la redaction de CHARLIE HEBDO decimée, et suites

Re: la redaction de CHARLIE HEBDO decimée 12 MORTS

Messagede bipbip » 01 Fév 2015, 02:23

Le père de l'enfant de 8 ans accusé d'apologie du terrorisme s'est exprimé devant les caméras. Son fils a déclaré en classe "qu'il était content des terroristes". Selon son père, Ahmed ne sait pas "ce qu'est le terrorisme". Il a dit ça "sur un coup de tête, ça lui est venu de lui-même" a-t-il expliqué. Le père d'Ahmed affirme avoir ensuite expliqué à son fils que ce qu'ont fait les terroristes "est un acte de barbare". Tout comme son fils, il a été entendu par la police.





et un autre :

Aisne : un enfant de 9 ans auditionné pour apologie du terrorisme
Un homme a porté plainte pour diffamation après l’audition le 15 janvier de son fils de neuf ans par la gendarmerie de Villers-Cotterêts (Aisne), accusé d'avoir crié «Allah akbar» pendant une minute de silence en hommage à Charlie Hebdo. Sauf que les soupçons pesant sur l’enfant «sont sur le plan de la matérialité des faits totalement infondés», a affirmé le procureur de Soissons, Jean-Baptiste Bladier.
... http://www.liberation.fr/societe/2015/0 ... me_1192527



Communiqué de la fédération Sud-Education du 31 janvier 2015
Non, un enfant de huit ans ne peut pas faire « l’apologie du terrorisme".

Huit ans. C’est l’âge d’un enfant convoqué au commissariat et entendu le 28 janvier par la police niçoise pour « apologie du terrorisme » au titre de propos tenus en classe.

Quels que soient les mots qu’a pu prononcer cet enfant, il est ahurissant de voir que l’institution y répond par une judiciarisation totalement disproportionnée.

Témoignant d’une vision policière de l’éducation, la ministre de l’Éducation nationale elle-même a soutenu publiquement cette manière de faire déclarant : « Je le dis avec force, non seulement cette équipe a bien fait de se comporter ainsi, mais son travail de suivi, et pédagogique et social, est une œuvre utile et je l’en remercie. »

Le 14 janvier, à l’Assemblée nationale, la ministre avait par ailleurs déjà fustigé les « trop nombreux questionnements » et les « questions insupportables » de certains élèves.

Notre conception de l’éducation est à l’opposé de ces postures autoritaires et répressives. Bien sûr que les échanges avec les élèves peuvent être difficiles, mais nous continuons de préférer y répondre par l’échange collectif et coopératif, le développement de l’esprit critique, la construction patiente d’une pensée autonome chez les élèves, la conviction et le raisonnement.

Cette escalade dans l’embrigadement de l’école publique doit maintenant cesser [1]


[1] Voir notre communiqué du 26 janvier 2015, « Après les tueries à Paris, le gouvernement veut embrigader l’école publique » : http://www.sudeducation.org/Apres-les-t ... is-le.html

http://www.sudeducation.org/Non-un-enfa ... t-pas.html
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Re: la redaction de CHARLIE HEBDO decimée 12 MORTS

Messagede abel chemoul » 01 Fév 2015, 07:04

Notre conception de l’éducation est à l’opposé de ces postures autoritaires et répressives. Bien sûr que les échanges avec les élèves peuvent être difficiles, mais nous continuons de préférer y répondre par l’échange collectif et coopératif, le développement de l’esprit critique, la construction patiente d’une pensée autonome chez les élèves, la conviction et le raisonnement.

Cette escalade dans l’embrigadement de l’école publique doit maintenant cesser [1]

Le plus consternant dans cette affaire, c'est de lire tous ces com' de prof gauchos qui hurlent à l'instrumentalisation politique de l'école par les gouvernants.

Faut-il leur rappeler que l'école publique est une émanation de l'Etat républicain, et que dans ce cadre, tous comme les Impôts, l'Intérieur ou l'Ecologie, l'Educ nat' est un ministère et à donc, de fait, un but de reproduction politique? en lisant ces com' on a l'impression d'une école dévoyée alors qu'elle remplie son rôle. Les profs de gauche confondent leurs convictions éducationnistes et le rôle de l'institution scolaire pour laquelle ils travaillent, qui vise à produire des citoyens, pas des révolutionnaires (encore heureux! quand on voit que les révolutionnaires mettent sur un pied d'égalité lutte de genre et lutte des classes, y a de quoi s'interroger sur la "construction de leur pensée autonome"!).
Si vous voulez un corps de métier dans lequel vos aspirations philosophiques et le rôle social de celui-ci sont en accord, il faut être pompiers camarades de SUD-educ!
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Re: la redaction de CHARLIE HEBDO decimée 12 MORTS

Messagede Pïérô » 01 Fév 2015, 13:33

Cela joue sur deux tableau, il me semble, car il est dit « Notre conception de l’éducation est à l’opposé de ces postures autoritaires et répressives. »



Poitiers, suspension de Jean-François Chazerans

Prof suspendu : nouveau préavis de grève au lycée Victor-Hugo
L'inquiétude des enseignants du lycée Victor-Hugo de Poitiers, réunis hier en intersyndicale, se traduit par le dépôt d'un préavis de grève pour jeudi 5 février. Ils demandent à être reçus par le recteur, et continuent de demander la réintégration du professeur de philosophie suspendu car suspecté d'apologie d'actes de terrorisme.
http://www.lanouvellerepublique.fr/Vien ... go-2203589

Prof suspendu : Jean-François Chazerans devant la commission disciplinaire
Suspendu à titre conservatoire pour 4 mois par le rectorat depuis le 21 janvier, le professeur de philosophie vient de recevoir une convocation pour passer devant la commission administrative paritaire d'académie réunie en formation disciplinaire le 13 mars prochain. Le motif indiqué sur la missive est le suivant : « propos inadéquats tenus en classe ». Jean-François Chazerans, qui dit toujours ignorer ce qu'on lui reproche exactement, aura accès à son dossier administratif le 15 février.

Mise à pied d’un professeur à Poitiers : la philosophie est-elle dangereuse pour la laïcité ?

Un professeur de philosophie de Poitiers, Monsieur Jean-François Chazerans, a été mis à pieds. Il lui est reproché d’avoir perturbé une minute de silence à laquelle il dit n’avoir pas assisté. Retour sur ce qui l’opposait à l’inspection générale de philosophie.

Jean-François Chazerans, a été mis à pieds pour quatre mois. Il est même question de mettre fin à sa carrière. Il lui est reproché d’avoir perturbé une minute de silence à laquelle il affirme n’avoir pourtant pas assisté, n’étant pas présent dans l’établissement. Retour sur ce qui l’opposait à l’inspection générale de philosophie et aux élus locaux.

Jean-François Chazerans peut être qualifié de professeur « engagé » [1] . C’est à dire qu’il a fait de la philosophie un art de vivre, une pratique qu’il porte dans les classes et dans les quartiers. Il a ainsi multiplié les interventions auprès des plus jeunes, et été directeur du centre socio-culturel des trois cités à Poitiers.

Son éviction, sous un motif qu’il conteste et qui ne lui a pas même été clairement signifié, fait suite à quelques désaccords avec la hiérarchie. Nous vous proposons en rappel deux de ces désaccords.

La philosophie à l’école, une pratique dangereuse ?

Le premier concerne directement sa hiérarchie au sein de l’éducation nationale. Jean-François Chazerans eut ainsi la mauvaise idée de s’opposer frontalement à Jean-Yves Chateau, inspecteur général de philosophie. Celui-ci avait eu la bonne idée de mettre les pendules à l’heure en écrivant que les pratiques philosophiques à l’école sont dangereuses. D’abord, parce qu’elles conduisent, en usurpant le nom même de philosophie pour qualifier des activités dogmatiques à teneur idéologique, à dénaturer un authentique enseignement philosophique. Ensuite, parce que de telles activités conduisent à « démoraliser » les enfants et contredisent le principe de laïcité.

Ce à quoi s’était opposé Monsieur Chazerans [2], défendant ainsi et la philosophie et son métier, contre ceux qui sont censés en être les garants.

Sur le fond, est-il normal dans cette république qui se réclame de Voltaire à tours de bras, d’affirmer que la philosophie à l’école est dangereuse pour le principe de laïcité ? Ce principe, brandi à tort et à travers, n’est-il pas devenu le cheval de Troie d’une classe dirigeante qui veut à tout prix étouffer toute pensée critique ? A chacun de juger ! Se pose tout de même la question de savoir quelle école nous voulons : une école où aucun débat n’est possible est-elle une école digne des valeurs de la République ? [3]

Un forum anti-repression interdit : vous avez dit « liberté d’expression » ?

Ensuite, en tant que président du centre socioculturel des trois cités [4], monsieur Chazerans a été contraint de démissionner. Il avait eu la mauvaise idée d’autoriser la tenue d’un forum anti-répression dans le centre. Une élue lui avait en effet signifier que si le forum avait lieu, la subvention de 60 000 euros serait supprimée. [5]

En homme intègre, Jean-François avait alors démissionné : “A titre personnel, parce que ma liberté de conscience et d’expression est censurée ; au titre de président, pour protéger le centre socioculturel.”

