de kuhing » 19 Juil 2009, 10:47
Suite au plantage ci joint le rattrapage des épisodes effacés + les 2 du WE
8.2 L'arme.
Je repris mon équipement qui me propulsa à travers les rues délabrées de Ghya. Des ombres inquiétantes se dessinaient à travers le brouillard ; s'agissait-il de mutants ou de Drhyz de ma planète ? - je ne m'attardais pas pour le vérifier. Je déverrouillais le sas du bâtiment de recherche, et j'y laissais mon scaphandre. Je montais vers le niveau d'observation où je retrouvais le Magellan et les deux ingénieurs revenus devant les sphères de contrôle et les écrans de calcul. Les trois Drhyz me saluèrent chaleureusement, puis la gravité repris le dessus. Le Grand Magellan rappela le drame que constituaient les récents événements en insistant sur l'absence totale d'expériences guerrières de l'espèce Drhyz. Les ingénieurs firent part également de leur inquiétude face à cette agression et surtout sur notre capacité de réaction. Je tentais de les rassurer et proposais, pour le moment, de lancer un appel à l'ensemble des Drhyz de Ghya non touchés. Tous devaient bloquer les issues des habitations et surtout en refuser l'accès à quiconque. Les trois Drhyz approuvèrent et un ingénieur diffusa ce message vers toutes les planètes du réseau. Il nous fallait maintenant trouver un moyen de contrer ces envahisseurs sanguinaires. J'avais " heureusement " l'expérience théorique de cette agressivité meurtrière vécue plus t8t en compagnie de Jacqueline ; elle me servirait à organiser la contre-attaque. Un frère ingénieur nous appela près de la sphère centrale de contrôle dont le diamètre valait presque celui d'un vaisseau supra-galactique. L'ensemble du système astral Drhyz y était représenté en volumes de synthèse. J'observais nos deux étoiles Wolf et Loan qui avaient quasiment retrouvé leurs positions initiales mais le frère pointa son index vers les deux planètes des mutants. De chacune d'elles émanait une fine tramée de poussières scintillantes, qui se dispersait en une nébuleuse mouvante : leurs soucoupes revenaient vers Drhyz 08, et nous disposions de moins de trois U. avant leur arrivée. Il fallait agir vite. Inutile de compter sur la coopération de mes semblables qui, pour ne jamais avoir été attaqués, ne savaient pas se défendre. Je m'apprêtais donc à protéger mon camp en unique combattant sachant que la victoire ne pouvait être que purement stratégique.
Je fis le point de la situation : 5.000 mutants se disséminaient déjà dans Ghya et un puissant renfort arriverait d'ici peu. Les affronter un par un s'avérait impossible. Je devais les attirer dans un piège et les y enfermer ; mais il me fallait également une arme pour les détruire. De tout temps, l'intelligence et la technologie Drhyz avaient servi à des fins constructives ; aucun instrument n'était conçu pour tuer. Mais l'image de la plume de ce stylographe, que Je saisis pour trancher la gorge de Jacqueline, me revint à l'esprit. Je me souvins de ces pulsions de cruauté intense qui m'assaillaient. Je compris alors que l'instrument lui-même n'avait qu'une importance secondaire, seule la volonté destructrice de celui qui le tenait pouvait transformer un objet anodin en une arme redoutable.
Soudain une voix familière retentit dans tout le laboratoire et l'image de Mioxe apparut. Ses yeux brillaient de la même lueur destructrice qui animait ce autant rencontré dans mon immeuble.
-" Esclaves Drhyz, hurla-t-il, la nouvelle race des seigneurs vient de naître. Préparez-vous à vous soumettre à sa domination absolue. Obéissez à nos ordres ! Ceux qui oseront opposer la moindre résistance seront immédiatement dévorés vivants. Ouvrez les portes de vos immeubles pour laisser entrer vos maîtres."
La déclaration de Mioxe nous glaça les sangs. Le Grand Magellan confirma que le représentant des zones moyen-orientales avait rejoint sa planète d'origine juste après la visite chez moi du conseil supérieur. Il avait donc subi la terrible mutation, et décidé d'investir d'abord Drhyz 08 sans doute pour prendre possession du palais magellaire. Nous n'avions plus une fraction de temps à perdre. Je demandais aux ingénieurs de passer en revue la liste des outils dont ils se servaient pour leurs recherches. Sans comprendre, ils commencèrent :
Générateurs de particules, ordinateurs synaptiques, canons à micro-ondes, réflecteurs à réfraction antineutrinique, wyrtrons. J ' essayais d'adapter ces instruments à une utilisation guerrière mais, à cette étape, je n'y parvenais pas ; même le canon à micro-ondes ne pouvait pas servir de fusil. Les frères ingénieurs continuaient à énumérer les différentes machines utiles à notre science sans pouvoir saisir le but que je poursuivais - l'agressivité leur était vraiment trop étrangère. La liste se déroulait toujours : un réacteur a fission ou à fusion nucléaire, un qsuad qui servait à observer les mouvements atomiques, un cybernax utilisé pour coder les fractals, un traxinotron qui désorganisait les structures cristallines des matériaux lourds. Rien de tout cela ne faisait mon affaire mais le premier ingénieur cita enfin : " Générateur d'ondes gravitationnelles ", et le déclic s'opéra. Cette machine recréait les forces que les grosses masses de matières induisent, elle produisait ces ondes fondamentales de gravité qui me permettaient de rester collé au sol. Nos techniciens s'en servaient en général dans l'industrie lourde pour déplacer d'énormes masses rocheuses ou métalliques. Je me renseignais sur la disponibilité immédiate de cet engin, et un frère Ingénieur confirma que le laboratoire d'essais en possédait heureusement un. La nouvelle me ravit, et je voulus le voir sur-le-champ. Nous descendîmes au niveau inférieur. L'instrument s'y trouvait se présentant comme une grosse malle de métal dépoli. Je me renseignais sur ses capacités, et le frère ingénieur m'assura, qu'à pleine puissance, ce générateur de gravité pouvait déplacer plusieurs R.Gh. Je tenais mon arme, et je n'ai avais plus de temps à perdre. Par bonheur, l'engin, qui pesait au moins I Gh, avait son propre système de propulsion - Je me voyais mal le porter sous le bras. J'expliquais sommairement ma