Parce qu'être fauché comme les blés ne devrait pas être une excuse pour ne pas ligoter de temps en temps, je te donne icicaille quelques trucs et astuces pour te faire de la pacotille à la mitaine chez les grands marchands de culture en boîte. Tu flippes comême de te faire prendre marron sur le tas ? Grâce au vas-y donc là Boehme, super gadget, tu pourras jouer à « essaye de me pincer, ça me fait marrer ! »
D'abord, faut voir la version du grimoire des robins. Concrète, son rayon, c'est l'article 311-3, section 1. Elément matériel, qu'ils disent : la soustraction d'un bien possédé par un autre. Mais y a l'élément moral (à s'esganacer !), et c'est que l'escard doit reconnaître le « caractère frauduleux » de son affaire. On connaît le proverbe, le conseilleur n'est pas le payeur, mais je donne ce tuyau : si on te pince, faut reconnaître que daille, c'est à euzière de prouver clair comme jour que t'as grinchi. Et faut pas croire que c'est dans la poche. Les voies de la gestion sont impénétrables, surtout dans leur fourbi. Et les gorilles n'ont pas à te faire les poches. T'es juste un dabe qui déambule en père-peinard, avec des babillards que t'as billé au diable Vauvert.
D'où la nippe. Faut un minimum baliser le potager si on veut s'y servir un peu. Faire dans la psychologie du roublard, bonne pomme contre bonne poire. Déboule pas avec tes frusques de fileur de comètes ou de petite frappe de banlieue, fignole-toi un peu ! Singe le singe, allure respectable de pommadin, lorgnons des miraculeux voyants, garde-à-vous respectable des comptables, sommeil de l'innocence, et tout le toutim ! Pioche dans ta cave deux ou trois radis, une serviette, et pointe au bonheur des cons culturels. Avec ça, t'es couvert un maximum.
Mais faut encore jouer la petite comédie, discrète, à la grecque. Rapine ce que t'as à rapiner, direct nature dans la sacoche ou dans les mains, sans se planquer, mais file pas dare-dare, malheureux ! Compte un peu les minutes en épluchant quelques navets poussés dans le style du dernier BHL. Habitue-toi aux fauchés, l'air du proprio viendra s'afficher tout seul sur ta gueule — sale à cette heure. T'en fais pas, on arrive au finisch. Sors du Gibert Joseph ou de la Fnac avec ta trogne de caffard, sourire jaune, et un petit bonjour bien cordial aux bonneaux. Si y en a un qui moufte et te demande d'abouler la facture, tu lui dis : « y a pas de quoi, crevure », et tu lui dis qu'il est à tézigue, et que c'est à lui de démontrer par A + B que non. S'il y va encore de la rebiffe, et comme t'as autre chose à faire que t'emmerder avec lui, tu lui joues le type qui a quelque chose sur la braise, le classique « vous aurez de mes nouvelles, mon cheeeeeerrrr, si vous persistez à m'importuner de la sorte », puis tu décarres illico. Pour aider à l'entreprise, tamponne discrètement les braillards avec le blaze d'une bibli fictive, c'est facile à faire faire et pas cher.
Voilà pour ce qui est de mon truc. Question éthique, mon cheval de bataille à mézigue, c'est qu'il faudrait foutre la paix aux petits bouclards, même si c'est plus millefeuille de s'y faire les mains. Sont déjà pas jouasses de voir leurs comptes à la Sainte-Touche, à l'heure que les grands fourre-tout s'en mettent plein les fouilles à chaque marques. Après, y a le sentiment. Si ma gueule revient pas des masses à ce salaud de proprio de la LGDJ, rue Soufflot (on peut y faucher des dicos et des codes fastoche, parole !), je vais pas me gêner, mouise ou pas mouise. Ensuite, faut bien se faire rentrer dans sa petite caboche l'idée que le bouquin n'est pas à nouzigue. C'est pour ça qu'il faut faire tourner, faites tourner un maximum, et gratis ! La culture, ça appartient à tout le monde et ça appartient à personne. Ca vient au fil des rencontres, des découvertes, littéraires ou humaines; ça vous en met plein la vue, et pis ça vous suit jusqu'à la tombe.