Qu’en conclure ?

Outre ses engagements, ce professeur a publié nombre d’articles [6] , où il dénonce l’inégalité homme-femme et les arguments des oppresseurs, ainsi que l’obscurantisme de tous bords. Qu’en conclure ? Sinon que la laïcité est devenu un argument en faveur de la mort de la pensée à l’école ? Sinon que la lutte antiterroriste sert désormais de prétexte pour éliminer toutes personnes engagées pour l’émancipation ? Les heures qui viennent, loin de restaurer les valeurs d’une république moribonde, laissent présager une chasse aux sorcières digne des régimes que l’on dénonce ailleurs comme totalitaires.


Notes

[1] http://www.chazerans.fr/experiences/

[2] http://webcache.googleusercontent.com/s ... clnk&gl=fr

[3] Voir sur cette question les récentes déclarations de la ministre Najat Vallaud-Belkacem : « Même là où il n’y a pas eu d’incidents, il y a eu de trop nombreux questionnements de la part des élèves. Et nous avons tous entendu les « Oui je soutiens Charlie, mais », les « deux poids, deux mesures », les « pourquoi défendre la liberté d’expression ici et pas là ? » Ces questions nous sont insupportables, surtout lorsqu’on les entend à l’école, qui est chargée de transmettre des valeurs »

[4] http://www.3cites-csc86.org/wordpress/

[5] http://www.antirep86.fr/2010/11/16/le-c ... -16112010/ .

[6] http://www.chazerans.fr/publications/

https://larotative.info/mise-a-pied-d-u ... a-813.html
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Messagede sebiseb » 01 Fév 2015, 14:14

Dès l'appel à la manif' du 11 janvier - ce grand rassemblement républicain d'unité nationale - les prémices de lois liberticides pointaient leur nez ! Il n'aura pas fallu longtemps à l'état pour sanctionner sans discernement dans l'élan d'émotion, l'autorité fait parler la répression !
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Re: la redaction de CHARLIE HEBDO decimée 12 MORTS

Messagede JPD » 01 Fév 2015, 20:39

Communiqué de presse unitaire. Une sanction qui fait reculer la liberté d’expression


La mesure disciplinaire visant un enseignant de philosophie du lycée Victor Hugo, à Poitiers, décidée par le rectorat, suite à un soi-disant comportement indigne lors de la minute de silence (en mémoire aux victimes de la tuerie, d’il y a quinze jours) est inique et injustifiée.

Par cette sanction administrative et l’éventuelle poursuite judiciaire - sans que l’intéressé en connaisse la raison, comble de mépris -, le recteur, représentant politique du gouvernement actuel, veut faire un exemple à l’encontre d’un enseignant dont l’indépendance d’esprit doit le chagriner depuis bien longtemps. Il est scandaleux qu’il soit sanctionné pour la seule raison qu’il n’aurait pas tenu comme il faut le garde-à-vous lors de cette journée de la minute de silence. On voit déjà où mène le patriot act à la française de Valls et consorts.

Oui, on peut être révulsé par les attentats des intégristes – et Jean-François Chazerans, bien connu du milieu associatif et politique poitevin, est à mille lieux de soutenir ces actes barbares – sans pour autant être prêt à marcher du même pas que les gouvernants qui bombardent à droite, à gauche, au gré des intérêts du capital français, et sans se reconnaître dans la brochette des Nétanyahou, Bongo et consorts. Un prof de philo peut, peut-être, faire réfléchir et s’exprimer ses élèves plus efficacement en ne s’en tenant pas à un silence lourd d’ambiguïtés.

En affichant « Je suis Charlie », lors d’une récente réunion avec les chefs d’établissements de l’académie, le recteur montre, par cette sanction, le peu de cas qu’il fait de la liberté d’expression qu’il prétend promouvoir.

Poitiers, le 25 janvier 2015

Organisations signataires :

Ensemble, Jeunes Écologistes, Lutte Ouvrière, Nouveau Parti Anticapitaliste, comité contre la répression des mouvements sociaux, Organisation communiste libertaire....


-----

manif 200 personnes - initiatives en cours en lien avec d'autres procès et condamnations en cours à Poitiers
et

L'acharnement administratif et policier contre un prof de Poitiers ne passera pas !


Depuis le 7 janvier, les procédures pour « apologie d'acte terroriste » se sont multipliées en France, avec des condamnations en comparution immédiate si sévères qu'elles commencent à soulever un questionnement même dans certains médias sur le caractère expéditif de cette « justice ». Dans les établissements scolaires, on recensait à la fin du mois 200 incidents se rapportant plus ou moins à l'attentat contre Charlie Hebdo et ses suites – et un professeur de Mulhouse avait été suspendu pour avoir fait circuler en classe des caricatures montrant Mahomet nu, une sanction levée le 22.
Jean-François Chazerans, professeur de philosophie à Poitiers, vient quant à lui d'être suspendu pour quatre mois sur l'accusation d'avoir tenu des propos « inadéquats » à ses élèves lors de la sacro-sainte journée Marseillaise et minute de silence. Ces propos auraient été tenus dans sa classe puisqu'il n'était pas présent aux cérémonies consensuelles.
L'objectif de faire passer Chazerans pour un proterroriste ne peut que paraître parfaitement grotesque à quiconque le connaît, notamment pour avoir milité avec lui sur d'innombrables luttes et dans de multiples collectifs – comité contre la répression des mouvements sociaux poitevin, DAL, comité de soutien aux sans-papiers et aux familles de Roms… Mais ce sont en fait là autant d'activités que le commissaire Papineau (le shérif de Poitiers récemment muté à Caen), les autorités préfectorales et le rectorat ont eu à cœur de châtier par tous les moyens ces dernières années. De plus, Chazerans aggrave son cas car s'il n'a évidemment pas la moindre sympathie pour les djihadistes, il n'enseigne pas pour autant à gober tout ce que l'école enseigne, mais vise bien plutôt à ouvrir les esprits de façon à apprendre à réfléchir afin de se faire une opinion autonome.
Décidément, l'occasion était trop belle pour un règlement de comptes, ont pensé certains – mais, hélas pour eux, une solidarité très large s'est aussitôt manifestée envers Chazerans, à l'initiative d'élèves, de collègues et de camarades : rassemblement de soutien avec 200 personnes, pétition en ligne avec 4 000 signatures à ce jour, préavis de grève lancé par l'intersyndicale des enseignants de son lycée pour le 5 février…
A l'heure qu'il est, nous ne savons pas s'il sera poursuivi pour « apologie de terrorisme », mais nous exigeons sa réintégration dans l'éducation nationale (un conseil de discipline doit statuer le 13 mars sur « la suite de sa carrière »). Et, de même, l'arrêt des autres procès en cours sur Poitiers, où les peines d'amende et les frais d'avocat pleuvent de nouveau.

Solidarité avec Jean-François Chazerans
ainsi qu'avec les militants du DAL et du comité antirépression poursuivis !

OCL-Poitou
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Re: la redaction de CHARLIE HEBDO decimée 12 MORTS

Messagede Pïérô » 03 Fév 2015, 03:23

Pétition
Réintégration du professeur de philosophie de Poitiers : http://www.petitionpublique.fr/?pi=P2015N47300


Le Monde Libertaire Numéro spécial Charlie, supplément gratuit au n° 1762, 22 janvier 2015,
téléchargeable PDF : https://cerclelibertairejb33.files.word ... ie_web.pdf
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Re: la redaction de CHARLIE HEBDO decimée 12 MORTS

Messagede bipbip » 04 Fév 2015, 03:52

Article publié dans « Communisme-Ouvrier n°51 » , bulletin de l’Initiative Communiste-Ouvrière :
Après les attentats terroristes à Paris

L’attentat contre les locaux de Charlie Hebdo a fait douze morts le 7 janvier : les dessinateurs Cabu, Charb, Honoré, Tignous et Wolinsky, les journalistes Elsa Cayat et Bernard Maris, Michel Renaud invité de la rédaction, l’ouvrier de maintenance Frédéric Boisseau, les policiers Franck Brinsolaro et Ahmed Merabet et le correcteur Mustapha Ourrad. Ensuite, le 8 janvier, c’est la policière municipale Clarissa Jean-Philippe qui a été tuée, suivie le 9 janvier des clients du supermarché casher de la Porte de Vincennes à Paris, Philippe Braham, Yohan Cohen, Yoav Hattab, et François-Michel Saada abattus parce que Juifs. A l’horreur d’une tuerie motivée par l’obscurantisme religieux et le racisme, s’ajoute une émotion d’autant plus forte chez les progressistes que Charb, Cabu, Honoré, Tignous et Wolinsky se sont à plusieurs reprises engagés au côté des travailleurs en lutte et des sans-papiers. Bien des dessins ont illustré et continueront d’illustrer des affiches, des tracts, des bulletins et des articles, dans les combats syndicaux, anti-militaristes, anti-racistes ou féministes. Mais au-delà des opinions politiques, nous rappelons une fois encore notre attachement à la liberté d’expression, y compris le droit au blasphème, et le droit de se moquer des « valeurs sacrées » des religions et de la patrie, des livres sacrés et des hymnes nationaux, des prophètes, généraux, papes, chefs d’Etat, etc.