stratégie aux trois frères Drhyz qui eurent, bien sûr, beaucoup de mal à l'assimiler ; jamais ne leur serait venu à l'esprit d'utiliser cet outil à de telles fins dévastatrices Je saluais les deux frères ingénieurs et le Magellan, et peu de temps après, je flottais dans mon scaphandre en direction du stade d'exhibitions sportives. Le gros générateur d'ondes gravitationnelles me suivait sur son coussin de gaz propulseur, sagement et sans bruit. J'arrivais bientôt prés de ma soucoupe, et nous embarquâmes la machine et moi. Le décollage me souleva au-dessus de cette couche de vapeur qui recouvrait encore la surface de Drhyz 08, et je filais déjà dans la clarté retrouvée de nos deux étoiles redevenues enfin calmes. Je pilotais à vue depuis prés d'une U. Soudain, l'armée des soucoupes des mutants assombrit mon écran frontal. Je ne me souvenais pas avoir vu autant d'aérodynes en vol simultané ; j'interrogeais mon clavier et l'ordinateur de bord évalua leur nombre à 1.012. Les mutants m'avaient bien évidemment repéré, et j'attendais leur réaction en spéculant déjà sur ce qui se passerait. Nos soucoupes ne possédaient aucun équipement offensif. Je déviais de mon cap pour éviter la flotte invasive et, corne prévu, aucune soucoupe ne me prit en chasse les mutants avaient d'autres priorités. Je repris donc ma trajectoire vers la région moyen-orientale du réseau, et, 5 D.U. plus tard, je me stabilisais aux abords de Drhyz 87.
8.3 Choc.
Dryhz 87 avait un volume inférieur à celui de 08. Ses étendues de bauxite et sa richesse en minerai de blende lui donnaient habituellement une teinte rougeâtre que l'atmosphère ne parvenait pas à masquer. Mais, en ce moment, la vapeur d'eau qui stagnait encore sur toute sa surface, la peignait d'une blancheur d'albâtre homogène. Je plongeais dans ce voile pour faire un tour d'observation. A travers la brume qui se dissipait, j ' aperçus une agglomération. En m'approchant, je constatais son délabrement très avancé. La chaleur avait été beaucoup plus forte ici puisque des structures en alliage métallique léger s'étaient déformées. Certains immeubles s'étaient effondrés après des affaissements de terrain et toute la végétation se réduisait à des amas de cendres aux formes étranges. J'interrogeais l'ordinateur de bord qui m'indiqua une température au sol de 43~. Pourtant, les rues étaient désertes.
Ce calme apparent ne me plaisait pas, et je décidais de prendre la direction de la mégapole de Drhyz 87. En chemin, je croisais enfin quelques bouées de transport. Elles avaient perdu leur belle couleur d'origine et semblaient sortir de la cheminée d'un volcan. J'eus une pensée admirative envers nos techniciens qui concevaient des véhicules aussi solides pour résister à de tels traitements. Au fur et à mesure de ma progression, les bouées se multipliaient puis elles devinrent innombrables. Elles convergeaient toutes vers un point que mon ordinateur de bord ne définit pas comme étant la mégapole 87 mais la base de vols supra-galactiques située un peu plus à l'ouest. Je suivis ce flot en gardant de bonnes distances, et j'avais maintenant sous moi une nuée de véhicules volants qui noircissaient le ciel. J'eus la confirmation de ce que je pensais lorsque j'arrivais près de la base d'envol : toute la population de cette planète, soit cinq millions de mutants, se massaient ici en attendant le retour des navettes volantes - Objectif : embarquer vers Drhyz OS avant d'envahir les autres planètes du réseau. J'appelais le Grand Magellan pour obtenir des renseignements. Je sus que les mutants s'étalent posés sur Drhyz OS et cherchaient à pénétrer dans les habitations. D'ores et déjà, ceux de la première vague contrôlaient au moins deux mille immeubles. Ghya comptait certes plus de quatre-vingts millions d'habitations mais les agresseurs, malgré la faiblesse de leur nombre, représentaient un réel danger pour cette population pacifique, inoffensive et désarmée. Je montais en altitude pour quitter l'atmosphère de la planète 87, en direction de sa voisine Drhyz 74. En moins d'une unité je survolais sa surface et j'assistais au même phénomène de regroupement général de la population autour de la base de vols supra-galactiques. La situation n'offrait pas la moindre ambiguïté : les occupants de ces deux planètes étaient intégralement perdus. Sans plus aucun doute ni remords de conscience, je décidais de mettre en œuvre mon plan de contre-attaque. Je pris de la hauteur pour me placer en géostationnaire a la bordure extrême de l'atmosphère de Drhyz 74. A cette distance, je pouvais voir la planète dans son intégralité, avec ses trois continents qui s'étendaient sur la moitié de sa surface. Je sortis de ma coque protectrice et je profitais quelques instants de la situation d'apesanteur pour me détendre un peu. Ce fut bref, le temps n'était pas aux loisirs. Je m'approchais de ce générateur d'ondes gravitationnelles pour en manipuler le clavier de commande. Je programmais une puissance de 70 R.gh. et la machine se mît à ronronner doucement, de façon régulière, presque rassurante. Je me réinstallais sur mon siège de pilotage, et j'orientais ma soucoupe comme si je voulais faire demi-tour vers Drhyz 87 - je la voyais comme une jolie boule rose sur l'écran frontal. Je programmais une vitesse ultra-réduite, et visualisais ma position dans la sphère de contrôle réglée plein zoom sur mon aérodyne lui-même. Alors, une sueur froide me glaça. Je me voyais m'éloigner lentement mais sûrement de Drhyz 74, mon plan ne fonctionnait donc pas. Je vérifiais sur un écran de contrôle mon taux de fuite par rapport au centre de la planète 74, et l'ordinateur indiquait bien une valeur positive. Il me fallut quelques fractions d ' U. pour réguler mon émotion et reprendre confiance pour tenter un nouvel essai. Je repris ma place initiale au bord de l'atmosphère de Drhyz 74 ; je me hissais encore face au clavier du générateur d'ondes de gravité, mais j'y programmais cette fois-ci la puissance maximale. L'écran de la machine indiqua :
" Attention, 95 R.gh. Puissance maximale programmée. Zone d'utilisation dangereuse - exceptionnelle. Formuler à nouveau la commande ".
