de conan » 28 Juin 2009, 23:30
C'est bien résumé ! Est-ce qu'on veut militer auprès des gens peu au fait de la pensée anti-autoritaire en leur faisant passer des diplômes libertaires avec échelles de mention, ou en leur proposant des principes de fonctionnements libertaires ?
Si on prend le sujet à la racine, il y a d'un côté les anars, anti-autoritaires, et de l'autre les non-anars, autoritaires. Les anti-autoritaires restent peu nombreux. Les autoritaires sont en effet peu convaincus de l'intérêt de se convertir.
Pourquoi ?
Pourquoi y a-t-il toujours aussi peu d'anarchistes dans la population, qui reste (très majoritairement) plus ou moins autoritariste dans ses postulats ?
Toute la solution à cette question de première importance consiste à réfléchir aux moyens les plus efficaces de répandre l'anarchie parmi... des non-anarchistes, des autoritaires, des centristes, des sexistes, des patriotes, des croyants, des classes moyennes, des syndicalistes, des obéisseurs, des résignés, des cyniques, des désabusés, des votants, des comptables, des qui ont un taf de merde... bref des monsieur-madame tout-le-monde.
L'anarchie ne se rentre à priori pas dans le crâne à coups de camps de rééducation ou d'autocritique imposée, comment faire ?
Comment convaincre les autoritaires d'en venir à l'anarchisme, comme quelque chose de spontanément intéressant et souhaitable ?
Est-ce en posant face à eux comme des génies face à des sous-merdes ?
Est-ce en les combattant et en les stigmatisant ?
En les moquant, de mille et une formes de mépris altiers ?
En donnant du "facho", "macho", "petit-bourgeois" à toutes les phrases ?
En faisant peur avec des symboles ?
En glorifiant de casser, de brûler ?
En les sanctionnant ?
On taxe parfois d'utopiste l'idée que de telles stratégies surestimeraient les capacités de l'humanité à ignorer la susceptibilité, la peur, l'attachement dérisoire à des semblants de repères rassurants dans ce monde qui est un cauchemar.
Utopiste l'idée de donner sa chance à qui en prive les autres, de respecter qui ne respecte pas, d'échanger avec qui est borné, de passer outre qui attaque verbalement.
En posant ainsi en railleurs avant-gardistes, on n'attirera jamais, durant des siècles de générations étudiantes, que la frange de la population la plus intéressée par le fait de se construire une identité distincte, originale, une personnalité forte. Dont beaucoup de personnalités bourgeonnantes encore mal définies, en quête d'identité... qui seront de parfaits porteurs d'autocollants, d'attitudes militantes solitaires, masturbatoires et autosatisfaisantes, en recherche de petits fan-clubs d'autres ados en quête... adeptes de leçons à donner aux "faschos"... bref, des qui porteront la cravate dix ans plus tard, quand leur boss leur aura offert une petite place respectable et quelques piécettes en toc, dans la machine à faire du zeste d'humains. Des qui auront un crédit pour leur bagnole, mais s'écouteront les sex pistols avec un sourire après avoir licencié.
Je crois que tout l'art du non-autoritaire est d'accorder sa fin (une société non-autoritaire, de respect et de responsabilité) et ses moyens.
En ne se montrant jamais méprisant pour les personnes. En ne les insultant pas. En ne les traitant pas en brutes irrémédiables perdues pour la cause, mais en pauvres gens parasités par une éducation à la con, ayant peur de lâcher cette grille de lecture. Sensibles au fait qu'on respecte leur façon de voir, à la volonté de dépasser ensemble ses limites respectives. En montrant l'exemple ici et maintenant, sans mépris pour qui fait autrement, sans prosélytisme condescendant.
En encourageant tout ce qui désaliène au quotidien, parmi les amis, en amour, avec les enfants, avec les parents, avec les gens, au boulot, dans un syndicat, dans son organisation, dans des assocs, dans ses loisirs, dans ce qu'on bouffe, dans ce qu'on consomme, dans ce qu'on tente de produire.
On ne prépare la révolution qu'avec des gens tournés vers une autre façon de faire. Avec du désherbant, le pré jaunit, il devient tout sec. Le pré n'est vert que parce que les herbes sont vertes. Il leur faut certes le terreau fertile des expériences et des luttes proposées, mais aussi l'eau de la tendresse, le soleil des idées claires qui redonnent l'espoir.
Et toujours le sourire ! Le sourire déterminé de qui peut changer le monde, parce qu'il s'est déjà changé.