Des centaines de milliers, des millions de personnes, en France comme à l’étranger, se sont levées et ont manifesté suite aux tueries, indignées par les meurtres, par l’obscurantisme et l’antisémitisme. Il est à noter que les premières manifestations, dès le 7 janvier, étaient appelées par des organisations de défense des droits humains, des associations anti-racistes et des organisations syndicales, souvent à l’initiative de sections syndicales de la presse relayées par leurs structures interprofessionnelles. Quelles qu’aient été les récupérations politiciennes qui ont suivi, il convient de rappeler que les journalistes et dessinateurs assassinés luttaient à leur manière contre l’ordre social actuel ou du moins certains de ses aspects comme le cléricalisme, le militarisme, les attaques patronales ou l’extrême-droite. En clair, l’attentat du 7 janvier était un attentat commis par des obscurantistes religieux, au nom d’une idéologie d’extrême-droite, contre un journal de gauche. Quant à la tuerie du 9 janvier, il s’agissait clairement d’un crime antisémite.

Si le soir même nous avons condamné l’attentat, si nos camarades d’Iran et du Kurdistan, qui luttent depuis des décennies contre l’obscurantisme religieux, ont témoigné de leur soutien, nous avons aussi immédiatement dénoncé les appels à « l’unité nationale » du gouvernement et des politiciens de gauche comme de droite. Un seul exemple montre combien « l’unité nationale », l’unité entre ouvriers et patrons, est illusoire ; combien il serait naïf et suicidaire de penser qu’à un moment ou à un autre, il n’y aurait plus d’opposition de classes entre exploités et exploiteurs, c’est celui du magasin Aldi de Dammartin-en-Goële. Les salariés qui y travaillent ont été évacués par le GIGN le 9 janvier 2015. Et bien, sans une intervention syndicale médiatisée, la direction d’Aldi aurait forcé ces travailleurs à rattraper les heures où ils étaient absents suite à l’évacuation. Quel qu’en soit le prétexte, « l’unité nationale » c’est toujours trimer en fermant sa gueule pour les ouvriers… pour le plus grand profit des patrons.

Et depuis les sommets de l’Etat, c’est encore bien plus qu’une unité nationale qui a été promue, mais une unité hypocrite de tout ce que ce monde capitaliste produit comme assassins, militaristes, dictateurs et réactionnaires. A la « marche républicaine » de Paris, on trouvait non seulement Hollande, Valls et un Sarkozy qui sautillait pour être vu sur les photos, mais aussi Nétanyahou, un des responsables des bombardements meurtriers de cet été sur la Bande de Gaza. « Pour la liberté de la presse », on trouvait le chef de la diplomatie russe Sergueï Lavrov, représentant le régime qui a fait assassiner la journaliste Anna Politkovskaïa. Et c’est ainsi que les représentants d’Etats comme l’Egypte, la Russie, la Turquie, l’Algérie et les Emirats Arabes Unis ont défilé « pour la liberté d’expression » alors qu’ils sont respectivement 159e, 148e, 154e, 121e et 118e sur 180 du Classement mondial de la liberté de la presse. Viktor Orban, le chef d’Etat hongrois, faisait aussi partie des invités alors que son régime restreint la liberté d’expression et lance des milices fascistes du Jobbik contre les Rroms. Le dictateur gabonais Ali Bongo était là aussi. Et peut-être, Petro Porochenko, président ukrainien, a pu en profiter pour papoter avec le représentant de l’Etat russe et commenter comme d’autres commentent un match de foot, les massacres commis au nom de leurs Etats respectifs par les bandes nationalistes à l’Est de l’Ukraine. Sans gêne, on trouvait aussi, « contre le terrorisme », le premier ministre turc Ahmet Davutoglu, représentant d’un Etat complice de Daesh au Kurdistan. Il y avait même le représentant de la diplomatie saoudienne, cet Etat le plus obscurantiste du monde, où le blogueur Raïf Badaoui a été condamné à 1000 coups de fouet en public pour ses critiques du régime réactionnaire des Saoud ! Finalement, il ne manquait plus que Al-Assad, Kim Jong-un et Khamenei pour que tous les régimes les plus répressifs et liberticides de la planète soient invités par l’Etat français à une « marche pour la liberté d’expression » !

Et comme les réactionnaires s’alimentent mutuellement, aux crimes de sympathisants de Daesh et d’Al-Qaïda répondent les appels aux crimes de l’extrême-droite raciste et nationaliste européenne. Le 12 janvier 2015, la presse recensait déjà une cinquantaine d’actes racistes, attaques contre des mosquées, des kebabs ou des personnes « considérées comme musulmanes », y compris des attaques à l’explosif, et il est heureux qu’à l’heure où ces lignes sont écrites, nous n’ayons pas à déplorer, en France, des morts ou des blessés graves suite à ces agressions qui alourdiraient encore le bilan des 7, 8 et 9 janvier. Les assassinats commis par la NSU en Allemagne ou les massacres de Breivik en Norvège sont là pour rappeler qu’en matière de meurtres, d’assassinat et de terrorisme l’extrême-droite raciste et nationaliste européenne ne vaut pas mieux que l’extrême-droite islamiste.

Racistes et islamistes ont d’ailleurs un même programme, et avant tout celui de diviser l’humanité sous les fausses identités « nationales » ou « religieuses ». Qu’il s’agisse de sympathisants de Daesh ou de néo-nazis, des identitaires ou des talibans, des fans de la République Islamique d’Iran ou de ceux de Marine Le Pen, des supporteurs de la LDJ, des nostalgiques de Pétain ou des admirateurs du Hamas, rien n’est plus détestable pour les réactionnaires que les « couples mixtes », rien des plus haïssable que l’unité des travailleuses et des travailleurs, et des humains en général, au-delà des fausses barrières racistes, nationalistes ou religieuses. C’est d’ailleurs ce que l’on peut trouver écrit noir sur blanc tant dans les livrets de formation des identitaires que dans des textes théoriques de djihadistes.

Juste après l’attentat, Sarkozy, commençant par déclarer ne pas vouloir faire « d’amalgame » de la même façon qu’avant de sortir une ignominie les xénophobes commencent souvent par « je ne suis pas raciste, mais », a déclaré qu’en matière de terrorisme l’immigration « complique les choses ». Notons à ce propos qu’un site néo-nazi, après avoir répertorié soigneusement les origines et opinions des victimes de l’attentat (parents « étrangers », personnes de peau noire, origines juives, « gauchistes »,…) selon les critères de fichage raciste, n’a décerné le titre de « bon français » qu’à une seule des 17 victimes. Rappelons aussi que sans le courage de Lassana Bathily, salarié du magasin de nationalité malienne au moment des faits (il a depuis obtenu la nationalité française) et ancien sans-papiers, le bilan de la prise d’otage du supermarché casher aurait pu être beaucoup plus lourd. Lassana Bathily, avait d’ailleurs failli être expulsé à sa majorité et ce n’est que grâce à la mobilisation de RESF qu’il a pu rester en France.

Face aux réactionnaires, aux racistes, aux obscurantistes, face aux politiques de chasse aux sans-papiers, aux tenants du choc des civilisations et à tous ceux qui tentent de faire croire que le Bosphore ou la Méditerranée diviseraient le monde, il est plus que jamais nécessaire de réaffirmer contre la barbarie de ce monde, le monde capitaliste d’aujourd’hui, nos principes, ceux de l’universalité des droits humains, de l’émancipation humaine, du socialisme.

Plus que jamais, nous devons lutter contre le racisme et l’obscurantisme religieux. Nous devons aussi nous rappeler que les premières et principales victimes de l’intégrisme islamiste, ce sont justement les populations d’Afrique, du Moyen-Orient ou du sous-continent indien. Au Nigeria par exemple, ce sont peut-être 2.000 personnes qui ont été massacrées par les bandes armées réactionnaires de Boko Haram début janvier 2015. En Syrie et en Irak, dans la zone contrôlée par Daesh, c’est une atrocité génocidaire que vivent les minorités religieuses, les femmes, les progressistes et finalement l’ensemble des habitants. En décembre, une attaque des Talibans contre une école au Pakistan a fait une centaine de morts dont 80 enfants. On pourrait multiplier les exemples, en Algérie, en Afghanistan, en Iran, au Soudan, en Somalie ou ailleurs. Et rappeler, enfin, que les groupes, partis et régimes obscurantistes ne sont pas tombés du ciel. C’est avec le soutien de la bourgeoisie iranienne, mais aussi de la BBC et de bien des gouvernements occidentaux, que Khomeiny a pu prendre le pouvoir en Iran pour liquider les aspirations à la liberté et à l’égalité d’un peuple révolté par la dictature du Shah. Les Talibans, puis Al-Qaida, ont longtemps été financés, armés et entraînés par la CIA et les services secrets pakistanais qui avaient besoin d’une bande armée pendant la guerre contre l’URSS en Afghanistan. La guerre, l’occupation et la politique de « fédéralisation » en trois zones (chiite, sunnite et kurde) de l’Irak a favorisé l’implantation de bandes armées sectaires. Daesh a bénéficié du soutien financier de milliardaires saoudiens, des Emirats Arabes unis ou du Qatar, ainsi que la complicité du régime d’Erdogan. Pour leurs intérêts économiques, géopolitiques et stratégiques, les différents Etats s’affrontent dans des guerres sanglantes à travers le monde, bombardant des villes et des villages d’une façon qui n’est pas moins meurtrière et barbare que les attentats terroristes, ou favorisant telle ou telle bande armée.