Sans l'ombre d'une hésitation je confirmais, et le générateur passa du ronronnement serein à un bruit inquiétant. Je me réinstallais vite sur mon siège de pilotage et j'opérais la même manœuvre de déplacement en petite vitesse. Je surveillais très attentivement ma situation dans la sphère de contrôle, et je fis, soulagé, la constatation attendue: ma position demeurait fixe par rapport à Drhyz 74. Sur l'écran, l'ordinateur confirmait : " Taux de fuite : O ".
J'étais en train de gagner mon pari, et la guerre contre les mutants : le générateur d'ondes de gravité que j'avais embarqué attirait vers moi la planète 74 toute entière, et la progression de ma soucoupe la mettait en mouvement. J'allais maintenant lui donner de l'accélération, une vitesse suffisante pour en faire un formidable projectile sidéral qui rentrerait en collision avec l'autre planète mutante. J'augmentais maintenant mon allure en entraînant dans mon sillage le gigantesque sphère de matière. Je pris une trajectoire elliptique avec pour centre : Dhryz 87. Je fis trois révolutions en accélérant autour de cet l'axe cible. Derrière mol, Drhyz 74 suivait maintenant à grande vitesse ; j'allais pouvoir boucler ma trajectoire dans une spirale. Je refermais l'étau avec entre ses mors, le choc final. Les distances se resserraient ; Drhyz 87 remplissait déjà de son image tous les hublots latéraux de mon aérodyne. Alors, je piquais directement sur elle, la manœuvre ne tolérant pas la moindre erreur. Je fis fonctionner le pilotage automatique, droit devant. Malgré la très forte pression, je me dégageais de ma coquille de protection, et de mon harnais de sécurité. Je m'agrippais au bord du siège de commande. Drhyz 87 prenait maintenant toute la surface de l'écran frontal et j'allais bientôt pénétrer dans son atmosphère. Je me hissais de toutes mes forces vers le clavier de ce générateur dont le vacarme était devenu insupportable. Enfin, je le stoppais. Derrière moi la planète Drhyz 74, comme lancée par une fronde cosmique, suivait mon sillon. Je mobilisais mes dernières forces physiques pour retourner sur mon siège, ceinturer mon harnais magnétique, fermer la coquille. Devant, la surface de Drhyz 87 approchait à toute allure. Je déviais alors de ma trajectoire, en donnant une propulsion perpendiculaire qui m'éloigna. Par le dôme de mon aérodyne, je vis mon projectile astral passer au-dessus de moi à une allure folle. Ensuite, les atmosphères des deux planètes se fondirent et, l'instant d'après, le choc formidable illumina l'espace dans un tonnerre titanesque Le champ magnétique de la soucoupe se déclencha aussitôt pour me protéger des débris de matière en fusion projetés par la collision. Je fermais les yeux de soulagement, cette bataille était gagnée.
8.4 Décapité.
J'appelais le grand Magellan sur Drhyz 08 mais la commutation ne s'opérait pas.
