Le feuilleton de l'été 2009

Re: Le feuilleton de l'été 2009

Messagede kuhing » 20 Juin 2009, 08:56

2 épisodes pour le WE

2.4 La mission

" Kuhing, tu le sais maintenant, tu es le plus ancien de mes enfants achevés. Tes semblables Drhyz ont évolué sur la bonne voie même si l'approche du dénouement leur fait toujours peur. Tu as été la pointe avancée de ta civilisation, et tu es parvenu par tes propres moyens jusqu'à moi. Tu as retrouvé la théorie de la création d'un nouvel univers par les voies du raisonnement mathématique, mais tes objectifs ont été dépassés. Te voilà au carrefour où toutes les sciences convergent pour engendrer une nouvelle intelligence pure, l'image exacte de ce que Je suis. Mais le Big-bang de l'Unification demande une énergie supérieure à celle que tu peux trouver dans ce " tunnel de basculement ". Il te faudra rassembler la somme de toutes les spiritualités épurées des fréquences parasites qui causent les désastres auxquels nous assistons sur la planète Crya. C'est pourtant sur Terre que tu te réincarneras parce que là, j'ai commis ma plus grosse erreur. J'ai voulu brûler les étapes en programmant le carnivorisme pour accélérer le processus négentropique : l'homme a grandi en se nourrissant de ses proches cousins mammifères, et tu viens d'en constater toi-même les effets. Les Drhyz, eux, ont évolué en mangeant des particules organiques élémentaires ; leur maturation a certes été infiniment plus longue que sur Terre mais je sais maintenant que la patience doit être la plus haute qualité divine. Tu te matérialiseras donc sur Terre et laveras cette faute fondamentale. Quelques hommes ont déjà essayé de le faire, je les ai vus et grâce à la bonté de leur âme, tout n'est pas perdu."

La source de lumière qui nous unissait tous les cinq faiblit. Mes quatre frères se recueillaient remplis d'un nouvel espoir. Tous savaient que, une fois ma mission accomplie, le flot d'énergie mentale purifiée de la planète Terre aurait la puissance d'accorder les fréquences spirituelles de leurs civilisations d'origine. Jésus me regarda: le Jugement Dernier prédit dans ses Saintes Ecritures venait d'être annoncé.


2.5 Objectif Terre.

Mes quatre frères s'estompèrent et je me trouvais à nouveau dans cette obscurité totale. Il n'y avait rien ni devant ni derrière, ni en haut ni en bas, à moins que ce rien n'ait été le Tout. Je m'apprêtais à rejoindre ma nouvelle destination, la planète Terre située au bord d'une galaxie nommée " Voie Lactée" dans ce dernier feuillet d'univers que Dieu avait créé : l'angulation 57. Soudain, à travers mon corps d'hologrammes, un souffle fantastique aspira mon esprit vers une direction qui ne sembla être le haut. L'accélération fut instantanément si forte que mon image s'étira en une mince ligne vibratoire qui se mélangeait à la conscience que je gardais de moi. Je percevais maintenant ce tunnel dont les parois hyperboliques filaient à une vitesse vertigineuse. Je compris que j'étais moi-même cette onde tachyonique d'esprit propulsée entre ces quadriques d'énergie. Les tachyons, particules hyperlumineuses, avaient été un des supports mathématiques de mon hypothèse des feuillets de synthèse ; cependant aucune expérimentation n'avait pu confirmer leur existence effective, et pour cause : j'étais moi-même ici le résultat de cette expérience. Mon voyage à vitesse superlumineuse se déroulait en dehors du temps et je ne faisais que m'accorder à la fréquence correspondant à l'angulation 57. Les incursions dirigées plus tôt par mes frères fils-divins dans leurs dimensions respectives, n'avaient été que des projections virtuelles de leurs univers ; un peu comme l'image d'un objet retransmise par une lentille optique. J'étais propulsé maintenant dans un réel matérialisé, un éclair d'intelligence divine vitrifiée, et je devais d'abord me mettre en phase avec sa résonance pour m'y intégrer. Je perçus alors très fort l'écho de la fréquence 57 dont j'avais un souvenir lointain et, l'instant d'après, j'y émergeais par un tunnel de basculement situé entre le bras "Persée" et la spirale "Sagittaire" de la galaxie Voie Lactée, à quelque 350 années-lumière du système solaire. Ce jeune univers était aussi hétérogène qu'agité, comme si le Grand Architecte l'avait conçu un peu à la hâte. Je distinguais des galaxies en forme d'ellipses, d'autres en spirales ou encore complètement irrégulières. Par endroits, de gigantesques fournaises indiquaient la naissance d'une étoile, sinon d'autres explosaient pour créer des naines blanches". Tout cela se passait ici à un rythme infiniment plus rapide que ce que nous pouvions observer dans mon univers d'origine. L'angulation 57, âgée d'à peine 15 milliards d'années, subissait encore sa phase de chaos en rapport avec les scènes que je venais de voir de la civilisation humaine. Pourrais-je mettre de l'ordre dans tout cela ? Ma tache m'aurait paru bien lourde à supporter si Dieu ne m'avait pas insufflé ce nouveau sentiment que je gardais toujours en moi, la Certitude. Je filais vers le système solaire à vitesse supérieure à c. J'étais cet éclair de conscience plus rapide qu'un photon. Lui, tachyon matérialisé par la technologie divine, faisait partie de la réalité de son univers qui leur interdisait de franchir cette vitesse limite évaluée par les homes à 300.000 kms / sec. Je mis 0,5 U. pour parcourir ce que la lumière aurait fait en 1000 fois plus de temps. Je me stabilisais déjà près de cette boule incandescente d'hydrogène en fusion, le Soleil, entourée de ses compagnes de matière refroidie. Je voyais la fameuse " planète bleue " juste en avant d'une large ceinture d'astéroïdes, sagement placée en orbite entre ses sœurs telluriques Mars, Venus, et la petite Mercure. J'appréciais la beauté originale de ce paysage spatial quand, une fréquence parasite vint me perturber. Je compris que cette fréquence d'onde ne pouvait qu'être superlumineuse parce qu'elle parvint même à dévier légèrement ma trajectoire. Puis le calme revint. Il fut de courte durée car à quelque 2 millions de N.dt. de la Terre, je sentis des secousses si fortes que je dus prendre du recul. Je compris très vite que je me heurtais aux ondes de spiritualité que l'évolution de la vie terrestre avait engendrées. Je saisis immédiatement leur singulier principe de fonctionnement

Les consciences se filtraient dans les cortex cervicaux des organismes vivants sur Terre et les âmes se distillaient ainsi au fur et à mesure des incarnations. Ici, le plus grand désordre régnait aussi à cause de la difficulté à trouver un hôte de chair. Je devais franchir cet obstacle vibratoire pour accomplir ma mission et sauter cette file d'attente indisciplinée. Je tentais une nouvelle approche plus prudente de Cet embouteillage d'âmes et je pus analyser un large spectre de fréquences. Aucune d'elles ne paraissait cependant pouvoir me détecter. Je remarquais que ces ondes de spiritualité obéissaient à une hiérarchie rigoureuse : les vibrations les plus désorganisées formaient une barrière difficile à passer pour les âmes les mieux structurées. Toutes cherchaient un nouveau corps organique à investir et les places se combattaient durement. Les vibrations primitives, plus agressives, se comportaient corne des rapaces et ne laissaient pas beaucoup de chance aux autres. Un instant, je crus percevoir mon propre écho dans ce fatras de spiritualités voraces ; je pus analyser les vibrations de deux esprits anciennement passés par la vie organique d'un home nommé Sakyamuni et d'un autre dit Confucius. Ces âmes stationnaient dans l'espace depuis plusieurs M.U. en attendant une ultime incarnation. Heureusement, mon origine exotique me permettrait de raccourcir considérablement le délai. Je pus repérer d'ici deux fréquences compatibles avec mes objectifs. Elles étaient connectées à deux organismes humains vivant dans une grande agglomération urbaine d'un continent central de la planète bleue. Après une recherche d'axe d'insertion, je projetais mon faisceau à la surface du sol terrestre. J'y fis un tour complet de repérage géographique avant de me stabiliser au-dessus de cette ville aux bâtiments extravagants qui s'appelait Paris, situation temporelle - norme humaine - 21 juin 1992.