Pour en finir avec les groupes terroristes comme Daesh ou Al-Qaïda, ce n’est pas sur des interventions militaires qu’il faut compter, bien au contraire, mais sur la population des pays d’Afrique, du sous-continent indien et du Moyen-Orient, qui, comme nous en Europe, aspirent au bien-être, à la liberté et à l’égalité. Partout dans ces pays, les travailleuses et les travailleurs luttent pour leurs salaires, les conditions de travail et leurs libertés syndicales. Les femmes se révoltent contre la misogynie des intégristes et les vieilles traditions patriarcales, et sont, comme à Kobanê ou au Nigeria, en première ligne et les armes à la main contre les fanatiques religieux. En Arabie Saoudite, elles se battent pour avoir le droit de conduire, en Iran, elles rejettent le voile de l’oppression. Partout, y compris dans les régimes les plus obscurantistes, comme en Arabie Saoudite ou en Iran, des jeunes et des moins jeunes, des femmes et des hommes, se dressent pour revendiquer leur droit au bien-être, à la liberté et à l’égalité.

Peu après les attentats du 11 septembre, Mansoor Hekmat disait « Mettre fin au terrorisme est notre tâche. C’est notre tâche, car nous luttons pour l’égalité, les droits et la dignité des gens. Le terrorisme d’Etat finira avec la mise à bas des États terroristes. Le terrorisme non-étatique sera éradiqué en mettant fin aux épreuves de discrimination, d’exploitation et de privation qui mènent les gens au désespoir et en font la proie des organisations réactionnaires et inhumaines. Il peut être éradiqué en dénonçant la religion, l’ethnicisme, le racisme et toutes les idéologies réactionnaires, qui n’ont aucun respect pour les gens. Notre réponse, c’est de nous battre pour une société libre, ouverte et égalitaire, dans laquelle les gens, leur vie, leur dignité et leur bien-être sont valorisés. » Et mener ce combat, c’est aussi mener les luttes nécessaires dès aujourd’hui en Europe face aux attaques anti-ouvrières du MEDEF et du gouvernement, c’est aussi refuser les restrictions de nos droits et libertés au nom de la lutte contre le terrorisme.

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Re: la redaction de CHARLIE HEBDO decimée 12 MORTS

Messagede Pïérô » 06 Fév 2015, 02:41

« Je sépare la classe en deux. Karim et les autres »

Souvent, le djihadiste est sous notre nez. On ne le voit pas ou plutôt, on feint de ne pas le voir. Ça ne suffit pas de dire « Je suis Charlie », il faut agir, mettre de côté les bons sentiments.

Moi, c’est Myriam, prof dans un petit collège rural. Tous les matins, je vois ces gamins qui ne veulent pas être Charlie, qui choisissent le camp de Daech. Je ne veux pas être celle que l’on viendra interviewer après une attaque au bazooka dans un Conforama. Qui débitera des conneries bras croisés devant la caméra, du genre :
« Oui, je connaissais Abdel, on partageait la même passion pour Clovis Cornillac. »

Le djihadisme s’attrape gamin. La maladie se déclare plus tard, mais le virus est là. J’ai décidé de faire de la prévention. Avec mes armes. Mon instinct et un téléphone portable pour signaler tous les cas suspects aux autorités compétentes. Mon mari dit que je suis une grosse balance. Que je suis devenue dingue. Il n’a que le Bafa. Ces choses le dépassent.

... http://rue89.nouvelobs.com/2015/02/04/s ... res-257512




Le droit de l’enfant d’être « con » (1)

Dans cette phase post-drame, on a entendu parler des réticences dans certains établissements scolaires à respecter la minute de silence en hommage aux dix sept morts de la semaine sanglante (20 si l’on compte les trois dangereux crétins qui se sont précipités dans cette aventure criminelle).

Des gosses n’auraient pas respecté le recueil national et auraient, par la parole, fait «l’apologie du terrorisme». C’est ainsi qu’un gamin de 8 ans s’est retrouvé au poste de police pour avoir dit en classe être «avec les terroristes», un autre de 9 ans qui aurait lancé un «Allahou Akbar» au moment de la minute de silence, un de 17 ans poursuivi pour avoir lancé à des policiers cette ouverture de la prière que l’on entend dans toutes les mosquées... qui, certes, a été répétée par les frères Kouachi au moment de leur crime... ou encore une gamine de 14 ans qui aurait «menacé» des contrôleurs de tramway de «sortir les kalachnikovs».

... http://jprosen.blog.lemonde.fr/2015/02/ ... tre-con-1/

[1] http://rue89.nouvelobs.com/2015/01/20/a ... son-257212
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Re: la redaction de CHARLIE HEBDO decimée 12 MORTS

Messagede Pïérô » 07 Fév 2015, 16:19

Témoignage vidéo de Ahmed 8 ans et de son père

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Re: la redaction de CHARLIE HEBDO decimée 12 MORTS

Messagede bipbip » 08 Fév 2015, 12:27

Je suis...

Nous sommes nombreux et nombreuses à ne pas nous reconnaître dans ce slogan de publicitaire (« Je suis Charlie »), à ne pas jouer le jeu de l’indignation sélective, et à refuser l’injonction à rejoindre une « Union nationale » hypocrite derrière la classe politique, les éditocrates et la police française. Et nous sommes tout aussi nombreux et nombreuses à vouloir témoigner notre solidarité avec celles et ceux qui subissent le racisme, les discriminations, les violences économiques et la répression qui ne cessent d’augmenter : les musulman.e.s, les immigré.e.s, les jeunes des quartiers populaires.

Pour faire entendre une autre parole sur les enjeux, les causes et les conséquences des attentats de Paris, une série d’affiches a été réalisée et collée dans Grenoble et son agglomération.


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Les 4 affiches en PDF
. http://grenoble.indymedia.org/IMG/pdf/a ... nt_v2_.pdf
. http://grenoble.indymedia.org/IMG/pdf/a ... xe_v2_.pdf
. http://grenoble.indymedia.org/IMG/pdf/a ... be_v2_.pdf
. http://grenoble.indymedia.org/IMG/pdf/a ... pe_v2_.pdf

http://grenoble.indymedia.org/2015-02-02-Je-suis
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Re: la redaction de CHARLIE HEBDO decimée 12 MORTS

Messagede Béatrice » 14 Fév 2015, 20:02

Fusillade à Copenhague lors d'un hommage à « Charlie Hebdo ».

Une personne de 40 ans a été tuée dans la fusillade, a annoncé la police danoise.

http://www.lemonde.fr/europe/article/20 ... _3214.html
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Re: la redaction de CHARLIE HEBDO decimée 12 MORTS

Messagede bipbip » 15 Fév 2015, 02:37

Massacre du 7-9janvier : Solidaires malgré l’union sacrée

Il y avait de quoi avoir la nausée, après le 7 janvier : nausée du sang versé par les fanatiques, nausée de l’instrumentalisation républicaine et tricolore, nausée de la déferlante islamophobe… Face à l’hystérie « antiterroriste », les temps s’annoncent difficiles, et il faut par-dessus tout rester lucide.

La tragédie aura été exceptionnelle. Par sa violence, par son ampleur, mais aussi, hélas, par les oripeaux grotesques dont on l’a affublée. Tragique, l’assassinat de 17 personnes par trois djihadistes entre le 7 et le 9 janvier, soit parce qu’elles avaient « insulté le Prophète » soit parce qu’elles étaient juives. Tragique, la mort de plusieurs des dessinateurs les plus réputés du pays. Tragique, la récupération politicienne éhontée qui s’est ensuivie, derrière l’« union nationale » Hollande-Sarkozy. Tragique, cette défense de «  la liberté  » par un défilé d’émissaires d’États qui la répriment constamment  [1] ou qui mènent des guerres impérialistes sans fin [2]. Tragique, la messe à Notre-Dame pour mieux enterrer ces farouches anticléricaux. Tragique, La Marseillaise et les drapeaux tricolores déployés pour draper la mort de ces antipatriotes de toujours. Tragique, la phénoménale opération de marketing bien-pensant autour du slogan « Je suis Charlie » affiché dans les entreprises, sur les panneaux du périphérique parisien et jusqu’au fronton du Nasdaq, à Wall Street.

