C'est l'été de ses 20 ans, et Kevin Tanneau veut voler de ses propres ailes. Début juin, il a décidé d'arrêter ses études d'anglais, de s'installer dans le centre de Quimper et de chercher un emploi de serveur. Mais depuis, il n'a rien trouvé. Ce vendredi 3 août, chemise et costume sombre qui détonne au milieu des touristes en balade, il est une nouvelle fois éconduit, poliment, dans l'un des rares restaurants du centre touristique où il n'ait pas encore déposé son CV.
"J'ai une équipe à l'année, complétée par quelques étudiants recrutés depuis longtemps pour l'été", lui explique la patronne. "Je sais que je m'y suis mis trop tard, admet le jeune homme, mais j'aimerais que les patrons comprennent que serveur n'est pas, pour moi, un travail d'été. C'est le métier que je veux faire." On le sent déçu que ses efforts pour se prendre en main après deux années de "glandouille à la fac" n'aboutissent pas plus rapidement. D'autant que le loyer de son nouvel appartement n'attend pas, malgré les 500 euros d'aide à l'installation versés par le conseil général du Finistère.
Si, à Quimper, le taux de chômage reste inférieur à la moyenne nationale – 8,5 % en décembre 2011, contre 9,8 % en France –, de nombreux jeunes perdent l'espoir de trouver un emploi cet été. "Alors qu'on avait été, jusqu'ici, relativement épargnés, on a l'impression que, désormais, tout s'accumule : la crise, la mauvaise météo, le coût du carburant en hausse et, maintenant, la situation de Doux , qui pèse sur le moral", constate Roselyne Guéguen, directrice de la mission locale pour l'emploi du Pays de Cornouaille.
A l'Union des métiers et des industries de l'hôtellerie (UMIH) du Finistère, on fait état d'une baisse des réservations de "20 % à 30 % dans les hôtels et pour les locations" et d'une baisse du chiffre d'affaires des restaurants, "pas tant en nombre de couverts qu'en montant moyen du ticket, tout cela aussi bien en raison de la météo que de la crise". "Il y a eu beaucoup d'annulations de contrats de travail à la dernière minute", dit-on.
L'agroalimentaire, qui avait permis à la région de ne pas trop souffrir lors de la crise de 2008, n'est pas dans une meilleure situation. L'agence d'intérim spécialisée de Quimper ne prend plus aucun CV depuis fin juillet – "trop de candidats, pas assez de postes". Chez Bonduelle, l'une des plus grosses usines de la zone d'emploi, on n'a pris que 50 saisonniers cette année, contre 60 à 80 d'habitude. "Nos salades préparées ont pâti de la météo, peu propice aux barbecues", explique la responsable des ressources humaines.
150 CANDIDATURES, NEUF POSTES
Alors que les chiffres étaient en baisse depuis le début de l'année, le nombre de jeunes reçus en juillet à la mission locale a augmenté de 11 % par rapport à 2011. A Pôle emploi, si le nombre d'offres de contrats saisonniers est assez stable d'une année sur l'autre, "on sent une montée du besoin en qualification chez les employeurs, qui ont aussi de plus en plus de mal à anticiper leur activité", témoigne Geneviève Le Meur, chargée de l'hôtellerie-restauration pour le bassin d'emploi. Lors des forums sur l'emploi saisonnier, au printemps, les employeurs se tournaient plutôt vers les chômeurs plus âgés et les saisonniers expérimentés, toujours plus nombreux.
Sébastien Esnault, à la tête de l'un des gros bars-crêperies du centre, a ainsi reçu "plus de 150 candidatures" pour les neuf postes qu'il propose l'été. En conséquence, les profils avec expérience passent avant les autres, même s'il fait l'effort "de prendre un ou deux jeunes sans CV, parce que c'est comme ça démarré vie professionnelle". Chez le glacier, une quinzaine de CV ont été reçus dès mars pour l'unique poste de vendeur. L'étudiante retenue avait déposé le sien dans cinquante endroits avant d'obtenir une réponse positive.
Comme Kevin Tanneau, ils sont donc plusieurs jeunes peu qualifiés à rester sur le carreau de la mission locale début août. Même s'il enchaîne les contrats précaires et les missions d'intérim depuis ses 18 ans, Jonathan Thepot, 21 ans, n'a pas obtenu d'entretien pour un job cet été et a vu un contrat de professionnalisation chez Carrefour lui passer sous le nez. "Ils ont donné le poste à quelqu'un qui avait déjà cinq ans d'expérience. Je ne comprends pas comment c'est possible", constate-t-il, écœuré.
Matthieu (son prénom a été changé), 18 ans, un CAP de cuisine en poche, n'a pu trouver un poste que dans une pizzeria. Depuis deux semaines, il cumule cet emploi avec un poste de chef cuisinier au noir, le midi, avec la promesse de bientôt passer en contrat pour trois semaines. "J'ai peur que ma situation ne dure trop longtemps. La pizza, ça ne fait pas très bon effet sur un CV de cuisinier", s'inquiète-t-il.
Pour rassurer ces candidats dépités, les conseillers évoquent des perspectives "pour la saison d'hiver, où nous avons un partenariat avec un organisme pour vous embaucher à la montagne et vous assurer une qualification". Mais l'espoir est perdu pour cet été.
Présidente de la mission locale et vice-présidente de Quimper Communauté, Armelle Huruguen (PS) ne cache pas son inquiétude. "J'ai eu des étudiants qui sont venus me voir, début juillet, pour me dire qu'ils n'avaient rien trouvé cet été, alors que, d'habitude, ils travaillent sans difficulté. Ils étaient inquiets pour leur capacité à continuer leurs études", dit-elle. "Avant, quand je tombais sur un jeune qui demandait de l'aide à la fin de l'été alors qu'il n'avait pas travaillé, je lui disais : 'Fallait bosser !'", raconte-t-elle. Cette année, on ne pourra pas reprocher aux jeunes demandeurs d'emploi de Quimper d'avoir chanté tout l'été.
Jean-Baptiste Chastand (Quimper, envoyé spécial)
Loin de l’image courante du job d’été agréable, le travail saisonnier concerne aujourd’hui de nombreuses populations précaires et est souvent l’occasion d’abus qu’il faut faire cesser. Pour ces contrats, on retrouve notamment des jeunes qui veulent payer leurs études, des retraité-e-s qui doivent compléter leur faible pension, des seniors licenciée- s qui n’arrivent pas à retrouver un emploi, des femmes avec des périodes d’inactivité forcée, des travailleur-euses migrant-es soumi-es à des situations d’esclavage moderne, et des chômeur-euses de longue durée…
Ces salarié-es sont bien souvent les plus éloigné-es des organisations syndicales et les moins informé-es de leurs droits. Pourtant, il existe de nombreux droits et recours pour se faire respecter. L’Union Syndicale Solidaires a donc édité un guide récapitulant l’essentiel de ce qu’il faut savoir lorsqu’on effectue un travail salarié saisonnier. Ce guide donne les bases juridiques des droits des salarié-es en se référant systématiquement au code du travail et traite particulièrement des points posant le plus souvent problèmes (contrat de travail, rémunération, heures supplémentaires, temps de pause, travail de nuit, congés payés, arrêt maladie, congé pour examen…)
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