à suivre
kuhing
 

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Messagede Polack » 20 Juin 2009, 15:54

trop cool la sf ! 8-) la suite !
Polack
 

Re: Le feuilleton de l'été 2009

Messagede kuhing » 22 Juin 2009, 08:40

3.1 Rencontre presque fortuite

Paris était quatre fois en joie ce 21 juin de l'année 1992 : L'été célébrait son premier jour en habillant le ciel d'un soleil radieux pour fêter les pères et la musique. En plus, c'était dimanche. Jean-Pierre, ce jeune humain, ne se doutait pas, quand il ouvrit les yeux, que tout ce qui rendait cette journée si agréable le concernerait pleinement.

Il déplia les volets de son logement de la rue Lepic, située dans la partie nord de la ville. Il reconnut le chant joyeux des martinets, et un refrain fameux joué par un gros accordéoniste qui faisait la quête. La fête de la musique commençait bien. Le jeune homme se pencha par sa fenêtre, il était huit heures du matin et les étalages de fruits et légumes finissaient de se monter. Il se sentait d'excellente humeur contrairement aux jours précédents, et se hâta d'enfiler ses habits un peu usés. Je contrôlais la situation de mon poste car j'avais choisi ce jeune homme comme père adoptif. Jean-Pierre dévala les escaliers quatre à quatre avec l'intention de profiter de sa bonne humeur et de la belle journée. Dans la rue, le marché commençait à s'animer et des vendeurs de propagande politique essayaient déjà, vainement, d'accrocher les passants Il prit la côte dans te sens difficile avec comme objectif premier d'acheter deux préparations a base végétale dites "croissants", les meilleures se trouvant plus haut, " place des Abbesses ". En montant, ~ l'angle de la rue Véron, il croisa l'étal d'une des nombreuses boucheries avec son odeur de viande. C'était pour lui toujours un passage difficile et plus encore depuis les prises de position publiques d'un artiste végétarien de sa planète nommé Mc Cartney. De toutes façons, depuis son plus jeune âge, l'idée de se nourrir de cadavres d ' êtres qu'il considérait comme des amis, ne lui plaisait guère ; il préférait de loin manger des " croissants au beurre ". Le jeune homme tenait cette aversion de sa vieille âme, incarnée plusieurs siècles auparavant chez un humble paysan des montagnes tibétaines et mon choix en sa faveur tenait compte de cette expérience. Il arriva sur cette " place des Abbesses". Déjà une file de connaisseurs attendait devant la boulangerie, mais quelques minutes suffirent pour obtenir son butin. Sur le trottoir en face, il vit Maurice attablé, devant un soluté alcoolique, à la terrasse d'une buvette. Maurice ne correspondait pas au genre de personnages qui l'attiraient spontanément - juste une connaissance de quartier. Pourtant, ce matin, Il ne put s'empêcher de traverser la rue pour le saluer. Maurice flottait encore dans les vapeurs éthyliques de la veille. Il trouva cependant la force de lever les yeux, et il reconnut le jeune homme. A ses cotés, une jeune femme aux cheveux noués avalait une boisson noire à petites gorgées. Maurice s'acquitta des présentations d'usage, et proposa à l'ami de se joindre à eux. Jean-Pierre s'assit sans se faire prier ; il connaissait déjà le prénom de la ravissante demoiselle aux yeux d'ébène.

Jacqueline étudiait la peinture aux beaux-arts de la ville de Nice, et elle rendait visite à son cousin Maurice pour la fête de la musique. Elle expliqua qu'elle ne quittait sa belle ville ensoleillée qu'à cette occasion.

-" Pour ça, Paris c'est mieux." Dit-elle en riant à belles dents.

Jean-Pierre fut ravi d'acquiescer tandis qu'une fanfare colorée commençait justement à s'installer en face d'eux. Il commanda une boisson dite " crème bien blanc " en déballant ses croissants. La fille en accepta une moitié, et le cousin Maurice but son verre d'une traite avant d'en demander un autre (une légère impulsion électrique, précisément ciblée dans la région de l'hypothalamus, me permettait de provoquer chez lui cette belle soif ). Le serveur posait à peine le bock sur la table qu'il était déjà vidé. L'harmonie entama alors à pleine puissance les premières notes d'un flot de vibrations musicales après que le leader eut annoncé :

-" Du célèbre Cole Porter : " I love Paris "

Maurice pensa tout haut qu'il devrait mieux rejoindre son lit plutôt que de risquer une commotion cérébrale. Grâce à la stimulation des synapses hédoniques que j'opérais sur elle Jacqueline ne le retint pas et je n'eus même pas a intervenir sur Jean-Pierre. La jeune femme commanda un autre " express " avec la deuxième moitié du croissant qui lui était offerte. Comme les humains du sud, elle parlait beaucoup ; mais je n'étais pas complètement étranger à sa prolixité. L'atmosphère de la " place des Abbesses " favorisait à merveille la production d'un carburant de la reproduction humaine appelé " Amour " ; Elle incita le jeune couple à écouter pendant près d'une heure tout le répertoire et les rappels de la fanfare du 18ème arrondissement de Paris. Jacqueline se déclara très contente après la brillante prestation qu ' elle venait de voir mais la troupe des musiciens rangeait déjà ses instruments et elle devait trouver rapidement un prétexte pour rester en compagnie de ce garçon aussi sympathique que séduisant. D'autres stimulations électriques bien placées m'aidaient à entretenir "cette illusion destinée à perpétrer la race - l'Amour." selon l'expression même d'un éthologiste terrien nommé Konrad Lorenz, dont l'œuvre intéressa nos explorateurs.

-" Ne donne-t-on pas un concert place de la Nation ?" Lança Jacqueline au hasard. Le jeune homme confirma qu'une grande représentation musicale aurait lieu mais "place de la Bastille"; Cependant, le spectacle ne commencerait pas avant 19 heures.

Dans un éclair de génie, il ajouta :

-" En attendant, je peux te faire visiter la capitale."

Je les aidais de moins en moins dans leurs travaux d'approche. Enfin, mes tourtereaux descendaient une rue "Houdon" et en découvrant la population, je convenais que, pour admettre des contrastes aussi remarquables l'humanité, et ce qui l'entourait, avaient été effectivement bien vite conçus. Ils arrivaient maintenant à la fontaine de la place mais je n'étais pas là pour faire du tourisme et j'activais, grâce à des stimuli électriques, la sécrétion d'hormone LHRH dans le sang de mes futurs géniteurs. Au lieu de continuer leur chemin tout droit, le garçon proposa de remonter le boulevard de Clichy jusqu'à la place Blanche. Jacqueline accepta sans se faire prier. Elle fut tout de même surprise par l'étalage d'une telle indécence dans les boutiques de sexe, avec quoi Pigalle s'était taillé sa meilleure réputation mondiale. Son confrère Germain Pilon, sculpteur du "Christ Ressuscité", représentait un autre aspect de la contradiction humaine, en donnant son nom à une des rues les plus sordides du quartier - ils la croisaient en ce moment même.

Chez l'humain, la chimie étant plus puissante que les grands sentiments, cette luxure affichée attisa plus encore l'excitation sexuelle que j'avais enclenchée chez mes deux cibles. Ni le souvenir de l'humble paysan tibétain qu'avait connu Jean-Pierre ni celui de la carmélite, que l'âme de Jacqueline avait habitée, ne résista aux libidos qui culminaient. Arrivés à l'angle de la rue Lepic, Jean-Pierre proposa une visite de son petit studio et quelques minutes après, j'assistais aussi intrigué qu'intéressé à une démonstration de colt Ininterrompu avec bientôt le résultat escompté.