Les survivants de Charlie Hebdo n’ont pas été dupes. Willem a refusé de défiler le 11 janvier, avec des personnalités qui « représentent tout ce contre quoi nous sommes ». Laurent Léger a regretté : « Cela aurait été mieux que Charlie n’y soit pas, on a été touchés dans notre chair et nous voilà associés à tous ces politiques. » Luz a défilé, mais en avouant son malaise : « Comme disait la caricature de Cabu, ce n’est pas simple d’être suivi par des cons, du genre Angela Merkel… Chacun peut récupérer ce qu’il veut dans un symbole, mais on ne peut pas récupérer notre travail. » [3]

Divergences de vues

Il faut prendre un peu de recul, faire abstraction de tout ce spectacle consternant pour retrouver le sens premier de l’émotion qui a frappé le pays le 7 janvier. Une peine égale pour toutes les victimes, qu’elles soient anonymes ou connues. Une peine sincère, malgré les divergences de vues qu’on pouvait avoir avec Charlie Hebdo.

En effet, cela faisait une quinzaine d’années que l’hebdomadaire satirique avait perdu une bonne partie de son lectorat d’extrême gauche. Même s’il faut se garder d’amalgamer l’ensemble d’une rédaction à un éditocrate, la dérive droitière de Philippe Val y était pour beaucoup. Soutien à ­l’Otan au Kosovo en 1999, ralliement au néolibéralisme, campagne fébrile en faveur de la Constitution européenne en 2005, licenciement misérable de Siné en 2008, tout cela en posant au philosophe, la bouche pleine de Montaigne ou de Voltaire… Cette « béachèlisation » accélérée a été suffisamment documentée pour qu’on n’y revienne [4].

Le départ de Val en 2009, suite à sa nomination à la direction de France Inter – avec l’assentiment du président Sarkozy –, avait permis d’aérer le journal, désormais dirigé par Charb et Riss.

Satire de l’islam et grincements de dents

Restait néanmoins un sujet de malaise, récurrent depuis l’affaire des caricatures de Mahomet en 2006 : la satire de l’islam [5]. Charlie Hebdo attaque toutes les religions, les supers­titions et les sectes, s’efforçant de saper les mythologies et de désacraliser les prophètes. Et il est bien dans son rôle de le faire. Mais, dans un contexte européen d’islamophobie tantôt latente, tantôt ouverte, où cette religion particulière est perçue comme un « ennemi de l’intérieur », la satire de l’islam par Charlie Hebdo a souvent laissé un goût amer au lectorat antiraciste. Et les critiques se sont accumulées, parfois portées par d’anciens collaborateurs [6].

En dehors de ce sujet de friction qui avait aliéné au journal bien des sympathies, ses auteurs continuaient à soutenir les luttes sociales, notamment celles des travailleuses et travailleurs migrants, et des sans-logis [7], et laissaient toutes les feuilles de chou syndicales ou révolutionnaires se servir allègrement dans leurs dessins… Ce fut encore le cas récemment, avec une affiche d’Alternative libertaire ornée d’un dessin de Tignous.

Solidarité et action critique

AL, justement. Dans la foulée du massacre, l’organisation a témoigné de sa douleur, et a condamné par avance les attentats islamophobes qui ne manqueraient pas de survenir au titre de « représailles » [8]. Ensuite sont venues les manifestations monstres du 11 janvier, initiées par les organisations antiracistes, mais transformées par le gouvernement en « marche républicaine » d’union sacrée… Les organisations anticapitalistes se sont publiquement démarquées de cette mascarade [9].

Cependant la politique d’AL n’est pas de tourner le dos aux mouvements de rue, mais d’essayer de s’y faire entendre. Dans plusieurs villes, l’organisation est donc intervenue en marge des manifestations, seule ou avec d’autres, pour donner son point de vue [10], voire impulser des rassemblements alternatifs « hors union sacrée ». Cela lui a parfois valu des applaudissements, parfois des huées. Peu importe.

L’hystérie antiterroriste annonce des temps particulièrement durs pour les « classes dangereuses », les quartiers populaires et la minorité musulmane de ce pays. Plus que jamais, il faut dénoncer cette stigmatisation et s’efforcer de résorber les divisions racistes qui minent le prolétariat.

Guillaume Davranche (AL Montreuil), et Édith Soboul (SF d’AL)


[1] Citons, entre autres, à la manifestation du 11 janvier 2015, la présence à Paris de représentants de la Russie, des Émirats arabes unis, du Gabon, de l’Égypte et de la Turquie.

[2] Entre autres : les États-Unis, Israël, la France…

[3] Témoignage de plusieurs survivants de Charlie Hebdo dans Libération, 11 janvier 2015.

[4] Il suffira, pour s’en souvenir, de relire le vitriol du journal sardonique PLPL (Archives sur http://www.homme-moderne.org), puis celui du Plan B (archives du http://web.archive.org).

[5] Laurent Esquerre, « Caricatures de Mahomet : Entre racisme et obscurantisme », Alternative libertaire, mars 2006.

[6] Mona Chollet, « L’obscurantisme beauf. Le tête-à-queue idéologique de Charlie Hebdo », Périphéries, mars 2006 ; Olivier Cyran, « L’opinion du patron », CQFD, février 2006 ;

[7] Lire à ce sujet le communiqué de Droit au logement, 8 janvier 2015. Et voir l’image du mois, en page 20 de ce numéro.

[8] Communiqué d’AL, 8 janvier 2015. Plus de 115 actes antimusulmans ont été recensés dans les quinze jours suivant le massacre.

[9] Faute d’une réactivité suffisante, le communiqué proposé par AL à l’ensemble des anticapitalistes n’a recueilli les signatures que du NPA, du MOC et du PCOF. Il a été publié le 10 janvier.

[10] Tract « L’union est une farce », disponible sur http://www.alternativelibertaire.org.

http://alternativelibertaire.org/?Massa ... Solidaires


La question des mobilisations spontanées : force, limites, et récupérations L’exemple français de janvier 2015, après l’attentat contre Charlie Hebdo

D’importantes mobilisations, en divers pays du monde, ont marqué l’année 2014. Nombre de ces mobilisations – mais pas toutes – ont eu un caractère spontané dans leur déclenchement, dans leurs développements parfois. Ce fut le cas au Burkina Faso, en octobre 2014, ou à Hong Kong en novembre-décembre… La France sembla en retrait durant cette année 2014. Jusqu’à ce 7 janvier 2015 marqué par l’attaque meurtrière au siège du journal Charlie Hebdo, et par les manifestations qui s’en suivirent.

C’est en ayant à l’esprit ces diverses mobilisations de grande ampleur en divers pays du monde, que l’on voudrait revenir ici sur ce qui s’est passé en France en janvier 2015, sur le rôle (et ses limites) du processus spontané, sur les tentatives de le dévier, de le nier ; sur la puissance de ce mouvement, la récupération dont il fut l’objet, et en même temps les difficultés de cette entreprise.

Retour sur quelques évidences

Un premier point consiste à rappeler que les mouvements spontanés peuvent être d’importance fort inégales : à côté de mobilisations rassemblant des centaines de milliers, voire des millions de participants, l’activité sociale est aussi marquée d’innombrables jaillissements spontanés d’ampleur souvent modestes : grèves dans une entreprise, rassemblement contre une arrestation, etc.
Ce qui nous intéresse ici, ce sont les mobilisations de grande ampleur. Comme souvent, leur déclenchement fut spontané. Et le facteur déclenchant fut imprévu : à Fergusson, ce fut la mort d’un jeune tué par la police. À Hong Kong, une décision anti-démocratique prise par le pouvoir central de Pékin. Au Burkina Faso, ce fut la volonté du Président de modifier la constitution pour demeurer au pouvoir. On reviendra ultérieurement sur ces crises et sur leurs conséquences. Indiquons simplement que, aussitôt engagés, ces mouvements furent l’enjeu d’un combat politique pour les contenir et les refouler. Mais, tant bien même la mobilisation est récupérée (ou brisée, c’est selon), la situation ultérieure demeure marquée par de tels jaillissements.