J'essayerais plus tard. Pour l'instant, je devais me sortir de cette zone de chaos, où des blocs de matière gros comme des montagnes me passaient au-dessus de la tête. Heureusement, l'ordinateur du bord était suffisamment précis pour se frayer un chemin cohérent dans cet environnement de désordre. Après une unité de vol, l'espace redevint calme. A cette distance, toute la matière propulsée s'était déjà consumée mais le cosmos gardaient la brillance de la déflagration. Je me dirigeais vers ma planète avec la satisfaction du travail accompli. Pourtant, il me faudrait encore affronter Mioxe et ses milliers de mutants installés sur Drhyz 08. Je n'eus pas le temps pour y penser davantage, j'arrivais déjà aux abords de Ghya. La flottille des soucoupes volantes des agresseurs encerclait l'agglomération. Ils savaient sans doute que leurs planètes étaient pulvérisées. Je survolais la grande cité et je mis le cap sur le stade de démonstrations sportives. Par chance, le terrain était libre et Je pus m'y poser à nouveau. J'enfilais mon scaphandre qui me propulsa vers le laboratoire. La vapeur finissait de se disloquer et les rues désertes reprenaient une allure presque normale. Arrivé au bâtiment des recherches, j'ouvris le sas et je me débarrassais de mon harnachement. Je montais vers le niveau d'observation ; un silence inquiétant y régnait et j'eus soudain un affreux pressentiment. Je marchais prudemment dans le vaste niveau et, après quelques pas, je fis la découverte à laquelle je m'attendais : prés de la sphère centrale de contrôle, les corps déchiquetés du Grand Magellan, et des deux ingénieurs gisaient dans une mare de sang. Je ne pus réfréner un mouvement de recul, et un sentiment de profond dégoût monta en moi. Ce crime odieux avait sans doute été commis par Mioxe qui connaissait les codes d'entrée du bâtiment. Soudain, je sentis une présence derrière moi. Dans un frisson, je fis demi-tour et je vis prêt à bondir, Mioxe et son regard brillant de cruauté. Je me précipitais avec toute mon énergie vers l'escalier. Mioxe me poursuivait en poussant des grognements saccadés qui m'informaient sur son intention de me dévorer. Je dégringolais les marches mais je l'entendais tout proche de moi. Je ne mis alors à repenser à cette terrible douleur que Jacqueline me transmettait au moment où j'absorbais les âmes des Terriens à purifier. Je focalisais toute mon attention sur ce souvenir, et ce sentiment d'agressivité intense remonta en moi. Je me retournais ; Mioxe s' apprétait à me sauter dessus mais là, ma haine fut bien plus puissante que la sienne. Je bloquais sa tête dans mes mains, et je saisis sa gorge entre mes mâchoires jusque a que mes dents se rejoignent. Un sang carmin jaillit comme un geyser de sa carotide sectionnée. J'arrachais la moitié de son cou. Il s'affaissa, avec un regard figé qui témoignait encore de sa surprise. Il eut quelques sursauts convulsifs et mourut, baigné dans le sang qui finissait de se vider de son corps. Je regardais cette scène encore dans un état second. J'avais, dans tous les sens du terme, décapité l'Invasion des mutants. Je recrachais les morceaux de chair que je tenais encore entre mes dents et Je réalisais seulement ce que je venais de faire. Une violente nausée monta du plus profond de moi-même, et je courus vers une pièce d'hygiène pour me nettoyer le corps. Je me déshabillais et j'actionnais le gyrostat. Le cylindre de lavage sortit du sol pour m'entourer. Les petits jets d'eau pulsée qui s'éjectaient de toute la surface de cette paroi rotative, me lavèrent des taches de sang et aidèrent à me remettre les idées en place. Je me mis à réfléchir à ce qui venait de se passer. Mioxe, le mutant, n'avait pas eu la même réaction que son semblable qui se trouvait dans mon immeuble. Pourquoi en avais-je effrayé un et pas l'autre ? Le gyrostat de lavage tournait autour de moi, et je faisais le vide dans ma tête en appréciant les micro-massages des innombrables petits jets d'eau qui me fouettaient. Soudain, le déclic s'opéra dans mon esprit : ce n'était, bien sur, pas moi mais Jacqueline qui avait terrorisé le premier mutant. Je stoppais là ma toilette et j'enfilais ma combinaison qui, heureusement recouverte d'une substance anti adhérente, avait été épargnée de toute trace de Bang. J'empruntais un passage parallèle et je pus rejoindre le sas de sortie sans croiser à nouveau le cadavre de Mioxe. Dehors, la brume avait presque disparu permettant maintenant une visibilité parfaite. La température se situait aux alentours de 42~ mais les rues restaient toujours désertes. Je me dirigeais vers mon immeuble avec la ferme intention de connaître le rôle exact de Jacqueline dans cette affaire. En chemin, je croisais le grand auditorium des vibrations musicales puis la façade de granit turquoise du palais Magellaire ; je sentais mille regards m'observer à travers les parois de quartz des immeubles. J'arrivais bientôt devant chez moi ; l'accès était débloqué. Je pénétrais dans le premier niveau, et je vis la silhouette de Jacqueline allongée sur le matelas d'hélium allégé qui flottait au milieu de la pièce. Je m'approchais doucement d'elle et une surprise de plus me saisit : Jacqueline était endormie dans une complète nudité. Une absolue sérénité se dégageait d'elle.
Elle avait retrouvé son aspect de femme humaine.
8.5 Mise au point.
Jacqueline ouvrit les yeux. Son crâne se hérissait de ses cheveux noirs originels qui repoussaient, et son corps avait retrouvé les rondeurs féminines spécifiques aux Terriennes. La jeune femme me regarda comme Si elle sortait d'un rêve. Malgré ma stupeur, je pris 1 'initiative de poser la première question
-" Jacqueline, tu vas maintenant me dire ce qui s'est vraiment passé."
Elle se redressa sur les coudes et s'assit en tailleur. D'une lente rotation de la tête, elle observa le décor qu'elle semblait découvrir et déclara enfin :
-" Original !"
Jacqueline jouait-elle une nouvelle comédie ou avait-elle vraiment perdu la mémoire de sa période de mutation ? Cette fois, je n'avais pas l'intention de me laisser berner et, s'il s'agissait de ce fameux humour Terrien dont elle me donnait un nouvel exemple, il ne provoquait pas le moindre sourire chez moi.
Je saisis fermement son épaule. La force avec laquelle je me mis à serrer lui confirma que je n'avais pas du tout le cœur a plaisanter. Dans une grimace de douleur, elle obtempéra :
-" D'accord, Kuhing, je vais tout te raconter mais, de grâce, lâche-moi."
Même si, nous autres Drhyz, nous nous nourrissions essentiellement de plancton, notre tonus musculaire dépassait de loin celui des meilleurs athlètes humains, et Jacqueline en faisait l'expérience en ce moment même. Je desserrais l'étau de mes doigts, et je lui fis comprendre, d'un signe de tête, que j'attendais ses explications, et vite fait. Elle se massa vigoureusement l'épaule en clignant les yeux comme pour ne plus voir son mal. Puis, elle commença par une question ;
-" Que veux-tu savoir exactement ?"
