La déprime de l'anarchiste impuissant

La déprime de l'anarchiste impuissant

Messagede Cramazouk » 06 Déc 2010, 14:53

Petite prose sans aucune prétention, amoureux de la littérature, fuyez ce sujet !

La déprime de l'anarchiste impuissant

Chaque jour les mêmes doutes me hantent, les mêmes questions se posent. Un sentiment d'apathie m'accable, le goût de l'effort se fait rare. Juste l'envie de rester là, les yeux rivés vers l'écran, en jetant parfois un regard vers l'horloge.

La société dans laquelle je rame me pousse implicitement à trouver un travail stable, à m'installer et à me satisfaire du divertissement tardif après une journée de labeur. Mais aucun contrat ne m'a jusque là semblé épanouissant, intéressant, alors je passe mes journées à attendre qu'elles finissent. Au final, je commence à passer ma vie à attendre qu'elle finisse.

Que faire, comment me rebeller, comment à nouveau retrouver le goût de la vie ? Quelles sont les réelles alternatives ? Pouvez-vous me dire tout de suite et maintenant ce que je dois accomplir pour seulement réapprendre à aimer vivre ?

Lorsqu'un espoir naît, l'Etat de sa tête ou de son bras l'écrase et me jette à nouveau en proie au désarroi. Le sentiment d'impuissance qui m'habite est tel que je me finis par m'avachir dans l'inaction, laissant toute possibilité de révolte se liquéfier. Je me noie maintenant, je n'ai plus l'énergie de ramer pour rejoindre mon bateau et reprendre les rames.

J'espère seulement que c'est tout le navire qui coulera bientôt.


:(
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Re: La déprime de l'anarchiste impuissant

Messagede kuhing » 06 Déc 2010, 17:14

Je capte parfaitement ton message et pourtant je suis inséré socialement et plutôt actif à tous les niveaux .

J 'ai un travail valorisant, j'ai une utilité directe et réelle dans la société, j'ai une activité parallèle créatrice , je fais de la musique et j'ai les moyens d'enregistrer et de matérialiser mes compositions, je fais du sport, du yoga, j'ai une vie sentimentale et des relations amicales très satisfaisantes, j'ai des enfants en bonne santé qui malgré les difficultés commencent à trouver leur voie et à voler de leurs propres ailes.

Pourtant je me sens souvent comme tu te sens.

Je me reconnais dans ce que constatait Bakounine quand il disait "la liberté des autres étend la mienne à l'infini" mais je le ressens à l'envers dans le sens que :

"l'aliénation des autres étend la mienne à l'infini"

D'où un mal-être obligatoire et latent.
C'est, je crois, ce que tu décris.

Comment l'atténuer ?

Je pense que la meilleure façon de le faire est, outre la création qui personnellement m'aide beaucoup, c'est de partager avec d'autres des idées communes et de mettre en forme des échanges sociaux sur cette base.
Se battre comme on peut.
Garder l'espoir qu'un jour les choses changeront pour ce qui pour l'instant parait pour beaucoup inimaginable mais qui pourtant est si simple, si évident.
Et trouver des personnes autour de soi assez folles et en même temps assez lucide pour penser que c'est possible.

En cadeau pour toi, un titre qui fera partie du deuxième CD qu'on est en train d'enregistrer avec le groupe de musique dans lequel je suis. Cela identifie une des racines du mal et ça s'appelle :

L'état

à écouter avec un bon casque et assez fort c'est à dire à fond :)

:trinque:
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Re: La déprime de l'anarchiste impuissant

Messagede un passant » 06 Déc 2010, 21:47

kuhing a écrit:
assez fort c'est à dire à fond :)

:trinque:


J'ai des acouphènes et c'est franchement pénible par moment, cela va jusqu'au troubles de l'équilibre: a pied ça va mais plus de bicyclette certains jours. La musique à fond c'est une bétise.

http://fr.wikipedia.org/wiki/Acouph%C3%A8ne

C'est du à une grande différence de niveau de perception entre mes deux oreilles, à la foi comme niveau et comme perception grave/aigu, le cerveau ne sait pas faire face parait-il. Aucun traitement possible.
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Re: La déprime de l'anarchiste impuissant

Messagede kuhing » 06 Déc 2010, 23:15

Bad trip .
"A fond" c'était juste pour ce titre mais donc pas pour toi.
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Re: La déprime de l'anarchiste impuissant

Messagede un passant » 07 Déc 2010, 00:35

A la base j'ai une perte d'audition pour une raison inconnue (pas adepte des concert rock ni des boîtes de nuit), ensuite j'ai monté le son comme un imbécile au lieu de consulter. Depuis 15 ans peut-être tout le monde qui repassait derrière moi baissait le réglage du son des radios, chaine, etc...J'ai aggravé le truc pense le doc.