7 janvier 2015 : relative spontanéité des premiers rassemblements

Les medias informèrent, vers midi le mercredi 7 janvier, qu’une attaque au siège de Charlie Hebdo s’était traduite par un véritable massacre. Très vite, les réseaux sociaux lancèrent des appels à se rassembler. Dans nombre de villes, ce furent les élus et les organisations de journalistes, et parfois des partis qui prirent ces initiatives. Ne l’auraient-ils pas fait que des rassemblements se seraient produits de toute façon. Ainsi, à Angoulême, un premier rassemblement spontané a lieu l’après-midi, puis un second, à 19 heures, avec mille deux cents participants.
Ce premier mouvement est spontané, comme en témoigne l’ampleur des rassemblements alors que les appels lancés par des notables ou partis furent fugaces, parfois confus : ainsi, à Paris, J.C. Cambadélis, au nom du PS, propose une manifestation dans la journée… avant de la renvoyer au samedi. Anne Hidalgo appelle au jeudi 8, avant de se rallier au rassemblement de mercredi. En fait, les élus ont couru derrière les manifestants qui, dès avant 17 heures, se retrouvaient place de la République, à l’appel notamment des organisations professionnelles du journalisme.
Les confédérations appelèrent aussi à ce rassemblement “pour défendre le vivre ensemble”. Solidaires publia en outre son propre appel, précisant “son attachement à la liberté d’expression”, élément absent de l’appel unitaire des confédérations.
Le Parti communiste, le Parti de gauche, et le NPA suivirent.
Il y eut 35 000 personnes rassemblées dans la soirée.
À Lyon, à 18 heures, il n’était plus possible de pénétrer sur la place des Terreaux : 10 à 15 000 personnes y étaient rassemblées. L’appel avait été initié, très tôt, par le Club de la presse et le sénateur maire (PS), et relayé par les syndicats, puis le Front de gauche. En réalité, tout avait fonctionné par les réseaux sociaux.
Ainsi, durant cette demi-journée se sont combinés un fort mouvement spontané et des appels initiés par des associations, élus, partis et syndicats.
L’ampleur et le nombre exceptionnel de ces rassemblements fut caractéristique de cette spontanéité. Face à d’autres attentats dans le passé (contre une école juive à Toulouse, en mars 2012) ou en réaction à un meurtre (celui de Rémi Fraisse à l’automne, tué par la police), il y avait eu aussi des réactions immédiates et spontanées. Mais le fait est (cela fut parfois noté avec amertume) que l’ampleur de la réaction n’avait rien de comparable. Et cela n’était pas seulement dû au nombre élevé de morts.

Premières récupérations

Dès ces premiers instants se manifesta la volonté de dévoyer la réaction spontanée. Dans nombre de villes, la foule fut incitée à chanter la Marseillaise. Et, le mercredi soir, alors que 100 000 manifestants s’étaient rassemblés dans le pays, François Hollande décréta une “journée de deuil national” en appelant au rassemblement du pays.
Nicolas Sarkozy ne fut pas en reste.
Mais cette union patriotique n’était pas si simple à imposer. Ainsi, à Lyon, la presse locale elle-même dut relever qu’à deux reprises, les notables sur le perron de l’Hôtel de ville tentèrent en vain de faire reprendre la Marseillaise : à deux reprises, celle-ci fut étouffée par les manifestants qui répliquèrent en scandant “Charlie, Charlie !”.
De même, dans de nombreuses villes, peut-être une majorité, l’UMP et le Modem furent absents de ces rassemblements.

Une contradiction initiale

S’exprima ainsi une opposition entre le caractère patriotique que voulait donner le gouvernement à la mobilisation, et ce que représentait Charlie Hebdo aux yeux des manifestants : la liberté d’expression, et en particulier le refus du chauvinisme, du patriotisme et du militarisme, de tous les cléricalismes.
Peu importe ce qu’étaient précisément les positions de Charlie. Le problème est que Charlie apparaissait, aux yeux des manifestants, porteurs de valeurs qu’ils partageaient, et que la rédaction de l’hebdomadaire avait été décapitée pour son refus de se soumettre aux intégrismes religieux, sans exception.
Pour le gouvernement et ses amis, la situation n’était pas simple. Il leur était facile de condamner le massacre commis le matin même et de mobiliser les forces de police. Mais que dire de Charlie Hebdo et de son refus de l’obscurantisme religieux ? La tentation était grande de construire une réponse sur le mode “nous condamnons, mais…”, en sous-entendant : “un attentat n’est pas acceptable, mais Charlie a eu tort de provoquer…”.
Mais les 100 000 manifestants rassemblés dès mercredi rendaient difficile l’opération.
C’est ainsi que l’on vit toute la social-démocratie, les partis bourgeois et les institutions religieuses défendre Charlie, le pompon étant atteint lorsque les cloches sonnèrent à Notre-Dame.
Et cela, alors que ce qui était réaffirmé par les manifestants, c’est que le blasphème n’existe pas, que la religion n’est pas au-dessus de la satire.

8 au 11 janvier : l’union nationale se développe

C’est à partir de cette contradiction que la mobilisation, cadrée par les organisateurs de l’union nationale, monta en puissance jusqu’aux manifestations des 10 et 11 janvier.
De nouveaux rassemblements eurent lieu le jeudi, mais “cadrés” par la minute de silence décidée par Hollande. Celle-ci eut lieu dans les établissements scolaires, sur ordre, et non sans difficultés dans quelques cas, des élèves se montrant parfois critiques vis-à-vis de ce cérémonial (notons que, si la presse a fait ses choux gras de ces réactions d’élèves supposés musulmans, elle a été plus discrète quand le refus de la satire vis-à-vis des religions était formulé par des chefs d’Églises chrétiennes). Et surtout, les directions syndicales se gardèrent comme d’un sacrilège de contester cet ordre “de silence” alors que bien des collègues préféraient prendre le temps de discuter avec leurs élèves.
Un premier pas majeur se réalisa dans l’union nationale avec cette acceptation par les dirigeants syndicaux de cette obligation de communion nationale.
Un second pas se fit quand toutes les mairies, tous partis confondus, firent aussi minute de silence, toutes les composantes du Front de gauche et EE-Les Verts incluses.
Le troisième pas se fit pour organiser la manifestation nationale. Les organisations dites “anti-racistes” appelèrent à manifester “partout en France le dimanche 11 janvier à 14h 30”.
Par ailleurs, un appel à manifester samedi fut décidé par le PS, le Front de Gauche et les Verts. Aussitôt Manuel Valls invita Sarkozy, provoquant des remous y compris au PS. Avec l’appui de l’UMP, les deux appels fusionnèrent en un rassemblement unique le dimanche à 15 heures.
Et les syndicats ? Un texte fut signé par toutes les confédérations le jeudi à mi-journée, appelant à se joindre “à toutes les initiatives et manifestations” dont celle de “Paris ce dimanche 11 janvier”. Tous signèrent. (FO, non signataire, appela de manière autonome à toutes les manifestations, son bureau confédéral participant à la marche parisienne).
Il ne restait plus qu’à ficeler le tout.

Un appel “républicain”

Le jeudi soir, une réunion des partis “respectables”, syndicats et associations adopta un texte titré : “Nous sommes Charlie : défendons les valeurs de la République”. Ces valeurs étaient rappelées : “liberté, égalité, fraternité”. Mais pas un seul mot sur la liberté d’expression (qui figurait dans le dernier appel unitaire des syndicats), rien sur la liberté de la presse et la liberté de satire. Et chacun sait que la devise de “liberté” en général vaut d’abord pour la liberté d’entreprendre et d’exploiter.
Parmi les signataires, on retrouva quasi tous les syndicats, le PS et le PCF, le Parti de Gauche et Gauche unitaire, aux côtés du MODEM et de l’UMP. (Le FN n’était pas invité). Sur le terrain syndical, Solidaires refusa de signer (ainsi que FO). Mais le SNJ-Solidaires signa.
Ultérieurement, Ensemble se rallia (sur sa propre base) à la manifestation du dimanche à Paris. À l’inverse, LO, le NPA et bien d’autres refusèrent de participer à cette union nationale.
Quant à l’Union Solidaires, elle publia un appel qui expliquait tout à la fois qu’elle “ne combattra pas pour la liberté et l’égalité aux côtés des ennemis de la liberté et de l’égalité” et qu’elle “s’associe aux rassemblements unitaires” ! À chacun de choisir…
On put ainsi voir cette horreur, à Paris le dimanche : non seulement Sarkozy se faufilant en première ligne de la manifestation, mais aussi la présence repoussante de dizaines de chefs d’États, incluant de farouches ennemis de la liberté de la presse, et cela quasi en tête d’une marée humaine estimée à 1,2 voire 1,5 million, de participants. Au total, 3,7 millions de Français, dit-on, défilèrent en France ce week-end. On peut ergoter. Mais l’ampleur était incontestable, imprévue par ses organisateurs : une autre expression de la spontanéité du processus.
Opération réussie pour le gouvernement ? Ce n’est pas si simple.

“Je suis Charlie” : spontanéité et contradictions

Rarement un slogan aura eu un succès aussi fulgurant, tout en suscitant maintes critiques.
Ce slogan fut défini et mis en forme, une heure après le massacre, par un journaliste réagissant à sa manière sur son ordinateur. Les réseaux sociaux firent le reste. Dans toute la France, le mercredi soir, des manifestants par milliers brandissaient papiers et pancartes avec ces mots : “Je suis Charlie”. Ce slogan permettait à la fois d’afficher sa solidarité avec les salariés du journal et de réaffirmer le droit à la liberté d’information, de satire et de critique. Ce n’est pas un hasard si, très vite, un autre symbole a été brandi conjointement par des milliers de manifestants : un crayon à papier, l’outil emblématique des dessinateurs.
Ce slogan était en même temps vague à souhait. Il ouvrait de ce fait la voie à l’union nationale. Et c’est aussi derrière ce slogan que se sont retrouvés des chefs d’État qui, dans leur pays, persécutent des journalistes.