à suivre
kuhing
 

Re: Le feuilleton de l'été 2009

Messagede kuhing » 23 Juin 2009, 06:58

3.2 Réincarnation

Je devais faire vite : au-dessus de moi, l'armada des consciences avides de chair humaine était à l'affût et, je n'avais pas l'intention que l'on vole le fruit de mon travail. Après tout, ils avaient réussi à crucifier Jésus et je ne devais pas commettre d'erreur d'inattention. Je ciblais, avant même la fécondation, l'ovule récipiendaire. Comme tout cliché holographique, ce fragment infime de l'organisme humain qui l'avait généré en reproduisait l'écho général. Vingt trois spirales d'informations chimiques se préparaient à la rencontre la plus importante de leur vie, celle qui déterminait leur raison d'être. Et puis, ce fut le choc, violent comme un séisme, suivi du mécanisme enclenché Jusqu'à la mort matérielle. Je ressentis dans ce vacarme muet le même sentiment de certitude, de plénitude et de grandeur que J'avais vécue lors de ma rencontre avec l' Essentiel. Dieu était décidément, malgré ses faiblesses, un habile technicien de la vie.
Les chromosomes s'organisaient par couples d'affinités et déjà, la première cellule différenciée offrait, tel un capteur d'ondes radios, un réceptacle à une vibration de conscience compatible. Comme je me trouvais sur les lieux, je pris cette place.

Une intense activité préparait la première mitose et je m'aperçus que désormais, j'y participais pleinement. Les fréquences qui sous-tendaient la vitalité des cellules haploïdes avaient été rappelées par l'organisme de chaque parent et j'étais à présent seul maître à bord de cette nouvelle entité originale.
La cellule se divisa selon un protocole bien rodé, les fonctions physico-chimiques assuraient leur travail et il me semblait à ce stade ne leur servir que de caution. Mon rôle le plus important, et ce n'était pas le moindre, consistait cependant à veiller sur la cohésion d'ensemble de cette structure à complexité croissante - mais je n'assurais qu'un contrôle, une membrane vitelline s'occupait de la mécanique. J'allais maintenant accompagner mon hôte pendant cette première étape de la grossesse, accroché à la paroi utérine de sa mère, jusqu'à son expulsion dans le milieu extérieur. Mon association à cet embryon humain me contraignait désormais à une notion que j'avais oubliée : celle de l'écoulement du temps chronologique et, bien que gardant mon expérience d'intemporalité, Je devais patienter 36 semaines avant de voir le jour à travers ses yeux neufs. Je remerciais Dieu de n'avoir pas choisi les éléphantes avec leurs 640 jours de gestation pour représenter l'hégémonie spirituelle terrestre, objet de ma mission. La densité de l'activité ne m'avait pas laissé le loisir d'analyser le résultat de la combinaison génétique de mon nouveau compagnon organique. Je vis que se développerait un beau mâle, grand comme son père, avec les yeux noirs de sa mère. Outre ces caractéristiques morphologiques somme toute secondaires, le nouveau-né aurait une bonne mémoire, et une capacité de déduction logique située dans une moyenne honorable. Son intelligence suffirait pour tirer profit des messages que je lui enverrais. Je vis en lui une prédisposition à la mécanique des fluides et, je ne sais pourquoi, ce détail me frappa. Concernant le milieu dans lequel il évoluerait, le passé karmique des âmes parentales associé à leur situation matérielle précaire mettaient mon hôte à l'abri d'une éventuelle corruption acquise. L'argent et le pouvoir représentaient sur cette planète des facteurs importants de déviation des spiritualités ; Jacqueline et Jean-Pierre ne possédaient ni l'un ni l'autre et leur tendance végétarienne favoriserait le succès de ma mission.
Connecté à l'embryon humain dont le corps de Jacqueline alimentait la croissance, je suivais désormais ce binôme organique dans l'espace et le temps ; la bonne cohérence de l'onde spirituelle maternelle me permettait une cohabitation sans Interférence. Je restais attentif au déroulement des duplications de l' ADN du fils en élaboration tout en veillant à ce que vivait la mère. Les sécrétions naturelles d'endorphines post-orgasmiques avaient calmé les partenaires qui se rhabillaient. Le jeune humain laçait ses chaussures et Jacqueline remontait ses bas. Sans un mot, étourdis par un tel déchaînement génital, ils descendaient déjà les escaliers, envahis par une sensation de bien-être que je pus analyser - Dieu était décidément un fieffé chimiste.
Les commerçants de la rue Lepic avaient rangé leurs étalages, il était maintenant deux heures dans l'après-midi, et une belle fringale les conduisit chez un petit restaurateur asiatique sur la rue Fontaine. Ils commandèrent des crevettes au gingembre accompagnées d'un bol de riz blanc. Jean-Pierre expliqua qu'il ne mangeait plus la viande d'aucun mammifère depuis de nombreuses années, à cause des problèmes moraux que cela lui posait. Cependant il ne suivait pas de régime végétarien strict ; les désagréments sociaux connexes le dérangeaient et il n'aimait pas faire figure de marginal. Jacqueline comprenait cette position. Quand elle le pouvait, elle évitait aussi la viande. J'assistais à la scène sans plus intervenir sur les systèmes nerveux des jeunes gens. Les âmes qui les habitaient dont j'avais sondé l'écho depuis l'espace, présentaient une bonne compatibilité. Mon rôle de catalyseur était rempli. L'insouciance caractéristique des jeunes humains associée à leur passion naissante rendaient le couple euphorique et débordant d'énergie. Après leur frugal repas, Ils reprirent la marche en direction de la place de la Bastille où se déroulerait le grand concert. Pendant ce temps, la multiplication diploïde de l'embryon continuait dans le ventre de Jacqueline. Son âme avait déjà perçu l'arrivée d'un nouveau venu en elle et lui lança un message d'avertissement. Du plus profond de ce que certains humains appellent le subconscient, l'image d'un bébé, que sa raison lui fit associer au souvenir d'elle-même, passa dans sa tête. Elle se souvint alors que la période actuelle correspondait à celle de son ovulation et cela lui procura un léger malaise.

" Jean-Pierre, demanda-t-elle, que se passerait-il si nous avions conçu un enfant tout à l'heure ?"

Le jeune homme la regarda, d'abord surpris, puis il sourit et dit :

" Ce serait formidable."

Après un silence, les deux jeunes gens se prirent par la main ; ils savaient leurs destins désormais liés. Sur la place Saint-Georges déserte, une grande boutique d'antiquités où étaient exposés les objets les plus extravagants donnait à cette scène une connotation surréaliste, presque naturelle.


à suivre
kuhing
 

Re: Le feuilleton de l'été 2009

Messagede kuhing » 24 Juin 2009, 08:58

4.1 Nice

Le concert place de la Bastille fut une réussite selon l'avis de tous, mais la belle journée du 21 juin 1992 touchait à sa fin, et après une courte nuit, j'accompagnais la jeune femme qui devait rejoindre sa ville de Nice. La promesse de se revoir fut prise sur le quai de la gare et, lorsque le train s'ébranla, le jeune couple pensait qu'elle serait tenue. Le voyage parut court à Jacqueline qui dormit pendant toute sa durée. Il prit cependant mille fois plus de temps que si nous avions embarqué dans une bouée de transport collectif drhyzienne. La propulsion magnéto-hydro-dynamique n'était pas encore généralisée sur la planète Terre à cette époque, mais surtout, plus que le retard technologique, la mauvaise organisation sociale des hommes freinait : de nombreuses manifestations d'agriculteurs et de transporteurs sur routes qui bloquaient une bonne partie de la circulation de cette zone témoignaient d'un malaise qui aboutirait à un immense chaos. Mais, pour le moment, la jeune femme se satisfaisait d'arriver à bon port dans sa ville de Nice près de la mer, et de retrouver ce qu'à Paris on ne voyait jamais : des plages et des palmiers. Elle rentra dans sa petite chambre située au début de l'avenue Borriglionne avec son fatras d'esquisses et de pinceaux toujours autant en désordre que lors de son départ. Le silence qui pesait la rendit un peu nostalgique de toute 1' agitation parisienne. Elle ouvrit ses volets, et la nuit tombant sur les collines de cette France du sud ajoutée aux sensations qui lui venaient de ses entrailles en transformation, l'amenèrent devant son chevalet où elle posa une toile blanche. Il fallait qu'elle peigne cette apparition de la Vierge à l'enfant qui passait dans sa tête. Jacqueline était une véritable artiste, un élément avancé de cette espèce humaine que j'avais pu classer en cinq catégories.

