La loi « anti-casseurs » prépare la criminalisation des manifestants
Interdiction de manifester, fichier des « casseurs », poursuite des participants à des manifestations non déclarées, principe de « casseur-payeur »… Examinée dans l’urgence en commission à l’Assemblée nationale, la loi « anti-casseurs » s’apparente, selon les défenseurs des libertés, à une loi contre les manifestants.
Pour le gouvernement, c’est une loi « anti-casseurs ». Elle serait nécessaire car la population, les forces de l’ordre, les commerçants, attendraient « un signe fort ». Pour d’autres, c’est une atteinte aux libertés fondamentales. La proposition de loi « visant à prévenir les violences lors des manifestations et à sanctionner leurs auteurs » est examinée en commission par les députés depuis hier et encore aujourd’hui mercredi 23 janvier. Elle sera débattue par l’ensemble des députés la semaine prochaine.
Originellement, le texte avait été proposé par le sénateur Les Républicains Bruno Retailleau, en juin dernier, au lendemain de l’opération d’expulsion de Notre-Dame-des-Landes et de la manifestation du 1er Mai. Il a déjà été adopté par le Sénat en première lecture le 23 octobre dernier, alors que le mouvement des Gilets jaunes n’avait pas encore débuté. Le gouvernement, à l’époque, n’avait pas donné de consigne de vote aux sénateurs. Puis, le 7 janvier dernier, le Premier ministre, Édouard Philippe, le reprenait à son compte et annonçait un durcissement des mesures contre les casseurs et les manifestations non déclarées. « Ce sont des dispositions inspirées de l’État d’urgence », constate Katia Dubreuil, présidente du Syndicat de la magistrature.
Dans le détail, l’article premier du texte donne le droit au représentant de l’État, « si les circonstances font craindre des troubles d’une particulière gravité » lors d’une manifestation, d’autoriser les palpations, fouilles, inspections des sacs des personnes entrant dans un périmètre délimité. « Le seul objectif est que les personnes qui viennent avec du matériel destiné à la casse soient écartées », a indiqué Christophe Castaner, le ministre de l’Intérieur, devant la commission des lois de l’Assemblée nationale, mardi 22 janvier, dans l’après-midi. « Il est exact de dire que ces périmètres s’inspirent des dispositions de la loi antiterroriste », a-t-il ajouté.
« On prend sans intervention du juge judiciaire des dispositions qui restreignent un droit fondamental ! »
« Cela s’apparente à une perquisition, estime Maître Aïnoha Pascual, avocate spécialiste du droit public. Cette possibilité existe déjà dans les mains du procureur, mais là, on substitue l’autorité administrative — c’est-à-dire le préfet — à l’autorité judiciaire. » « Il n’était pas encore écrit dans la loi que, sur décision du préfet, les personnes qui refusent de se faire fouiller ne pourront pas se rendre quelque part », complète Katia Dubreuil.
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