“Je suis, je suis, je ne suis pas”

Pour “diluer” cette question de la liberté de la presse, certains modifièrent le slogan initial. Ainsi, deux policiers ayant été tués le mercredi (et une policière le lendemain), on vit apparaître des “Je suis Charlie et je suis policier”, particularisant les victimes ainsi renvoyées à leur profession.
Le procédé s’affirma le vendredi 9 quand une autre attaque visa un magasin casher, et que quatre clients furent tués. Le premier ministre reprit alors à son compte un nouveau slogan : “Nous sommes tous aujourd’hui Charlie, tous policiers, tous des juifs de France”.
Cela revenait à “communautariser” les victimes alors que la mobilisation engagée le 7 janvier était la défense d’une liberté fondamentale, indispensable à toutes les autres libertés.
Mais ces tentatives, fréquentes, demeurèrent minoritaires.
Le dimanche 11, à Paris, alors que l’équipe de Charlie ouvrait la marche, les dirigeants politiques français les plus divers se rassemblèrent derrière une banderole “nous sommes Charlie”, tandis que les chefs d’État se tenaient de leur côté coude à coude.
À Lyon, où défilèrent trois cents mille manifestants, la banderole de tête était précise : “Je suis Charlie/pour la liberté d’expression”. Elle était portée par des personnes “représentant” les diverses victimes (salariés et journalistes, policiers, croyants juifs) mais anonymes, sans marques d’identification. Mais au début de cette manifestation organisée par le Club de la presse, les représentants du CRIF et de la LICRA exigèrent, en vain, d’être en tant que tels porteurs de la banderole. Puis la responsable du CRIF voulut s’imposer devant la banderole de tête avec sa pancarte “Je suis Charlie, je suis juif, je suis policier, je suis français”. Les organisateurs obtinrent qu’elle se retire.
On vit aussi s’affirmer divers “Je ne suis pas Charlie”. Ainsi Jean-Marie Le Pen, qui précisa : “Je suis Charles Martel”, l’idole des xénophobes français. D’autres refusèrent le slogan (et les manifestations) pour des raisons inverses, parfaitement légitimes, rejetant la présence du Premier ministre israélien Benyamin Netanyahou, responsable de massacres à Gaza, ou refusant toute forme d’Union nationale.
Derrière ce slogan “Je ne suis pas Charlie” se retrouvaient donc aussi les positions les plus contradictoires : comme quoi la simple négation d’un slogan flou ou contradictoire ne peut être elle-même que floue ou contradictoire.

Un slogan spontané… historiquement déterminé

De fait, aussi confusionniste soit ce slogan, il demeure marqué par son développement spontané ; et cette spontanéité n’est pas le produit d’une “génération spontanée”. Elle est socialement, historiquement déterminée. A pesé en particulier la mémoire de tous les combats menés en défense de la liberté d’expression, et contre l’obscurantisme religieux : personne n’a oublié les méfaits, durant des siècles, de l’Église catholique.
Le slogan “Je suis Charlie” ne signifie pas l’adhésion à l’orientation du journal. Beaucoup des manifestants ne le lisaient jamais. Mais il incarne la liberté d’expression.
D’autant qu’il est l’héritier, à sa manière, du mouvement de 1968, au moins sous l’angle du combat contre l’ordre moral. Défendre “Charlie”, c’est donc aussi se dresser contre tous les réactionnaires d’aujourd’hui, nombreux et de plus en plus agressifs.
De ce fait, cette mobilisation contraint à la prudence ceux qui voudraient mettre à profit l’attentat contre le journal satirique pour exiger une limitation de la liberté d’expression.

Oui, mais…

Le pape, quant à lui, ne s’est pas senti tenu à une telle prudence. Le jeudi 15, tout en condamnant les meurtres, il explique tranquillement que ceux qui “se moquent des religions, s’amusent de celles des autres, ce sont des provocateurs”. Et il précise : “il est vrai qu’il ne faut pas réagir violemment, mais si M. Gasbarri, qui est un grand ami, dit un gros mot sur ma mère, il doit s’attendre à recevoir un coup de poing ! C’est normal… On ne peut pas provoquer, on ne peut pas insulter la foi des autres, on ne peut pas se moquer de la foi !” Bien évidemment, le pape rêve de ré-introduire en France le délit de blasphème. C’est pour le moins difficile, surtout compte tenu du caractère de la mobilisation en défense de Charlie. Les amis du pape chercheront d’autres moyens pour le même objectif.

Pour un concordat ?

C’est Gérald Darmanin, secrétaire général adjoint de l’UMP, qui relance cette idée. Le 14 janvier, il en appelle à un “concordat incluant toutes les religions”, l’essentiel étant que “la République se donne les moyens de conclure un contrat avec l’islam”.
Cela implique d’en finir avec ce qu’il qualifie de “laïcité punitive”. C’est le discours habituel de ceux qui prônent une “laïcité ouverte”…
L’ennui, c’est qu’un tel projet risque de provoquer un tollé. L’attaque va donc porter d’abord contre l’école : “Plus qu’un échec de l’immigration, cette tragédie est un échec de nos institutions et notamment de l’Éducation nationale”.
L’école en première ligne
D’autres jugèrent aussi l’école fautive, comme Patrick Devedjian, député UMP, qui évoque “la faillite de notre système éducatif”. Des mesures sont donc exigées.
Pour préparer cette offensive, L’observatoire de la Laïcité – que préside Jean-Louis Bianco – formule onze propositions le 14 janvier.
Dans les mesures annoncées par Hollande et Najat Vallaud-Belkacem les 21 et 22 janvier, on retrouve certaines de ces propositions, comme “le renforcement de l’enseignement laïque du fait religieux”.
D’autres mesures sont plus ou moins déjà appliquées ou annoncées, comme “la célébration des rites républicains et des symboles de la République” et “le respect des règles de civilité et de politesse, l’enseignement moral et civique”.
On trouve aussi la mise en place d’une “réserve citoyenne d’appui aux écoles et aux établissements” sur le modèle de la réserve citoyenne de la Défense, faisant appel à des intervenants tels que des responsables associatifs ou des juristes. L’école est ainsi chargée de “redresser” les jeunes susceptibles d’être “embrigadés”…
Ce plan laisse donc dans l’ombre les causes du chômage, et les raisons pour lesquelles les gouvernements successifs ont laissé se développer (voire ont encouragé) un fondamentalisme politico–religieux financé par quelques pays “amis” de l’impérialisme français.
Cela permet surtout de laisser dans l’ombre la question des commanditaires de ces attentats : car cela conduirait inévitablement à poser la question de la politique de l’impérialisme français, des conséquences de ses interventions multiples, et de ses jeux obscurs avec nombre de dictatures au Proche et au Moyen-Orient.

La force initiale de la spontanéité demeure

Le gouvernement, s’appuyant sur l’union nationale réalisée durant quelques jours, va donc s’efforcer d’avancer sur ces projets, dont le renforcement des mesures à caractère répressif, et l’utilisation de l’école pour enrégimenter davantage la jeunesse.
Mais l’on sent bien que le gouvernement marche sur des œufs. La réaction de masse à l’attentat, bien qu’il ait su la contrôler, continue de l’inquiéter. Car le mouvement spontané initial demeure sous-jacent.
Le gouvernement aura donc besoin plus que jamais de l’appui des bureaucrates syndicaux. En l’absence d’un tel soutien, l’offensive gouvernementale sera mise en difficulté. Significatif est ce qui vient de se passer à Mulhouse : la mesure disciplinaire dont un collègue d’art plastique fut victime, le 15 janvier, de la part d’un recteur qui lui reprochait d’avoir illustré son propos de caricatures provenant notamment de Charlie Hebdo, a été balayée dès lors que les collègues de l’établissement puis les syndicats de l’académie appelaient à la grève pour le 23 janvier. Une petite victoire, mais révélatrice de ce qu’il est possible et nécessaire de faire partout.

Serge Goudard, le 22 janvier 2015

L’Émancipation syndicale et pédagogique –2/02/2015 – page 8 à 11

http://www.emancipation.fr/spip.php?article1076
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Re: la redaction de CHARLIE HEBDO decimée 12 MORTS

Messagede Pïérô » 16 Fév 2015, 13:01

Philo et « apologie d’acte terroriste »

L’acharnement administratif et policier contre un prof de Poitiers ne passera pas !

Depuis le 7 janvier, les procédures pour « apologie d’acte terroriste » se sont multipliées en France, avec des condamnations en comparution immédiate si sévères qu’elles commencent à soulever un questionnement même dans certains médias sur le caractère expéditif de cette « justice ». Dans les établissements scolaires, on recensait à la fin du mois 200 incidents se rapportant plus ou moins à l’attentat contre Charlie Hebdo et ses suites - et un professeur de Mulhouse avait été suspendu pour avoir fait circuler en classe des caricatures montrant Mahomet nu, une sanction levée le 22.