-" Tout." Dis-je.
La Jeune femme se leva et enfila sa combinaison. Puis, s'approchant de mol, elle entama son récit :
-" Dieu m'a envoyé un message juste après le début du Big-Crunch ; Il n'en était pas à l'origine. D'ailleurs, ni les Drhyz ni les Terriens n 'étaient prêts pour le Projet Final, et cette contraction ne pouvait pas aboutir à l'Unification mais tout au plus à la destruction du feuillet 24."
Elle attendit ma réaction. Je ne voyais pas d'incohérence dans ses propos mais je devais tester plus encore sa bonne foi.
-" Mais alors, qui a enclenché un tel phénomène 51 Dieu n'en est pas responsable ?" M'étonnais-je ?
-" Mioxe." Lança la jeune femme avec un air de dégout.
-" C'est impensable, jamais un Drhyz n'aurait pu élaborer un plan aussi meurtrier."
-" Un Drhyz non, mais un mutant oui." Répondit Jacqueline.
Je ne comprenais plus ce que la jeune femme me racontait. Devant mon air sceptique, elle avança dans ses explications :
-" La transmutation des Drhyz des planètes 87 et 74 ne date pas du Big-Crunch mais elle a commencé depuis de nombreuses D.U. Cette petite étoile à neutrons située à proximité de leurs planètes était bien moins inoffensive que vous le pensiez. Elle a progressivement modifié le comportement de ces populations avant que tu en voies le résultat final. Mioxe, et ses semblables ont acquis le même mal qui ronge les terriens et les conduit aux pires exactions : la soif du pouvoir. L'intention de Mioxe, et de ses semblables était de dominer l'espèce Drhyz. Cependant, ta théorie du feuillet synthétique le gênait terriblement ; un Drhyz capable de retrouver la mécanique divine risquait de contrecarrer ses plans. Après la décision de ton expulsion, il a lui-même volé les Instruments dont tu avais besoin pour expérimenter tes hypothèses et quand il t'a vu revenir, il a préféré détruire tout le feuillet 24 pour coloniser, avec les siens, un autre univers Il voulait régner en maître sur une autre civilisation et, s'il avait pu toutes celles qui existent."
J'écoutais toutes ces explications complètement subjugué. Tout ce que racontait Jacqueline paraissait pourtant plausible même Si de nombreux points m'échappaient encore. Je me mis en quête d'autres précisions :
-" Pourquoi Dieu t'a-t-il informé de la situation et m'a-t-il laissé dans l'ignorance ?"
Jacqueline réagit à ma question comme un maître d'enseignement devant un élève qui a dit une bêtise :
-" Kuhing, tu as toi-même compris que le Big-bang de l'Unification doit venir de la matière elle-même. L'intelligence a engendré l'énergie ; l'énergie a engendré la matière, et la matière devra engendrer l'intelligence. Tel doit être le chemin à parcourir pour aboutir au Projet Final."
La Jeune femme fit une pause, en cherchant dans mon regard si ses arguments suffisaient à me convaincre. Sans doute rassurée, elle poursuivit :
-" Dieu ne pouvait en aucun cas intervenir sur le principal acteur de son œuvre : toi-même. Tu devais stopper ce Big-crunch sans son aide et tu y es parvenu."
Jacqueline s'assit comme si elle venait d'accomplir un très gros effort on me dévoilant ces informations. Puis un sourire témoigna de son apaisement et elle ajouta comme pour s'excuser :
-" Certes, le créateur a donné un petit coup de pouce par mon interm6diaire mais juste un tout petit. D'autres questions ?"
Concernant la capacité de Mioxe à déclencher un Big-Crunch, je conclus moi-même qu'avec les éléments des données de ma théorie des feuillets synthétiques, Il avait très bien pu l'adapter à une fin contraire. Il restait encore un point sur lequel je n'avais pas trouvé de réponse, et j'interrogeais encore Jacqueline :
-" Peux-tu enfin m'éclairer sur la fuite du mutant lorsqu'il t'a vu apparaître ainsi que sur ton attitude durant cette période ?"
Le visage de Jacqueline s'habilla alors d'une expression de gravité ; je vis des larmes monter dans ses yeux. Puis elle tenta de se ressaisir. Elle y parvint.
-" C'est justement le coup de pouce dont je te parlais tout à l'heure, dit-elle. Je t'avoue que ce n'est pas le genre d'assistance que je solliciterai à nouveau. Le mutant s'est enfui en me voyant parce qu'il venait d'assister quelques U. plus tôt à la manière dont j'avais assassiné son compagnon."
-" Comment ?" Dis-je stupéfait.
-" Oui Kuhing, le corps qui gisait n'était pas celui de Traxog. L'ingénieur n'a jamais franchi le seuil de cet immeuble. Ce cadavre était celui d'un autre mutant. Ils se sont présentés tous deux avec l'intention affirmée de m'inscrire à leur menu et, quand je les ai vus pénétrer ici, j'ai couru jusqu'au deuxième niveau avec eux à mes trousses. Dieu m'a alors envoyé une formidable décharge d'énergie que j'ai pu transformer en agressivité. Alors, j'ai saisi l'un d'eux à pleines mains et je l'ai égorgé à coups de dents. L'autre fut terrifié ; il s'est collé contre la paroi de l'étage, et quand il m'a vue partir, son besoin de sang l'a amené près du cadavre de son semblable. Il l'a dévoré plus tard."
Jacqueline paraissait très émue, et je la comprenais parfaitement, son récit me rappelait étrangement l'épisode que je venais de vivre. Je laissais passer un moment de silence.
-" Mais ta folie apparente ?" Demandais-je.