Il y avait d'abord "les simples d'esprit" et leurs multiples variantes ; ceux-ci ne pouvaient appréhender leur réalité à cause de vibrations spirituelles trop puissantes pour leurs facultés organiques : leur âme pesait lourd pour leur cervelle trop légère. Après, venaient "les producteurs" présentant le défaut inverse: une spiritualité jeune pour un cortex souvent chimiquement performant. Les producteurs ne trouvaient d'intérêt qu'en exploitant directement la matière, ils représentaient une grosse partie de la population humaine et s'approchaient en quelque sorte de ce que sont les Drhyz qui ne possèdent pas d'âme.

Je trouvais ensuite une catégorie que j'appelais " les découvreurs ". Ceux-ci étaient dotés d'une âme bien affinée associée à une excellente capacité de cortex. Ils formaient le lot des scientifiques et chercheurs de bon niveau qui faisaient progresser la connaissance humaine.

"Les créatifs", catégorie minoritaire et marginale, possédaient quant à eux une spiritualité en voie d'achèvement et une intelligence honorable, Ils parvenaient à reproduire, par leur art, une image du Projet divin et représentaient en quelque sorte les messagers du Créateur. Certains jouissaient même d'une vision prophétique des événements.

Enfin, j'avais reconnu "les destructeurs". Leurs intelligences souvent bonnes semblaient peu déterminantes pour leur classification ; leurs âmes importaient. Les destructeurs cristallisaient en eux toutes ces erreurs de Dieu que certains appelaient " Diable ". En souche résistante, ils dirigeaient le tragique destin de la planète Terre. Je devais éradiquer cette catégorie d'hommes mais le combat ne pourrait se mener qu'à l'intérieur de l'espèce ; je devais passer par cet embryon humain qui grandirait pour regrouper les bons et détruire les nuisibles. Jacqueline promenait ses pinceaux entre les bords du châssis, les silhouettes se profilaient déjà, éclairées par la seule lumière que la Lune projetait. Soudain, la sonnerie du téléphone perça le silence et la fit sursauter ; elle échangea les couleurs de sa palette contre le gris du combiné téléphonique, et reconnut la voix de Jean-Pierre. Le jeune homme se languissait déjà d'elle et il ne parvenait pas à s'endormir. Il proposa de la rejoindre immédiatement plutôt que de se retourner sans arrêt dans son lit vide. Jacqueline le réconforta de quelques mots tendres. Elle était heureuse de l'entendre et l'aurait accueilli à bras grands ouverts mais comment pourraient-ils vivre ? Ses deux journées de travail par semaine lui suffisaient à joindre péniblement les deux bouts. Le taux de chômage dans sa région valait bien celui de la capitale et ni leur Premier ministre André Coignart, ni le grand argentier Michel Bougnat n'y changerait quoi que ce soit ; plus personne n'était dupe. Jacqueline avait un tempérament bohème, mais elle savait également garder les pieds sur sa Terre. Après une négociation serrée, elle persuada le jeune homme de patienter au moins trois mois avant de la rejoindre. Il annulerait ses projets de vacances pour travailler tout l'été dans ce bureau de poste de Pigalle, qui lui sortait pourtant par tous les pores de sa peau. Les deux jeunes gens, rassurés par leur décision, se souhaitèrent bonne nuit et chacun put enfin trouver le sommeil. Les jours suivant s'écoulèrent calmement. Bien sur, une violente guerre civile ravageait une zone voisine, mais elle restait ici une abstraction dont on voyait des images télévisuelles. Les terriens vivaient très habitués à ce genre de conflits et leur histoire pouvait se raconter à travers les massacres qui, de tous temps, les avaient déchirés. On annonça aussi, début juillet, des émeutes et la mort d'un chef de clan, assassiné, de l'autre côté de la mer : un différent mystique. La nouvelle agita des ondes ; la violence faisait partie du quotidien, banale. Certes, des hommes se révoltaient parfois, s'engageaient même, mais tous savaient les "destructeurs" plus puissants et la résignation finissait par remplacer l'indignation. Jacqueline avait fait partie du lot des résistants. Elle avait milité quelques années plus tôt dans un regroupement de pacifistes mais, après beaucoup d'énergie et de temps dépensés, quand elle apprit que des responsables volaient l'argent du mouvement, elle conclut que " le Diable était plus fort que le Bon Dieu ". Alors elle choisit de se réfugier dans l'art en essayant de sauver sa petite vie quotidienne, et " advienne que pourra

Les cours aux beaux-arts se terminaient, et Jacqueline entreprit une tournée des galeries de la région pour vendre ses tableaux. Le reste du temps, elle installait son chevalet sur la place Saint-François dans le vieux Nice ou montait en car dans le village de Saint-Paul, prés de Vence, pour traquer le touriste. Elle savait maintenant qu'elle attendait un enfant et préparait la venue du père et du fils, - comme représentant du Saint-Esprit, j'étais déjà là.

à suivre
kuhing
 

Re: Le feuilleton de l'été 2009

Messagede kuhing » 25 Juin 2009, 07:51

4.2 Mutation

Depuis deux semaines que Jacqueline avait quitté Paris, Jean-Pierre l'appelait quotidiennement. Chacun tentait de maîtriser son impatience mais ce soir du 6 juillet, le jeune homme sentit un changement dans le ton ; les propos mêmes de la femme se modifiaient comme si la distance géographique qui les séparait vérifiait maintenant un dicton humain : " Loin des yeux, loin du cœur ". Le jeune homme inquiet voulut la rejoindre tout de suite mais, essuyant un refus froid et catégorique, il dut se résigner la mort dans l'âme. Je fus tout aussi surpris par ce comportement soudain que rien ne laissait prévoir. L'embryon suivait pourtant un développement normal et le mésoderme s'était bien formé. Je devais analyser de plus près la situation pour comprendre ce qui arrivait. Je passais en revue les différentes constantes biologiques jusqu'à remarquer une sécrétion légèrement insuffisante d'hormones stéroïdes accompagnant la grossesse. Outre ce petit déficit en œstrogènes et progestérone, je percevais moins nettement l'écho vibratoire de l ' âme qui habitait Jacqueline. Je saisis bientôt pleinement le drame qui se produisait quand la jeune femme s installa devant ce tableau commencé dès son retour à Nice. La nuit était tombée et la pluie diluvienne qui inondait la région depuis quelques jours n'avait de cesse. Jacqueline regardait la toile en se demandant pourquoi cette cassure s'opérait en elle puis, bloquant Sa palette de couleurs avec le pouce, elle y posa précisément quelques touches de pigment. La jeune femme contempla longuement son œuvre presque achev6e. Une Vierge à la chevelure d'or portait sans effort, au creux de ses bras repliés, l'enfant Jésus protégé dans un drap de lin écru. La trame de la peinture était d'une finesse telle qu'elle l'aurait crue réalisée par un maître de l'école flamande du XVIIème de ses siècles. A l'arrière plan, un ciel ouaté éclairait une belle vallée paisible. Jacqueline mélangea consciencieusement le bleu de cobalt avec le jaune de cadmium. Elle voyait exactement ce vert dont elle habillerait le paysage encore esquissé puis, parvenant enfin, à force de patience, à la teinte souhaitée, elle rinça son pinceau jusqu'à ce qu'il n'en sorte qu'une eau claire, le plongea dans un bleu outremer et l'approchant de la toile, peignit la vallée bleue monochrome de la planète Drhyz : j'assistais à mon osmose avec cette jeune femme qui puisait déjà dans ma mémoire. Les mitoses des cellules de l'embryon s'étaient arrêtées. Je compris que cet enfant qu'elle portait en son sein ne grandirait jamais parce que l'entité maternelle ne pouvait tolérer plus longtemps ma présence. La spiritualité de Jacqueline s'éteignait devant moi mais plus encore, le bouton embryonnaire que j ' avais investi servait désormais de facteur mutagène pour son organisme. Dans un sursaut de personnalité propre, Jacqueline se leva jusqu'à son miroir et regarda son corps qui lui échappait déjà. Sur sa tête, ses cheveux blondissaient et dégageaient largement ses tempes, ses sourcils presque disparus, rehaussaient de grands yeux aux iris indigo. Jacqueline voyait, avec la plus grande sérénité, son enveloppe se transformer en un mélange d'humain et de Drhyz. Son intellect gardait pourtant une identité mais son âme se fondait en moi comme un ruisseau se jette dans un océan. La jeune femme ne comprenait pas ce qui lui arrivait, elle savait juste qu'il le fallait. Sa raison décodait ce profond sentiment de certitude que Dieu m'avait transmis. Je ne savais pas moi-même que cet être humain servirait de support direct à mon incarnation hybride; ce choix fait parmi des millions de terriens m'appartenait - il ? S'agissait-il d'une erreur ou de la volonté propre du Créateur ? Devais-je, pour accomplir ma mission, suivre un chemin sinueux corne celui que la vie doit prendre à travers la chimie organique ? Ces sacrifices humains étaient-ils programmés ? Ces questions ne trouvaient pas de réponse en moi et moins encore chez la jeune femme que j'accompagnais ; pourtant toutes ces interrogations ne généraient pas le moindre doute en nous, la Certitude était bien plus forte.