Jean-François Chazerans, professeur de philosophie à Poitiers, vient quant à lui d’être suspendu pour quatre mois sur l’accusation d’avoir tenu des propos « inadéquats » à ses élèves lors de la sacro-sainte journée Marseillaise et minute de silence. Ces propos auraient été tenus dans sa classe puisqu’il n’était pas présent aux cérémonies consensuelles.

L’objectif de faire passer Chazerans pour un proterroriste ne peut que paraître parfaitement grotesque à quiconque le connaît, notamment pour avoir milité avec lui sur d’innombrables luttes et dans de multiples collectifs - comité contre la répression des mouvements sociaux poitevin, DAL, comité de soutien aux sans-papiers et aux familles de Roms ... Mais ce sont en fait là autant d’activités que le commissaire Papineau (le shérif de Poitiers récemment muté à Caen), les autorités préfectorales et le rectorat ont eu à cœur de châtier par tous les moyens ces dernières années. De plus, Chazerans aggrave son cas car s’il n’a évidemment pas la moindre sympathie pour les djihadistes, il n’enseigne pas pour autant à gober tout ce que l’école enseigne, mais vise bien plutôt à ouvrir les esprits de façon à apprendre à réfléchir afin de se faire une opinion autonome.

Décidément, l’occasion était trop belle pour un règlement de comptes, ont pensé certains ­mais, hélas pour eux, une solidarité très large s’est aussitôt manifestée envers Chazerans, à l’initiative d’élèves, de collègues et de camarades : rassemblement de soutien avec 200 personnes, pétition en ligne avec 4 000 signatures à ce jour, préavis de grève lancé par l’intersyndicale des enseignants de son lycée pour le 5 février ...

A l’heure qu’il est, nous ne savons pas s’il sera poursuivi pour « apologie de terrorisme », mais nous exigeons sa réintégration dans l’éducation nationale (un conseil de discipline doit statuer le 13 mars sur « la suite de sa carrière »).

Et, de même, l’arrêt des autres procès en cours sur Poitiers, où les peines d’amende et les frais d’avocat pleuvent de nouveau.

Solidarité avec Jean-François Chazerans ainsi qu’avec les militants du DAL et du comité antirépression poursuivis !

OCL-Poitou



Émission l’Egregore du 9 Fevrier 2015 : http://oclibertaire.free.fr/spip.php?article1640


Affaire Chazerans : ” Il n’y a rien dans le dossier “

Jean-François Chazerans, professeur de philosophie à Poitiers, a consulté son dossier au rectorat, en vue de la commission de discipline fixée au 13 mars.

Jacques Moret, recteur d’Académie, a invité, hier après-midi, Jean-François Chazerans, professeur de philosophie au lycée Victor-Hugo à Poitiers, à consulter son dossier dans le cadre de la commission de discipline prévue le 13 mars prochain. Une procédure normale.
Que reproche-t-on à cet enseignant suspendu à titre conservatoire depuis le 21 janvier dernier ? « D’avoir tenu des propos inadéquats le jeudi 8 janvier 2015 (NDLR : le lendemain de l’attentat contre Charlie Hebdo à Paris) lors d’un débat en classe », rappelle son avocat, Maître Amaury Auzou.

Jean-François Chazerans, accompagné de deux syndicalistes et de son avocat, a découvert un document d’une page et demie, – le rapport réalisé par deux enquêteurs –, et une lettre d’un parent d’élève rendue anonyme par le rectorat.

“ Attendre l’orientation du procureur ”

Surprise totale après lecture des trois feuilles, format A4. Maître Auzou assure qu’il n’y a « rien dans le dossier ». « Je m’attendais à des choses plus consistantes, confie-t-il, au vu de la suspension de 4 mois qui, certes, est une mesure conservatoire mais colore le dossier à charge. » Ajoutant : « J’ai appris par la presse que le parquet a été saisi par Monsieur le recteur. » « Il me semblerait logique d’attendre l’orientation du procureur de la République avant de statuer sur le plan disciplinaire, comme cela fait habituellement. »
L’intéressé dit être tranquille dans cette affaire : « Après avoir consulté mon dossier, je suis toujours aussi serein quant à mon examen devant la commission disciplinaire. »
Son avocat condamne le traitement excessif de l’affaire : « Il faut descendre d’un étage ». « C’est une enquête bâclée. Rien n’est justifié. On a un simple rapport de deux enquêteurs, aucun détail des élèves qui ont été auditionnés. Dès lors, comment peut-on estimer un simple rapport d’enquête qui constitue un élément à charge corroboré par rien ? », s’interroge Amaury Auzou. Réponse le 13 mars.

Didier Monteil, Nouvelle République, 14 février 2015

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Re: la redaction de CHARLIE HEBDO decimée 12 MORTS

Messagede Banshee » 16 Fév 2015, 14:05

09h15 le neuf-quinze
Copenhague : désolé, je ne suis pas très 11 janvier
Désolé, je ne vais pas être très 11 janvier. Mais l'ambassadeur de France, que faisait-il, au juste, à ce débat de Copenhague, ensanglanté par cette terrible agression ? Avait-il demandé l'avis du Quai d'Orsay ? Cet avis a-t-il été donné ? Suivi ? Et sinon, que pense le gouvernement de sa présence, avec intervention inaugurale, à un débat organisé par le comité de soutien d'un dessinateur qui a dessiné Mahomet à tête de chien, et en présence de la Femen Inna, laquelle pense que le Ramadan est "stupide", et que l'Islam est "laid", comme nous l'avons rappelé dès samedi (1) ?


Je m'explique. Qu'un dessinateur dessine Mahomet à tête de chien, s'il en a envie, cela ressort de la liberté d'expression. Je n'ai pas bien saisi la démarche artistique de Lars Vilks, ni de quelle manière, un an après l'affaire des caricatures de Mahomet, il est passé du mouvement suédois des chiens de rond-point, à la caricature de Mahomet (2). Mais ce n'est pas la question. Qu'un journal le publie, s'il juge le dessin pertinent, concerne encore la liberté d'expression. Le 7 janvier nous a montré combien ces gestes étaient courageux, et devaient être protégés.

Cela posé, il ne faut pas confondre les rôles. Que l'État protège ce dessinateur et ce journal, s'ils sont victimes de menaces, ressort de sa mission de protection de la liberté d'expression. Cette mission doit être assumée (de la même manière que doivent être protégées les synagogues et les mosquées, menacées par les deux crétinismes symétriques de l'antisémitisme et de l'islamophobie, et punis les profanateurs de cimetières, ça va de soi). Mais elle n'implique pas que l'Etat lui-même, ou ses représentants, s'expriment aux cotés des artistes ou des médias. Ce n'est pas à l'Etat, et à ses représentants, à venir s'exhiber auprès des dessinateurs, de manière à bien signifier aux dingues islamistes du monde entier que le Mahomet à tête de chien est devenu une spécialité française académique officielle et subventionnée, promue par les ambassades entre le cognac et le camembert. Et puis après, quoi ? Une filière caricatures de Mahomet aux Beaux-Arts ? Un grand prix au Concours Général ? Tout est aberrant, dans l'affaire de Copenhague. Que les amis de Vilks aient eu l'idée d'inviter un ambassadeur. Et que l'ambassadeur ait accepté. Le rôle de l'Etat, c'est de protéger ces irresponsables que sont, et doivent rester, les artistes. Pas de devenir lui-même irresponsable.

Les défenseurs de la laïcité, me semble-t-il, devraient bien comprendre ça : combien est précieuse la neutralité de l'Etat. Combien il est précieux qu'il assure la liberté d'expression, comme la liberté des cultes, et pour le reste, se taise. Frayant avec les dessinateurs, il sort de son rôle, de manière aussi incongrue, symétriquement, que lorsque le pouvoir chiraquien, en 2006, taxait Charlie Hebdo d'irresponsabilité pour avoir publié les caricatures de Mahomet.

Je sais bien que ce que je dis ici est subtil. Ne sera pas forcément compris. Je sais bien que chacun, faisant son devoir, a envie de franchir le pas supplémentaire : grimper sur la table, pour faire admirer au monde entier comme il fait son devoir, comme il tient son poste, ferme et courageux, et comme ce devoir est admirable. Mais ce pas supplémentaire, c'est justement celui qu'il ne faut pas franchir. C'est le pas de trop. Et la gestion quotidienne de cette subtilité, c'est justement le coeur de métier des diplomates. Ils servent exactement à ça. À savoir où est le pas de trop, et à ne pas le franchir. Et surtout, à ne pas vendre à la criée Charlie Hebdo, qui doit redevenir ce qu'il était avant la tuerie. Pas moins. Pas plus. Je vous avais prévenus, je ne suis pas très 11 janvier.


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Re: la redaction de CHARLIE HEBDO decimée 12 MORTS

Messagede charlelem » 16 Fév 2015, 16:21

Super ce besoin frénétique de certains de trouver des excuses aux fachos.
Les pauvres ce n'est jamais de leur faute, c'est ces méchants démocrates qui les provoquent avec leur liberté de pensée, leur liberté de conscience, leur liberté d'expression.
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