-" Ce fut ma façon de réagir à l'horreur. Je n'ai plus rien contrôlé." Dit-elle.
Je la crus. J'avais maintenant tous les éléments en mains pour recoller les pièces du puzzle de cette histoire. Tous les éléments ? Pas tout à fait encore, et je fis part à la jeune femme de ma dernière interrogation qui concernait sa propre forme :
-" Mais, tu as repris l'apparence d'une Terrienne." Dis-je.
-" Tu es vraiment observateur Kuhing, me dit-elle, et j'ai une autre bonne nouvelle à t'apprendre : on va bientôt pouvoir m'appeler Maman. Chez nous, on appelle ça un heureux événement."
8.6 Remise en état.
J'étais maintenant au fait de toutes les informations que j'attendais, et la priorité allait à la remise en état de ma planète. Environ dix mille mutants occupaient encore Drhyz 08 et nous devions nous en débarrasser vite. Je proposais à Jacqueline de m'accompagner au laboratoire des recherches, et nous enfilâmes à la hâte nos scaphandres. Dans ce couloir du hall, le corps ensanglanté de Mioxe gisait toujours. A sa vue, ma jeune compagne eut un réflexe de recul mais nous devions tous deux dépasser notre aversion ; ce cadavre nous servirait de leurre pour piéger les mutants. Je l'attrapais sous les aisselles et je fis signe à Jacqueline de le soulever par les pieds en direction de la salle d'hygiène. Nous entreprîmes alors son toilettage minutieux et, quand il fut parfaitement propre, nous le montâmes dans le laboratoire d'observation. La rigidité du corps nous permit de l'adosser contre la sphère de contrôle. J'orientais manuellement l'émetteur d'hologrammes dans sa direction en réalisant un cadrage suffisamment large pour que les détails passent inaperçus ; " un plan américain ", comme disent les Terriens. Je saisis un microphone, et je m'installais hors champ pour un play-back. Jacqueline envoya la diffusion, et je lançais le faux message dans toute la mégapole de Ghya :
-" Frères des planètes 87 et 74, Mioxe s'adresse à vous. Le Grand Magellan est mort. Kuhing est parvenu à détruire nos planètes, mais il a rejoint à son tour le grand néant. Désormais Drhyz 08 nous appartient. Retrouvons-nous tous, d'ici 3 U., dans l'enceinte du stade des démonstrations sportives, pour organiser notre prise de pouvoir. Notre grand règne sur le réseau Drhyz et sur tous les univers, commence !"
Jacqueline interrompit l'émission. Le piège était tendu, je devais maintenant le refermer. Je descendis dans le laboratoire d'essais avec la même idée en tête que, pour fabriquer une arme, peu importait l'instrument si la volonté de détruire était assez forte. Jacqueline me suivait en s'interrogeant sur ce que j'allais encore inventer. Je m'emparais d'un traxinotron, et nous montâmes pour embarquer sur une des bouées de transport stationnées sur le toit. Moins d'une U. plus tard, nous survolions le stade bourré de mutants. Je questionnais l'ordinateur du bord : 10.234 mutants avaient répondu à l'appel et attendaient dans un puissant vacarme l'arrivée de leur chef Mioxe. Je saisis le traxinotron puis je dirigeais son rayon sur les murs épais qui entouraient les gradins. L'effet attendu fut immédiat. La structure minérale qui composait les parois du stade se déforma puis, sous les regards ahuris des mutants, elle se liquéfia pour les engloutir et les fossiliser à jamais. Cette fois-ci, la guerre était complètement gagnée. Je lançais un appel à la population pour qu'elle récupère sa planète et qu'elle se mette au travail, afin de réparer les dégâts.
Les Drhyz sortaient peu à peu de leurs habitations, et s'organisaient spontanément à la reconstruction de Ghya. Exceptionnellement, la durée du temps de travail de la période à venir serait quadruplée. Nous retournâmes Jacqueline et moi vers mon habitation avec la ferme intention de savourer un repas bien mérité. Nous montâmes au cinquième niveau qui accueillait habituellement ce genre d'activités. Je sortis deux doses de plancton lyophilisé et un grand flacon rempli de jus de coléoptile. Je pensais soudain aux ravages que l'amorce du Big-crunch avait produit sur nos réserves naturelles, et je fis part de mes soucis à Jacqueline à ce sujet. Elle me répondit que le génie génétique des Drhyz arrangerait ça en moins de 500 U. Elle avait bien sur raison, je m'inquiétais pour rien. Jacqueline regarda sa ration de plancton qui ressemblait à une pâtée verdâtre, il est vrai peu appétissante pour un humain, et dit :
-" Pour moi ce sera des fraises, avec un peu de crème fraîche et beaucoup de sucre."
Je fis gentiment remarquer à mon interlocutrice, qu'à moins qu'elle utilise également le comique de répétition, une boutade du même cru était sortie de sa bouche et en ces lieux même, peu de temps auparavant. Jacqueline me regarda avec le plus grand sérieux et déclara solennellement:
-" Mais, cher Kuhing, je ne plaisante pas le moins du monde. D'ailleurs, sais-tu qu'il ne faut jamais contrarier les envies d'une femme qui attend un bébé ?"
-" Quoi, m'étonnais - je, cette histoire de maternité ne faisait pas également partie du registre humoristique de ta planète ?"
La jeune femme déboutonna sa combinaison et me montra son ventre déjà rebondi.
-" Et celle-la, tu la trouves rondement drôle, n'est - ce pas ? " Dit-elle.
9.1 Questions.
Jacqueline, redevenue femme, serait bientôt mère. Elle voulait retourner sur sa planète pour que son enfant voie le jour dans l'environnement des hommes. J'acceptais de la ramener sur Terre mais, auparavant, je devais informer mes semblables de ce qui les attendait avec le Projet Final.