à suivre
kuhing
 

Re: Le feuilleton de l'été 2009

Messagede CARNUS » 25 Juin 2009, 21:21

Excellent, je n'en rate pas une, (arf!)
CARNUS
 

Re: Le feuilleton de l'été 2009

Messagede kuhing » 26 Juin 2009, 07:11

4.3 Du Bleu

Quelques jours suffirent et Jacqueline fut morphologiquement complètement transformée. Sa poitrine s'était aplatie, ses doigts allongés et sa tête dont le front s'était bombé, n'était plus recouverte que d'un fin duvet incolore. Pendant la mutation, elle n'avait pas quitté sa chambre ni décroché ce téléphone qui sonnait à intervalles réguliers. La modification progressive de ses traits captait toute son attention. Elle ressemblait maintenant à un androgyne venu des pôles glacés de sa planète et sa nouvelle voix éraillée accentuait cette ambiguïté sexuelle. Fixant encore ce reflet nouveau que le miroir renvoyait d'elle, elle articula:

- " Je m'appelle Jacqueline Hughien-Leroy, j'ai 22 ans, j'étudie l'art de la peinture A l'université de Nice."

Après un silence, elle ajouta :

-" Je dois fonder la nouvelle armée de l'unification qui nous conduira vers Dieu."

Jacqueline ôta ses vêtements ; la mutation avait demandé beaucoup d'énergie. Elle n'avait bu que de l'eau pendant prés d'une semaine et avait perdu une dizaine de kilos depuis le début de son aventure ; Elle observa la crête iliaque de son bassin amaigri qui laissait apparaître une saillie sous la peau, elle gardait son anatomie génitale féminine mais cette différenciation ne présentait plus d'intérêt pour elle. Elle cacha ses formes anguleuses sous un jean et un imperméable large, mît devant ses yeux une paire de lunettes sombres, sur sa tête un bonnet à rayures bleu marine et sortit de sa chambre. La jeune femme allait confiante et je n'intervenais pas ; ma présence lui indiquait l'objectif, sa raison donnerait les moyens de l'atteindre. Elle marcha à pas rapides jusqu' à l'avenue Jean Médecin.
Il était deux heures de l'après-midi et le soleil revenu avait attiré une foule dense de promeneurs. Jacqueline se dirigeait vers la rue Pastorelli tandis que trois phonèmes résonnaient déjà dans son cerveau : I-B-K.

Elle arriva enfin devant ce magasin qu'elle connaissait bien et poussa la porte de la maison FRANCISCO. Elle reconnut l'odeur particulière des fixateurs mêlée à celle des papiers chiffon et de l'essence de térébenthine. Un vieux vendeur sortit de l'arrière-boutique et avança vers sa cliente. Ses petits yeux gris s'allumèrent d'une lueur de surprise lorsqu'il approcha plus. Il avait, certes eu affaire à bien des originaux dans son métier mais cette fois-ci, tous les records d'excentricité étaient pulvérisés.

-" Que puis-je pour votre service ? " Demanda l'homme sans s'aventurer plus loin dans la définition de son interlocuteur.

-" Du bleu." Fit Jacqueline dans un souffle rauque.

Le vieil homme acquiesça derrière ses petites lunettes rondes et s'enquit de détails supplémentaires en énumérant le contenu de ses stocks :

-" En acrylique, nous avons un très beau bleu outremer de chez Aquatex, sinon, cette marque fait aussi un bleu dit " électrique " ainsi qu'un bleu roi ; en huile, la gamme Van -Eyck propose les tons classiques plus un bleu " ardoise d'une grande finesse et un bleu azur de très bonne qualité ; lequel désirez-vous ?

Jacqueline prit un court instant de pause puis ôta ses lunettes noires pour dévoiler au vendeur ébahi ses grands yeux indigo.

-" Du bleu pigment primaire et de l'huile de lin, - I.B.K. " Dit-elle.

Le vieil homme allait de surprises en stupéfactions ; cela faisait trente sept ans qu'il tenait ce magasin de fournitures d'art mais jamais il n'avait vu un pareil énergumène. Il vendait bien, de temps à autres, de la toile de coton brut que des clients enduisaient chez eux par souci d'économie mais, fabriquer soi-même sa peinture relevait plus de l'anecdote. Il crut se souvenir cependant que cette même question lui fut posée au moins trente ans plus tôt par un jeune home habillé de bleu des pieds à la tête - mais que pouvait bien signifier " I.B.K." ?

-" Ecoutez, je ne vends pas souvent de pigments purs, dit-il, je crois pourtant en avoir commandé une petite quantité pour un client il y a longtemps. Peut-être pourrais-je le retrouver dans la cave du magasin ; quant à l'huile de lin, ne vous inquiétez pas, nous n'en manquons pas. Pouvez-vous repasser dans environ une heure ? Avec un peu de chance, je trouverai ce que vous cherchez."

Jacqueline accepta d'un hochement de tête et quand elle s'apprêtait à sortir, le vieil homme questionna :

-" Pouvez vous préciser ce que vous entendez par I.B.K. ? "

-" 458,96 nanometres" répondit-elle en remettant ses lunettes et laissant le marchand plus intrigué encore.

Le vieil homme regarda ce client hors normes sortir de son magasin en se disant que la nouvelle génération artistique promettait de faire parler d'elle. Son émotion avait été si forte qu'il ferma la porte de la boutique et y accrocha l'écriteau " De retour dans quelques minutes " avant de descendre à la cave. L'entrepôt regorgeait de marchandises mais tout était rangé minutieusement ; l'homme se diriga vers la section des peintures et déchiffra l'intitulé des tiroirs : Acryliques - vermillons ; Huiles - terre de Sienne ; Huiles - blanc de titane ". Il ajusta mieux ses lunettes et lut sur l'étiquette du casier le moins accessible: " Divers, Invendus, Substrats secs, Pigments.". Il tira l'escabeau coulissant, et dut monter sur la troisième marche pour ouvrir ce dernier compartiment. Tout au fond, il reconnut ces deux petits sachets de pigment bleu qui dormaient là depuis plus de trente ans, Il en saisit un sur lequel une note écrite de sa main Indiquait :

" Pigment base bleue, 12 grammes, commande de monsieur Yves Klein, juillet 1961."

