probant et pour cause, à la commission de discipline concernant mes supposés « propos inadaptés » puisque je ne les ai pas prononcés, mais elle vote quand même une sanction. Et le recteur continue dans son acharnement, valide la sanction en me reprochant ma méthode pédagogique, et me mute d’office remplaçant sur l’académie, rattaché à l’un des Lycées de la zone de remplacement les plus loin de chez moi.

Billet publié dans Affaire, le 3 avril 2015, par Chaz

http://oclibertaire.free.fr/spip.php?article1664
Image------------ Demain Le Grand Soir --------- --------- C’est dans la rue qu'çà s'passe --------
Avatar de l’utilisateur-trice
Pïérô
 
Messages: 22436
Enregistré le: 12 Juil 2008, 22:43
Localisation: 37, Saint-Pierre-des-Corps

Re: la redaction de CHARLIE HEBDO decimée, et suites

Messagede Pïérô » 19 Avr 2015, 11:42

Emission l’Egregore du 13 Avril 2015

Philo et terrorisme 2

Après une lettre diffamatoire de dénonciation d’un parent d’une élève qui n’avait pas compris ; on rapport indigent des inspecteurs de la vie scolaire du rectorat ; Une suspension de quatre mois maximum ; 8 heures de garde à vue et 5 heures d’interrogatoires ; un dossier pénal classé sans suites par le procureur ; un communiqué étrange de ce dernier qui envoie son dossier pénal au recteur ; une commission de discipline pour faute grave, les « propos » sont devenus un seul et unique mot qu’il n’est pas illégal de prononcer : crapules !

Jean-François Chazerans, prof de philo à Poitiers, a été sanctionné quand même d’une mutation d’office sur la zone de remplacement départementale des Deux-Sèvres et rattaché administrativement au Lycée Jean Moulin de Thouars.

Des recours, dont un au tribunal administratif, sont en cours (résultat dans 2 ans environ…).

Une pétition de soutien est à signer http://petitionpublique.fr/PeticaoVer.aspx ?pi=P2015N47580

Jean-François est aussi militant et vient d’être condamné en tant que représentant du DAL Poitiers… Il a donc besoin d’argent…

à écouter : http://oclibertaire.free.fr/spip.php?article1671
Image------------ Demain Le Grand Soir --------- --------- C’est dans la rue qu'çà s'passe --------
Avatar de l’utilisateur-trice
Pïérô
 
Messages: 22436
Enregistré le: 12 Juil 2008, 22:43
Localisation: 37, Saint-Pierre-des-Corps

PrécédenteSuivante

Retourner vers France

Qui est en ligne

Utilisateurs parcourant ce forum : Aucun-e utilisateur-trice enregistré-e et 34 invités