Bon cette société me déprime aussi, les gens avec qui je bosse aussi: j'ai essayé de leur ouvrir les yeux, cout de leur tabagisme, cout annuel de leurs conneries de jeux à gratter "oh c'est juste la monnaie de l'apéro ça ne compte pas", consommation de conneries et gadgets alors qu el fins de mois son dures pour certains etc, etc Comme la boite ou on bosse ne marche que d'une jambe et que le taulier ne roule pas sur l'or difficile de leur expliquer qu'on est exploité par le capitalisme. je suis perçu comme un rabat-joie.
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Re: La déprime de l'anarchiste impuissant

Messagede RickRoll » 07 Déc 2010, 08:34

De mon côté il ne faut pas que j'affiche trop mes préférences politiques au boulot, j'ai renoncé à convaincre autour de moi. Mes amis connaissent mes idées sans forcément les partager. Mais je ne déprime pas pour autant !
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Re: La déprime de l'anarchiste impuissant

Messagede Cramazouk » 07 Déc 2010, 10:13

"l'aliénation des autres étend la mienne à l'infini"


En effet, cette phrase explique pas mal "la déprime de l'anarchiste" je pense. La mienne en tout cas. Le fait de se sentir souvent seul au milieu de nos amis/famille à rejeter en bloc ce qu'ils considèrent comme l'habitude ou la tradition. Plus que la déprime de l'anarchiste en fait, cette phrase traduit la déprime du marginal.

Je pense qu'avant tout je dois trouver un boulot où j'arrive à m'investir, "parce qu'il faut bien travailler" (dans la société actuelle) quand on veut profiter de certaines choses, en tout cas tant qu'on n'aura pas réussi à pérenniser certaines "alternatives en actes". Le "vivre avec le RMI" du film de Pierre Carles me semble impossible quand on veut profiter de la vie urbaine.

Pour l'épanouissement hors du travail (puisque mes expériences ne l'ont jamais été, épanouissantes), j'étais heureux de me dire "je vais m'investir dans la maison de la grève", mais avant même que je puisse transformer cela en actes justement, la police avait tout cassé ! :rastasad:

Plus qu'à trouver autre chose !

Ce qui me débecte c'est que pour rendre agréable notre vie on est obligés de trouver des compensations, des consolations... C'est comme ne pas être chez soi et de n'avoir d'autre choix que s'acclimater.
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Re: La déprime de l'anarchiste impuissant

Messagede kuhing » 07 Déc 2010, 15:25

Zak Blayde a écrit:
Ce qui me débecte c'est que pour rendre agréable notre vie on est obligés de trouver des compensations, des consolations... C'est comme ne pas être chez soi et de n'avoir d'autre choix que s'acclimater.


Tout à fait.

L'argent n'est qu'un anesthésiant au malheur.
Quand tu en as pas tu es tellement rivé sur le fait d'en avoir pour au moins fonctionner que le reste passe après.
Mais quand tu réussis à en avoir suffisamment pour fonctionner correctement, tu t'aperçois que le but n'était pas là, qu'il s'agit d'un pis-aller qui aide seulement à masquer les vrais problèmes que tu subis forcément et qui t'entourent.

Dans ce contexte, avoir de l'argent c'est mieux que de crever la dalle certes mais ça ne règle en aucun cas les problèmes de fond.

C'est pour ça que je pense, et ça en choque parfois certain-e-s, que même ceux-celles qui ont accès aux richesses matérielles de cette société ne sont pas pour autant heureux-ses, qu'ils-elles sont juste anesthésié-e-s.
D'ailleurs un bon nombre d'entre eux-elles utilisent des produits directement anesthésiants comme la cocaïne ou d'autres substances de ce type.
Il y a aussi ceux qui utilisent le pouvoir que donne l'argent pour satisfaire une fonction perverse et primaire de la personnalité afin de compenser ce que l'argent ne peut pas apporter.

Mais au fond même ces "privilégié-e-s" ont aussi un intérêt à ce que ce système change.

L'essentiel de ce qui nous rend heureux-ses durablement se situe dans la possibilité d'avoir une activité créatrice et épanouissante, pour certains -mais pas forcément pour tous- de se sentir utile à quelque chose ou aux autres et, enfin avoir des échanges sociaux et des relations humaines harmonieuses que ce soit la simple coopération, l'amitié ou l'amour.

Tout ceci n'est pas possible, ou si peu, dans le système dans lequel nous vivons parce qu'il est injuste à sa base et fonctionne sur l'exploitation des uns sur les autres. Il y a un déséquilibre à réajuster et il s'agit bel et bien de changer tout, fondamentalement, radicalement.

Le blues de l'anarchiste se situe pour moi dans ce décalage entre la conscience de cet état de chose et le fait que ça n'arrive pas pour le moment.
Il y a aussi toutes ces résistances de ceux et celles qui ne peuvent pas même imaginer que cela puisse arriver un jour parce que selon l'expression consacrée : "ça n'a jamais marché donc comment veux-tu que ça marche ?"

Heureusement, il y en a aussi et de plus en plus qui pensent, plus ou moins clairement, que nous avons tout à gagner à passer à autre chose que finalement nous sommes les propres acteurs de ce que nous vivons et, que l'avenir sera ce que nous en ferons.
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