Toute cette histoire lui revint alors en mémoire. Yves Klein, ce Jeune client toujours habillé en bleu, dont la presse locale avait parlé juste après sa mort en 1962, s'était construit une réputation en enduisant le corps de femmes nues de peinture bleue pour en imprimer les silhouettes sur de grandes toiles blanches. Klein avait conçu un bleu original qu'il avait fait breveter sous le label " International Blue Klein " peu de temps avant sa crise cardiaque fatale. L'I.B.K. se situait, selon les termes de l'artiste : " Hors de dimensions, alors que les autres couleurs, elles, en avaient." Le vieil homme ne savait pas que la découverte d'Yves Klein valut le rappel de son âme par le Grand Créateur dans l'attente du moment de l'Unification ; il remonta lentement les escaliers avec les deux sachets de pigment et une petite bouteille d'huile de lin. A peine eut-il déverrouillé la porte que Jacqueline apparut pour prendre ce dont elle avait besoin en laissant sur le comptoir son dernier crédit de 200 points.

La jeune femme se hâta de rejoindre sa chambre. Elle déballa ses cours sur la théorie des couleurs rangés dans le fond d'un placard et commença à effeuiller les notes qui portaient en exergue ce constat d'ignorance :

Il n'existe pas aujourd'hui de théorie définitive de la couleur."

Elle passa sur les " Compositiones ad tingenda musiva ", ce manuscrit de l'époque du souverain Charlemagne traitant des méthodes de fabrication des tons bleus en occident. Puis elle vit les techniques d'immersion et de cuisson dans la guède. Les indications de Léonard De Vinci, énoncées dans son traité Sulla Pittura ", retinrent encore son attention et elle lut à nouveau cette phrase du peintre Kandinsky tirée de son ouvrage : " Du spirituel dans l'art et dans la peinture en particulier

"Le bleu profond attire l'homme vers l'infini, il éveille en lui le désir de pureté et une soif de surnaturel."

Jacqueline tourna plus vite les pages de son cahier et parvint à l'information recherchée. Elle lut le petit paragraphe à haute voix :

"Yves Klein, peintre français, Nice 1928 - Paris 1962, pionnier d'un art expérimental avec ses monochromes bleus, ses "anthropométries" - empreintes de corps nus enduits de peintures, ses "reliefs planétaires". Il conçoit un ton de bleu et en dépose la formule sous le nom d' I.B.K. - International Blue Klein-. Aucun artiste peintre n'est autorisé à ce jour à utiliser ce bleu original dans ses tableaux. Yves Klein meurt dans la force de l'âge, alors que rien ne le laissait prévoir, d'une crise cardiaque.

Formule de L'I.B.K. : - Pigment pur basique bleu 8 grammes.

- Laisser macérer 48 heures dans 2 ml d'huile de lin.

- Essorer le produit et le laver à l'éther.

-Rajouter ici d'huile de lin émulsionnée dans 2cl d'éther.

- Conserver le produit à l'abri de la lumière.

Analyse Physique :

- Longueur d'onde émise : 458,96 nanometres.

- Seuil de facteur de pureté: 0.001

- Facteur de luminance : 0,426.

Jacqueline suivit scrupuleusement la recette d'Yves Klein, à la différence prés

qu'elle ajouta au mélange final 0,5 millilitres d'eau déminéralisée. Trois Jours plus tard, la longue vallée devant laquelle la Sainte -Vierge tenait son enfant Jésus s'habillait du bleu interdit, 458,999 nanometres, qui projetait dans toute la pièce le rayonnement divin.

à suivre
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Re: Le feuilleton de l'été 2009

Messagede Polack » 26 Juin 2009, 10:52

je suis également ! mieux que plus belle la vie ou julie lescaut ! (Mais en fait kuhing tu es le fils de Dieu ?)
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Re: Le feuilleton de l'été 2009

Messagede lolita » 26 Juin 2009, 21:16

c'est un bon début!
que veut tu en faire de ta nouvelle?
as tu des projets?
as tu des images ou peintures qui illustrerai l'ambiance?
je pense ( avec une réserve d'avoir lu le bouquin entièrement!) que ça pourrait faire un bon film d'animation 3D
un peu dans l'idée de l'immortel d'après bilal.... bien sur dans style et des couleurs différentes!
if you cannot change your mind are you sure you still have one?
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Re: Le feuilleton de l'été 2009

Messagede kuhing » 27 Juin 2009, 08:37

Content que le voyage plaise à certains . Si tu veux adjoindre tes talents d'illustratrice, lolita, c'est pas de refus :)
et 2 épisodes pour le WE :

4.4 Révélation


La Jeune femme disposait maintenant de l'outil qui permettait de rassembler l'armée de l'unification. Elle attendit plusieurs heures que les ultimes coups de pinceaux posés sur la toile sèchent complètement, puis enveloppa sa " Vierge & l'enfant " d'un large papier cartonné. Elle but une bonne rasade d'eau fraîche et retrouva l'animation des rues ensoleillées de Nice. Jacqueline descendait encore l'avenue Jean Médecin mais continua cette fois jusqu'à la fontaine de la place Massena où elle s'assit. Quelques touristes intrigués par son allure étrange la regardaient et se chuchotaient leurs commentaires. La jeune femme déplia alors l'emballage protecteur du tableau, le posa contre le rebord de pierre de la fontaine et obtint immédiatement le résultat escompté : un des touristes qui l'observait depuis quelques minutes s'approcha d'elle, délaissant ses compagnons surpris sur le trottoir voisin. L'homme blond au type germanique s'immobilisa en face d'elle, ôta humblement sa casquette puis s'agenouilla devant la toile peinte en baissant les yeux. Jacqueline posa sur lui son regard violet et dit :

-" Tu es le premier à rejoindre l'armée de l'unification qui nous amènera vers Dieu parce que tu as su reconnaître le reflet de la vibration essentielle, d'autres te rejoindront bientôt."

Corne s'ils avalent compris ce qui se produisait, les compagnons du jeune allemand ne tentèrent pas de le ramener à eux ; deux d'entre eux se regardèrent furtivement et, d'un commun accord, s'empressèrent de quitter les lieux. Le Jeune Helmut avait identifié la fréquence émise par ce bleu divin que Klein avait presque retrouvé. Le Créateur avait rappelé l'artiste à lui parce qu'il 8'approchait trop du but alors que ses semblables humains n'étaient pas encore prêts à recevoir une image matérielle de la fréquence divine. Le regroupement se poursuivait toujours ; les promeneurs qui passaient à proximité de la fontaine Massena voyaient qui leur ami, qui leur enfant, rejoindre Irrésistiblement la couleur divine. Ceux dont les âmes étalent trop jeunes encore pour saisir l'appel assistaient ahuris à cette scène surnaturelle ; les hommes aux âmes destructrices comprenaient, eux, le danger et s'enfuyaient par les rues voisines et tous sentaient qu'un tournant fondamental de leur histoire s'opérait. Quant A moi, Kuhing, ma mission sur Terre touchait à sa fin. J'avais remis les hommes sur la voix du Projet ; A eux de terminer maintenant l'œuvre que Jésus avait commencé deux mille ans plus tôt et, la tâche ne serait pas facile.

J'entendais le Grand Initiateur me rappeler. Le soir était tombé sur la ville de Nice et la place Massena regorgeait de monde. La nouvelle avait déjà fait plusieurs fois le tour de la Terre et des haut-parleurs annonçaient la venue du Dalaï-Lama et du pape Jean-Paul II, à peine remis d'une récente Intervention chirurgicale. Le Grand Rabbin Setruk et le Recteur de la mosquée de Paris arrivaient juste, et se frayaient un chemin entre les milliers de personnes agenouillées autour de la fontaine Massena. Pour moi, l'heure du départ approchait. Jacqueline, debout, leva ses yeux vers le ciel dont la teinte rappelait étrangement celle de la vallée du tableau, et soudain la synthèse s'opéra. Dans un hurlement ultra- sonore, la couleur des Iris de la jeune femme se fondit dans celle des cieux et du bleu de la peinture. Je sentis alors cette fulgurante accélération qui me propulsait hors de la dimension 57.