Les Drhyz avaient besoin d'un nouveau Magellan, et je proposais de réunir le conseil pour organiser la succession. Je lançais un appel à chacun de ses membres et rendez-vous fut pris dans 20 U. au palais magellaire. En attendant, Jacqueline et moi, allâmes nous reposer. Je montais au quatrième niveau, où je m'allongeais sur un matelas suspendu. Je fermais les yeux en pensant à toute cette extraordinaire aventure que je vivais. Qu'allait-il se passer maintenant ? Je l'ignorais totalement. Devais-je retourner dans un tunnel de basculement pour reprendre contact avec le Créateur divin et ses quatre fils ou bien fallait-il que je me laisse porter par les événements en attendant un contact éventuel de l'au-delà ?
Et le nouvel univers-miroir que j'avais créé, quelle influence aurait-il sur le Projet Final puisque j'étais intervenu moi-même dans l'œuvre de Dieu ?
Et cette armée de l'Unification sur la planète Terre ?
Toutes ces questions se bousculaient dans ma tête et m'empêchaient une fois de plus de trouver le repos dont j'avais besoin. Et puis, au fur et à mesure que mes idées s'enchaînaient, une réflexion d'un autre type commença à germer dans mon esprit. Je pensais à ce formidable canevas que constituaient les cosmos mais l'image des scènes d'horreur auxquelles j'avais assisté sur la planète Terre, sur celle de CATEWOS ou récemment sur la mienne s'y associaient instantanément Dieu avait eu l'intelligence et la force de créer ces univers aux complexités extrêmes mais il aboutissait à un constat d'échec quant à ses prétendus objectifs. Cette contradiction me gênait de plus en plus et m'amenait à me poser des questions sur sa propre nature :
Dieu contrôlait-il parfaitement la situation ou jouait-il seulement aux dés ? Représentait-il vraiment le début et la fin de tout ?
N'était-il pas lui-même le résultat d'une autre tentative mal orientée ? N'était-il pas, après tout, lui aussi, un imposteur de plus ?
La grande certitude dont je gardais le souvenir avait laissé la place au plus profond des doutes, et une interrogation prenait forme dans ma tête : la solution de tous les maux qui accablaient les civilisations pensantes ne se trouvait-elle pas dans la destruction de Dieu lui-même ? Car, finalement, il portait la responsabilité du désastre dont je venais d'être l'acteur dans mon réseau Drhyz. Plus ma réflexion avançait, plus ce Dieu m'apparaissait comme un être perfide qui, du haut de son Olympe, organisait et s'amusait à des jeux de massacre. Je tentais de résister à cette pensée embarrassante, mais en vain. Soudain, elle devint plus forte que tout et, une fois encore, je bondis de ma couche pour rejoindre mon bureau avec cette nouvelle énigme en tête : comment parvenir à éliminer celui en qui j'avais perdu toute confiance ? Je m'installais devant mon tableau et je me mis à réfléchir à ce problème. Le Projet final dont la Source avait parlé nécessitait la destruction de tous les feuillets d'univers et de la vie qu'ils abritaient. C'était le moyen dont le Divin disposait pour engendrer son double et ce formidable enfantement se nourrissait de l'intégralité cosmique, le mettant au rang des prédateurs les plus extraordinaires qui puissent exister. J'eus alors cette invraisemblable conviction que l'entité que j'avais rencontrée dans le tunnel de basculement n'était qu'une individualité parmi d'autres avec les préoccupations mesquines d'un pouvoir égoïste. Peut-être même que, dans cette population d'une nature différente, une bataille entre un bien et un mal se menait également et rien ne permettait d'affirmer que celui qui m'avait parlé se situait dans le bon camp. Si ce Dieu cristallisait cet absolu de bonté, pourquoi permettait-il tant d'ignominies ici-bas ? Je devais en avoir le cœur net et il me fallait pour cela accéder à la dimension divine non pas en tant qu'hôte mais comme un conquérant. Je repris l'énoncé de ma théorie du feuillet synthétique en cherchant son adaptation inverse. A peine 8 U. suffirent pour trouver ce que Mioxe avait calculé et transformer la création d'un Big-bang en celle d'un Big-crunch. Pour égaler la puissance de Dieu1 il fallait réaliser une opération de plus grande envergure en contractant tous les feuillets d'univers existants et isoler les organismes vivants a préserver. Je sentis soudain une présence derrière mon dos. Je me retournais et je vis Jacqueline. Elle s'approcha de moi et me confia son empressement à retourner sur sa planète elle voulait partir tout de suite. Son attention se porta sur les équations qui défilaient à toute allure sur mon tableau. Elle m'interrogea sur la nature de mon travail et, après une hésitation, je la mis au courant de mes récentes questions ainsi que de mes ambitieuses intentions. La jeune femme fut surprise par la nature de mes propos, mais j'étais devenu 51 sur de mol1 qu'elle se laissa progressivement convaincre par mon argumentation. Elle jugea bien sur le projet audacieux puis finit par demander comment je comptais fabriquer cette " Arche de Noé cosmique". Une telle machine m'était inconnue et Jacqueline me raconta la vieille histoire de ce Terrien, 3000 de leurs unités de temps avant la naissance de Jésus. Noé rassembla des couples de différentes espèces animales alors qu'un déluge allait engloutir sa planète.
Légende ou réalité, personne sur Terre ne le savait vraiment, mais cette histoire correspondait effectivement à ce que je devais réaliser à l'échelle de tous les univers existants, et nous allions maintenant en informer le conseil supérieur.