5.1 Retour à l'envoyeur


J'avais quitté la planète Terre chargée du message que je devais transmettre, et je me retrouvais à nouveau à l'interface des univers matériels et de leur source. L'agitation ondulatoire avait laissé la place à une obscurité doublée d'un silence épais. Ma décélération permit la formation progressive de mon image holographique. Suspendu dans ce vide noir, j'attendais que mes quatre frères- fils de Dieu réapparaissent à mes côtés mais telle ne fut pas la volonté du Créateur. Je demeurais dans cet état peut-être des millions de M.U. ou bien quelques nano-secondes avant qu'il me semble percevoir une faible lueur Jaune. Je tentais de fixer ce signal qui m'était envoyé quand soudain un éclair de la puissance de l'explosion d'une étoile submergea mon esprit. La luminosité résiduelle fut telle que je crus assister à ma propre renaissance ; puis, avant même de pouvoir distinguer le moindre élément alentour, Je ressentis une douleur d'une violence inouïe me traverser le corps. J'eus l'impression de m'affaisser sur un sol dur tandis qu ' une voix connue égrenait des sons synthétiques qui prirent progressivement un sens :

". F24/856 Température d'émergence ~85 Sortie tunnel de basculement 0,5 U.- Système de stockage cérébral déconnecté - Champ Magnétique, extinction : -0,6 U."

J'ouvris les yeux en secouant mon crâne étourdi. Au-dessus de moi, la sphère de contrôle de la soucoupe volante indiquait le point d'émergence dans la dimension 24 par le tunnel de basculement 856. Je me levais avec l'impression de peser des M.Rg. et Je réalisais que les lois de la pesanteur régissaient à nouveau mon corps à nouveau matérialisé. Je m'installais le plus rapidement possible sur le siège de pilotage et je bouclais casque, harnais magnétique et coque de protection. Le système de stockage cérébral se mit en marche immédiatement, et je me réveillais bientôt sur la frange extrême de la galaxie Ixa. Le pilotage automatique de mon vaisseau spatial s'interrompit et je dus reprendre rapidement les commandes. Je déplaçais légèrement mes doigts sur les touches à effleurement et programmais une vitesse ultra réduite. L'ordinateur confirma l'ordre, et la soucoupe volante ralentit Jusqu'à atteindre l'allure d'un Drhyz qui marche à pieds. Je me libérais de tous mes carcans protecteurs et je me levais dans la vaste capsule de pilotage. Au-dessus du dôme, un binôme d'étoiles incarnates confirmait ma situation dans la dimension 24. Avais-je vraiment vécu ces événements dont Je gardais le souvenir? Sur le plancher, cette valise ouverte et vide d'outils paraissait l'attester. Cependant, Si le Créateur me retournait à l'envoyeur, il prenait soin de me rendre dans mon état de départ : un simple Drhyz mortel avec ses limites et ses doutes. Un profond malaise me souleva brusquement le cœur, je me souvins qu'il correspondait à un besoin pressant de nourriture. Je saisis le conduit d'alimentation d'urgence pour le connecter directement a mon système artériel. Le riche substrat gluco-protéique qui diffusait dans mon corps calma progressivement mes troubles, mais cette indisposition organique passagère se situait au rang de l'égratignure par rapport aux souffrances mentales qui m'attendaient.

à suivre
kuhing
 

Re: Le feuilleton de l'été 2009

Messagede kuhing » 29 Juin 2009, 06:53

5.2 Ni gloubas, ni ganamous.

Les solutions qui s'offraient à moi écourtèrent mon temps de réflexion. Je pouvais prendre une destination nouvelle, rentrer sur Drhyz 08, ou actionner le système d'auto destruction de la soucoupe. Si ce que j'avais vu précédemment ne provenait pas de mon imaginaire, cette troisième solution ne réglerait aucun des problèmes. L'hypothèse de chercher une autre planète viable dans cette dimension 24 faillit me séduire ; Dieu semblait m'avoir rendu un libre arbitre, et je savais qu'il existait, dans une galaxie voisine, des astéroïdes confortables ou seule une végétation luxuriante et comestible s'était développée. Finir cette vie matérielle à me régaler de gloubas et de ganamous sans personne pour me déranger n'était-il finalement pas le meilleur choix ? Je tranchais cependant en programmant sur l'ordinateur de bord " Direction latitude ~ *~3, abscisse cosmique *<41, feuillet 24 ". L'instant d'après, la voix de synthèse confirma :

"Données enregistrées, arrivée prévue sur Drhyz 08 dans 40 U.".

Les difficultés, depuis mon enfance, m'avaient toujours attiré et, apparemment je restais le même. Je m'installais prêt à repartir vers ma planète d'origine, quand une sensation très désagréable s'empara de moi, L'origine du malaise ne provenait pas du soma ; il s'agissait plutôt d'un dérèglement de l'idéation, qui provoquait une nausée à peine supportable. Cela dura quelques centi-U. avant de se calmer sans que je sache pourquoi. " Est-il possible de se sentir aussi mal pensais-je, inquiet après une telle douleur. Je vérifiais que la réserve d'enképhaline-synthèse se trouvait bien dans le compartiment de soins du bord et, rassuré, j'en saisis une capsule pour la fixer au bout de mon index. En cas de récidive de l'affreuse souffrance, je n'aurais qu'à presser mes deux doigts pour que la puissante substance antalgique me traverse le derme et se dirige immédiatement vers mon centre nerveux. Le blocage du harnais déclencha le redémarrage du vaisseau, le prochain basculement se produirait dans 17 U., le gel d'amortissement fut réinjecté dans la coquille translucide qui m'abritait et il se figea presque dans l'instant, jusqu'à ce que l'aérodyne atteigne son allure de croisière. Je pensais à mon retour sur Drhyz 08, à la stratégie qui me permettrait d'affronter à nouveau le Grand Magellan et son conseil car enfin, je revenais sans la moindre preuve tangible de ce qui s'était passé. Les Terriens, eux, avaient bien vu le bleu divin mais comment pourrais-je le montrer aux Drhyz ? Les coefficients de diffraction de la dimension 24 ne correspondaient pas à ceux de l'angle 57 et le lin n'existait pas chez nous. Je filais vers Drhyz OS en pensant encore à ces succulents ganamous que j'avais choisi de ne pas goûter et au plan d'action à élaborer. Enfin, après 2 U. d'une intense concentration, mon épuisement physiologique m'amena dans un sommeil aussi profond que naturel. Le repos fut de courte durée. Je fus réveillé par l'intense douleur qui m'avait envahi précédemment. Je raidis mon corps pour le faire patienter mais cette fois, le mal tardait est se dissiper. Je dus presser sur la capsule d'enképhaline pour enfin retrouver le repos. J'interrompis momentanément le cycle du pilotage automatique ; je devais chercher ces petites capsules contre le mal abominable qui s'installait en moi. Il restait huit doses d'enképhaline dans la trousse et j'en plaçais une sur la dernière phalange de mon index et une autre sur le majeur. Je levais les yeux vers le dôme du vaisseau spatial, une comète scintillante passa juste au même moment. Le souvenir de l'atroce douleur me fit monter des larmes dans les yeux ; je ne me souvenais pas que cela me soit arrivé un jour. Je ne pus alors m'empêcher de hurler de toutes les forces qui restaient en moi :

" Pourquoi me fais-tu subir ça, Dieu des univers ? Pourquoi m'as-tu abandonné?" Je n'eus que le silence pour me répondre.

à suivre
kuhing
 

Re: Le feuilleton de l'été 2009

Messagede kuhing » 30 Juin 2009, 06:18

5.3 Rencontre presque fortuite 2.

Je me fixais à nouveau sur le siège de pilotage et je parcourus la moitié du voyage sans que la terrible douleur ne m'envahisse encore. Sans doute provenait-elle du choc de rematérialisation que je venais d'essuyer. Je me rassurais en pensant que, ma mission accomplie, le Créateur n'avait aucune raison pour m'infliger un tel châtiment. Je lui demandais pardon d'avoir douté de sa clémence, même si je ne savais pas pourquoi je redevenais ce simple mortel fait de chair et de sang. Le trajet se poursuivit sans problèmes et je reprenais peu à peu confiance en moi. Je devais élaborer une stratégie pour convaincre la population Drhyz et en premier lieu le conseil du Grand Magellan du bien-fondé de ma théorie du feuillet synthétique et du Projet Final dont le Créateur m'avait informé. Ma seule réapparition sur Drhyz 08 ne constituerait pas une preuve suffisante, les programmations des vaisseaux intergalactiques sur d'aussi longues distances n'étant pas infaillibles à 100%. J'optais pour une solution de camouflage : échapper aux sondes radars et me poser sur une zone peu habitée de ma planète. Je pourrais ensuite rejoindre une agglomération et me procurer des vêtements courants.

Satisfait de ce plan, je me permis une autre pause de sommeil, en gardant au bout de mes deux doigts les petites capsules calmantes.

Je me reposais paisiblement depuis près de 3 U. quand un sentiment étrange me réveilla. Je me raidi par réflexe en m'apprêtant à crever avec le pouce la première dose d'enképhaline mais il s'agissait d'autre chose. Je regardais autour de moi, tout se déroulait comme prévu et la sphère de contrôle annonçait l'approche du dernier tunnel de basculement avant mon arrivée dans le système astral Drhyz. Pourtant, je restais convaincu que quelque chose d'anormal se produisait. Je décidais une fois encore d'interrompre le système de vol automatique et de vérifier l'ensemble de la salle de pilotage. L'ordinateur annonça : " Pression intérieure caisson : normale ; Gaz caisson : normal ; ultra-réduction de vitesse demandée" et je me débarrassais déjà de mon encombrant accoutrement. Je fis quelques pas dans la capsule pour m'approcher des larges hublots latéraux A l'extérieur, l'espace sombre s'étalait à perte de vue. Des étoiles lointaines scintillaient, je traversais une zone cosmique désertique. Je me mis à vérifier le bon fonctionnement de l'opacifiant, et la vitre prit une teinte métallique ; le problème venait d'ailleurs. J'entrepris alors d'ouvrir systématiquement tous les compartiments de survie mais rien ne manquait : combinaison de rechange, trousse médicale, réserve de nourriture ; même le système de vibrations musicales était bien à sa place - d'ailleurs qui aurait bien pu l'en enlever ? . Mais mon intuition tenace ne me lâchait pas. Elle m'incita à interroger l'ordinateur du bord. La machine assura que le voyage se déroulait normalement en énumérant :

" Déviation sur la trajectoire programmée : 0 - Carburant consommé : 2,8 % - Gaz respirable consommé : 0,1% - Température interne : 4l~ ; température externe : --83v- Aérodyne apte A poursuivre son vol."

J'admis que mon intuition défaillait mais je questionnais une dernière fois, par acquis de conscience, le cerveau de la machine volante:

" Autres données disponibles ?"

Sur un petit écran témoin, l'ordinateur inscrivit :

" Zone cosmique traversée : F24/*123 - Vitesse O, 2bs - Nombre de passagers : 2 "

Un frisson parcourut tout mon corps et provoqua une pilo-érection du fin duvet qui recouvrait encore mes avant-bras. Je secouais ma tête et je relus la dernière information qui indiquait bien : " nombre de passagers : 2 ". Je regardais autour de moi, personne d'autre ne m'accompagnait dans cet engin. Je pensais soudain à l'unique endroit où un intrus éventuel pouvait se glisser : dans le réduit qui contenait les scaphandres de sortie en atmosphère létale. Je me dirigeais devant sa porte et en saisis la lourde poignée. Je renouais avec ce sentiment dont le Créateur avait doté la plupart des organismes vivants : la peur. Je déverrouillais cependant la fermeture et, je vis jaillir de l'obscurité deux éclairs, bleus comme des lapis lazulis, qui éclairaient le visage de Jacqueline.

à suivre
kuhing
 

Re: Le feuilleton de l'été 2009

Messagede Polack » 30 Juin 2009, 13:37

rebondissements, suspense... :clap:
Polack
 

Re: Le feuilleton de l'été 2009

Messagede kuhing » 01 Juil 2009, 07:37

5.4 L'épreuve

Jacqueline me regardait sans un battement de paupières et m'apparaissait sous le même aspect que lorsque j'avais quitté la Terre. Je ne savais quoi dire, surpris comme un arroseur venant de se faire arroser. La jeune mutante rompit le silence:

" Pauvre Kuhing, la tâche dont le Créateur t'a investie est aussi ingrate que lourde. Je t'accompagne dans ton voyage mais je ne pourrai pas partager la souffrance suprême que tu supporteras parce que toi, seule entité vivante la plus avancée de toutes, doit distiller les âmes destructrices de la planète Terre. Je ne sers que de connexion par laquelle elles arrivent à toi pour se purifier et permettre bientôt le Big-bang de l'unification."

Une sueur froide coula sur mon visage à l'écoute du message de la jeune femme. Elle m'expliquait que, comme Jésus de Nazareth, j'allais racheter les crimes des hommes mais à un degré bien plus fort encore - la purification finale se payait à ce prix. Je n'eus pas le temps de m'émouvoir plus, un flot des vibrations atroces jaillit des yeux de Jacqueline et se projeta en moi. Je reconnus la terrible douleur qui semblait provoquer l'expulsion de mes entrailles par la bouche. Je pressais aussitôt la première capsule entre mes doigts mais la puissance du mal m'obligea à utiliser la seconde. J'eus un court instant de répit et déjà une autre pulsion de cette fréquence infernale passa par les yeux de la mutante, me touchant de plein fouet. La souffrance atteignait des sommets intolérables comme si je sentais l'ensemble de mes organes internes sortir par les sphincters. Cette abomination dura quelques centi-U. qui me parurent longs comme une vie. Je m'étais écroulé sur le sol et Jacqueline s'approcha de mol pour me ramasser. Elle m'allongea sur un siège de pilotage et me parla avec une douceur apaisante:

-" Reviens à toi, Kuhing, fils de Dieu, la noblesse de ta tâche est à la hauteur de ton calvaire ; tu viens de digérer sept mille âmes destructrices de Terriens. Depuis que tu as quitté ma planète, les batailles font rage, l'armée de l'Unification avance pas à pas mais les destructeurs résistent farouchement. Seuls dix mille d'entre eux ont été détruits physiquement. Je t'ai envoyé leurs âmes, et tu les as lavées dans ta souffrance."

A l'écoute de ces chiffres, je compris que les six capsules d'enképhaline ne me seraient plus d'aucun secours puisque la densité d'âmes humaines destructrices que j'avais évaluée se situait aux alentours de huit millions. Il faudrait que je les engloutisse, par petites doses, au rythme des combats. J'interrogeais Jacqueline sur le comment de sa présence ici. Qui lui avait enseigné si précisément l'objectif du Projet final? Elle se retourna et s'installa devant un clavier alpha numérique qui desservait l'ordinateur de bord. Elle tapota une expression d'un mouvement rapide des doigts et je vis apparaître sur l'écran témoin :

"YIij*459oo~254 *>898_ 659 -tg487+a"

-"Mais tu écris la première équation de ma théorie du feuillet synthétique !". M 'exclamais-je stupéfait. Comment sais-tu ?

Un sourire s'esquissa sur les lèvres de la jeune femme :

-" Tu vois, Kuhing, répondit-elle, maintenant je suis un peu de toi-même."

à suivre
kuhing
 

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