9.2 Vote.
Nous sortîmes. Une multitude de Drhyz s'affairaient à réparer les dégâts et la ville reprenait son aspect antérieur. Le sol de granit était déjà repoli et de jeunes pousses végétales à croissance rapide remplaçaient les arbres morts. Des brigades d'assainissement vaporisaient en ce moment même, sur la mégapole, une substance minérale odorante qui rappelait à Jacqueline le parfum d'une fleur de chez elle appelée jasmin. En à peine 20 U., Ghya s'était rhabillée de neuf et le récent désastre ne semblait qu'un lointain souvenir. Au coin de la rue, le palais magellaire nous apparut dans toute sa grandeur, avec des milliers de Drhyz agglutinés sur sa façade, qui apportaient les derniers soins de nettoyage. Nous entrâmes dans le couloir d'accès et cette fois-ci le portail ne s'abaissa pas - Le système de sécurité, accordé sur la fréquence cérébrale du grand Magellan, s'était déconnecté après sa mort. Nous nous dirigeâmes vers la grande salle du conseil et les douze membres nous y attendaient en bavardant. Le silence se fit dés qu'ils nous virent et le premier conseiller s'approcha pour nous souhaiter la bienvenue. Tous avaient bien sur suivi les événements depuis leurs planètes respectives jusqu'à la mort du grand Magellan et me témoignèrent de leur gratitude au nom de toute l'espèce Dhryz. Nous nous installâmes sur les larges fauteuils de granit qui émergeaient du sol ; la jeune Terrienne s'assit à mon coté et tous les regards convergeaient sur elle, un rien étonnés. Je pris l'initiative de raconter mon épopée, depuis mon expulsion de ma planète O8 jusqu'à soumettre mes dernières réflexions sur la nature de Dieu lui-même. Je demandais enfin qu'un tour de parole s'organise pour que chacun puisse donner son avis sur mon dernier projet. Il se passa un court moment de silence et un des conseillers se décida à intervenir :
-" Kuhing, les événements que tu relates sont extraordinaires et je ne possède aucun élément pour remettre en cause leur authenticité. La puissance du Dieu, source des univers, celui que tu dis avoir rencontré, parait bien grande pour que les Drhyz, encore simples mortels, puissent l'affronter. S'il existe une population divine et, comme tu en émets l'hypothèse, un combat supra-matériel entre le bien et le mal, n'est - il pas plus sage de le laisser mener par les principaux intéressés ? Les Drhyz ont atteint un stade d'évolution qui leur permet de vivre heureux et sereins, loin des ennuis de ceux qui peuplent les autres dimensions. La problématique divine, tout comme les imperfections des autres civilisations, ne nous ont amené que des catastrophes. Par conséquent, je suis d'avis de retrouver la vie tranquille de notre dimension et de renvoyer cette étrangère sur sa planète."
Le conseiller s'assit en provoquant une petite rumeur dans l'assemblée. Certains approuvaient d'un signe de tète son point de vue, mais l'unanimité ne semblait pas acquise. Un autre Drhyz se leva alors pour exprimer une opinion contradictoire :
-" La position du frère qui représente les zones sud de notre réseau, témoigne d'une sagesse et d'une humilité qui l'honorent ; mais sa vision de la situation reste peut-être trop réduite. L'espèce Drhyz est certes la plus avancée de toutes, mais elle fait partie intégrante de l'ensemble des univers. Elle subira donc la répercussion des problèmes de nos voisins d'une façon ou d'une autre. Notre science a percé presque tous les mystères de la nature et Kuhing, en créant un nouvel univers, vient d'en dévoiler un des derniers, peut-être l'ultime. Devons-nous nous arrêter en si bonne voie ? En avons-nous le droit ? La puissance de Dieu semble effectivement gigantesque, peut-être même infinie mais souvenez-vous de nos ancêtres pour qui les espaces intergalactiques les leur paraissaient tout autant. Cela leur a-t-il empêché de trouver le moyen de franchir ces distances plus vite que le fait la lumière ? Je crois que tout ce qui existe est fait pour être découvert et nous devons continuer à élucider les énigmes que nous rencontrons, quels que soient les risques encourus. Le Dieu que Kuhing a rencontré nous annonce un Projet Final qui, en dernière analyse, semble servir seulement lui-même. Tout ceci semble contraire à l'idéal moral vers lequel nous tendons. Ce Dieu ne nous a-t-il engendrés que pour atteindre son propre objectif sans se soucier du reste ? Et finalement, n'existe-t-il rien ni personne au-dessus ou à coté de lui? Après l'exposé de notre frère Kuhing, je ne le crois plus et je pense qu'à ce stade de l'évolution de notre civilisation, nous ne pouvons pas éviter cette question fondamentale."
Le frère Drhyz se rassit, mais cette fois tous les conseillers se turent, comme pressés sous le poids de son argumentation et de ses interrogations. Il venait de formuler avec exactitude mon opinion sur la situation. Je repris la parole pour le confirmer, et nous décidâmes d'un vote parmi l'assemblée sur la position de principe à adopter. Sur les douze, huit adoptèrent ma proposition. Il fallait maintenant mettre en place une stratégie et je présentais le plan suivant :
-" Nous devons préserver les espèces vivantes des feuillets d'univers en en rassemblant leurs représentants. Nous les ramènerons dans notre réseau puis nous isolerons notre galaxie IXA du reste des cosmos. Alors nous produirons la contraction de tous les feuillets d'univers et, utilisant sa résultante énergétique, nous serons en mesure d 'affronter la puissance divine."
Un silence pesant souligna l'ambition de la tache.
-" Nais comment canaliser et stocker cette formidable quantité d'énergie ? Interjeta enfin le représentant des zones centrales.
-" Je ne le sais pas encore." Dis-je.
à suivre